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Critiques de Alexandre Soljenitsyne (392)
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Le Déclin du courage

Alexandre Soljénitsyne est né le 11 décembre 1918. Mobilisé en 1941 dans les rangs de l’Armée rouge, il est arrêté à la veille de la victoire pour avoir prétendument insulté Staline dans une lettre adressée à un ami et purgera huit ans de détention. Suite au succès d’ « Une journée d’Ivan Denissovitch » et du « Pavillon des cancéreux », il obtient le prix Nobel de littérature en 1970. En décembre 1973 paraît « L’Archipel du Goulag », tableau de la terrible répression exercée en Union soviétique sur des millions de citoyens, un tableau qui décillera enfin les yeux de l’intelligentsia occidentale, lui vaudra une déchéance de citoyenneté et une expulsion vers la Suisse puis vers les États-Unis.



« Le déclin du courage » est un opuscule très court qui retranscrit une conférence donnée par l’auteur à Harvard en 1978. À rebours des attentes de son public, qui espérait une charge anti-communiste, légitimant en creux la supériorité de l’Occident, il se lance dans une charge controversée envers la civilisation occidentale. Une civilisation qui l’a recueilli après son expulsion, dont il s’attache à décrire les failles et prédit le déclin, que seul un sursaut salutaire pourrait enrayer.



La finesse d’analyse de l’auteur ainsi que le caractère prémonitoire des constats qu’il pose confèrent à cette conférence très dense une dimension quasi-prophétique.



Soljénitsyne y annonce l’émergence d’un monde multipolaire, préfigurant ainsi la thèse du « Choc des civilisations » de Samuel Huntington, et critique la vision bipolaire d’un Occident engoncé en pleine guerre froide avec l’Union soviétique.



Le conférencier regrette la colonisation folle dans laquelle s’est lancé l’Occident, et annonce les conséquences dramatiques de la décolonisation, un phénomène qui nous heurte de plein fouet au XXIe siècle.



Il critique le sentiment de supériorité illusoire de l’Occident sur les autres civilisations, et se désole du déclin du courage des dirigeants et des intellectuels occidentaux. Il dénonce le bien-être émollient qui a envahi un Occident matérialiste, un bien-être sisyphéen tant les occidentaux en veulent toujours plus et ne sont en réalité jamais satisfaits.



L’auteur s’inquiète des dérives du juridisme qui a remplacé la morale d’autrefois. Il rappelle l’exemple des compagnies pétrolières achetant à tour de bras des brevets de moyens de production alternatifs afin de maintenir leur oligopole. Un comportement juridiquement sans faille et pourtant répréhensible sur le fond. Soljénitsyne a perçu dès 1978 le développement exponentiel de la judiciarisation de la vie sociale, une judiciarisation qui force le commun des mortels à faire systématiquement appel à un expert tant l’édifice se révèle complexe. Il s’inquiète à juste titre de la prééminence du droit sur la morale (et même parfois sur le bon sens) qui en découle.



Soljénitsyne a également noté l’émergence du quatrième pouvoir (les médias) qui tisse une toile arachnéenne lui conférant une force de frappe inouïe. Une presse n’hésitant pas à se contredire sans jamais faire son mea culpa, soumise aux vents de la pensée dominante, et manquant paradoxalement d’un véritable pluralisme de points de vue, un comble au pays de la liberté.



Le coeur de la conférence aborde l’affaissement spirituel de l’Occident, victime d’un anthropocentrisme issu des Lumières, qui a placé l’Homme au-dessus de tout. Un homme « nouveau » qui a abandonné toute transcendance au profit de son bien-être matériel et d’une recherche aussi effrénée qu’illusoire du bonheur. Un homme qui use trop souvent de sa liberté pour assouvir ses bas instincts (pornographie, films d’horreur). Un homme, qui contrairement aux affirmations de Jean-Jacques Rousseau, n’est pas forcément bon par nature et ne fait pas toujours un usage adéquat de l’immense liberté qui lui est octroyée.



Le conférencier évoque l’affaiblissement géostratégique de l’Occident, dont témoigne l’enlisement vietnamien, et rappelle que la victoire contre Hitler s’est faite avec l’aide de Staline et a conforté l’émergence d’un système totalitaire communiste aussi effrayant que le régime nazi. Il critique également le tropisme pro-communiste de l’intelligentsia occidentale qui a trop longtemps soutenu un régime totalitaire, aussi impitoyable que terrifiant.



***



On comprend que la charge de Soljénitsyne ait pu surprendre son public, qui attendait une critique acerbe du communisme. L’auteur estime que l’ignominie du régime soviétique n’est plus à démontrer et ne lui trouve aucun attrait. Il estime néanmoins, après plusieurs années d’exil aux États-Unis, qu’il est de son devoir de dire sa vérité à son auditoire. Une vérité peu amène, qui peut se résumer en une mise à nu de la crise spirituelle qui traverse l’Occident.



