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Critiques de André Schwarz-Bart (69)
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Le Dernier des justes

À mon sens, Le dernier des Justes n’est pas un livre qu’on aime ou qu’on n’aime pas. Je ne lui attribue donc pas d’étoiles. C’est simplement un livre que je me devais de lire.



Prix Goncourt 1959, cet ouvrage a joué un rôle important dans l’élaboration de la « mémoire de la Shoah ». L’auteur, André Schwarz-Bart, un ancien résistant dont les parents sont morts en déportation, n’a pas été déporté lui-même. Le dernier des Justes n’est donc pas une autobiographie, ni un témoignage. Ce n’est pas non plus un ouvrage documentaire sur l’histoire du peuple juif.



Le dernier des Justes est un roman, une oeuvre de fiction qui retrace l’histoire d’une famille juive sur plusieurs siècles, du Moyen-Age jusqu’à la deuxième guerre mondiale et la Shoah qui l’anéantira. L’ensemble s’inscrit dans une réalité mythologique et historique reconstituée à partir d’un travail très approfondi de documentation et de recueil de témoignages. L’auteur se réfère à une ancienne tradition talmudique selon laquelle le monde reposerait sur trente-six Justes, des homme ouverts à la souffrance du monde et capables d’en assumer devant Dieu le destin tragique.



Événement fondateur de l’histoire : à la fin du douzième siècle, à la suite du sacrifice digne et courageux d’un rabbin, sa descendance, la famille Lévy, se voit gratifiée par Dieu du privilège de compter un Juste à chaque génération.



Dans une première partie, le livre consacre la légende des Justes de la famille Lévy jusqu’à la fin du dix-huitième siècle, tout au long de ses migrations à travers l’Europe. Chacun de ces Justes connaît une fin tragique, assumée comme il se doit, sans peur, colère ni haine,... parfois sans trop comprendre ce qui lui arrive – ce qui revient au même ! Les péripéties font l’objet de courts récits au ton inspiré de chroniques médiévales et de contes folkloriques, avec une pointe d’humour ashkénaze gommant l’horreur des événements narrés.



Le récit prend ensuite la forme plus classique d’une saga romanesque familiale. Les Lévy sont installés à Zémiock, un shtetl – petite bourgade yiddish – aux confins de la Pologne et de l’Ukraine. Très misérables, ils ne vivent que selon les commandements de leur loi religieuse. L’un d’eux, Mardochée sera le premier à en secouer le joug, tout en restant fidèle à la spiritualité du judaïsme. Son fils, Benjamin, fera un pas de plus vers l’ouverture au monde séculier de son temps. En 1921, après un pogrom particulièrement violent qui les endeuille lourdement, les Lévy émigrent et s’installent à Stillenstadt, une petite ville d’Allemagne. Ils y font alors l’apprentissage de la vie dans un environnement où les non-juifs sont majoritaires...



La troisième partie du livre recouvre toute la période hitlérienne, de l’émergence du nazisme jusqu’à Auschwitz. Le récit se focalise sur Ernie, fils de Benjamin, né à Stillenstadt, et prend la forme d’un roman psychologique. Sensible et cérébral, Ernie a eu connaissance du secret de sa famille. Il s’évertue dès son enfance à se poser en Juste, mais il le fait avec tellement de naïveté et de maladresse qu’il est incompris et souvent rejeté. Au quotidien, l’antisémitisme de la population allemande devient de plus en plus agressif. Les Lévy s’enfuiront en 1938 à Paris, où ils seront arrêtés puis déportés. Ernie échappera à l’arrestation mais son destin de dernier des Justes finira par l’emmener lui aussi à la chambre à gaz.



Des polémiques se sont élevées lors de la publication de l’ouvrage. Je les évoquerai sans les développer. Il ressort de la lecture du roman que l’idée de souffrance serait consubstantielle à l’identité juive, pensée vivement rejetée dans le judaïsme moderne. L’acharnement antisémite nazi y est considéré comme le prolongement des persécutions menées depuis des siècles contre les juifs, « peuple déicide maudit ». Enfin, l’auteur, pourtant ancien résistant, met en exergue l’attitude fataliste et non violente des juifs, occultant leurs combats contre les nazis.



