Citations de Aldo Naouri (199)
Est-ce à dire que ce sont les femmes qui savent le mieux ce qu'il en est de la vie ? Et que ce sont elles qui peuvent le mieux définir ce qui est indispensable son plein épanouissement ?
Tout mon travail de réflexion et l'ensemble de mon parcours ultérieur lui resteront en quelque sorte redevables. Je mettrai des années à mesurer l'étendue des horizons qu'elle avait voulu, à m'entraîner à sa suite, me faire entrevoir. Et quand je franchirai le pas, je m'engouffrerai dans une aventure qui n'a toujours pas vu sa fin et au sein de laquelle cette écriture constitue l'hommage, hélas tardif, que je lui rends et l seul moyen que j'ai trouvé pour apurer un tant soit peu ma dette à son endroit.
Tout cela serait tellement plus simple, tellement plus facile à vivre si on pouvait seulement y mettre un peu de langage, ne pas ruminer ses convenues, ne pas tomber dans les pièges et les leurres d'un illusoire pouvoir, ne pas céder au poids de l'histoire, ne pas laisser le silence s'installer et tout ruiner. Ce qui n'est bien sûr pas facile quand tout est profondément enraciné et qu'on évolue dans des sociétés où l'éphémère a été mis au pinacle et où les effets du temps et de la transmission ont été vidés de tout leur sens. Mais tout pourra^it être encore rattrapé s'il pouvait seulement y avoir une forme de méditation, une forme d'ordre serein, qui puisse mettre, entre les filles et leur mère l'indispensable distance qui les préserveraient, les unes des autres, les unes et les autres, de la confusion et du malheur.
Je postule que les mères obéissent à leur insu, pour ce qui les concerne, à une logique de la multiplication de filles qui n'est ni gratuite ni cynique ni foncièrement ou délibérément malfaisante. Et je ne doute pas un instant - je pense l'avoir assez laissé entendre - de la qualité de leur investissement et de l'authenticité de l'amour qu'elles portent en conscience et de l'authenticité de l'amour qu'elles portent en conscience à chacune de ces filles en surnombre. Les nuances qu'elles mettent en place se situent ailleurs.
On aura compris que c'est entre les deux figures extrêmes que j'ai esquissées que se situent les innombrable nuances affectant les femmes, filles et mères que nous croisons ou que nous pouvons croiser dans notre quotidien. Et cette extrême variabilité des situations, loin de produire un effet de casse-tête ou de rendre insolubles les problèmes qui peuvent se rencontrer, constitue bien au contraire, pour chacun et chacune, la garantie de son originalité, tout comme elle m'ancre de façon plus vivifiante encore dans son histoire.
La constante de ces situations étant que, même quand le ton de la confidence emprunte la voie de la rage et traduit une vieille et inépuisable revendication, l'ensemble du propos semble toujours vouloir plaider non pas contre mais pour la mère et lui fournir des circonstances atténuantes. Comme s'il y flottait une sourde et mystérieuse terreur destinée à cantonner le ressentiment dans des limites raisonnables.
Comme il faut toujours, néanmoins, un point de départ pour décrire un enchaînement de faits, je laisserai délibérément de côté tout ce qui vient avant ce que j'entreprends de décrire.
...même s'il peut en être proche et y être profondément attaché, son père, c'est comme je l'ai déjà dit, ce tiers qui lui est totalement étranger : il ne l'a jamais porté dans son ventre et il n'a jamais engrammé en lui d'alphabet perceptuel qui permet l'établissement d'une communication immédiate.
Quitte donc à me répéter et à alourdir mon exposé, je dirai que dans une famille où il y a plusieurs filles, l'injonction de répétition n'en vise jamais qu'une seule e t que le choix qui en est opéré par la mère l'e t plus sous la pression d'effets d'histoire qu'en rapport avec le rang de naissance de l'enfant.
Elle a donc fait des garçons, elle. Seule signature qu'elle se soit autorisée de sa révolte.
