Citations de André Malraux (847)
La sculpture du Couronnement - prenons garde au mot « gothique » :il est né du mépris, qui définit mal - n'est pas plus que la sculpture romane une " manière de représenter l'Histoire Sainte ", qu'aurait produite la " vision " d'une époque : c'est le surgissement du monde sans précédent où la chrétienté découvre les figures de son rêve. On ne peut comprendre cet art si on le sépare de son accent de découverte, de son apparition aussi soudaine que celle des cathédrales; il est la première révélation de la Cité de Dieu. Par là, irréductible à tout l'art qui la précède, à tout l'art qui la suivra. Lorsqu'il cessera d'avoir pour objet cette révélation, la fonction de l'art changera.
Le peuple fidèle prie en lui le Dieu vivant dont les mains douloureuses ont remplacé la main terrible, et l'art qui manifestait l'Eternel manifestera désormais toutes les présences victorieuses de la mort.
Les maîtres de Sainte-Marie-Majeure (les autres sont des narrateurs) veulent peindre l'Annonciation dans le monde de l'ange. Cette intention oubliée, leur art devient inintelligible; c'est pourquoi il le devint pendant cinq cents ans. C'est aussi pourquoi il est indispensable : sans lui, le monde des basiliques ne serait qu'un espace solennel. Les grands mosaïstes apportent le monde de Vérité au peuple fidèle comme Phidias apportait les dieux à la cité.
Mais si la cité entière est bouleversée à la représentation d'Agamemnon, d'Œdipe ou d'Antigone, ce n'est pas par l'accablement. Elle y éprouve le même sentiment qu'à l'audition de l'Iliade : l'exaltation. Exaltation dont les commentateurs, dès l'époque hellénistique, ne comprendront plus la nature, parce qu'ils en chercheront l'origine dans les sujets des pièces. Sa cause est beaucoup plus profonde qu'une participation à de saisissantes légendes : c'est de découvrir que la poésie - la poésie, et non ce que le poète conte - parle au Destin d'égale à égal. Lorsque Oreste paraît sur le théâtre d'Athènes, un dialogue plus grandiose que son dialogue avec les Érinyes s'engage entre la cité et le dernier grondement d'Ouranos. Dans un monde où ce que l'homme ne gouverne pas a pris par lui tant de formes rayonnantes, la tragédie choisit de donner forme à ce qui l'écrase; mais en elle, il cesse d'en être écrasé.
Tous et toutes nous disent que pendant des millénaires, l'objet majeur de la création artistique - qui, elle, ne nous est pas étrangère, bien qu'elle nous atteigne à travers la métamorphose - a été la révélation ou le maintien des formes de Vérité. « Les hommes donnent aux dieux leurs noms, dit l'Inde, mais les dieux les acceptent ou les ignorent »; les plus grands artistes créaient les formes divines, mais les dieux ne les acceptaient que si les hommes les reconnaissaient. Alors commençait le règne d'un style...
L'art qui manifestait l'Eternel manifestera désormais toutes les présences
victorieuses de la mort.
" Une foule de tous les pays , à peine consciente de sa communauté , semble attendre de l'art de tous les temps, qu'il comble en elle un vide inconnu "
Le dialogue de l'art avec l'apparence, confus lorsque l'on comparait la Pourvoyeuse ou un portrait de Vélasquez à son modèle, une Vénus de Titien à une femme nue, les Ergastines du Parthénon à un cortège de jeunes filles, - et ces œuvres les unes aux autres... - devient beaucoup moins trompeur lorsque nous comparons à ces jeunes filles les Corés de l'Acropole; à un conseil d'évêques, les Confesseurs de Chartres; à une suite royale, celle de la Théodora de Ravenne, celles des monarques de tout l'Ancien Orient : lorsque, avec les divinités et les ancêtres, les héros et les prêtres-rois, les immortels et les morts, se lève l'assemblée des figures dont l'art avait pour mission d'exprimer la délivrance de la condition humaine et du temps.
Dès que nous cessons de les tenir pour des imitations maladroites de modèles, nous comprenons que le pouvoir par lequel elles nous atteignent, et qui est pour nous le pouvoir de création artistique, fut initialement celui de donner forme à ce par quoi l'homme devenait homme, échappait au chaos, à l'animalité, aux instincts, à l'éternel Çiva.
La transformation d’un fait en événement lui donne une intensité comparable à celle du théâtre, plus proche du fictif que du réel. Le cinéma, le roman policier participent à cet instantané, de l’élément commun à la publicité, la rue, la vitesse et le violence, l’audio-visuel. »
« Le public appelle l’émotion, et la presse l’en intoxique par un jeu toujours repris : notre civilisation vit dans le sensationnel comme la grecque dans la mythologie.
Le tong de votre voix est plein de… d’humanité. Je n’aime pas l’humanité qui est faite de la contemplation de la souffrance.
« Les grands RÊVES poussent les Hommes aux Grandes ACTIONS » …..
Maintenant, au plus profond de lui-même, les possibles ne trouvaient pas de place : il avait soixante ans, et ses souvenirs étaient pleins de tombes.
« Les grands Rêves poussent les Hommes aux Grandes Actions ».
Si un nouveau sursaut doit se produire, il continuera ce que j'ai fait, et non ce qu'on aura fait après moi.
Avant cent ans, ce que nous avons appelé la droite et la gauche aura rejoint les chimères, et sera à peine intelligible. Avec raison.
Il faut savoir si les Français veulent refaire la France ou se coucher. (...) Les Français n'ont plus d'ambition nationale. Ils ne veulent plus rien faire pour la France.
La télévision nous montre sans équivoque (ne serait-ce que par notre étrange syntaxe parlée: "Alors, sa soeur, elle dit...") la différence entre le charabia de la parole, quand elle n'est pas la lecture d'un texte et l'écriture.
La création m'a toujours intéressé plus que la perfection. D'où mon constant désaccord avec André Gide, et mon admiration, dès vingt ans, pour Braque et pour Picasso: ce livre est une interview comme "La condition humaine" était un reportage...
Quand tout va mal et que vous regardez vers les sommets; il n'y a pas d'encombrements.
Je ne crois pas que les Etats-Unis, malgré leur puissance, aient une politique à long terme. Leur désir, qu'ils satisferont un jour, c'est abandonner l'Europe. Vous verrez. La Russie, elle, veut gagner du temps. Et la France n'a plus de desseins du tout. (...) Et quand je serai mort, vous verrez d'abord reparaître les partis, et leur régime de malheur, mais ils finiront par s'embrasser.