Cela commence comme du Stendhal dans les Nouvelles Italiennes, un manuscrit ancien... puis une belle description des sommets au dessus du Lac de Côme...puis arrivent les Braves, séides des seigneurs, cap et épée, sicaires... nous quittons Stendhal pour Dumas. Don Rodrigue, tyranneau local, neveu d'un Grand de Milan, a parié avec un de ses cousins qu'il séduirait Lucia, la petite fiancée. Manzoni bataille contre les abus de pouvoir de la noblesse. Un peu plus loin, c'est Diderot et la Religieuse qui a inspiré l'auteur.Chaque épisode introduit un nouveau personnage. Et ces personnages ne sont jamais secondaires, ce sont les véritables héros d'une grosse histoire qui fait oublier les Fiancés Renzo et Lucia, que l'on perd de vue pour les retrouver dans de nouvelles aventures. Si le pouvoir civil est espagnol, le clergé, moines capucins, curés, évêques, cardinaux (et même un quasi-saint Frédéric Borromée) jouent un rôle prépondérant dans la vie du Milanais. On assiste à un presque miracle : la conversion d'un bandit l'Innommé...
L'action se déroule dans le Milanais en 1628. L’Espagne règne sur le Milan. Les mauvaises récoltes ont causé la disette puis des émeutes du pain. Casale est assiégée, en France Richelieu fait le siège de la Rochelle, la guerre de succession de Mantoue va voir les troupes étrangères se déverser sur la Lombardie et apporter désolation, pillages et dans leur sillage, la peste. Je lis Les Fiancés comme un roman historique. Manzoni s'est documenté pour raconter les évènements. Il cite ses sources. Les notes (malencontreusement situées à la fin du livre, j'aurais préféré en bas de page) confirme l'authenticité des faits et des personnes. Et surtout Manzoni se livre à une véritable analyse économique quand il explique les effets négatifs de la fixation d'un prix trop bas au pain. C'est un véritable cours d'économie.
Quand il raconte l'épidémie de peste, l'auteur ne nous épargne aucun détail. Il faut se souvenir que la contagion de la peste n'a été découverte que beaucoup plus tard, en 1894, et pourtant il a des intuitions géniales. Il montre l'incurie des services de santé qui nient la réalité de l'épidémie, la laissant s'étendre au lieu de la contenir, les atermoiements, les mesures prises alors, la lâcheté de certains, le courage d'autres, aussi les raisonnements oiseux de Ferrante, l'érudit dans sa tour d'ivoire, qui préfère interpréter la catastrophe par les conjonctions de Jupiter et des planètes, ou par des sophismes, et négligeant de se protéger, contracte la fatal maladie.
D'autres lectures du gros livre sont possibles, une lecture catholique, dont je suis éloignée.... en V.O. il serait intéressant de suivre l'Italien au moment où le Toscan devient l'Italien alors que l'Italie s'unifie. Lecture sociale : lutte des petits contre la tyrannie des nobles, Manzoni écrit peu de temps après le passage de Napoléon en Italie, popularisant les thèses de la Révolution....Il est remarquable que les héros ne soient pas des princes et princesses mais un ouvrier, fileur de soie, et une petite paysanne. Là, cependant, j'ai été un peu frustrée : autant l'auteur s'est appliqué pour raconter le quotidien des moniales, des capucins, du curé de campagne, ou celui des seigneurs-bandits, autant il aurait pu nous montrer les ouvriers du textile au travail. Le livre aurait été encore gros!
Véritable découverte!
Avant l'association Romantisme et Italie était univoque : Verdi maintenant je penserai à Manzoni§
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