« Est-il vrai que la vie de l’homme et l’activité de la société doivent avant tout se définir en termes d’expansion matérielle. Est-il admissible de développer celle-ci au détriment de l’ensemble de notre vie intérieure ? »



Le conférencier en appelle à cesser de considérer notre idéologie matérialiste mortifère comme l’alpha et l’oméga de la vie humaine, et nous enjoint à retrouver une vie intérieure, qui est, selon lui, l’essence de la vie humaine. Une vie humaine dont le but est de s’élever spirituellement, et non d’acquérir, encore et encore, jusqu’à ce que mort s’ensuive.



La fin de la conférence décrit le sursaut qu’appelle Soljénitsyne de ses voeux.



« Le monde, aujourd’hui, est à la veille sinon de sa propre perte, du moins d’un tournant de l’Histoire qui ne le cède en rien en importance au tournant du Moyen Âge sur la Renaissance : ce tournant exigera de nous une flamme spirituelle, une montée vers une nouvelle hauteur de vues, vers un nouveau mode de vie où ne sera plus livrée à la malédiction, comme au Moyen Âge, notre nature physique, mais où ne sera pas non plus foulée aux pieds, comme dans l’ère moderne, notre nature spirituelle. »



***



Que l’on partage ou non les avis très tranchés de l’auteur de « L’Archipel du Goulag », « Le déclin du courage » impressionne par sa finesse de la compréhension de la « tectonique des plaques » qui se joue en 1978 (déclin de la vie spirituelle, matérialisme et juridisme galopants, pouvoir d’influence immense aux mains des médias, usage dévoyé de la liberté, prix à payer pour la décolonisation, etc.).



« Le déclin du courage » a l’immense mérite de porter un regard sans concessions sur le déclin de l’Occident, obnubilé par l’accumulation de richesses au détriment d’une vie intérieure en voie de disparition. Le caractère prophétique de certaines analyses du conférencier frappe le lecteur du XXIe siècle, qui assiste médusé au choc des civilisations annoncé par Soljénitsyne, et constate que la recherche du profit reste le paradigme central de l’Occident.



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Une journée d'Ivan Denissovitch

Dans ce livre, A. I. Soljenitsyne n'a pas voulu raconter une histoire. Il a voulu RÉVÉLER l'existence de l'immense réseau d'État de camps de travaux forcés pour de prétendus «ennemis du peuple » arrêtés arbitrairement.



Par cet ouvrage sans intrigue, il a voulu nous faire RESSENTIR la monotonie et l'inconsistance de la vie en ces lieux, qui n'a pour seul objectif que la survie. Une bonne journée pour un zek (abréviation de « заключённый каналоармеец » sigle qui, à partir des années 1920, a désigné les soldats-prisonniers employés aux travaux forcés, notamment pour creuser le canal de la mer blanche à la baltique) est celle où il a eu du pain le matin, de la bouillie à midi et de la soupe claire le soir ; celle où il n'a pas été battu, où il n'a pas été mis au cachot, où il n'est pas mort de froid et, une journée merveilleuse est celle où il ne s'est rien fait voler, où il a pu soutirer un peu de tabac ou une rondelle de saucisson. Si l'on en croit ceux qui se sont ennuyés à cette lecture, l'auteur parvient très bien à son objectif.



La syntaxe est volontairement celle d'un homme simple : Ivan Denissovitch Choukhov qui, en commentant naïvement sa journée, expose tous les détails qui la composent et derrière chacun desquels se cache un risque pour lui. Il répertorie également les différentes catégories de zeks et les différentes stratégies qu'ils déploient pour survivre.



Ce livre présente l'immense avantage d'humaniser ce qui pour beaucoup est certes un fait, mais Ô combien théorique.

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Le pavillon des cancéreux

Longtemps je me suis refusé à lire SOLJENITSYNE, tiraillé entre les informations capitales que je pourrais en tirer de mes lectures, et la réputation d’un homme plus que polémique, sulfureux et un brin malséant. Mais un ami – le meilleur de tous – m’a lentement poussé à la faute, m’encourageant à me pencher sur « Le pavillon des cancéreux ». J’ai une confiance quasi aveugle envers les conseils russes de cet influenceur bien malgré lui. Et force est de reconnaître, qu’encore une fois, hélas, il a vu juste.



Il n’est pas aisé d’interpréter par des mots les sentiments que laisse une fresque telle que « Le pavillon des cancéreux », 800 pages écrites entre 1963 et 1967 et publiées originellement en samizdat (publication clandestine). Ce roman nous rend muets, béats et pour tout dire démunis. Car il peut, il doit se lire à plusieurs niveaux.



1955, dans un hôpital se dresse le bâtiment numéro 13, celui des cancéreux. L’auteur (qui venait justement d’avoir le cancer) nous invite à pénétrer au cœur du pavillon pour nous y présenter de nombreuses figures, nous dépeindre le quotidien de cet hôpital, fait de fortes figures, les médecins comme les malades. C’est toute une fresque de la société soviétique qui est ici dessinée, personnages grouillant dans chaque recoin du bâtiment, comme un ballet ininterrompu. Mais ce serait hérésie que de n’y voir cette vie-là.



