Lorsque le roman démarre, Edith Hope, 39 ans, écrivaine anglaise de romans sentimentaux, vient d'arriver dans le très sobre hôtel suisse où son entourage l'a forcée à s'exiler temporairement après « un faux pas lamentable », une « chose effarante » dont on ne découvrira que plus tard la teneur. Après s'être morfondue de la situation, elle semble se plier de bonne grâce à l'inanité d'un train-train inepte, s'intégrant petit à petit à la petite communauté respectable de l'hôtel, tout aussi respectable comme si cette sage mortification devait lui permettre de réintégrer sa vie d'avant une fois la parenthèse achevée.
Rien n'est spectaculaire dans ce roman feutrée, à commencer par son héroïne - presque surannée - d'intellectuelle célibataire aux faux-airs de Virginia Woolf ( comme on le lui rappelle souvent ), jamais sans son cardigan. Les enjeux semblent minimes tant il ne se passe rien de notable dans ses journées, balades, déjeuners, tea times, bavardages futiles, si ce n'est l'envie de savoir ce qu'elle a fait pour se retrouver punie ici, la révélation est d'ailleurs très bien amenée, au moment juste.
Et pourtant, on ne s'ennuie pas dans ce roman d'observation à la perspicacité psychologique. L'humour désenchanté de l'autrice culmine lors de portraits acides des personnes rencontrées par Edith. On suit au plus près son point de vue, regardant par dessus son épaule lorsqu'elle écrit des lettres. Sa vision mordante de son entourage explose alors qu'elle affiche toujours une politesse de bon aloi. Les descriptions, nettes et acérées, sont absolument mémorables, très drôles, notamment celles de la douairière Mme Pusey, parangon de la nouvelle riche thatchérienne, boursouflée de narcissisme et de suffisance.
Ce roman condense ce qu'on imagine être l'esprit britannique, entre élégance ironique, écriture ciselée et finesse d'observation. D'autant qu'au deux tiers, Anita Brookner opère une surprenante bascule en soumettant Edith à un test très austenien. Si j'ai été un peu « dérangée » par ce changement de rythme – je m'étais laissée charmée par le balancement lent des observations d'Edith – lorsqu'on referme le roman, je me suis dit que c'était très malin d'avoir ainsi orienté l'intrigue.
Très subtil surtout pour permettre une réflexion pertinente sur la cruauté de la société à l'égard d'une femme célibataire sans enfant qui atteint la quarantaine. Edith n'a pas suivi le chemin conventionnel tracé pour les femmes et elle arrive à un âge où le questionnement sur la justesse de ses choix devient difficile à éviter. Comment Edith, que l'on sent émotionnellement fragile, peut-elle acquérir conscience de soi et dignité sans passer par la case mariage ? Doit-elle passer des compromis avec ses valeurs avec ou s'extraire totalement des diktats sociétaux ?
Un roman introspectif très gracieux sur les regrets, le temps qui passe et les choix d'une vie. L'occasion pour moi de découvrir Anita Brookner, écrivaine anglaise réputée, dont Julian Barnes s'est récemment inspiré pour le personnage d'Elizabeth Finch. L'occasion également de découvrir la maison d'éditions Bartillat ( bel objet livre au beau grammage ) qui réédite ce roman de 1984 avec justement une préface très intéressante de Julian Barnes.
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Le roman est avant tout centré sur l'introspection. Il y a très peu d'action et de dialogues mais, le style est très agréable à lire et si le personnage principal m'a paru peu sympathique au départ, elle a fini par m'inspirer pitié.
Un très bon moment de lecture...
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Anita Brookner aime fouiller l'âme de ses personnages à petites touches sensibles , pleines d'émotion. Un roman intimiste , dans la lignée des grandes écrivaines anglaises , comme les soeurs Brontë ou Jane Austen.
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Voici un roman comme je les aime, tout en subtilité. Il ne se passe rien, ou presque rien.
Frances, une jeune femme célibataire et introvertie vit avec une vieille servante dans la maison où sa mère s'est éteinte. Elle travaille dans la bibliothèque de son quartier : sa vie sociale se limite à son travail où elle côtoie sa seule amie.
