Citations de André Maurois (304)
Il y a une saveur Dickens. Il y a un parfum Dickens.
Nous reconnaissons vingt lignes de Dickens au milieu de toute la littérature anglaise.
Dickens a sa place parmi les causes d’ordre moral qui ont épargné à l’Angleterre une révolution
Quand nous aurons passé chaque matin une heure à nous informer de guerres lointaines,et une autre à nous désoler de leurs conséquences possibles, alors que nous ne sommes ni ministre,ni général,ni journaliste ,ni rien, nous n'aurons rendu aucun service à notre pays et nous aurons gaspillé le plus irrecouvrable des biens : notre vie brève et unique.
Ce qui divise le plus les êtres, c'est peut-être que les uns vivent surtout dans le passé et les autres seulement dans la minute présente.
Nous aimons les êtres parce qu'ils sécrètent une mystérieuse essence, celle qui manque dans notre formule pour faire de nous un composé chimique stable.
Elle me répondit par une phrase d'un philosophe que je lui avais fait lire : "Qu'importe qu'un plaisir soit faux pourvu qu'on croie qu'il est vrai…"
Eloigné par trop de lectures, par trop de solitaires méditations, des arbres, des fleurs, de l'odeur de la terre, de la beauté du ciel et de la fraîcheur de l'air, je trouvais toutes ces choses cueillies chaque matin par Odile et mises par elle en gerbe à mes pieds.
Je possède un bonheur si rare : un grand amour. J'ai passé ma vie à appeler le "romanesque", à souhaiter un roman réussi ; je l'ai et je n'en veux pas. J'aime Isabelle et j'éprouve auprès d'elle un tendre mais invincible ennui. Maintenant je comprends combien j'ai dû moi-même jadis ennuyer Odile. Ennui qui n'a rien de blessant pour Isabelle, comme il n'avait rien de blessant pour moi, car il ne vient pas de la médiocrité de la personne qui nous aime, mais simplement de ce que, satisfaite elle-même par une présence, elle ne cherche pas et n'a pas de raison de chercher à remplir la vie et à faire vivre chaque minute… Hier soir […] j'aurais souhaité sortir, voir des êtres nouveaux, agir. Isabelle, heureuse, levait de temps à autre les yeux au-dessus de son livre et me souriait.
La voyant par leurs yeux, je jugeais qu'elle traitait avec une inconvenante légèreté des sujets sérieux. Mais en même temps, j'en arrivais à préférer ses folies aux théories de mes amis. Ainsi j'étais honteux de ma femme devant eux et fier d'elle devant moi-même. Quand ils partaient, je me disais que malgré tout Odile leur était supérieure par un contact plus direct avec la vie, avec la nature.
Rien n'était plus facile que de comprendre les goûts de Philippe ; il était de ces lecteurs qui ne cherchent qu'eux-mêmes dans les livres.
Mes idées se renouvelaient peu parce que je n'avais pas le temps de lire.
Les moments très beaux sont toujours mélancoliques. On sent qu'ils sont fugitifs, on voudrait les fixer, on ne peut pas.
Ainsi va la vie. Deux êtres sont, l'un pour l'autre, ce qu'il y a de plus précieux au monde, mais il y a, dans cette communion quotidienne, une part immense d'habitude. Transplantez-les, éloignez-les l'un de l'autre, et les voici qui poussent des racines dans une terre nouvelle. A celui à qui on a tout dit, on ne peut se résoudre à dire des riens, et le silence s'établit. On imagine avec compassion Sand et Chopin, dans cet escalier de la rue de la Ville-l'Evêque, s'éloignant chacun de son côté, sans se retourner.
Un mariage heureux est une longue conversation qui semble toujours trop brève.
Dans sa province, irritée contre les mesquineries des petites villes, elle avait cru au monde des arts, de la politesse et de l'éloquence ; elle avait imaginé, à Paris, "une vie de choix, une société affable, élégante, éclairée, où les êtres doués de quelque mérite pouvaient être accueillis et trouver à échanger leurs sentiments et leurs idées". Elle ne savait pas que le génie est toujours solitaire et qu'il n'existe pas de hiérarchie morale unanimement acceptée par les meilleurs. Elle avait pris pour des poètes tous les gens qui faisaient des vers. Deux ans de dure expérience lui avaient montré que les grands hommes ne sont pas des géants, "que le monde est pavé de brutes et que l'on ne peut faire un pas sans en faire crier une". Elle avait cherché des maîtres ; elle avait trouvé de pauvres êtres prudents et hypocrites. Elle avait appris les dangers de la franchise.
On guérit certaines maladies ; d'autres surgissent... On invente des vaccins ; les microbes s'endurcissent... La lutte de l'homme contre le monde ne cessera jamais... C'est ce qui est beau.
Au temps de Balzac, la Province était peut-être un monde à part ; ce n'est plus vrai. Les femmes qui vivent ici lisent les mêmes livres, voient les mêmes pièces, vont aux mêmes concerts que celles de Paris. Tu méprises le snobisme bourgeois, mais quoi de plus snob et de plus vulgaire que le mépris de la vie provinciale? ...
Toute sa vie il avait nié les problèmes pour éviter d'avoir à les résoudre.
L'atroce impression des enfants qui ressentent l'angoisse sans la comprendre m'accabla.
- Il ne faut jamais juger les symptômes comme s'ils étaient des causes, dit la voix précise du docteur Guérin... Dans une maladie, les symptômes peuvent être les signes d'un désordre caché dans un coin du corps très éloigné de celui qui semble atteint. Un mal de tête peut être la conséquence d'une maladie de reins... Il en est de même des troubles psychiques.