Comme beaucoup d’écrivains soviétiques (comme russes avant et après), SOLJENITSYNE use savamment de l’allégorie. Son but n’est pas de présenter un hôpital de cancéreux, mais bien sûr le système soviétique, qui vient juste d’être « déstalinisé » (STALINE est mort deux ans plus tôt) et semble amorcer une nouvelle voie. Cette lecture-là s’avère fascinante : les malades représentent celle que l’on appelle alors l’U.R.S.S., leur mal vient des années, des décennies STALINE, il a germé dans leur corps, leur âme, s’est répandu puis s’apprête à les grignoter, à les tuer. Plusieurs personnages principaux incarnent ce système : Roussanov bien sûr, le premier à entrer en scène, mais aussi celui avec lequel il ne communique pas malgré leur proximité dans l’espace, ce Kostoglotov, le double de SOLJENITSYNE, sans oublier les portraits secondaires, je pense à ce Poddouïev, dont le mal a commencé à le ronger par la langue. La langue, organe particulièrement dangereux en U.R.S.S. si tant est qu’on le laisse trop pendre…



Dans ce pavillon des cancéreux, les patients se méfient de la science, ne lui font pas confiance. De toute façon, personne ne fait plus confiance à personne en cette sortie de terreur stalinienne. En effet, qui croire ? Ceux qui condamnent ? Ceux qui continuent à encenser ? Alors que dehors, la liberté paraît se faire un semblant de place, dans le pavillon nous assistons à un huis clos, paradoxalement pas étouffant. Car contrairement par exemple à DOSTOÏEVSKI, SOLJENITSYNE a choisi un détachement total pour rendre compte de ses observations. Ainsi il reste distant à la fois de ses personnages et du système qu’il décrit. L’écriture est froide, sans émotions, neutre.



« Voilà de quoi il s’agissait : les radiothérapies pratiquées il y a dix ou quinze ans avec de hautes doses d’irradiation et qui s’étaient terminées de façon positive, réussie, ou même brillante, donnaient lieu aujourd’hui, aux endroits irradiés, à des lésions et à des atrophies inattendues. Cela pouvait encore s’admettre, ou du moins se justifier, quand ces radiations d’il y a dix ou quinze ans avaient été administrées dans des cas de tumeur maligne. Dans ces cas-là, on n’avait que ce seul moyen de sauver le malade d’une mort certaine, et seules les fortes doses pouvaient agir, les petites doses n’étant d’aucun secours ; le malade qui venait montrer son membre atrophié devait lui-même comprendre que c’était là le prix du surcroît d’années qu’il avait vécues et qu’il lui restait encore à vivre ».



Roman vertigineux et stupéfiant, en équilibre sur une crête ténue, montrer une histoire pour en raconte une autre, avec cette question en exergue, qui hante le récit : « Qu’est-ce qui fait vivre les hommes ? », alors que les patients du pavillon apprennent par la presse les bouleversements en cours au sein de la société soviétique, les questionnements sur la doctrine et la nouvelle mise en pratique du socialisme. Et ces scènes, fortes, je pense à cette réussite totale dans cette séquence de visite dans un zoo, où chaque animal prisonnier représente un des maux du système. Bluffant et quasi hypnotisant !



Les réflexions littéraires ne sont pas en reste. Le régime stalinien a créé de toutes pièces des auteurs à succès, jetables et corvéables à merci : « Au siècle précédent, il n’y avait qu’une dizaine d’écrivains, et tous de grands écrivains. Et maintenant, les écrivains se comptaient par milliers (…). Lire tous leurs livres était chose impossible. Et si l’on en lisait un jusqu’au bout, on avait comme l’impression de n’avoir rien lu. On voyait émerger tour à tour des écrivains inconnus de tous, ils recevaient des prix Staline, et puis ils sombraient à tout jamais. Chaque livre tant soit peu volumineux était primé l’année suivant sa parution, et il y avait de chaque année de quarante à cinquante prix ».



Il est peu d’écrire que SOLJENITSYNE prend le lecteur à témoin pour dénoncer chaque rouage du régime soviétique (il fut longtemps emprisonné) dans un roman qui ne doit absolument pas se lire dans un sens littéral. Il accuse l’aveuglement de tout un peuple : « Lui aussi se sentait un peu blessé, surtout pour son père qu’il avait perdu. Il se souvenait combien celui-ci aimait Staline, plus que lui-même, en tout cas, c’était certain (pour lui-même, son père n’avait jamais rien cherché à obtenir). Et plus que Lénine. Et probablement plus que sa femme et ses fils. Sa famille, il pouvait en parler avec calme, ou ironie, mais Staline, jamais : sa voix tremblait un peu dès qu’il prononçait son nom ». Faire du passé table rase ? Le slogan n’est pas à l’ordre du jour.



« Le pavillon des cancéreux » est l’un de ces pavés russes magistraux, qui se lisent un peu dans tous les sens, qui possèdent une face secrète, une partie immergée. Sa structure est à la fois effrayante et fascinante : il ne laisse rien au hasard. Œuvre ample et dérangeante à lire en temps de quiétude intérieure afin d’apprécier à sa juste valeur cette gigantesque claque littéraire.



« Si l’on ne devait se soucier que du ‘bonheur’ et de la procréation, on encombrerait inutilement la terre et on créerait une société effrayante… Je ne me sens pas très bien, vous savez… Il faut que j’aille m’étendre… ».