Le dernier des Justes est un livre difficile. Je me suis souvent senti perdu dans les passages inspirés de la mystique juive ou d’exégèses talmudiques, parfois inexactes aux dires de quelques spécialistes, ce qui importe peu du moment qu’elles entrent en cohérence avec l’histoire fictive imaginée par l’auteur.



Les pages consacrées au pogrom de Zémiock et aux violences antisémites nazies sont parfois insoutenables. Ce n’est pourtant rien à côté de celles décrivant le parcours final d’Ernie, dans le wagon qui le mène à Auschwitz, puis dans le couloir de la mort.



J’ai refermé le livre avec soulagement. Mais comme je l’ai déjà dit, Le dernier des Justes n’est pas un livre qu’on aime ou qu’on n’aime pas. Je me devais de le lire. Pour reprendre un mot d’André Schwarz-Bart, le lire, c’est « poser un petit caillou blanc sur une tombe ».
Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Un plat de porc aux bananes vertes

"Il m'amuse, il m'amuse, il m'amuse !... Et le plus drôle, peut-être, c'est qu'en dépit de son bel âge, de son orchite éléphantiasesque, de sa faux à couper les courants d'air et de son air boniface, de sa timidité vert bouteille, on subodore, chez lui, dans son attitude envers les "dames", une sorte de distance qu'il n'a pas envers ses pairs, ses compagnons : les représentants locaux du sexe masculin. Vrai, ce bonhomme m'amuse, m'amuse... Envers nous autres, gent à gésines et lactations et menstrues... une sorte de léger mépris qui ne saurait venir de son propre esprit - inexistant -, et qu'il faut bien supposer infus au plus profond de ses veines, sinon dans un grand sac de peau et de proliférations adipeuses qui lui tient lieu de virilité !... Mépris involontaire, inconscient, sans doute, chez cet être trop volatile pour supporter un sentiment fort ; mais qui lui donne parfois une certaine aura d'ironie, lointain feu follet... et met dans ses grands yeux vert bouteille une touche légère, infinitésimale, du plus ancien, du plus modeste et du plus indéracinable "racisme" qui soit : celui du pénis contre la matrice."



Voici un extrait du roman "Un plat de porc aux bananes vertes" co-écrit par Simone et André Schwarz-Bart. Un roman témoignage dans lequel la narratrice, vieille créole terminant sa vie dans un hospice à Paris, confie ses souvenirs. Réminiscences d'une vie misérable et riche de leçons, au gré de notre regard sur les comportements humains.



Le hic, c'est que moi, ce style lyrique et emphatique, je n'y adhère pas, il me fatigue beaucoup car il m'oblige à une attention pointue inconciliable avec mon besoin de détente et de plaisir quand je me plonge dans la lecture d'un roman. Relire les phrases plusieurs fois pour espérer les comprendre, sans perdre le fil du récit, découvrir de nouveaux mots à chaque paragraphe en m'y heurtant plus qu'en les savourant, très peu pour moi.



Roman de 210 pages seulement mais qui fut un chemin de croix jusqu'à l'abandon. Le style comme le rythme auront eu raison de moi.





Challenge XXème siècle - Edition 2019

Challenge MULTI-DÉFIS 2019

Challenge PLUMES FÉMININES 2019
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Le Dernier des justes

En ce moment, j'ai bien du mal à m'appliquer à rédiger des billets suite à mes lectures, désolée ! Pourquoi ? Eh bien .... je préfère lire !!!



Donc pour des raisons divers, Il m'est bien difficile d'essayer d'écrire quelque chose suite à la lecture magistrale de ce roman si mal connu : Le dernier des justes.



Il a fallu pour ma part, lire Yann Plougastel, le mois dernier, à travers le récit formidable qu'il a co-écrit avec Simone Schwarz-Bart Nous n'avons pas vu passer les jours (ed : Grasset ) pour découvrir cet homme, ce couple qui m'a totalement fascinée Simone et André.



