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Critiques de Ango Sakaguchi (5)
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L'idiote

Derniers mois de la seconde guerre mondiale. Tokyo est sous les bombes. Dans une maison où vivent pêle-mêle hommes et animaux (porcs, chiens et autres poules), grouille une humanité pitoyable et malveillante, formant une Cour des Miracles agitée par les folies des uns et les perversions des autres.

C’est là qu’habite Izawa, dans une sorte de cagibi séparé du corps de logis. C’est un homme amer, qui porte un regard méprisant sur ses semblables qu'il juge mesquins, uniformes et creux, évoluant dans un monde d’apparences vide de sens où tout se ramène à courir les filles, claquer son fric et se réveiller avec la gueule de bois. Un monde où la quête de soi, la personnalité, la créativité n’existent pas. Il vit seul, non par choix mais parce que la vie conjugale suppose l’aliénation à une aisance financière dont il est dépourvu. Journaliste, il n’exerce plus que pour pouvoir se procurer des cigarettes un métier réduit à tourner des films de propagande.



Parmi ses atypiques et détestables voisins, figure un fou paranoïaque, par ailleurs très bel homme, marié à une idiote, également belle, et d’allure distinguée, qu’il a ramenée d’un pèlerinage à Shikoku. Un jour, l’idiote fuit de chez elle pour se réfugier chez Izawa, où elle s’installe définitivement, en secret. Muette, la femme semble rechercher son affection. Dès qu’elle est effrayée, elle s’enferme dans le placard. Une relation étrange se noue eux, entre promiscuité et incommunicabilité. Izawa éprouve des sentiments contradictoires envers l’idiote. Envieux de sa candeur et de l’ignorance qui la tient éloignée de l’agitation futile et illusoire qui agite les individus, il ressent pourtant une irrépressible répulsion pour son comportement animal et son absence d’esprit, ne la considérant pas comme un être humain à part entière.



"L’idiote" est un texte très court mais intense, porté par une atmosphère à la fois insolite et dérangeante. Le regard féroce et désespéré que porte son héros sur le monde qui l’entoure, ainsi que son absence d’énergie et d’attachement, expriment un fort sentiment de vacuité et d’abandon.



Il est suivi d’un autre texte encore plus court, "Je voudrais étreindre la mer" à l’ambiance tout aussi obscure, qui met en scène un couple dont les rapports sont plombés par la rancœur et l’incompréhension. Elle, est une ancienne prostituée qui ne peut s’empêcher d’avoir des amants, victime d’une addiction au sexe qui ne lui procure pourtant aucun plaisir, puisqu’elle est frigide. Lui (le narrateur) accepte plus ou moins ses incartades, lui-même n’est pas vraiment fidèle. Il exprime une étrange dichotomie entre la fascination qu’il éprouve pour le corps, très beau, de la femme, et les sentiments odieux que sa présence suscite.
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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L'idiote

Le livre contient deux nouvelles parues en 1946 qui n'ont rien perdu de leur puissante force provocatrice.

1) L'Idiote

Le récit se déroule dans un quartier populaire de Tokyo sous les bombardements américains. Les gens et les animaux sont entassés pêle-mêle et survivent dans une promiscuité sordide. Le personnage principal est Izawa, un journaliste qui se méprise car il en est réduit à réaliser des films de propagande pour quelques sous. Un jour "l'idiote" se réfugie dans sa bicoque pour échapper à son "fou" de mari. Elle n'a pas de nom et ne semble pas avoir d'esprit, c'est un corps.

2) Je voudrais étreindre la mer

Récit à la première personne d'un homme qui entretient une liaison avec une femme frigide qui se prostitue. Il s'interroge sur la nature de son désir ( moi aussi). Le récit se termine par une hallucination.



Les deux récits sont dérangeants. Le second est sans doute métaphorique mais je n'ai pas tout compris.

L'Idiote est un récit marquant. D'abord c'est un témoignage saisissant sur la vie quotidienne en temps de guerre, sous les bombardements. On est loin de l'héroïsme ou des valeurs spirituelles ancestrales véhiculées par la propagande via des artistes dévoyés et compromis. On est dans le trivial, le bestial, les besoins primaires. Izawa se pose des questions, se méprise parce qu'il a renoncé à ses idéaux. Il trouve une manière de fuir en rencontrant l'idiote, une femme- animale, sans pensée. Il la méprise et se sert d'elle. Pourtant, il ne peut se résoudre à l'abandonner comme il ne peut se résoudre à mourir, à la fois par manque de courage et par instinct de survie.

