Citations de Alexis Laipsker (284)
On ne se rend pas chez une voyante comme on va chez le coiffeur. Je remarquai cette façon un peu gauche de ne pas savoir comment se tenir, cette hésitation à me regarder dans les yeux. Et surtout, je décelai l’effort qu’elle devrait faire pour se confier à une inconnue et tout lui déballer. Quelle qu’en soit la raison, sa venue témoignait de sa faiblesse, et elle en était consciente. Elle se sentait incapable de faire un choix, de prendre une décision par elle-même. Elle s’en remettait aux astres, aux cartes, à la boule de cristal ou, dans mon cas, aux esprits.
C’était une jeune femme plutôt jolie. Elle devait avoir mon âge. Peut-être un peu plus jeune. Ses cheveux longs et frisés tombaient sur ses épaules dénudées qu’une robe rouge mettait en valeur. Un décolleté discret. Peu de bijoux, des breloques sans intérêt.
Il consultait à présent plusieurs documents avant d’en tirer une feuille qu’il parcourut en prenant son temps. C’était du théâtre, car il était évident qu’il en connaissait le contenu par cœur. Le procédé était sans doute grossier, mais il commençait à fonctionner. Le silence se faisait pesant dans cette petite pièce lugubre.
Un flic à l’ancienne, solide, droit. Un roc. Mieux, une statue. Il avait grimpé les échelons un à un et, malgré le grade qu’il avait désormais atteint, il continuait de mettre les mains dans le cambouis quand c’était nécessaire. Il n’en fallait pas davantage pour susciter l’admiration ou, au pire, le respect des hommes qu’il commandait. Il avait beau râler sans cesse, exiger l’impossible, pousser de mémorables gueulantes, rien ne semblait écorner sa popularité dans les services. Il lui arrivait d’en abuser.
Je vais en apprendre beaucoup sur toi en découvrant tes lectures.
On voit de moins en moins de livres chez les gens.
C'est dingue le nombre de livres que tu as.
Mais j'aimais lire. Alors j'allais chez Gibert, aux puces ou dans les vide-greniers, et j'achetais des livres d'occasion.
J'aime bien les gens qui lisent, dit-elle sans se retourner.
Et quand on est fonctionnaire, il faut que les choses rentrent dans des cases.
Et puis, il souhaitait écrire un livre, pour transmettre.
- L’image des sorciers et sorcières va ainsi se créer en mélangeant un résidu d’anti-judaïsme et de menace conspirationniste.
- À croire qu'on n'a rien appris depuis.
-Oui, ce sont toujours les mêmes démons qui ressurgissent.
- Parlez moi de cette sorcière.
- Oh, vous savez, à l'époque, on avait tôt fait de condamner les gens. Il suffisait de bien peu.
Il se tourna vers elle et et plongea ses yeux dans les siens. On y lisait un mélange de gratitude et de fébrilité. La statue avait vacillé, révélant enfin sa vulnérabilité. Il avait frôlé la mort et lui devait la vie. A une femme. Cela faisait beaucoup à avaler en peu de temps.
Machinalement, mue par une sorte de curiosité morbide, elle jeta un coup d’œil sur la partie manquante du crâne du savant. Maintenant que le corps était lavé, débarrassé entièrement de tout son sang, le spectacle était encore plus déroutant.
La découpe circulaire du sommet de la boîte crânienne était irrégulière et même crénelée à certains endroits. Partout, l’os avait cédé, victime de trop d’assauts. Au-delà des sourcils, il n’y avait plus rien. Une absence incompréhensible, inconcevable. L’intérieur était blanchâtre et lisse. Et vide.
Les sourcils froncés, Simon fixait toujours l’écran, mais ne prêtait plus attention aux propos de la journaliste. Il était plongé dans ses pensées.
Strasbourg et Lyon, meurtre et disparition, chimie et physique électromagnétique, Nobel et presque Nobel, aujourd’hui et quatre jours plus tôt… Certes, il y avait beaucoup de différences. Pourtant, quelque chose dans son esprit tirait la sonnette d’alarme : ce ne pouvait pas être un hasard. Combien y avait-il de scientifiques de ce niveau en France ? Quelques centaines ? Peut-être moins, quelques dizaines ? S’il arrivait quelque chose à deux d’entre eux en si peu de temps, il y avait des raisons de s’inquiéter.
Probabilité qu’il s’agisse d’une coïncidence : moins de 15 %.
Probabilité qu’il n’ait pas réellement entendu : 20 %. Probabilité qu’il n’ait pas compris ce que je disais : 10 %. Probabilité qu’il ait pensé que la vanne était destinée à quelqu’un d’autre : hum… 1 %. Bref, je suis dans la merde à 69 %.
Cet esprit frondeur, il le tenait des foyers où il avait grandi. Il n’était pas trop mal tombé, mais l’orphelinat était une école impitoyable où il fallait s’imposer pour ne pas être piétiné. Sans doute en gardait-il encore aujourd’hui les séquelles.
Contre toute attente, ce fut le poker qui lui évita de sombrer dans la délinquance. Ce jeu qui engloutissait bien des destins avait sauvé le sien.
Malgré le masque, l’odeur était saisissante. Une odeur métallique, âcre, qui éveillait au plus profond de l’être un sentiment étrange, mélange de peur et de dégoût.
Dans un amas de verre brisé, un corps gisait sur le dos. Celui d’un homme vêtu d’une blouse blanche maculée de sang.
Un peu de science éloigne de Dieu, mais beaucoup y ramène !