L'amoindrir c'est m'amoindrir. La casser c'est e casser La mépriser c'est me mépriser.La juger c'est, non seulement me juger, mais m'exposer à être un jour jugée à on tour. Et comment imaginer que j'aie pu un jour ne pas m'en sentir aimée. Si je ne l'avais connue aimante et si je ne la reconnaissais pas encore à ce jour aimante, que pourrais-je faire de ce désert affectif et pourrais-je me sentir un jour digne d'un quelconque amour ?
Je ne peux pas cracher sur ma mère sans me renier et me détruire puisque j'ai longtemps rêvé d'être comme elle en désespérant souvent y parvenir un jour. Je ne peux pas la regarder comme je sens, aujourd'hui, qu'elle est en réalité, puisque c'est son exemple qui m'a happée, qui m'a hantée, qui m'a inspirée.
... je n'ai pas trouvé de meilleur moyen pour montrer combien, sur ce terrain concret aussi bien que dans le sujet théorique dont je traite, il faut se méfier des apparences et se garder des conclusions hâtives ou réductrices. Tout est toujours encore plus complexe qu'on ne peut l'imaginer.
J'étais persuadé que les femmes bretonnes étaient de solides, plantureuses et blondes créatures, à l'image de ces jeunes filles que je recrutais depuis quelque temps et qui prenaient nos deux enfants en même temps, en les coinçant chacun sous un bras, pour faire cesser leurs caprices et porter d'autorité de leur chambre à la baignoire. Etait-il possible qu'il en fît de toutes petites, fluettes et brunes ? J'étais complètement perdu.
... que la pornographie soit du seul goût masculin. Comme si les hommes pensaient pouvoir, par son entremise, pénétrer un mystère qu'ils subodorent et dont ils veulent obstinément convertir le perçu en des termes qui leur soient accessibles.
C'est en soi une erreur, et une grave erreur, de parler, comme on le fait en ce type d'occasions, d'enfants désirés ou non désirés. Ces expressions devraient être définitivement bannies du langage. D'enfants mis au monde, il n'y a que des enfants voulus ou non voulus. Un point c'est tout. Car tous les enfants sans exception sont, en toutes circonstances, dès leur conception et par définition, désirés. Le vouloir est en effet de l'ordre de la conscience et le désir de l'ordre de l'inconscient. Et il arrive, bien plus souvent qu'on ne le croit, que les deux instances soient en désaccord, voire en profond désaccord ) ce qui ne veut d'ailleurs pas dire qu'on doive systématiquement se placer idéologiquement du côté de l'une plutôt que du côté de l'autre. Il se vérifie, néanmoins, que c'est toujours l'inconscient qui mène le jeu. E comme il n'a aucune difficulté à se jouer de la volonté, il est à même de produire aussi bien des symptômes que des grossesses - ou encore des actes manqués [...].
Si on veut évacuer les phénomènes de déplacement et installer les individus de tout sexe dans leurs droits, et surtout dans leur dignité, encore -faut-il que les places de chacun soient parfaitement repérables et clairement connues. une telle tâche ,ne peut malheureusement pas être le fait d'initiatives isolées. Elle ne peut être menée à bien, comme on sera amené à le voir, que par une sollicitation et un consensus de l'environnement social.
... - je le répète - on ne peut jamais comprendre un destin autrement qu'en reprenant le parcours relationnel sur trois générations au moins.
... nécessité d'une double présence parentale. Car si le garçon est totalement livré au désir de transcendance de son père, et qu'aucune protection maternelle ne vienne réguler ce désir, le résultat est catastrophique ; c'es la voie ouverte à la paranoïa.
J'ai assez insisté sur l'importance que j'accorde aux phénomènes biologiques pour ne pas m'égarer. J'ai déjà signalé que leur sperme fournit en quantité strictement équivalente les spermatozoïdes qui confèrent à l'embryon l'un ou l'autre sexe. Comme c'est une mécanique du corps féminin qui intervient dans ce cas-là il importe pour ne pas perdre le fil du raisonnement, de strictement matricentrer le débat.