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Le Déclin du courage

Lu avec un grand retard, hélas ! Je m'en veux !

Il est étonnant, et désolant, d'être obligé de constater que les remarques acides de Soljenitsyne sont toujours aussi valables une trentaine d'années plus tard.

Ce texte, contrairement aux discours habituels monocolores, critique l'Est comme l'Ouest et donne toute leur force aux idées.
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Discours prononcé par M. Alexandre SOLJENITSY..

Il fallait bien que je rende hommage à ce survivant des camps.... puisqu'une ordure l'a critiquer bien tranquille derrière son bureau... dans une émission... mais Soljenitsyne est un survivant des camps ! Il est mort à 80 ans, quand bien des rescapés des camps ont eut une vie écourtée ( lire Quand l'Ukraine se lève ! Qui ne parle pas directement des camps de l'URSS, mais qui parle de quelques vies écourtés par ceux-ci!) la longévité de Soljenitsyne est un miracle ! Et qu'est-ce qu'on lui reproche ? D'avoir rencontre Poutine... mais combien l'on rencontré dans un espoir de paix ? Notamment le président Macron et pas par volonté personnelle, mais parce que le président Zelensky le lui demandait, convaincu que l'occident pouvait encore le raisonner ! Alors quand tant d'artistes s'en sont mis plein les poche en le rencontrant doit -on vraiment reprocher à un prix Nobel fatigué par les camps et à nos politiques dans un espoir très faible de retour à la raison pour la paix de le rencontrer ? Est-ce que cela ne faisait pas partie de leur travail ? Alors il fallait bien que je fasse quelque recherche, car si mon père a L'Archipel du Goulag, il m'a prévenu, pour le lire il faut le coeur bien accroché alors peut être pour plus tard... mais e ne pouvais ne pas réagir quand une intellectuelle de salon critique... c'est inadmissible... elle a fait quoi, elle, dont le nom m'est totalement inconnue ?

Et au début de son discours, qui date de 1978, dès le début, Soljenitsyne fait un constant : la perte du devoir civique en occident, dès 1978... lui qui habitait en URSS... et a vécu dans les camps loin de nous nous parle de cette perte du devoir civique depuis longtemps... merci, parce que le responsable ? Sur toute la planète Mai 68 et en France la poussée de l'antimilitariste qui s'est retourné contre De Gaulle qui l'a utilisé, sa seule erreur, le seul point où le grand visionnaire de la France n'a rien vu!

Il nous parle de chute des élites, de la déresponsabilisation, de la perte de virilité... mais quand va-t-on écouter ce rescaper des camps au lieu de faire profiter d'une minorité sous former des richesses ? Car ce n'est plus tenable... il le disait à Harvard en 1978 et nous somme en 2024 ! Des progrès ? Non pas du tout ! On s'enferme toujours! Alors oui, ce discours à Harvard, est vraiment à connaitre, comme un autre discours plus tard, celui de J.K. Rowling ! Mais écoute-t-on ? Non on privilégié une bourgeoisie moyenne d'idiot au lieu de réagir... il est pourtant plus que temps....
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Une journée d'Ivan Denissovitch

Une journée au goulag.



Je suis surprise par l'ironie, la dérision qui donnent tant de lumière à ce récit sombre par nature.



Yvan Le Zeck est un stratège qui calcule par le menu, chaque geste, chaque mot, susceptibles de rendre plus supportable un quotidien qui ne l'est pas.



Un petit bijou terrible et magnifique.
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L'Archipel du Goulag

Immense fresque du système concentrationnaire en U.R.S.S. de 1918 à 1956, "L'archipel du goulag" (ce dernier mot est le sigle de l'Administration générale des camps d'internement) fut terminé par Soljénitsyne en 1968.

"Le cœur serré, je me suis abstenu, des années durant, de publier ce livre alors qu'il était déjà prêt : le devoir envers les vivants pesait plus lourd que le devoir envers les morts. Mais à présent que, de toute façon, la sécurité d'État s'est emparée de ce livre, il ne me reste plus rien d'autre à faire que de le publier sans délai."

227 anciens détenus ont aidé Soljénitsyne à édifier ce monument au déporté inconnu qu'est "L'archipel du goulag".

Les deux premières parties, qui composent ce premier volume, décrivent ce que l'auteur appelle "l'industrie pénitentiaire", toutes les étapes par lesquelles passe le futur déporté : l'arrestation, l'instruction, la torture, la première cellule, les procès, les prisons, etc. - ainsi que le "mouvement perpétuel", les effroyables conditions de transfert. (Les deux parties suivantes consacrées à la description du système et de la vie concentrationnaire feront l'objet du second volume à paraître prochainement.)

"L'archipel du goulag" n'est pas un roman mais, comme l'intitule Soljénitsyne, un essai d'investigation littéraire.

La cruauté parfois insoutenable des descriptions, l'extrême exigence de l'auteur vis-à-vis de lui-même et l'implacable rigueur du réquisitoire sont sans cesse tempérées par la compassion, l'humour, le souvenir tantôt attendri, tantôt indigné ; les chapitres autobiographiques alternent avec de vastes aperçus historiques ; des dizaines de destins tragiques revivent aux yeux du lecteur, depuis les plus humbles jusqu'à ceux des hauts dignitaires du pays.

