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Citations de Anatole Le Braz (118)


Je pus à notre messe de mariage, mesurer à quel point elle me possédait. Vainement, je m’efforçai de prier : je ne savais plus ; j’étais comme ces ivrognes qui recommencent toujours leur chanson au même vers et n’arrivent pas plus en sortir la trentième fois que la première.
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Les mains appuyées au bastingage, je regardais, dans le crépuscule embrumé d’un pâle matin d’octobre, se lever, de-ci de-là, sur les eaux, des formes d’îles aux contours imprécis, qu’on eût pu prendre aussi bien pour un fantastique troupeau de monstres. La vitesse de notre marche leur communiquait une sorte de vie mystérieuse, dans la clarté trouble du demi-jour où flottaient encore des restes de nuit. On les voyait surgir confusément et, presque aussitôt, s’atténuer, disparaître comme emportées par la fuite mouvante des houles.
(Incipit)
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Au réveil, ce fut encore à elle qu'il pensa tout d'abord.
En faisant tourner la clef dans l'armoire, il disait, reprenant son refrain de la veille :
- Petite coiffe de toile fine, qu'il était donc gracieux, le visage que tu encadrais!...
Mais le battant ne fut pas plus tôt ouvert, qu'il poussa un cri... un cri de stupeur, d'angoisse, d'épouvante, à vous faire dresser les cheveux sur la tête!
Tout ceux qui étaient dans le logis accoururent.
A la place de la blanche coiffe en toile fine, il y avait une tête de mort.
Et sur la tête, il restait des cheveux, de longs et souples cheveux, qui prouvaient que c'était la tête d'une fille.

Le fils aîné était si pâle qu'il en paraissait vert. Tout à coup, il dit avec colère, tout en faisant mine de rire :
- Ça, c'est un vilain tour que quelqu'un a voulu me jouer. Au diable, cette hure !
Déjà il avançait la main pour saisir la tête et la lancer au dehors. Mais, à ce moment, les mâchoires s’entrouvrirent hideusement, et l'on entendit une voix qui ricanait :
- J'ai fait selon ton désir, jeune homme : je suis venue au Guern, te réclamer ma coiffe. Ce n'est pas ma faute si tu as changé d'avis, depuis hier.

Je vous promets que le fils aîné du Guern ne riait plus, et que la colère lui avait passé, comme s'abat un coup de vent, quand la pluie crève.
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Il s’accroupit à mes côtés, à même la roche, parmi les varechs rampants dont on entendant, par intervalles craquer les capsules d’ambre. Le soleil allait sur midi ; la mer avait encore près de quatre heures à monter : elle s’enflait doucement, s’étirait ainsi qu’une bête paresseuse sous la caresse de la lumière.
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L’air était tiède comme en juin. Une lumière généreuse avivait d’une splendeur presque estivale les lointains élargis. La courbe des eaux, à l’horizon, avait des teintes d’un bleu intense que rehaussait un mince linéament d’or. Autour du phare, les courants semblaient se jouer avec abandon, déroulant les mille reflets de leurs soies et de leurs satins, telles que des écharpes de fées, tissées de toutes les irisations de l’arc-en-ciel. Il n’était pas jusqu’à l’île de Sein, dans l’ouest, dont la longue échine plate et triste ne se fût comme soulevée sur la mer, pour saluer la résurrection du soleil ; ce n’était plus la terre-épave, à demi sombrée ; on eût dit que les façades blanches de ses maisons se déployaient, prêtes à prendre le vent, ainsi que des voiles. Quant au continent, il nous faisait l’effet de s’avancer vers Gorlébella comme la proue éclatante d’un navire surnaturel.
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Qui peindra jamais avec des mots la magie d’un lever de soleil sur l’océan ? Des irisations merveilleuses couraient à la cime des vagues. Nous nous faisions l’effet de voguer sur des eaux féeriques, à travers un amoncellement invraisemblable de pierreries en fusion. On eût dit un satin transparent, déroulé à l’infini, une de ces étoffes dont parlent les contes, qui sont tissées avec des rayons et constellées de gemmes par myriades.
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Même temps qu’hier : un ciel tout neuf, la limpidité des matinées de Bretagne en octobre, une lumière idéale, élyséenne, une lumière finement bleutée. La ruelle, devant ma fenêtre, s’ouvre sur une filtrée de mer assoupie où des barques se balancent doucement.
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Soudain, il dit :
— Molène !
Il me montrait du geste une haute croupe dénudée, une espèce de morne roussâtre vers lequel le vapeur inclinait maintenant sa marche.
— N’est-ce pas, continua le facteur, qu’elle mérite bien son nom d’« Ile Chauve » ? C’est, un proverbe du pays qu’il n’a jamais poussé dans Molène que deux arbres, l’un en pierre, et c’est le clocher, l’autre en fer, et c’est le mât du sémaphore.
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À l’entour s’étend le sinistre paysage que vous savez, un dos de promontoire nu et comme rongé de lèpre, troué çà et là par des roches coupantes, de monstrueuses vertèbres de granit. Nulle autre végétation que des brousses à ras de sol, des ajoncs rampants, une herbe éphémère, tout de suite brûlée par les acides marins. Vous n’êtes pas sans avoir remarqué l’air de stupeur muette et résignée qu’ont toutes choses en ces parages, les plantes comme les bêtes, et les habitations aussi bien que les gens. Voilà pourtant l’oasis de bon repos après laquelle aspirent de tous leurs vœux les factionnaires de Gorlébella. Du moins ne s’y sentent-ils plus les emmurés des eaux. Si peu récréatifs que soient ces horizons, encore délassent-ils leurs yeux de la perpétuelle et obsédante agitation des vagues.
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C'est un proverbe du pays qu'il n'a jamais poussé dans Molène que deux arbres, l'un en pierre, et c'est le clocher, l'autre en fer, et c'est le mât du sémaphore ...
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Quand on ne cause pas, le jour, on s'ennuie, la nuit, on a peur.
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Cette cote, tour à tour sauvage et douce, où les plages succèdent aux rocs, les anses de sable aux brisants, est hospitalière à la vie.
Mieux que les rigides falaises normandes heurtées par l'incessant frottement des galets, ces rivages découpés offrent à la vie végétale et animale les abris dont la nature génératrice a besoin ...
(extrait de "La côte bretonne" de Vidal de la Blache)
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A Maggie