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L'idiote

Les éditions Picquier ont eu la bonne idée de réimprimer 20 ans après sa première édition en poche ces deux récits d'Ango Sakaguchi : L'idiote, et Je voudrais étreindre la mer. L'écriture de ces textes est d'une qualité rare, à tel point qu'on pourrait sans peine tirer une voire plusieurs citations de pratiquement chacune de ces 75 pages petit format.



Ces récits sont une totale immersion dans l'horreur de la guerre pour l'idiote, et du couple pour le second texte. A chaque fois, le thème est l'abîme de solitude sans fond qui étreint le coeur et l'esprit de l'homme, qui ne vaut décidément guère mieux que l'animal. Tout est vain en ce monde infernal, de déchéance de l'humanité.



Dans l'idiote, Tokyo est sous les bombes américaines en cette fin de seconde guerre mondiale. Un tapis de bombes incendiaires et explosives, qui menacent d'anéantir le Japon. Izawa vit dans ce qui n'est guère qu'une cabane en ce centre ville voué à la destruction, où l'on ne mange plus, on ne dort plus, on ne s'aime plus. Parmi ses voisins, un couple, lui est fou, elle est idiote. Un jour, Izawa la trouve réfugiée chez lui, dans un placard. Il veut la mettre au chaud dans son lit, sans intention dépravée. Mais son air affolé qui lui font rechercher à tout prix le placard ne traduisent rien d'autre qu'une terreur du rejet physique. Cette simple d'esprit, n'a pas d'autre état d'âme que la satisfaction de ses besoins primaires. Elle est finalement en cela plus libre qu'Izawa, qui comme humain se pose mille questions existentielles sur l'issue de la guerre : comment travailler, se nourrir, comment fuir, et protéger cet être dont il a désormais la responsabilité, et qui n'est qu'un tas de chair, telle une truie. Dans l'enfer de la fuite dans Tokyo en flammes, le constat est d'une noirceur absolue...Heureuse idiote qui ne pense pas lorsque l'homme subit la simple pensée comme une torture psychologique dès lors qu'il n'y a pas le moindre espoir de salut...



Dans Je voudrais étreindre la mer, c'est encore un homme qui se confronte cette fois à la femme. Dans ce très court récit à la première personne du singulier, une phase de dialogue révèle l'incompréhension qui règne dans ce couple. La femme est une ancienne prostituée. Devenue frigide, elle ne peut pourtant pas s'empêcher d'enfourcher son vélo pour aller retrouver des amants. C'est comme une drogue, qui ne lui procure plus aucun plaisir, mais est devenue un besoin impérieux du corps. A nous lecteur, lui concède bien qu'il n'est pas non plus un exemple de fidélité, mais qu'il est tellement tolérant pour les incartades de sa femme qu'elle ne peut pas le quitter. Il trouve le corps de "la femme", comme il l'appelle, très beau. Son plaisir est d'explorer cette oeuvre d'art en solitaire, puisqu'elle ne répond pas à son excitation. Et un jour, à l'occasion d'une sortie balnéaire avec elle, une hallucination le frappe comme une révélation.



Ces deux récits sont d'une puissance philosophique et littéraire intenses sur le tragique de l'existence humaine, sur la vaine quête du bonheur, sur l'incommunicabilité entre les êtres, et bien d'autres choses, y compris une véhémente critique des élites qui ont conduit l'empire au désastre. Je ne cacherai pas avoir eu quelques difficultés à bien saisir la pensée de l'auteur, tellement le sujet est ambitieux. Mais ces textes concentrent une esthétique littéraire absolument incomparable ! (je vous invite à vous reporter aux quelques citations que j'ai postées ici). Malgré ces climats si pesants, chaque phrase, presque chaque mot est un pur délice de lecture. Une expérience à tenter pour les otaku de littérature japonaise...mais attention, vous serez aux antipodes des douceurs d'une Ito Ogawa !