Le dilemme qui se pose à Frances dès le départ c'est : écrire ou vivre. Car Frances, par timidité, peur de la vie, peur des autres et surtout d'elle-même, se veut surtout observatrice et met en oeuvre son talent dans des travaux d'écriture où elle dépeint le microcosme de son lieu de travail.
Brusquement surgit un couple magnétique qui va la tirer de sa léthargie.
Je n'en dirais pas plus pour ne pas divulgâcher. Ce roman est l'histoire d'une initiation à l'extériorité, et surtout à soi-même. Telle est du moins mon interprétation, mais il y en a une multitude d'autres possibles : économe dans ses effets, ce livre ne s'en prête que mieux à la sensibilité du lecteur.
Chiche en rebondissements, il ne fait pas le tour du monde, ne multiplie pas les aventures, ne nous dépayse pas sur une île lointaine. Il nous accompagne dans le seul voyage qui intéresse Frances : le voyage intérieur.
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C'est avec ce roman qu'Anita Brookner, universitaire anglaise spécialiste de Watteau et Greuze, inaugure au début des années 80 son activité de femme de lettres. Son univers romanesque est composé de femmes solitaires et intelligentes, souffrant silencieusement de l'isolement forcé qu'une trop grande finesse psychologique entraîne pour elles, mais également inacapables de renoncer à ce qui fait leur histoire et leur personnalité. Femmes indépendantes, souvent intellectuelles, elles ont soigné un père, ou simplement laissé passer certains choix de la vie, ou encore elles n'ont rencontré personne à qui elles conviennent.
Sans avoir réellement renoncé, elles se trouvent progressivement poussées en périphérie de la vie, à la fois témoins et victimes impuissantes de leur incapacité à se relier à ce qui fait l'ordinaire de la vie sociale.
"Regardez moi" est particulièrement pathétique,la lecture de ce roman est même contre indiquée à certains moments difficiles de l'existence oserai-je dire.
Frances Hinton est bibliothécaire, elle observe et ressent l'impact de tous les détails dans la façon dont les gens se comportent. Cependant elle reste à l'extérieur des échanges et cette position d'isolement personnel exprime une détresse considérable du début à la fin de ce livre. Pourquoi ai-je, malgré tout, aimé ce roman écrit à la premi§re personne? C'est parce que Frances est égalements si humaine qu'elle touche en nous l'humanité. Mais par des voies si lucides et si désespérées, que tous les lecteurs n'accepteront pas de s'y risquer et passeront leur chemin. On ne saurait leur en vouloir.
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Anita Brookner a remporté le Booker Prize en 1984 pour "Hôtel du lac".
Ce roman m'a plu encore davantage que le précédent "Regardez-moi". Il est considéré comme l'un des meilleurs de l'auteure.
La toile de fond est toujours occupée par une jeune femme, Edith, un peu décentrée socialement du fait de son célibat, et aussi de son talent d'écrivaine, considéré avec beaucoup de condescendance par ses amies : toutes femmes séduisantes à l'affût des proies masculines les plus valorisantes et possédant tous les codes.
Un jour Edith commet un faux pas, qui lui vaut d'expédiée comme un vulgaire colis dans l'hôtel isolé d'une région montagneuse, très loin de chez elle. Pour prendre conscience de sa faute, se repentir de sa turpitude...
On ignore jusqu'à la fin la nature de ce fameux "faux pas" : on se doute qu'il n'est pas de nature sexuelle, son entourage étant assez déluré. On suppute donc qu'il s'agit d'autre chose, de bien plus grave, sans être un délit ou un crime. Mais quoi de si terrible, pour qu'elle accepte de se laisser punir comme une petite fille prise en faute par des gens qui n'ont aucune autorité sur elle ?
J'ai trouvé les réflexions de l'héroïne sur la solitude et ses observations sur les autres occupants de l'hôtel, profondes et émouvantes, encore plus que dans "Regardez-moi". Sa discrétion et sa distance ne l'empêcheront pas d'être approchée par les autres pensionnaires et de créer quelques liens.
