Pour quoi vous levez-vous le matin ? Se construire et construire
Pour la première fois, une centaine de personnalités - astronaute, philosophe, biologiste, chef cuisinier, artiste, pilote de ligne, astrophysicien, mathématicien... - dévoilent leur moteur intime. La motivation qui les pousse à agir, créer, travailler, espérer, vivre au mieux chaque jour et à donner du sens à leur existence. Leurs réponses poétique, amusantes, profondes, tragiques ou ludiques sont autant de témoignages de vie. Ces textes courts, illustrés par
Hélène Crochemore, offrent tout à la fois connivence, réconfort, plaisir et inspiration.
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Pour laisser votre propre témoignage :
Site de l'ouvrage : https://whygetup.org/fr/
Les auteurs par ordre d'apparition :
Cédric Villani
Jacques Arnould Jean-Louis Israël Monique Atlan Jean
Audouze
Nicholas Ayache
Jean-Paul Delahaye
Gérard Berry Catherine
Bréchignac Alexandre Fleurentin Edgardo D. Carosella
Thibault Damour
Jean Botti
Enki Bilal
Anne Cheng
Maxime Abolgassemi Catherine
Maunoury Rémy Camus
Gérald Bronner
Laurent de Wilde Mercedes
Erra
Roger-Pol Droit Étienne Klein Yohann Thenaisie
Alexei Grinbaum
Marc Dugain
David Elbaz
Xavier Emmanuelli Hervé Fischer Marc
Fontecave Maud Fontenoy
Jean-Gabriel Ganascia Claire Gibault Pascal
Pujol
Olivier Gechter
Anatole Lécuyer
Yves Gingras
Gabrielle Halpern
Hartmut Rosa
Marcel Hibert
Jean-Jacques Hublin Patrick Iglesias
Zemmour
Marc Lachièze-Rey
Gilles Macagno Virginie Martin William
Marx
Jean-Michel Othoniel Patrick Pissis Cyril Rigaud
Aldo Naouri
Emmanuelle Pouydebat
Frédéric Thomas
Adrien Rivierre Thomas Sterner
Étienne Vernaz
Matthieu Ricard Stuart Vyse
Sylvie Cafardy
Jean-Pierre
Sauvage Norbert Gautrin Claire
Mathieu
Jacques-Alain Miller Jean-
Philippe Uzan
Miroslav Radman
Geneviève Héry-Arnaud
Giancarlo Faini
Jean-Louis Étienne
Jean-Pierre Luminet
Guillaume Néry
Alain Bernard
Guillau + Lire la suite
C'est en soi une erreur, et une grave erreur, de parler, comme on le fait en ce type d'occasion, d'enfants désirés ou non désirés. Ces expressions devraient être définitivement bannies du langage. D'enfants mis au monde, il n'y a que des enfants voulus ou non voulus. Un point c'est tout. Car tous les enfants sans exception sont, en toutes circonstances, dès leur conception et par définition, désirés. Le vouloir est en effet de l'ordre de la conscience et le désir de l'ordre de l'inconscient.
... je suis une fille sans mère... pardon, je voulais dire : une mère sans fille (entendu en consultation)
Elle venait en quelques phrases, de me jeter hors de ma coquille et de me propulser dans un monde dont la lumière aveuglante m'explosait en plein visage. Et je ne me doutais pas alors de l'importance cruciale de ce que j'étais en train de vivre. Le choc était des plus rudes. Il me tirait d'une léthargie dans laquelle je ne m'étais pas imaginé avoir, à ce point et aussi longtemps, sombré. Les événements et les faits les plus étonnants s'étaient succédé et se succédaient à une vitesse telle que le temps écoulé avait pris une singulière densité. Ce qui s'était produit en moi en quatre jours à peine ressemblait à une véritable mue.
Toutes les histoires de couple peuvent somme toute se lire sur fond de cet inévitable désir de chacun des protagonistes de trouver avec l'autre, par l'autre et dans l'autre, ce qu'il croit être la bonne et toute simple manière de résider dans la vie.
[···] s'il est vrai qu'une analyse parvient à libérer un individu d'un certain nombre de ses entraves, elle n'a jamais prétendu le désinsérer de la totalité de ses déterminants.
Les études médicales ne se soucient pas en effet de conférer aux étudiants le moindre rudiment de ce que sera leur relation ultérieures à leurs patients et encore moins celle que ces mêmes patients auront à eux, sans parler du silence soigneusement entretenu sur le rapport de tout humain à la vie et à la mort. Il n'y est question que du corps, encore du corps, toujours du corps, quasi au sens anglais du terme "corpse" avec lequel il assone : un cadavre, inopinément, miraculeusement et transitoirement vivant, dont il faut freiner autant que faire se peut le retour à un état inéluctablement finalisé.

Qu'il soit l'objet de mon rejet ou celui de mon attention, que je le fuis ou que je m'associe à lui, l'autre demeure donc toujours pour moi celui par lequel, d'une manière plus ou moins claire, plus ou moins consciente, je peux me renseigner d'abord et avant tout sur moi-même. Sauf exception, la réciprocité de cette relation me permet en effet de lire dans sa personne la manière dont sont inscrites les sempiternelles articulations qui m'occupent moi-même, et de découvrir tôt ou tard que cette modalité d'inscription fait singulièrement écho à celle que je subodorais comme étant la mienne. Ce qui n'est pas sans intérêt puisque c'est, pour lui comme moi, le premier pas vers la compréhension de la façon dont tout cela s'est un jour organisé et la découverte que chacun de nous peut faire de la rémanence en lui de cet échange duel fondateur, de ce premier échange duel à la mère. Avec ce qui s'y convoite d'attente, d'espoir, d'amour et de bonheur des demandes satisfaites à côté de ces haines, rancunes, jalousies et violences qu'ont inévitablement semées la frustration et la déception.
Le temps n'est plus où les badauds se découvraient et où les échoppes baissaient décemment leurs stores sur le passage des lents corbillards. Le temps n'est même plus où les vivants témoignaient par ces gestes, convenus mais unanimes, de leur peine ou de leur culpabilité commune face au triomphe récurrent de la mort. On ne se donne plus rendez-vous qu'à la porte du cimetière pour une forme de corvée intégrée dans la logique marchande et dont on s'efforce, sous le prétexte d'une incompréhensible décence, d'écourter la durée.
On ne se trouve pas confronté à un simple changement de code de communication. Il semble que l'on assiste plutôt, dans la surprise, l'incrédulité et l'impuissance, au retour d'un refoulé d'une violence si grande qu'on ne peut en imaginer la constitution que dans les temps les plus reculés de notre mémoire.
On est tellement persuadé de ses capacités de jugement, de son autonomie de pensée, de sa liberté d'appréciation, qu'on ne prend pas garde aux pièges que recèle toute situation qu'on croise et qui met toujours en branle ce passé lointain, insaisissable et dont on ne veut plus rien savoir. Les jugements ne se font alors qu'à l'emporte-pièce, au mépris des nuances et à l'écart de toute dialectisation. Ce qui fait toujours la part belle à la force et à la violence.
La place du père, c'est donc, encore et toujours, d'une disposition maternelle qu'elle dépend et qu'elle découle. C'est, autrement dit, encore et toujours, une histoire de femmes. Une histoire de règlements de comptes entre femmes. Une histoire de place à occuper au milieu de femmes. Manière de dire que ce qui fait – ou ne fait pas – un père c'est la femme qu'il s'est choisie avec ce qui se rattache de femmes sur elle et à elle.