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L'idiote

La littérature japonaise portant sur la seconde guerre mondiale est brillante, mais jamais je n’avais rencontré un récit aussi singulier sur ce thème que celui de L’idiote de Sakaguchi Ango. Si cette période vous intéresse, ce récit est pour vous ! L’auteur se saisit de cette période où la vie est suspendue sous les bombardements pour décrire la médiocrité de la société japonaise, mais aussi de manière encore plus troublante celle de l’homme en tant qu’individu prisonnier de ses besoins matériels qui l’empêchent de réaliser ses aspirations de liberté. Ce récit est un témoignage sur la violence de la guerre pour les populations civiles et le reflet de la vision désabusée que Sakaguchi Ango porte sur l’homme.



Les premières pages décrivent les habitant de ce quartier populaire insalubre dans lequel habite le personnage principal. On passe en revue une collection de personnages plus minables et pathétiques les uns les autres, dont Balzac n’aurait pas renié les portraits. Ceux qui paraissent les plus appréciables sont les fous voisins du personnage principal, car en dépit de leurs actions irrationnelles ils ont choisi de ne pas prendre part à la médiocre vie du quartier dans laquelle ils vivent, se réfugiant dans leur univers propre.



Un soir, le personnage principal voit débouler dans sa masure la femme de son voisin fou, une idiote qui sait à peine parler et tient davantage dans ses attitudes d’une bête craintive que d’une femme. Il décide de permettre à la femme de passer la nuit dans sa demeure. Face à cette femme qui se comporte de manière absolument instinctive et dépourvue de raison, le personnage principal s’interroge sur son existence. A-il finalement une vie plus raisonnable que cette folle ? Le Japon en guerre semble promis à la destruction, noyées sous les bombes seront toutes les structures millénaires de sa civilisation, dévoyée par des intellectuels qui forme une élite sectaire et médiocre se moquant de l’art et préférant soutenir les yeux fermés la politique nationaliste fanatique du gouvernement. Au milieu de cette faillite collective, Le héros aspire à l’art, à donner sens à son travail pour le bien commun, mais il ne peut quitter son travail, car le tenaille le besoin méprisable mais insurmontable de toucher sa paie à la fin du mois. Cette crainte de ne pas avoir d’argent, elle tenaille le héros au point qu’il ne peut pas la surmonter. Finalement, l’auteur nous montre la faiblesse de l’homme, qui même animé d’une aspiration à la liberté, ne peut jamais l’atteindre, piégé par ses besoins matériels. La folle elle ne se préoccupe pas de besoins matériels, mais elle ne peut pas effectivement profiter de son détachement aux choses de ce monde. Elle reste une coquille vide incapable de réflexion et soumises aux humeurs des autres. Pour l’auteur, il ne semble pas y avoir d’issue pour trouver cette liberté tant recherchée et jamais atteinte.



Le récit se conclut par la destruction annoncée, le quartier est bombardé pas des bombes incendiaires, et les maisons de bois se consument en un brasier dantesque. Les hommes fuient en un troupeau grégaire. Le héros choisit de prendre la folle avec lui et ils s’enfuient dans les flammes, pour arriver dans un refuge provisoire où ils s’endorment. Seuls dans ce monde en ruine, ils peuvent aller où ils veulent, car rien ne les retient plus. Il veut aller loin, mais d’abord il doit vérifier que le train fonctionne encore…le matériel le rattrape déjà. Quant à la folle, elle dort, insouciante de tout et se laissera guider par l’homme comme la poupée qu’elle est.



Ce livre, violente charge contre la société japonaise de la seconde guerre mondiale, constatation désespérée de l’impossibilité de l’homme à connaître une liberté souhaitée et jamais atteinte, est magnifié avec une grande intelligence dans l’écriture et par cette association des plus singulière de la folie de la guerre mise en parallèle avec la folie clinique. Je vous conseille vivement cette lecture, d’autant plus qu’il y a un deuxième récit (chic, un bonus !) qui mérite aussi le détour (mais dont je ne vais pas parler ici, car cette critique est déjà bien trop longue, et n’ayant honnêtement pas très bien compris le sens de ce deuxième récit qui reste obscur pour moi !)

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Meurtres sans série

Comparativement à la scandinave, à l'anglaise ou à l'américaine, la littérature japonaise de romans policiers reste relativement méconnue en France.



Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas d'auteurs dignes de lecture - on pense notamment à Edogawa Ranpo, Seicho Matsumoto, spécialiste du « Travel Mystery », ou plus récemment Soji Shimada et son Tokyo Zodiac Murders - mais peu d'entre eux ont été traduits en français - même si, grâce aux éditions Picquier, la proposition de livres traduits aux lecteurs français a été grandement améliorée.