La généralisation et la personnalisation, poussée chacune à leur limite extrême, font de " L'archipel du goulag " un des plus grands livres jamais écrits vivant au monde, "notre contemporain capital".
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Une journée d'Ivan Denissovitch

... Car l’époque se prête à lire ou relire Soljenitsyne !

Plongée l’espace d’une journée dans le petit monde carcéral du goulag, Ivan Denissovitch nous raconte la journée type d’un condamné. Parce qu’il a écrit des mots ou tenu des propos qui sont jugés inconvenables aux idées du parti, ou eu une attitude anti patriotique, il en prend pour dix ans de bagne dans la plus clémente des sentences. C’est la règle dans ce pays rongé par le soviétisme, défécation d’un communisme qui vous veut du bien. En général, quand une idéologie religieuse ou politique vous veut du bien ou agit en tant que tel, à l’arrivée vous perdez une part non négligeable de vos libertés individuelles.

Alexandre Soljenitsyne écrit « Une journée d’Ivan Denissovitch » en 1962. Il profite de la « déstalinisation » du pays par Khrouchtchev pour le faire publier. Il y met néanmoins les formes. Il ne faut par heurter la sensibilité du polit bureau. C’est écrit dans le langage du moujik à dessein de toucher un large public et peut-être de montrer des bagnards au bord de l’analphabétisme : qui les plaindrait ? ça permet aussi au pouvoir de montrer les risques d’une trop forte contestation et que l’on ne badine pas avec la doctrine du parti...

Ça n’en rend que la lecture plus rugueuse et mal grès l’horreur qui règne dans ces camps de concentration ou de « rééducation », on sent parfois l’auteur avoir un certain sens de la dérision tant certaines situations sont désespérées. Il y a une pointe glacée d’humour, de sarcasme.

Une journée suffit car elles se suivent et se ressemblent toutes, amenant chacune sa pierre à l’édifice du malheur de toute cette communauté de victimes du soviétisme.

« Une journée d’Ivan Denissovitch » est une raison suffisamment argumentée pour que l’Ukraine écrase l’envahisseur mafioso-soviétique et que la démocratie l’emporte sur l’hégémonie des extrémismes, sur l’aliénation d’un dictateur.

Traduction de Lucia et Jean Cathala.

Editions Robert Laffont, Pavillon Poche, 226 pages.

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Une journée d'Ivan Denissovitch

Plus qu’un roman, ce livre est un reportage, où l’on suit pas à pas un homme dans un camp de travail en Sibérie, un des fameux goulags.

L’auteur sait de quoi il parle, il a été emprisonné dans l’un de ces camps pendant huit ans.

A noter que j’ai lu l’édition de 1963 de ce livre, et qu’il s’agit là donc de la version censurée par l’édition française de l’époque.

Un livre à lire si l’on s’intéresse un peu à l’histoire, et si possible dans sa version non censurée.

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L'Archipel du Goulag

L’Archipel du Goulag d’Alexandre Soljénitsyne est un de ces livres qui bouleversent et ont eu un impact majeur sur le XXe siècle et la perception occidentale du système concentrationnaire soviétique.

Sans rentrer dans les détails de sa publication clandestine et contrainte ; ce livre de par son ton sans concession et douloureusement amer marque.

Alexandre Soljénitsyne nous force en effet à regarder les yeux dans les yeux ce que fut le Goulag, toute l’inhumanité de son système et les millions de personnes comme vous et moi qui y furent relégués.



L’Archipel du Goulag est avant tout le fruit d’un immense travail de collecte et de recoupage de sources, et cela se sent dans les nombreux témoignages de zeks (les détenus et avant tout les "politiques") cités dans le livre ainsi que les chiffres livrés.

Et cela nous donne le sentiment qu’à aucun moment ces gens relégués à l’autre bout du monde ne pouvaient espérer échapper au rouleau compresseur qu’était le Goulag, de par la force de l’idéologie soviétique qui faisait d’eux des ennemis public à abattre et des bras pour travailler sur les grands chantiers des territoires déserts et inexploités de l’URSS, que cela soit au Kazakhstan, en Sibérie ou la Kolyma.



Soljénitsyne manie l’ironie sans concession et a une tendance quasi-systématique à comparer les mondes du Goulag aux systèmes concentrationnaires de l’Empire des Tsars avec une volonté bien établie de montrer à quel point le système soviétique se sera révélé plus violent et destructeur de par son étendue ; faisant quasiment de la Russie pré-bolchevique un havre de paix et de tolérance, ce qui peut étonner de par notre biais occidental…



Il faut enfin saluer la volonté de l’auteur de s’effacer en partie, lui et sa propre histoire, derrière la trame générale de l’évolution du Goulag.

Son livre est de fait un immense hommage à ceux, innocents ou non (et il faudrait déjà arriver à définir ce qu’était être coupable aux yeux des autorités soviétiques) qui périrent dans l’enfer des îles du Goulag, ou qui en ressortirent à jamais changés ; afin de ne pas oublier.

