Citations de Aldous Huxley (1317)
La création, le mal, le temps - trois mystères, au sujets desquels, en dernière analyse, on peut dire seulement qu'ils sont en quelque sorte liées entre eux, et que leur rapport avec le mystère plus grand de la Réalité divine est un rapport de limitation. La création et le temps sont les résultats de quelque processus cosmique de limitation de la substance spirituelle éternelle, alors que le mal est le nom que nous donnons à un processus secondaire de limitation effectué par les créatures à l'intérieur de l'ordre de la création, - limitation de l'état individuel de créature envers son propre moi, à l'exclusion de toutes les autres créatures, et envers ce qui s'étend au-delà de toutes les créatures.
Toutes sortes de "cultistes" et d'originaux enseignent toutes sortes de techniques pour acquérir la santé, le contentement, la paix de l'esprit ; et pour beaucoup de leurs auditeurs, beaucoup de ces techniques sont (la chose est démontrable) efficaces. Mais voyons-nous des psychologues, des philosophes et des ecclésiastiques respectables, descendre hardiment dans ces puits bizarres et parfois malodorants, au fond desquels la pauvre Vérité est si souvent condamnée à s'asseoir ?
Tout individu est à la fois le bénéficiaire et la victime de la tradition linguistique dans laquelle l'a placé sa naissance, - le bénéficiaire, pour autant que la langue donne accès à la documentation accumulée de l'expérience des autres ; la victime, en ce qu'elle le confirme dans la croyance que le conscient réduit est le seul conscient, et qu'elle ensorcelle son sens de la réalité, si bien qu'il n'est que trop disposé à prendre ses concepts pour des données, ses mots pour des choses effectives.
Nous vivons ensemble, nous agissons et réagissons les uns sur les autres ; mais toujours, et en toutes circonstances, nous sommes seuls. Les martyrs entrent, la main dans la main, dans l'arène ; ils sont crucifiés seuls. Embrassés, les amants essayent désespérément de fondre leurs extases isolées en une transcendance unique ; en vain. Par sa nature même, chaque esprit incarné est condamné à souffrir et à jouir en solitude. Les sensations, les sentiments, les intuitions, les imaginations - tout cela est privé, et, sauf au moyen de symboles, et de seconde-main, incommunicable. Nous pouvons mettre en commun des renseignements sur des expériences éprouvées, mais jamais les expériences elles-mêmes. Depuis la famille jusqu'à la nation, chaque groupe humain est une société d'univers-îles.
Il n'y avait dans sa voix aucun apitoiement égoïste, aucun appel à la sympathie - rien que la constatation irritée d'un stoïque lassé par la comédie interminable de l'impassibilité et qui confesse la vérité à contrecœur.
-Mais je n'en veux pas, du confort. Je veux Dieu, je veux de la poésie, je veux du danger véritable, je veux de la liberté, je veux de la bonté. Je veux du péché.
Il avait découvert le Temps, la Mort, et Dieu.
Tel est le but de tout conditionnement. Faire aimer aux gens la destination sociale à laquelle ils ne peuvent échapper. p35
-Le foyer, la maison, quelques pièces exiguës, dans lesquelles habitaient, tassés à s'y étouffer, un home, une femme périodiquement grosse, une marmaille, garçons et filles, de tous âges. Pas d'air, pas d'espace; une prison insuffisamment stérilisée; l'obscurité, la maladie et les odeurs.
La mer, la planète brillante, le cristal sans limite du ciel, vous vous en souvenez, pour sur vous vous en souvenez ! Ou se peut il que vous ayez oublié, ou même que vous n'ayez jamais connu, ce qui s'étend au dela du zoo mental et de l'asile intérieur, et de tout ce Broadway de théâtre imaginaire, où le seul nom qui apparaisse en lettres lumineuses est toujours le votre ?