Dans la collection Japon, Les Belles Lettres propose Meurtres sans série de Sakaguchi Ango.



L'intrigue est la suivante : à la suite d'un premier meurtre d'un écrivain à succès dans la maison d'un homme politique, une série de sept meurtres va être commise avant qu'un détective amateur ne confonde le meurtrier dans un final à la Hercule Poirot.



Bien que Sakaguchi ne soit pas un auteur de romans policiers - il s'agit ici de son seul roman policier -, Meurtres sans série a obtenu le prix du Club des auteurs de romans policiers. Cet unique roman policier de Sakaguchi est même considéré comme un classique du genre reprenant une grande partie des codes et règles en vigueur mais pour les détourner en une espèce de « farce policière »*.



Un des personnages du roman s'étonne que « Quelle farce ! Ben quoi ? Un meurtre, c'est bien une farce, non ? Cette maison, d'abord, c'est cette maison qui est une vaste farce ! Est-ce qu'on peut vraiment avoir l'air sérieux ici ? Je croyais que c'était un lupanar, mais tu parles ! C'est pire que ça ! » mais c'est bien Sakaguchi qui propose à ses lecteurs une farce policière comme. 



Dans le roman, on retrouve bien les principaux ingrédients d'un roman policier. Des meurtres - une série en fait ; une équipe d'enquêteurs professionnels aux surnoms étonnants - l'inspecteur « Soupçons » est entouré de « Le Pif », « Je-lis-trop » et « Eureka » - plutôt dépassés par la série de meurtres ; un enquêteur amateur - « Docteur » Kose, qui n'est pas « plus docteur qu'autre chose » et c'est parce qu'il est « nul comme romancier (qu'il comprend) si bien le crime » ; et un final à la Poirot.



Mais il s'agit aussi d'une farce comme le souligne Estelle Figon en se demandant entre autres « Pourquoi tous ces gens, suspectés mais pas inculpés, s'acharnent- ils à rester dans une maison, où ils ont toutes les chances de se faire tuer, sans sembler d'ailleurs particulièrement terrorisés ? », « Pourquoi passent-ils leur temps à boire et à échanger des considérations aigres sur la vie et sur l'art au lieu de chercher à fuir ? » ou « Pourquoi ne voit-on pas enquêter cette équipe de police composée d'inspecteurs aussi nombreux qu'incompétents, aux surnoms improbables, plus farfelus les uns que les autres et incapables d'empêcher le moindre crime ? ».



Indéniablement, Sakaguchi joue avec ses différents types de lecteurs. Initialement, le roman avait été publié sous la forme d'un feuilleton et un concours avait été organisé afin de découvrir le meurtrier. Dans cette édition, les notes d'accompagnement de Sakaguchi lors de chaque livraison sont reproduites - ainsi que les résultats détaillés du concours - et, dans celles-ci, Sakaguchi interpelle les lecteurs ayant envoyés des réponses - y compris « Je-lis-trop », « Le Pif » et « Eurêka » !!! -, commente leurs propositions et invite même certains de ses confrères à envoyer leur proposition de résolution de la série criminelle. Par ailleurs, Sakaguchi place ici et là dans son roman des réflexions sur le monde littéraire - ces réflexions passent très bien dans la mesure où les principaux protagonistes du roman sont des écrivains ; lui-même est d'ailleurs cité dans le roman - et également sur le roman policier en distillant ses préférences en termes de romans policiers - « les Anglaises, comme Christie » plutôt que « Van Dine** ou Queen (qui) sont inutilement pédants » - et glissant ses commentaires sur le roman policier.



Bien que farce policière - ce qui rend relativement paradoxal le statut de classique du genre de ce roman -, Meurtres sans série constitue une excellente lecture. Il est simplement dommage qu'il ne s'agisse pas d'une série mais d'une incursion sans série dans le genre policier.



* À la fin du livre, on trouve une postface de la traductrice Estelle Figon intitulée « Ango et la farce policière » ainsi que des repères biographiques et une bibliographie.   



** Auteur de romans policiers, S.S. van Dine sera un des premiers à codifier le genre en publiant dans American Magazine « Les vingt règles du roman policier » en 1928. Lui-même ne les respectera pas (toutes) dans ses propres romans policiers.
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