Et ce livre devrait être lu par tous les lycéens, de par sa puissance et sa capacité à bouleverser et ramener à la réalité confortable de nos propres vies.

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Une journée d'Ivan Denissovitch

Bonjour et bienvenue à toi cher camarade zek,

J'espère que tu as passé une sacrée nuit parce qu'on a du travail pour toi aujourd'hui (et ne t'inquiète surtout pas, on t'en trouvera bien pour tous les autres jours de ta peine). C'est aussi dans ton intérêt d'avoir remis tous tes effets personnels au bureau des entrée à ton arrivée, sinon tu gagnes un passe-droit pour le mitard.



Au programme nous te proposons ( et "proposons" vaut un "ordonnons" en URSS) :



Lever à cinq heures et appel dans la cours. (On se fiche que t'aies mis tes valienki sur le poêle. Tu sautes de ta wagonka et tu rappliques pieds nus s'il le faut, mais tu rappliques fissa. )



Ensuite, à moins qu'il fasse en dessous de -40° (et n'y compte pas trop car même le thermomètre est trafiqué), tu travailleras jusqu'au soir.



Parmi les activités qui peuvent t'être suggérées par ton brigadier : maçonnerie à base d'outils primaires pour t'auto-enfermer dans notre superbe goulag; entretien des machines et si vraiment tu t'écharpes au travail on t'enverra à la paneterie ou au bureau de distribution des colis.



Au menu aujourd'hui (et certainement pour le reste de ta vie) :

Kacha de sorgho au déjeuner.

Délicieuse soupe à base d'eau et d'arrête de poisson au diner.

Pain (entre 200g et 400g selon l'humeur du cuisinier).



Une petite astuce : si tu dois être malade aujourd'hui, alors sois malade dès le matin ! Parce que des grippés à l'infirmerie, on en accepte que deux par jour sur tout le camp.



PS : On t'a condamné à 10 ans de travaux forcés mais ta peine peut être rallongée de manière aléatoire et inexpliquée, alors ce sera la surprise.

~~

Ce que j'ai particulièrement apprécié dans ce livre, c'est de pouvoir suivre toutes les petites stratégies mises en place par les détenus afin de rendre leur existence plus supportable.

On accompagne Choukhov qui rivalise d'ingéniosité pour optimiser au mieux son temps et s'accorder un maximum de menus plaisirs, sans jamais oublier son prochain. Que ce soit pour obtenir du tabac, transporter une cuillère, dérober une lame, se faire un peu d'argent... Choukhov ne tarit jamais d'astuce.



On partage avec tendresse le plaisir qu'il ressent alors qu'il déguste un minuscule bout de pain sécurisé dans la doublure de son lit.



L'immersion dans ce goulag m'a été très instructive et "agréable". Je dirais que Soljenitsyne a réussi à brosser un portrait touchant de l'atmosphère solidaire entre les détenus. Malgré l'horreur qu'ils ont vécu, ces personnages restent pour la plupart profondément humains, s'accrochent avec espoir et pragmatisme à ce qui leur reste sans sombrer dans la cruauté ou l'égoïsme.



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Une journée d'Ivan Denissovitch

Alexandre Soljenitsyne a été prisonnier dans un camp du Goulag, camp de travail pénitentiaire russe, pendant 8 ans. Cette expérience peu réjouissante, il en témoigne dans ce roman.



On y suit toute une journée dans le camp à travers les yeux du personnage d'Ivan Denissovitch. Les petites joies, les souffrances, ce qui compte alors dans la vie d'un prisonnier, etc, toutes les conditions de vie y sont décrites avec un langage spontané et un regard lucide.



C'est assez redondant mais l'intérêt est là. On y découvre les combines de survie, des réflexions sur l'humain, une culture également. Quelques passages m'ont plus marqué que d'autres.



C'est une lecture qui dénonce un régime, des conditions de détention, mais qui permet également de relativiser sur ce qui compte dans la vie.
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Une journée d'Ivan Denissovitch

Ce livre tient une place primordiale dans la littérature mondiale. Premier récit du goulag. Dénonciation des camps soviétiques. Soljenitsyne fut un pionnier. A ce titre, ce livre mérite les 5 étoiles. Je ne reviendrai pas sur le récit, d'autres lecteurs l'on déjà très bien fait. Juste mon ressenti. J'en ai parcouru la plus grande partie en diagonale. A notre époque, nous ne sommes plus surpris par ces dénonciations. Partout, de la maltraitance humaine et des atrocités peuvent s'observer. Je repense à la description des camps de ouigours par les chinois dans le Xinjiang par Sayragul Sauytbay, pour ne citer qu'un exemple. de plus, la traduction de l'édition de 1974 que j'ai lue m'a parue très pauvre et ne met pas le récit en valeur. Beaucoup de redondances également, même si elles sont justifiées par le déroulement de la journée. Et j'ai senti une certaine distance avec ce que je pense être la réalité. Comme si le fait de l'écrire en diminuait la portée. Mais, tout cela n'est que mon impression qui compte vraiment très très peu. Je pense que ce livre paru en 1963 en français devait avoir une toute autre portée à l'époque.
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Le pavillon des cancéreux

Je viens de le finir.