Ensuite ma curiosité m'a invitée à lire Le dernier des justes, souhaitant approfondir la connaissance de cet auteur dont je n'avais, je crois, jamais entendu parlé !



Je suis aujourd'hui comblée par cette lecture, même si cette lecture peut être éprouvante par certains côtés, mais c'est une véritable plume que j'ai découvert, une plume rare. Sur le fond, le roman nous raconte donc tout d'abord la légende des Justes et de laquelle, ensuite, va naître toute une lignée de Justes, la dynastie des Lévy, dont Ernie Lévy, le protagoniste de cette histoire fait partie.



Lui c'est un jeune homme en 1945, et il va poursuivre sa destinée, après avoir connu la haine, la honte, la douleur de la perte, de l'injustice dans cette Europe à feu et à sang, criminelle ... Et pourtant, il va apportant autour de lui ce que nous pourrions qualifier d'espérance et de grand amour infini jusque la fin toute proche, des pages qui sont d'une grande émotion !



Tout le long de ce récit, en moi s'est imposée cette question : Pourquoi la persécution massive d'une race, dite la race juive ? Je ne comprendrais jamais et je pense qu'il n'y a même pas à comprendre. Qui sait ? L'auteur non plus ne réponds pas à cette réflexion ... il invite à écouter en nous racontant.



Voilà l'éternelle question !



Un roman incomparable, magistrale sur la destinée juive qui devrait être lu , abordé, médité dans tous les collèges.... Et dans bien d'autres lieux encore et toujours, que je vous invite, vous aussi à lire.



Merci Monsieur Schwarz-Bart d'avoir signé cette grande œuvre nécessaire !



Œuvre qui a été récompensé du Prix Goncourt en 1959.
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La mulâtresse Solitude

Guadeloupe, 1802. Face à la menace de rétablissement de l'esclavage, aboli par la Convention en 1794, l'insurrection fait rage dans l'île. Un des chefs de la résistance, le libre de couleur Louis Delgrès se replie à Matouba. Acculé par les troupes de Richepance, il se fait sauter le 28 mai avec environ 300 hommes. Parmi les survivants capturés le lendemain se trouve Solitude. Enceinte, elle a participé comme de nombreuses femmes à tous les combats. Elle sera exécutée le lendemain de son accouchement, le 29 novembre, et son enfant sera esclave.

André Schwarz-Bart donne vie à cette figure féminine de la résistance dont on ne sait pas grand chose. De l'Afrique des griots au Passage du milieu, de la plantation du Carbet à l'habitation d'Anglemont, il fait de Solitude une "zombi-corne", fille de Bayangumay, de la tribu des Dioulas violée au cours d'une pariade sur un bateau négrier, bien décidée à rester libre et à combattre. La mulâtresse Solitude est un des rares romans qui montre l'impact de la révolution française en Guadeloupe à travers la destinée tragique d'une femme née esclave qui répondit au "cri de l'innocence et du désespoir" de Louis Delgrès.

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Un plat de porc aux bananes vertes

Pfffff ! Je crois que rarement un petit roman (environ 200 pages) ne m'a autant fait souffrir. Je dois dire que je me suis accrochée à ma lecture puisqu'il s'agissait de valider un item difficile du challenge multi défis 2019 et mon côté obstiné m'empêche souvent d'abandonner un livre. Donc voilà j'ai pris mon courage à deux mains.

Une vieille créole se souvient de sa vie alors qu'elle séjourne dans des hospices (version polie pour dire qu'elle attend la mort). Les témoignages sur la vieillesse m'ont vraiment mise mal à l'aise: entre la pauvre dame qui ne peut pas se retenir jusqu'aux toilettes, les pots de chambre qui puent et les vers qui grouillent et le corps qui tombe en poussière. J'ai failli hurler de peur.

extrait:

La plupart des vieilles ne sont qu’à peine présentes à elles-mêmes, retenues par un fil, tels des cerfs-volants, à la poussière flétrie dont est constitué leur corps : elles voguent à l’envi dans les hauteurs de leur enfance, de leur jeunesse, traversées d’une clarté plus vive qu’un jeune soleil parisien, tandis que pour moi, sombre vache décatie), rien n’existe que les pots de sœur Marie des Anges, sur lesquels s’ouvre et se referme chacune de mes journées…



Il y a pourtant de jolies phrases mais les auteurs en font trop. J'ai mis déjà plusieurs pages avant de comprendre de quoi parlait le livre pour tout dire. Certains passages m'ont retournés le cerveau.