Ce séjour permettra-t-il à Judith de comprendre pourquoi elle en est arrivée là ? Parviendra-t-elle à ne plus être simple spectatrice de sa vie ?
Ces écrivaines anglaises sont formidables, et je préfère de beaucoup ce roman à "Emma" de Jane Austen. Il est vrai que l'Angleterre avait beaucoup changé entre 1815 et 1984. Quoique...
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Edith Hope (Espoir…) est un personnage littéraire féminin que je ne peux oublier. Apparemment docile, elle accepte un exil au bord d'un lac, imposé par son entourage, pour se refaire une raison, pourrait-on dire, après un acte qui a surpris et désarçonné tout le monde. Femme adulte, indépendante, créative, elle paraît aussi d'une grande passivité en acceptant cet ostracisme prophylactique. Elle va rencontrer d'autres personnes aussi atypiques qu'elle, et des personnages tyranniques, ou tyrannisés par leur entourage. Son intelligence fait même d'elle une proie pour un homme qui aime dominer, mais qui ne supporte pas les femmes sottes ou serviles.
Que va-t-il advenir de cette femme toute en délicatesse, dont le seul tort est de trop bien comprendre les manoeuvres et les faiblesses de caractère de ceux qui l'entourent? Est-elle, comme beaucoup d'héroïnes de Brookner, vouée à la solitude?
Réponse à la fin de ce roman d'une très grande finesse psychologique.
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Anita Brookner (1928-2016), est une romancière britannique. Elle se lance tardivement dans l'écriture et publie ce premier roman qui vient d’être réédité, Un Début dans la vie (dans une traduction précédente La Vie, quelque part), en 1981 à l'âge de 53 ans. Dès lors, elle publiera chaque année un livre. Elle remporte le Booker Prize en 1984 pour Hôtel du lac. Elle est l'auteur de vingt-quatre romans, tous traduits en français. Elle est faite commandeur de l'ordre de l'Empire britannique en 1990.
Roman très autobiographique avec un titre emprunté à Balzac, écrivain bien présent dans cet ouvrage.
Ruth Weiss, docteur ès lettres, a quarante ans et revient sur l’histoire de sa vie, nous en donnant la tonalité dès la première phrase, « la littérature avait gâché sa vie ». Enfant solitaire, n’intéressant que moyennement ses parents, c’est dans les livres qu’elle trouve du réconfort. Helen sa mère est actrice (« Elle avait toujours été mythomane, fascinée par sa propre légende »), George son père est un libraire dilettante. C’est donc tout naturellement vers la littérature que Ruth oriente ses études, préparant une thèse sur Balzac, et prétexte à tenter de s’éloigner du giron familial, chambres de bonne pour avoir un « chez soi », puis séjour en France où elle découvre une sorte de liberté possible à Paris.
Des hommes l’approcheront mais jamais ça ne collera vraiment, son innocence et sa conception théorique de la vie faisant obstacle. Théorique car tirée des livres, « Elle sentait bien que rédiger sa thèse sur le vice et la vertu était beaucoup plus aisé que d’en faire l’apprentissage dans la vie réelle ».
Seule le plus souvent, nulle part réellement à sa place, elle envisage l’amour comme une hypothétique solution à son problème mais une amie plus délurée qu’elle l’avertit : « - Ce n’est qu’un jeu, alors ? Anthea lui rendit tristement son regard. – Seulement si tu gagnes, répondit-elle. Si tu perds, c’est beaucoup plus grave. »
Un roman remarquablement écrit, plein d’empathie pour tous ses personnages et de douceur dans le récit. Le lecteur se prend d’affection pour Ruth et voudrait l’aider, tout en sachant très bien que son parcours est tracé d’avance. Anita Brookner est très précise dans ses description, son regard ne manque pas d’une tendre ironie nostalgique pour tous ses acteurs, Ruth, son père et sa mère, qui finalement seront passés à côté de la vie ?
Excellent.