J'avais envie de redécouvrir Soljenitsyne, et c'est par hasard que j'ai pris ce livre là... Ce n'est pas franchement drôle, on s'en doute avec un tel titre,mais qu'elle observation, quel sens de la connaissance humaine.

Je l'ai lu d'une traite avec beaucoup d'intérêt.

L'histoire se déroule principalement dans une chambre où se retrouvent des hommes alités qui souffrent d'un mal que l'on dit incurable. On suit par la narration, les histoires de chacun, les ressentis, les peurs, les espérances, les conflits entre eux.... Mais tout cela est écrit avec beaucoup de réalisme et de précision. L'auteur, se présente sous les traits d'un des personnage principal. C'est très intéressant, c'est aussi une plongée dans l'histoire de la Russie des années 50. C'est aussi un peu autobiographique dans l'histoire de Soljenitsyne.
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Une journée d'Ivan Denissovitch

Qui se souvient, de nos jours, de Sakharov, Gainsbourg et d’autres dissidents essayant de faire entendre leur voix, transmettant leur expérience relative au gigantesque système concentrationnaire que fut le Goulag.

Ne jamais oublier les paroles de Maxime GORKI, celui qui faisait la pluie et le beau temps dans les milieux artistiques et littéraires du temps de Staline et vantait les mérites du travail forcé. Propos qui furent repris par les grands médias communistes du monde entier (Certaines des rues de banlieues communistes de nos agglomérations ont gardé le nom de cet illustre esclavagiste).

Qui parmi les intellectuels anti-capitalistes (Le mot communiste est trop blessant), même pas de simples fœtus à l’époque, se souviennent des militants solidaristes distribuant des tracts sur la Place Rouge avant de se faire alpaguer par les flics en chapka, expulsés manu militari pour avoir diffusé des informations au sujet de ces dissidents.

« Chez nous, nous n’avons pas le droit de dire les choses sous peine de sanctions parce que cela froisse les oreilles de nos dirigeants, mais en Occident, vos paroles s’envolent sans qu’elles retiennent l’attention » Autrement dit, comme le disait Coluche, la dictature, c'est « ferme ta gueule » et la démocratie, c'est « cause toujours ».

Ce qui aujourd’hui est une vérité historique, dans les années soixante-dix, se révélait être apocryphe pour l'ensemble des médias français, trop enclins à maintenir un discours dominant et bien-pensant ; cinquante ans plus tard, les choses ont peu évolué.

J’ai bien apprécié cette parabole dans laquelle le détenu s’adapte à sa situation. Il juge le monde comme une prison, il n’y a plus sa place. Après tout, dans l’univers concentrationnaire, les horloges sont parfaitement réglées et il n’y a pas trop à se poser de questions. Il suffit de s’imprégner des règles.

On retrouve ce genre d’image dans « Les chemins de la liberté » où au moment de traverser la frontière entre l’union soviétique et le Népal, l’un des évadés, après avoir parcouru plus de 3000 km, se résigne et fait marche arrière. C’est un « droit commun » appartenant à un gang. Il a la tête de Lénine tatouée sur le thorax. Il préfère rebrousser chemin parce que sans le communisme, il se sentirait perdu.
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Le clocher de Kaliazine

J'ignorais que l'auteur de l'Archipel du Goulag avait écrit des poèmes. Et quels poèmes ! Ce petit ouvrage m'enchante et m'émeut. Il ne parle pas uniquement de la Russie mais s'adresse à tous avec simplicité et sincérité.

Soljenitsyne passe d'une brève description lyrique à une réflexion bien sentie, bien vivante et très libre. Et le poème tout entier est comme enluminé d'un profond mysticisme. le clocher de Kaliazine qui donne son titre symbolique au recueil fait référence à un édifice bien réel. Il survécut à la submersion partielle de la ville, située au bord de la Volga, lors de la construction d'un grand barrage au début des années quarante. Ce clocher servit temporairement de phare pour les navires.



Le recueil comprend deux séries de courts poèmes en prose écrits à trente ans d'intervalle.

Les dix-sept premiers ont été écrits entre 1958 à 1960, à une époque où Soljénitsyne explorait à bicyclette la Russie centrale. Ils diffusent une fraîcheur printanière, l'ivresse de la liberté retrouvée et en même temps l'amertume devant les scandaleuses destructions naturelles et patrimoniales. On peut aussi trouver ces poèmes, traduits par Lucile Nivat , dans l'ouvrage « Zacharie L'Escarcelle ».



Ensuite Soljénitsyne est contraint de s'exiler. Loin du contact de sa terre natale, il ne parvient plus à écrire de poèmes.



Avec le retour au pays natal, Soljénitsyne écrit les onze textes suivants, de 1996 à 1998. Ils sont publiés pour la première fois en 2004, quelques années à peine avant sa mort (2008) . Ils sont traduits par Nikita Struve. Ces miniatures sont également mélancoliques mais plus apaisées. Elles témoignent de sa sérénité à l'approche de la mort.