Style compliqué et personnage pas attachant.

Passons à autre chose.

PS: si vous avez peur de vieillir, fuyez ce livre !

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La mulâtresse Solitude

"Les nouveaux Maîtres l'estampèrent à l'épaule et la mirent au travail de la canne. [...] Il en alla ainsi pour les maîtres suivants, qui entendaient son rire et ouvraient leurs dix doigts ; et tous laissaient des initiales sur son corps, ..."



Ceci est le quotidien de bon nombre d'esclaves en Guadeloupe. Solitude, elle ne l'accepte pas et se révolte. Elle s'échappe d'abord dans sa tête puis choisit de rejoindre concrètement des contemporains qui se rebellent contre le rétablissement de l'esclavage par Napoléon.



La fin est malheureusement tragique et Solitude sera pendue. Restera néanmoins dans la mémoire collective l'idée qu'une cause juste, même condamnée n'est jamais vaine.



Nécessaire travail d'André Schwarz-Bart sur ce pan méconnu de l'histoire française. Dommage que la langue par endroits complexe, empêche de s'immerger dans le récit.
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La mulâtresse Solitude

Rosalie est la fille de Bayangumay venue d'Afrique de l'Ouest et transportée par bateau vers le Guadeloupe et d'un marin inconnu, née sous l'esclavage vers 1772.

Contrairement à sa mère qui travaille au champ, elle devra servir les Blancs.Mais c'est une révoltée!

Autour d'elle, quand l'esclavage est rétabli par Napoléon Bonaparte , les Noirs se révoltent et Rosalie appelée Solitude , enceinte, les rejoindra , se cachant dans les forêts de la Soufrière...



Belle écriture d'André Schwarz-Bart pour faire revivre cette mulâtresse qui résista avec les esclaves noirs en Guadeloupe!

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Un plat de porc aux bananes vertes

Cela m'arrive très rarement mais je n'accroche pas du tout. Peut-être ai-je apprécié ce livre au cours de mes études mais aujourd'hui, j'abandonne à la p. 67. Le vocabulaire est pourtant imagé et le style chatoyant comme au temps d'avant quand écriture rimait avec littérature. L'humidité et les miasmes de l'hospice m'ont découragée.
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Le Dernier des justes

Ce roman nous fait suivre l'histoire d'une famille juive à travers les siècles et l'Europe : l'ancêtre, un rabbin, est supplicié en Angleterre au Moyen-âge ; les générations suivantes sont chassées de pays en pays au gré des changements politiques, et perdent à chaque départ, ou leurs biens, ou leurs vies ; les descendants échouent dans des villages misérables de Pologne au XIXe siècle ; las, les persécutions reprennent et c'est en Allemagne, et plus tard en France dans les années 1930, que la génération suivante croit trouver un refuge. A chaque génération, un membre de la famille est sans le savoir, comme son ancêtre, un Lamed-Warf, un Juste qui porte tout le malheur du monde sur ses épaules.