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J'ai découvert Anita Brookner grâce à Michel Houellebecq... Cela peut surprendre! Il y fait allusion dans son dernier roman (Anéantir) en se moquant gentiment de la femme de Paul (cela ne va pas lui améliorer le moral...).
J'aime en effet découvrir des auteurs cités par d'autres auteurs.
Et globalement, j'ai apprécié ce petit roman décalé, très british, très suranné également. Il est surprenant que ce livre ait été écrit dans les années 80 tant ce livre semble d'un autre temps, ce qui ne le dessert pas forcément.
Je n'ai toutefois pas été passionné par ma lecture. J'ai eu le sentiment que beaucoup de l'auteur se ressentait à travers sa narratrice, avec au final, une atmosphère de vieille fille des campagnes anglaises...
Cela ne m'a peut être pas passionné, mais je reconnais volontiers que cela est bien écrit, et possède un charme certain. Je ne pense cependant pas m'aventurer vers d'autres livres de Brookner, à tort peut être.
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Julius Hertz est un juif allemand âgé dont les parents ont fui le nazisme et se sont réfugiés au Royaume-Uni. Il a déménagé ici dans son enfance, mais jusqu'à sa vieillesse, il ne pouvait pas prendre racine et se sentait partout comme un étranger. Son seul mariage a échoué en raison des conditions de logement. Son offre d'une main et d'un cœur à celle qu'il aima toute sa vie fut rejetée, et il l'accepta. Maintenant, il vit dans un petit appartement loué à Londres, communique avec son ex-femme, tombe légèrement amoureux d'un jeune voisin ... Mais une fois dans sa vie, un changement sérieux se prépare. Et Hertz s'accroche à cette dernière occasion pour se sentir heureux.
L'idée du roman de Brookner m'a rappelé une nouvelle de Nabokov intitulée "Pilgram". Cependant, les objectifs des artistes dans les deux cas sont différents. Si Nabokov a écrit sur la triste ironie de la vie, sur la tragédie de l'échec des grands projets, sur la nature illusoire des rêves, Brookner punit simplement son héros pour avoir renoncé au bonheur et à la romance, pour le fait que Hertz a vécu sa vie, guidé par la raison et non par le sentiment.
Mes impressions après la lecture du livre sont contradictoires. D'une part, un regard sur la vie d'une personne qui a atteint un âge respectable, surtout aussi soigneusement décrit qu'ici, devrait nous intéresser, car la vieillesse n'est pas une expérience vécue pour des lecteurs comme moi. En revanche, l'auteure n'aimant pas le héros, a pris une position accusatrice envers lui et par conséquent il est peu probable que le lecteur éprouve de la sympathie à l'egard du personnage principal. Il est comme il est: rationnel, parfois fastidieux, fermé, indécis ... Je n'ai pas regretté de me séparer du livre et de ses personnages Aucun d'eux ne m'a paru plus ou moins intéressant.
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Anita Brookner (1928-2016), est une romancière britannique. Elle se lance tardivement dans l'écriture en 1981 à l'âge de 53 ans. Dès lors, elle publiera chaque année un livre. Elle remporte le Booker Prize en 1984 pour Hôtel du lac. Elle est l'auteur de vingt-quatre romans, tous traduits en français. Elle est faite commandeur de l'ordre de l'Empire britannique en 1990.
Edith Hope est écrivaine sous pseudonyme de romans sentimentaux. Elle a quitté Londres pour séjourner dans un hôtel au bord du lac Léman durant la morte-saison à la fin de l’été. Immédiatement nous savons qu’elle est ici exilée, le temps de « redevenir celle que j’étais avant de faire cette chose effarante » qui nous semblera longtemps mystérieuse…
Dans cet hôtel au luxe discret et à cette époque, les quelques clients se réduisent à la comtesse de Bonneuil, la vieille veuve Pusey et sa fille Jennifer qui font « une impression puissante et indéfinissable » sur Edith, Monica « dont on devait taire le nom, bien que son mari fût dans le Gotha anglais » très maigre, anorexique, avec un petit chien.