– bien entendu.Le bonheur effectif paraît toujours assez sordide en comparaison des larges compensations qu’on trouve à la misère. Et il va de soi que la stabilité, en tant que spectacle, n’arrive pas à la cheville de l’instabilité. Et le fait d’être satisfait n’a rien de charme magique d’une bonne lutte contre le malheur, rien du pittoresque d’un combat contre la tentation, ou d’une défaite fatale sous les coups de la passion ou du doute. le bonheur n’est jamais grandiose
De près, le désert est à peine moucheté de quelques ombres mais les lointains donnent l'impression d'être obscurcis par une épaisse et sombre profusion d'arbres. Au premier plan, c'est toujours le désert; mais sur tous les points de l'horizon se profile l'ombre d'une forêt. Le train continu d'avancer mais les forêts demeurent pour toujours à l'horizon; seul le désert est autour de vous, toujours.
Dans les rues, on ne voit que des femmes du peuple. Elle se meuvent avec la grâce princière des femmes qui, avec des pots et des paniers sur la tête, on passé leur vie à se tenir comme des reines. Leurs jupes amples ondoient quand elles marchent et à chaque pas les lourds ornements de cuivre à leurs chevilles résonnent comme un bruit de chaînes.
Une vérité sans éclat peut être éclipsée par un mensonge passionnant. Un appel habile à la passion est souvent plus fort que la meilleure des résolutions.
Apprendre la liberté (et l'amour et l'intelligence qui en sont à la fois les conditions et les résultats) c'est, entre autres choses, apprendre à se servir du langage.
notre société occidentale contemporaine, malgré ses progrès matériels, intellectuels et sociaux, devient rapidement moins propre à assurer la santé mentale et tend à saper, dans chaque individu, la sécurité intérieure, le bonheur, la raison, la faculté d'aimer ; elle tend à faire de lui un automate qui paie son échec sur le plan humain par des maladies mentales toujours plus fréquentes et un désespoir qui se dissimule sous une frénésie de travail et de prétendu plaisir
Ce n'est pas seulement l'art qui est incompatible avec la stabilité. Il y a aussi la science. La vérité est une menace, et la science est un danger public. Nous sommes obligés de la tenir soigneusement enchaînée et muselée.
Mais la chimie et la physiologie sont capables, actuellement, de réaliser à peu près n'importe quoi. Si les psychologues et les sociologues veulent bien définir l'idéal, on pourra compter sur les neurologues et les pharmacologistes pour découvrir le moyen grâce auquel cet idéal pourra être réalisé, ou tout au moins (car il se peut qu'un idéal de ce genre ne puisse jamais, en vertu de la nature même des choses, être pleinement réalisé) approché de plus près que dans le passé buveur de vin, que dans le présent absorbeur de whisky, et avaleur de barbituriques.
Le cancer du poumon, les accidents de circulation, et les millions d'alcooliques misérables et créateurs de misère, sont des fais encore plus certains que ne l'était, à l'époque de Dante, le fait de l'Enfer. Mais tous ces faits sont lointains et peu substantiels, comparés au fait proche et ressenti d'un besoin, ici même et maintenant, d'évasion ou de sédation, d'un verre ou d'une cigarette.
Nous dépensons actuellement beaucoup plus en boisson et en fumée qu'en instruction. Ce n'est pas surprenant, bien entendu. Le besoin de s'évader du moi et du milieu existe presque tout le temps chez presque tout le monde. Le désir d'être utiles aux jeunes n'est vigoureux que chez les parents, et encore, au cours des quelques années pendant lesquelles leurs enfants vont à l'école. L'attitude courante envers la boisson et le tabac est également peu surprenante. En dépit de l'armée grossissante des alcooliques sans espoir, en dépit des centaines de milliers de personnes annuellement mutilées ou tuées par des conducteurs automobiles ivres, les comiques populaires continuent à servir des plaisanteries sur l'alcool et ceux qui s'y adonnent. Et en dépit des indices montrant qu'il y a un corrélation entre les cigarettes et le cancer du poumon, à peu près tout le monde considère qu'il est presque aussi normal de fumer du tabac que de manger.