Cet ouvrage d'une cruauté et d'une justesse inouïe met en perspective l'Holocauste avec l'histoire des juifs d'Europe depuis le Moyen-âge, soulignant la continuité historique effrayante entre ces époques. La forme narrative, surprenante, emprunte à la légende, au conte et au roman d'apprentissage. Le texte ne recèle aucun ferment de haine ni de révolte, il témoigne sous une forme fictionnelle originale d'une fatalité historique implacable. Cet ouvrage aujourd’hui mal connu, grand succès en 1959 lorsqu'il reçut le Goncourt, mérite amplement de faire référence parmi les romans traitant de l’Holocauste.
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Le Dernier des justes

J'ai gardé de cette lecture de roman un souvenir mitigé : je me rappelle surtout que certaines scènes sont si prenantes, si pathétiques et émouvantes, que j'en voulais à l'auteur de me prendre ainsi par les sentiments et de m'empêcher de lire calmement, littérairement, son livre. L'émotion emportait tout. Est-ce une qualité, est-ce un défaut ? Je suis partagé, mais le souvenir de ma rancune reste vivace. J'ajoute que ce roman, en tant que réflexion sur l'histoire juive (s'il en présente une, même involontairement) semble dire que désormais, après le nazisme, il n'y a plus de Justes sur lesquels le monde peut compter pour exister. Il y a donc un grand absent de ce roman tragique sur le peuple de Dieu : Dieu lui-même. S'il n'y est pas, il y a de quoi désespérer. Il n'est donc pas certain que ce roman soit une bonne action.
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Le Dernier des justes

Si Dieu existe pourquoi laisse-t-il se perpétrer tant de crimes ?



Le christianisme a tenté une réponse largement inspirée du judaïsme. Le Christ s'est sacrifié pour racheter les péchés des hommes. Telle est aussi la destinée des Lamed vav.


« Il est dit que de tous temps il se trouve dans le monde 36 personnes particulières, et que sans leur présence à eux tous, si seulement un seul d'entre eux venait à manquer, ce serait la fin du monde. Les deux lettres hébraïques pour 36 sont le lamed (30) et le vav (6). C'est pourquoi ces 36 sont connus comme les Lamed-Vav Tsadikim. »

Ainsi s'exprimait le rabbin Zwerin.



Dans les couvents français aussi, on croyait autrefois à cette substitution des peines par le sacrifice volontaire des orants.

Vaines tentatives de reproductions du sacrifice demandé à Abraham et que, depuis des siècles, nulle main divine n'arrête plus.

Vaine tentative de vouloir expliquer l'incompréhensible cruauté des hommes, autorisée par des Dieux muets.



A leur tour, les disciples du Christ se sont fait bourreaux… Pour le venger, on persécute le juif depuis les croisades. Pour venger Jessua ou pour ne pas payer sa dette aux créanciers ?

Car les juifs étaient les seuls à pratiquer une usure interdite aux chrétiens.



André Schwarz-Bart analyse avec lucidité l'attitude des siens face à l'horreur. Passivité, fuite et superstitions, pleurs et cris. Dignité aussi, dignité du mouton sous le couteau du boucher.



Un roman bouleversant, déchirant qui n'explique rien et n'expose que le constat d'une humanité en proie à une atroce et éternelle violence.


Un roman magnifiquement écrit, trop peut-être.

L'horreur peut-elle se dire avec poésie, humour ? Vaste débat.
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Le Dernier des justes

Selon la légende, Dieu aurait accordé sa grâce à la famille du rabbin Yom Tov Lévy, de la cité anglicane de York, en 1185. Assiégés par les chrétiens, les juifs se réfugièrent autour de leur rabbin, qui , après bénédiction, les égorgea un à un avant de se donner la mort.

Dieu donna dès lors à la famille la grâce d'avoir un Juste par génération.

Selon certains talmudistes, le monde reposerait sur 36 Justes, les Lamer - waf, réceptacles des douleurs du monde, dotés d'un coeur à la compassion infinie.

Ainsi de génération en génération voyons - nous vivre des Justes de la famille de Lévy, transportés en Pologne, à Zémyok, d'où leur réputation partira vers l'Allemagne et la France, dans toute la communauté.

Chacun de ces Justes est esquissé ou largement décrit dans ses oeuvres mais Ernie, le dernier, est le principal personnage du roman. Défiguré, devenu à moitié fou, il tombe éperdument amoureux de Golda qu'il ira, volontairement, suivre jusque dans l'enfer du camp de concentration.