Les journées d’Edith se déroulent lentement, elle travaille sur son nouveau roman, elle observe les clientes de l’hôtel et imagine leurs vies, pourtant « elle était capable d’inventer des personnages de romans, mais incapable de déchiffrer le caractère des gens ». Et puis elle rédige de longues lettres journalières à David, son amant, par ailleurs marié avec des enfants.
La personnalité de notre héroïne se dessine rapidement, elle est proche de la quarantaine, discrète, effacée, coincée dans une vie qui n’est certainement pas celle qu’elle rêverait sans qu’elle en prenne conscience ; elle écrit ses bouquins, voit David quand il est disponible et puis c’est à peu près tout. Et ça pourrait durer ainsi longtemps.
Mais entre en scène Philip Neville, un industriel aisé d’un certain âge, une ombre dans cet hôtel jusqu’alors, il s’intéresse à Edith, « un homme dont la personnalité et la finesse d’esprit sortaient de l’ordinaire ». Quelques sorties alentour et des discussions où ses propos provocateurs et directs, font prendre conscience à Edith de sa situation et trois jours avant de retourner chez lui, il propose le mariage à Edith, un mariage de raison qui serait pour chacun d’eux un contrat gagnant/gagnant (si vous lisez ce livre vous saurez pourquoi). Edith va devoir choisir… !
Une belle analyse des caractères féminins, même si aujourd’hui elle a un peu vieilli par rapport aux années 80.
C’est le second roman de l’écrivaine que je lis et je suis à nouveau surpris, théoriquement ses livres ne sont pas sensés m’intéresser et quand je les entame j’en suis convaincu, pourtant au fil de ma lecture je ne peux m’empêcher de suivre le récit qui se déploie facilement avec beaucoup d’empathie pour ses personnages, sans que le bouquin soit trop long non plus, et je le referme satisfait de ma lecture. Rien d’extraordinaire mais c’est vraiment sympathique.
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Un livre très agréable et original. On suit l'arrivée de l'héroïne dans une pension "Hôtel du Lac" en Suisse. Une bonne partie du livre est liée aux différents pensionnaires, une description et analyse sociale non dénuée d'humour et de réalisme, que j'ai beaucoup appréciée. Petit à petit on apprend pourquoi le personnage principal est là, sa vie, ce qu'elle a laissé derrière elle. Des liens se nouent entre les différents personnages jusqu'à la fin du roman avec la fin de la saison estivale et le départ prévu des différents personnages...
Je recommande cette lecture ! Facile mais pas superficiel, personnellement cela m'a même fait réfléchir :-)
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Un hôtel au bord d'un lac, en Suisse. Nous sommes en fin de saison, les brumes envahissent tout, les feuilles des arbres jaunissant, tombent. Cet établissement est tenu par des propriétaires très sourcilleux, soucieux d'accueillir une clientèle d'habitués, gens respectables, rassis, de tout repos, se fondant dans le cadre austère, loin de l'agitation touristique. A y regarder de plus près, il semble que c'est le lieu idéal pour se délester de personnes dont on ne sait plus que faire. Edith, autrice d'œuvres sentimentales, habile à créer des personnages, mais incapable de déchiffrer le caractère des gens, a été fermement invitée à s'y rendre, pour se faire oublier, après un incident embarrassant dont elle a été la principale protagoniste. En détresse, elle rase un peu les murs, elle veut se faire aussi petite qu'une souris, à telle enseigne que sa discrétion ne passe paradoxalement pas inaperçue, et que les autres pensionnaires y voient une manière de dame de compagnie idéale, la confidente idoine, terne et effacée. Mme de Bonneuil a, quant à elle, été oubliée là par son fils, sous la pression d'une épouse autoritaire. Pour ce qui est de Monica, femme à la langue acérée, qui entretient un rapport complexe à la nourriture, délaissant ce qui remplit son assiette, au profit de son chien, Kiki, qui en dégobille la plus grande part, pour se rattraper sur les pâtisseries, c'est son mari, qui, déplorant sa stérilité, lui a enjoint de se mettre au vert, pour retrouver la santé, afin de lui donner une descendance et éviter ainsi le divorce. Enfin, il y a Mrs Pusey, et sa fille Jennifer, absolument satisfaites de leur sort, ignorant tout du principe de réciprocité dans le domaine de la conversation, et qui pérorent à loisir sur le seul sujet qui les intéresse, elles-mêmes. Arrive sur ces entrefaites, Mr Neville, homme riche, élégant et raffiné, professant assez cyniquement, un égocentrisme totalement décomplexé, et qui va apporter un peu d'animation dans ce microcosme qui sent un tantinet la naphtaline.