Octobre m’apparaît comme un parc solitaire :
Les mûres frondaisons commencent à brunir.
Et des massifs muets monte une odeur légère,
Cet arôme plus doux des fleurs qui vont mourir.

L’étang, les yeux voilés, rêve, plein de mystère,
Au fantôme ondoyant de quelque souvenir ;
Une langueur exquise a pénétré la terre,
Le temps même a plié son aile pour dormir.

Le ciel, plus imprécis, fait l’âme plus profonde.
On sent flotter en soi tout le passé du monde
Et, secoué soudain d’un grand frisson pieux,

L’on croit ouïr au loin des rumeurs sibyllines,
Tandis que, dans la pourpre ardente des collines.
Semble saigner encor le sang des anciens dieux.
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Il suffirait de coudre ensemble, à la façon des rhapsodes, quelques-uns des "noëls" locaux où cette naissance est célébrée, pour obtenir un évangile complet, j'entends un évangile bas-breton de la Nativité.
C'est ce que l'on a tenté de faire dans les lignes qui suivent, en demeurant fidèle non seulement à l'esprit, mais, autant que possible, à la lettre de ces naïves inspirations ...
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Il vous suffira, quand au reste, de savoir ceci.
En 1876, tout comme à présent, le personnel de Gorlébella se composait de trois hommes.
Il n'y en avait que deux qui fussent de service en même temps.
Le règlement porte, en effet, que chaque gardien, après avoir demeuré un mois au phare, a droit à un congé de quinze jours.
Tous les seconds samedis, à moins que l'état de la mer n'y mette obstacle, le bateau ravitailleur accoste au récif, débarque les provisions et prend à son bord, pour le ramener à terre, l'exilé dont c'est le tour d'être rapatrié....
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Anatole Le Braz
La mer m'a chanté l'aventure,
L'espace, la vie au grand air.
Je suis un goéland de mâture,
Un goéland, fils de la mer!

Et si dans ma chambre bretonne,
Un souffle passe, large et fier,
C'est qu'en moi gémit, hurle et tonne
L'âme innombrable de la mer.

( extrait de " Dans la grand'hune")
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Je ne vous emmènerai pas à Paris, ni non plus à Rouen, pour vous montrer un miroir où vous puissiez vous voir sans peine.
Je ne vous emmènerai pas plus loin que l'ossuaire où sont les reliques (des morts). Comme eux, il nous faudra mourir.

Extrait du chant populaire "La danse de l'Enfer".
Chanté par la vieille Berruchen- Paimpol.
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Charles-Louis-François Duparc, seigneur de Locmaria, marquis de Guerrande, fut, au dire de madame de Sévigné, un des cavaliers les plus accomplis de la cour du grand roi.
Possesseur d'immenses domaines au joli pays de Plégat, sur la limite des départements actuels du Finistère et des Côtes du Nord, il s'y fit construire au centre de ses terres, une belle résidence dans le goût du temps, sorte de Versailles en raccourci, dont les plans furent dressés par Perrault et les jardins dessinés par Lenôtre...
(extrait de "le bâtard du roi", nouvelle du volume paru aux éditions "Calmann-Levy éditeurs" en 1931)
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Anatole Le Braz (dont le père fut jadis instituteur dans mon village) a recueilli et traduit en français les "histoires" des simples gens du Trégor à la fin du siècle dernier.
Il rapporte, dans un livre intitulé "La légende de la mort", celle d'un gabarier mourant qui commande le recteur au moment de la renverse, reçoit les sacrements à mi-marée, et expire à marée basse, comme il l'avait annoncé.
Le Braz a donné au conte un titre lui-même venu du breton : "La vie qui va et vient avec la mer".
(extrait du chapitre 4 "J'ai marché au fond de la mer" du livre "Besoin de mer" d'Hervé Hamon, paru aux éditions "Points" en 1999)
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- Une vieille folle ! opina le syndic.
Figurez-vous qu'elle prétend savoir une couple de jours à l'avance tous les malheurs qui doivent se produire en mer, dans un rayon de six lieues à l'entour de l'île.
On l'a surnommée, à cause de cela, Strw an Ankou, la mouette de la mort.
Les gens vous affirmeront qu'elle converse avec les goélands dans leur langue.
Ce qui est sûr, c'est que le chaume de sa maison est tout englué de la fiente de ces oiseaux.
Quand ils sont blessés, elle les soigne, et quelquefois les guérit, grâce à des onguents dont elle a le secret ...
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