Les derniers mots, l'horrible voyage de Drancy vers ce mythique pays de "Pitschipoïe", l'arrivée au camp et la douche finale sont absolument glaçants même quand on a vu des images d'archives.

Dernière missive que les vieux, illettrés, demandent à Ernie d'écrire pour leur famille: "Nous partons vers une destination inconnue".

Des détails historiques: les Juifs portent la "roue jaune" au Moyen - Age.



A Toulouse, la coutume veut que l'évêque reçoive le rabbin de la communauté juive chaque année. le rabbin doit se mettre à genoux et baiser la chaussure de l'évêque. Longtemps, on a remplacé cette humiliation par un geste symbolique. Lorsqu'un évêque plus sourcilleux que ses prédécesseurs à voulu revenir à la tradition, le rabbin s'est suicidé le lendemain.



En 1936 - 38, les instituteurs allemands poussent les enfants juifs au suicide (Ernie va se jeter du haut de sa maison après avoir été humilié et battu par les enfants de son école).

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Le Dernier des justes

Ce roman, publié en 1959, fut l'un des premiers en France à évoquer aussi directement la Shoah. C'est un livre bouleversant. Les temps anciens même lorsqu'ils sont dramatiques sont évoqués avec légèreté et humour. Peu à peu le ton s'alourdit et pour les dernières années des Levy dans les années 30 et 40, l'écriture devient poignante.
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La mulâtresse Solitude

Pour accompagner le voyage à  la Guadeloupe, j'ai choisi La Mulâtresse Solitude - figure emblématique de la lutte contre l'esclavage - évoquée dans ce roman historique. 



Née vers 1772 - pendue le 19 novembre 1802.



Son histoire commence de l'autre côté de l'Atlantique avec celle de sa mère Bayangumay, en Casamance..



Bayangumay, violée sur le bateau négrier par un marin blanc,





Rosalie, qui se nommera plus tard Solitude est une métisse aux yeux vairons qui lui valent aussi le surnom "deux âmes". Petite fille, elle est offerte à la fille du maître de l'Habitation du Parc, à  Capesterre . Son sort est plutôt enviable tandis que sa mère s'enfuit malgré le sort amer qu'on inflige aux esclaves marrons 





Le livre raconte la vie dans les plantations à sucre. Vie des esclaves agricoles et de ceux qui servent dans la maison. Au delà de la biographie, c'est très intéressant. Rosalie qui  va prendre le nom de Solitude perd peu à peu la raison









"Selon une tradition orale, encore vivace à la Côte-sous-le-Vent, du côté des pitons de Deshaies, c’est vers l’âge

de onze ans que la petite fille de Bayangumay tourna en zombi-cornes. En ce temps-là, disent les vieux conteurs

créoles, 



[...]

Il y avait alors une grande variété d’Ombres dans les îles à sucre : nègres morts animés par magie, nègres vivants qui avaient chu dans un corps de bête, et d’autres, d’autres encore, dont l’âme était partie on ne savait où. Ces derniers portaient habituellement le nom de zombi-cornes.



[...]

les zombi-cornes étaient tout simplement des personnes que leur âme avait abandonnées ; ils demeuraient vivants, mais l’âme n’y était plus.



Et puis, survient la Révolution, tout d'abord la Révolution libératrice et c'est un des aspects les plus intéressants du livre. 



"Le 7 mai 1795, les troupes de la Convention débarquaient en Grande-Terre de Guadeloupe où elles répandaient le décret d’abolition de l’esclavage ; et le 12 mai suivant, grossies par les esclaves rencontrés en chemin, elles faisaient leur entrée dans les faubourgs de la Pointe-à-Pitre. 





Libération des esclaves, mais aussi guillotine,



"la guillotine avait quitté la Pointe-à-Pitre, elle hantait maintenant les deux ailes de l’île, escaladait les mornes

les plus raides, les plus abandonnés, à la recherche de citoyens qui ne comprenaient pas leurs nouveaux devoirs. Nombre d’entre eux, fuyant la liberté, l’égalité et la fraternité, gagnaient l’obscurité profonde des bois,..."



