Citations de André Malraux (847)
L’art, c’est le plus court chemin de l’homme à l’homme.
Le temps des prisonniers, cette araignée noire oscillait dans leurs cachots, aussi atroce et fascinant que le temps de leurs camarades les condamnés à mort. Car Kassner souffrait moins dans le présent que dans un futur obsédant, dans un perpétuel "à jamais" que l'absolue dépendance et la porte fermée rendaient plus pénétrant que le froid, l'obscurité et l'écrasement de la pierre. Quelque chose en lui tentait de s'adapter, et l'adaptation c'était précisément l'hébétude ; une hébétude parcourue de longues phrases musicales restées dans le cachot comme des traînards. ... Ce combat contre l'hébétude et les heures visqueuses, Kassner le vivait selon un rythme quI s'alentissait..
On frappait. A la porte du cachot ?
Depuis qu'il était dans la cellule il attendait ces coups-là.
Je cherche la région cruciale de l'âme où le mal absolu s'oppose à la fraternité.
Une vie ne vaut rien, mais rien ne vaut une vie.
(la terre suggère la mort par sa torpeur millénaire comme par sa métamorphose, même si sa métamorphose est l'œuvre de l'homme)
Un jour elle a vu que sa vie avait pris une forme: la mienne, que son destin était la et non ailleurs, et elle a commencé à me regarder avec autant de haine que sa glace.
Vous connaissez la phrase : « il faut neuf mois pour faire un homme, et un seul jour pour le tuer. » Nous l’avons su autant qu’on peut le savoir l’un et l’autre… May, écoutez : il ne faut pas neuf mois, il faut soixante ans de sacrifices, de volonté, de… de tant de choses ! Et quand cet homme est fait, quand il n’y a plus en lui rien de l’enfance, ni de l’adolescence, quand, vraiment, il est un homme, il n’est plus bon qu’à mourir.
Elle le regardait atterrée ; lui regardait de nouveau les nuages :
- J’ai aimé Kyo comme peu d’hommes aiment leurs enfants, vous savez…
Il tenait toujours sa main : il l’amena à lui, la prit entre les siennes :
- Ecoutez-moi : il faut aimer les vivants et non les morts.
La forêt s’était refermée sur cet espoir abandonné. Depuis des jours, la caravane n’avait rencontré que des ruines sans importance ; vivante et morte comme le lit d’un fleuve ; la Voie Royale ne menait plus qu’aux vestiges que laissent derrière elles, tels des ossements, les migrations et les armées. Au dernier village, des chercheurs de bois avaient parlé d’un grand édifice, le Ta Mean, sittué à la crête des monts’ entre les marches cambodgiennes et une partie inexplorée du Siam, dans une région Moi. « Plusieurs centaines de mètres de bas-reliefs … »
La reproduction a créé des arts fictifs en faussant systématiquement l'échelle des objets, en présentant des empreintes de sceaux orientaux et de monnaies comme des estampes de colonnes, des amulettes comme des statues.
Il savait d'expérience que la pire souffrance est dans la solitude qui l'accompagne. L'exprimer aussi délivre ; mais peu de mots sont moins connus des hommes que ceux de leurs douleurs profondes.
___Les musées sont pour moi des lieux où les oeuvres du passé, devenues mythes, dorment , ---vivent d'une vie historique en attendant que les artistes les rappellent à une existence réelle.
Sans doute toute vraie poésie est-elle irrationnelle en ce qu'elle substitue, à la relation « établie » des choses, un nouveau système de relations.
- Vous n'avez jamais songé réellement à vous tuer?
- Ce n'est pas pour mourir que je pense à ma mort, c'est pour vivre.
Vous savez aussi bien que moi que la vie n'a aucun sens : à vivre seul on n'échappe guère à la préoccupation de son destin... La mort est là, comprenez-vous, comme...comme l'irréparable preuve de l'absurdité de la vie...
- Pour chacun.
- Pour personne! Elle n'existe pour personne. Bien peu pourraient vivre... Tous pensent au fait de...ah comment vous faire comprendre ? ...d'être tué, voilà. Ce qui n'a aucune importance. La mort c'est autre chose : c'est le contraire.
Demain tout sera religieux ,
Ce n'était plus la transe de la forêt, mais la possession lente de la terre et des hommes par la chaleur, l'établissement d'une implacable domination. Projets, volontés se volatilisaient en elle : au fur et à mesure qu'avec le silence retombé , elle envahissait la pièce, une autre présence montait du flamboiement blanc du sol, des animaux endormis, de l'immobilité des deux hommes réfugiés dans cette ombre surchauffée : la mort.
(p.171)
"Ce qui est étonnant, Claude, dans la présence de la mort, même ...lointaine, c'est que l'on sait tout à coup ce que l'on veut, sans hésitation possible."
(p.173)
A côté de lui, Claude qui allait vivre, qui croyait à la vie comme d'autres croient que les bourreaux qui vous torturent sont des hommes : haÏssable.
(p.196)
Maintenant que son energie ne s'appliquait plus, Perken retombait sur lui-même. A peine semblait-il qu'il avait retrouvé sa vie: lorsqu'il avait risqué torture et déchéance en craignant de n'y pouvoir résister, il avait à tel point été arraché à lui-même qu'il ne se sentait plus en face que d'une vie de brouillard. Qu'y avait-il de réel dans cette rumeur qui montait et descendait avec la flamme, dans ce conciliabule de fous au centre de cet implacable écrasement de la forêt et de la nuit ?
(p.161)
- Ce n'est pas pour mourir que je pense à ma mort, c'est pour vivre.
(p.130)
Se refuser sans réserves au monde, c'est toujours se faire souffrir terriblement pour se prouver sa force. Il y a dans tout cela un immense orgeuil primitif, mais à quoi la vie et pas mal de souffrance ont fini par donner forme...
(p.118-119)
Déjà relevé, crachant, il vit grouillantes d'insectes, une seconde, ces pierres du sol sur quoi pouvait s'écraser sa vie; dérivé du dégout par le danger, il retomba sur le mur avec une brutalité de bête en fuite, avançant de nouveau, ses mains gluantes collées aux feuilles pourries, hébété de dégout, n'existant plus que par cette trouée qui le tirait par les yeux. Comme une chose qui éclate, elle fit place au ciel.
(p.92)