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La maison de Matriona

Un heureux oubli m'a fait relire La maison de Matriona : comme son narrateur débarque dans ce récit par le train, je m'étais rapidement muni d'un exemplaire de cette maison pour en prendre un autre, qui devait me conduire non pas au goulag ou en Sibérie, mais à Bâle, inconsciemment sans doute pour me rapprocher de Georges Nivat.

Croyant découvrir cette nouvelle, je me suis souvenu, dès la première phrase, que je l'avais déjà lue. Mon voyage n'étant pas si court, je me suis attaqué à la deuxième phrase et, de mots en paragraphes, suis arrivé à la fin et de la nouvelle et de mon voyage... Et je ne le regrette pas !

Cette seconde lecture m'a permis de goûter l'infinie empathie de Soljenitsyne pour son personnage principal. A cet égard, le thème qu'il a choisi n'est pas des plus originaux dans la littérature russe : un personnage principalement mû par la bonté est soit un imbécile naïf, responsable de ses propres souffrances, soit un saint, dont le malheur s'efface devant l'exemplarité. Matriona se classe dans la seconde catégorie. Et le traitement que le narrateur lui réserve est plein d'humanité, de tendresse et de respect pour elle, dont la vie n'aura pas été très heureuse.

Un récit classique pour les lettres russes, mais parfaitement sensible et incarné. A lire, une fois, deux fois et même plus !
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Une journée d'Ivan Denissovitch

Avec "Une journée d'Ivan Denissovitch", Soljenitsyne dissèque la réalité implacable des goulags.

Mémoire des camps pénitenciers où il a séjourné, l'auteur dépeint un zek s'adaptant à la machine impitoyable de ces camps de travail.

La voix et les yeux de Choukhov témoignent du système inhumain du régime soviétique de Staline.

Durant vingt-quatre heures, du lever au coucher, on suit cet homme sur une journée programmée au cordeau.

D'abord au rassemblement le froid vous saisi avec un -38° dehors. Puis le travail harassant de maçonnerie vous appelle laissant peu de temps pour une kacha claire.

Brimades, humiliations, représailles et magouilles font parties de la vie de forçat.

Choukhov n'aspire pourtant qu'à peu de choses: survivre à ses deux dernières années de camp. Les seuls moyens pour s'en tirer: manger davantage si cela est possible, fumer des cigarettes, exécuter les ordres et éviter de trop penser.

Son réconfort s'appuie non pas sur les colis de son épouse mais sur la solidarité et surtout la protection du brigadier Turine.



Cette lecture d'hommes voués au tombeau m'a agréablement surprise par son style et par sa facilité .

Elle correspond à une vie d'homme simple

Soljenitsyne bâtit ici un mausolée à des destins entremêlés sur le mode argotique, qui fait le sel de ce roman.



"Une journée d'Ivan Denissovitch" est désormais un tatouage indélébile sur cette U R S S qui a brûlé à vif des êtres humains, pions de l'échiquier russe de l'époque.









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Une journée d'Ivan Denissovitch

Le titre résume bien le contenu du livre de 200 pages mais c'est sans compter sur l'extrême dureté du récit. Publié en 1962 et directement soumis à la censure soviétique, il raconte les conditions de vie d'un goulag entre 1945 et 1953 où l'auteur fut emprisonné pour avoir critiqué Staline.

On y découvre à quel point le système est corrompu à tous niveaux et que pour espérer survivre il faut feinter à chaque moment. Les humiliations sont constantes, le rythme de travail forcé soutenu bien qu'il fasse des températures polaires. L'obsession des détenus se résumé à manger et tenter de ne pas geler sur place. Malgré l'adversité, le principal protagoniste garde un moral d'acier dans un fatalisme typiquement russe.

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L'Archipel du Goulag

"L'Archipel du Goulag" est à la mesure de l'immensité russe. L'entreprise de restitution et de témoignage du système concentrationnaire soviétique réalisé par Soljenitsyne est phénoménale. Plus que sa qualité littéraire, c'est cette démesure, cette obstination à ne pas laisser la moindre parcelle d'injustice et d'atrocité tomber à jamais dans le néant qui fait de cet ensemble (même en édition abrégée) un document historique et littéraire inoubliable.

Dans une veine satirique et ironique faisant écho au style tranchant et moqueur d'Albert Londres, Soljenitsyne dévoile l'absurdité d'un système uniquement basé sur une croyance, celle de la Vérité du communisme, seule capable de faire régner prospérité, ordre, justice et paix dans le monde. Mais si les principes marxistes sont louables, comme le sont ceux des Évangiles, le problème réside dans l'incapacité des sociétés humaines à les appliquer. Les dogmes n'étant jamais universels, ils produisent inévitablement exclusion et intolérance. Soljenitsyne a d'ailleurs tendance à ne pas comprendre la ferveur bornée des communistes les plus radicaux tout en trouvant naturelle et morale celle des chrétiens orthodoxes.

Enfin, lire L' Archipel aujourd'hui, alors que le tyran Poutine envoie son plus célèbre opposant, Navalny, dans une prison secrète comme pour l'effacer de la carte, nous avons l'impression que l'histoire se rejoue, certes à une bien moindre échelle, et que le temps des peines arbitraires revient comme une peste toujours ardente.
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