En 1802, l'esclavage est rétabli, les derniers combats opposent les marrons retranchés dans les forêts et les collines. Solitude s'est jointe à eux. Elle est une des héroïnes de leur lutte désespérée.





Solitude fut exécutée le 29 novembre 1802.




Lien : https://netsdevoyages.car.bl..
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La mulâtresse Solitude

Tout débute en Afrique avec Bayangumay, petite fille que l'on voit grandir et se marier. Puis c'est l'horreur , on tue, on brûle, on enlève les survivants vers le bateau des blancs qui emmène sa cargaison aux Antilles, en Guadeloupe.



Bayangumay, enceinte après le viol d'un marin, met au monde une petite métisse dans laquelle elle a bien du mal à se reconnaître.



C'est cette enfant métisse que l'on va suivre, petite fille malheureuse qui ne trouve pas sa place et qui croise l'histoire avec la révolution française et fuit rejoindre les nègres marrons .



L'écriture est particulière, envoutante, poétique et décrit les horreurs de l'esclavage et la tragédie du déracinement
Lien : http://theetlivres.eklablog...
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La mulâtresse Solitude

Il est dommage que la forme de ce roman gâche un peu le fond.

Alors que "La Mulâtresse Solitude" est une icône guadeloupéenne qui incarne la résistance contre l’esclavage, André Schwarz-Bart raconte l'histoire de cette femme des Caraïbes dans un style poétique voire onirique que je ne trouve pas adapté à la réalité cruelle de l'esclavage.

D'ailleurs, le livre commence comme dans un conte pour enfant : il était une fois...

Cela met à distance l'histoire qui devient une sorte de légende alors que ce n'est pas le cas.



La première partie du livre est consacrée à la mère africaine de celle qui aura plusieurs noms, les esclaves n'ayant d'identité qu'en fonction de l'appartenance à un maître : Solitude c'est aussi Rosalie ou Deux-âmes.

De l'actuel Sénégal elle sera vendue pour l'île française de la Guadeloupe ou elle donnera naissance à une petite mulâtresse vers 1772.

C'est dans la deuxième partie du livre qu'on verra grandir Solitude dans le contexte du système esclavagiste puis rejoindre les marrons qui se sont battus pour la défense des idées de liberté et d’égalité.



Si je n'ai pas aimé les métaphores utilisées par André Schwarz-Bart (l'homme aux boucles blondes pour le blanc ou à la face de nuit pour le noir) je trouve important d'honorer la mémoire de ceux dont le destin éclaire le présent et permet de faire histoire commune dans un monde où se côtoient tant de cultures et d’héritages différents.





Challenge Riquiqui 2023

Challenge Temps modernes 2023

Challenge XXème siècle 2023

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Le Dernier des justes

Ouvrage destabilisant quand on n'a pas l'habitude de côtoyer des auteurs juifs,et que l'on ne connaît pas la culture juive.

Malgré tout,ce livre est tres plaisant,mais je regrette de n'avoir pas tout saisi,les nuances du langage,de syntaxe,les legendes,les mythes ,la religion,la nostalgie qui habite le recit.

Je crois etre passee a cote d'une œuvre magistrale,mea culpa de n'avoir pu l'apprecier a sa juste valeur.
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L'ancêtre en solitude

Excellent et émouvant. Il faut le lire après avoir lu ou relu les précédents: la mulâtresse solitude et un plat de porc aux bananes vertes. La valeur de ces récits réside dans la juxtaposition d’une narration pittoresque du quotidien et le rappel d’une exploitation abominable pas si éloignée de nous, qui a réussi à asservir les âmes.
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Le Dernier des justes

Je relis ce roman pour la troisième fois, et je remercie Robert Bober de m’avoir guidée dans ce choix en mentionnant à plusieurs reprises dans son dernier ouvrage, des passages de ce livre majeur. La première lecture m’avait fortement marquée, j’en suis sortie bouleversée, le souvenir du récit m’a accompagné pendant de longues années. Lorsque je l’ai relu, j’e l’ai découvert une seconde fois, avec la même charge émotionnelle. J’en ferme les pages pour la troisième fois, accablée par les dernières chapitres dans lesquels , les chambres à gaz me renvoient à notre responsabilité d’êtres humains aujourd’hui dans le monde où nous vivons.