Hôtel du Lac est un petit bijou d'humour british, d'analyse psychologique fine et cruelle, dans lequel on devine, d'une certaine façon, que l'autrice y a mis un peu d'elle-même, de sa fragilité. Les personnages, plutôt de la vieille école, confits en manies, sont décrits avec une plume acérée. Cela ravira les lecteurs de romans délicatement méchants.
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Claire se veut une jeune femme émancipée… entendons par là qu'elle se paye de temps à autre un voyage au cours duquel elle a une aventure. Ses idylles ne lui ont pas dessillé les yeux : elle porte un regard crédule sur cet homme qui entre un jour dans la librairie où elle travaille. Lui inventant des intentions, Claire se persuade qu'il finira bien par l'aimer.
J'ai été agacée par la trop grande naïveté de Claire Pitt, la narratrice, mais subjuguée par l'écriture incisive de l'auteure qui analyse, par le biais de son personnage, les dangers associés à une vie trop monotone…
(BT)
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Une beauté littéraire ! Bien que je n'ai pas particulièrement apprécié l'intrigue de ce roman primé par le Booker Prize il y a presque maintenant vingt ans, il est indéniable que ce chef d'oeuvre d'Anita Brookner mérite cette distinction littéraire. L'environnement crée avec soin et minutie par l'auteur se grignote avec délectation: l'ambiance de ce vieil hôtel suisse au bord d'un lac au début de l'automne apparaît lugubre et morose, parfois lourde, mais sans jamais de fausse notes. La description des personnages est somptueuse, délicate, comme si les protagonistes de l'écrivain étaient ciselés dans l'ivoire avec méticulosité. La traduction est soignée, et il me tarde de lire d'autres travaux de Solange Lecomte. C'est une boite à trésor si vous aimez le vocabulaire raffiné est les romans dans le style de Virgina Woolf. Avis cependant aux lecteurs friands d'actions et de péripéties (absence qui est mon principal regret dans ce livre): le rythme est lent presque immobile. Un contraste à mon sens avec l'étoffement accordé à la langue. Un chef d'oeuvre contemplatif que je recommande cependant vivement!
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C'est vrai que c'est assez lent qu'il ne s'y passe pas grand chose mais que c'est beau ! Je me suis régalée, pour moi ce livre est un vrai petit bijou. Les descriptions permanentes sont d'une redoutable précisions, les personnages nous sont rendus dans leur ambivalence, leurs portraits va s'étaler tout au long du roman.
À ne pas manquer si on aime ce genre de littérature
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Un récit à la première personne captivant, même sil ne se passe rien d'extraordinaire. Une jeune femme bibliothécaire se trouve confrontée comme chacun d'entre nous au sens de son existence, à ce qu'on est réellement en tant qu'être humain, à l'image qu'on donne aux autres, à notre place, au sentiment que ce sont les autres qui vivent réellement, pour faire simple qui"ont tout bon". Est-ce qu'avoir tout bon signifie "être avide, rire trop fort, se faire beau", prendre ce que l'on veut, se consoler les uns les autres en cas de désarroi, être en couple ? Le sujet de la différence, de l'intime, de l'indépendance, du soi véritable, est traité avec une subtilité qui bouleversent. Quelle découverte que celle d'Anita Brookner. Rares sont les romans d'une telle profondeur concernant nos émotions, nos réactions aux événements si infimes soient-ils, ou plus ravageurs, avec un style à fleur de peau.
Une chute optimiste avec l'écriture, une vocation, un but, un sens à tout.
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