Le récit magistral de l’auteur retrace il est vrai l’histoire du peuple juif, depuis le moyen âge jusqu’à la Shoah. Toutefois, dans cette mécanique étatique du massacre que fut la Shoah, l’humanité toute entière est renvoyé à la question de la responsabilité autant qu’à celle des victimes. C’est bien la question de l’homme qui est posée. La magnifique figure d’Ernie peut poser cette question au nom du peuple juif, il peut aussi la poser au nom de l’humanité toute entière.

Je crois que c’est la première fois que ce sentiment m’étreint, d’une interrogation puissante sur ce qui renaît de ces cendres brûlantes. Ni l’oubli, ni le pardon mais le droit pour tout homme de vivre comme un homme.

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Le Dernier des justes

A la suite de Nous n'avons pas vu passer les jours - de Simone Schwarz-Bart et Yann Plougastel, j'ai voulu retourner  au Dernier des Justes qui a valu à Schwarz-Bart le Prix Goncourt 1959. Lire  après 64 ans et une série de témoignages, essais et romans sur l'Holocauste. 



"Sommes-nous des Justes pour vivre avec le couteau devant les yeux ? Savez-vous quoi, cher monsieur

Grynspan, parlons plutôt de quelque chose de gai : quoi de neuf sur la guerre ?"



Le terme de "Juste parmi les Nations" est usité aujourd'hui



pour désigner les non-Juifs qui ont risqué leur vie pour soustraire des Juifs aux persécutions des nazis pendant la Seconde Guerre mondiale.



Pour Schwarz-Bart ,"Justes" est employé dans une autre acception : celle de la tradition talmudique des lamed vaf ou les 36 Justes cachés (Tzadikim nitzarim) dont l'existence garantit la survie du monde.





Cette une longue histoire commence en Angleterre, dans la ville de York le 11 mars 1185 quand le vieux rabbin Yom Tov Levy poignarda ses coreligionnaires assiégés dans une tour, plutôt que de se rendre. A chaque génération, un descendant de Yom Tov Levy poursuivit cette tradition : Salomon Levy, en 1240 à Troye fut brûlé sur le bûcher, son fils Manassé retourna en Angleterre poignardé... après l'expulsion des Juifs d'Angleterre, la famille Levy gagna le Portugal, puis Toulouse ... En Espagne Matatias mourut sur le bûcher. Longue série d'expulsions, persécutions, avec la fin tragique d'un Lamed vav à chaque génération. Histoire des Juifs à travers l'Europe, histoire d'exils, de pogroms...Par la Bohème, la Pologne, la Russie, la dynastie des Levy maintient la tradition.



On les retrouve à Zémyock,  dans le Schtetel, nombreux, respectés





Vers la fin du XIX siècle, il fut question de Palestine, d'Amérique. L'auteur s'attache à une branche de la famille : Mardochée, le colporteur et sa femme Judith et leurs enfants voient leur univers bouleversé en 1915 quand les Juifs prirent l'uniforme des armées belligérantes



"les Juifs se tuent entre eux! Malédiction!"



Après la guerre, la révolution, l'Ukraine à feu et à sang, les Cosaques déferlent sur Zemiock.



Nouvel exil, Benjamin choisit l'Allemagne et fait venir ses parents Judith et Mardochée à Stillenstadt où naitront ses enfants, et parmi eux, Ernie, le dernier des Justes, qui voit monter l'antisémitisme et le pouvoir hitlérien. Fuite in-extremis en France.



Ernie aurait pu s'en sortir. Engagé dans l'armée française, il débarque en zone libre. Il préfère rejoindre ses parents à Paris, se fait admettre à Drancy pour suivre son amoureuse. Le Dernier des Justes sera gazé dès son arrivée à Auschwitz.



Fin de la légende? Fin d'un monde? 






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