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Citations de Ann Rule (179)


À leur rencontre, l'un et l'autre émergeaient des cendres froides de mariages ratés. Âgé de trente ans, Tom en avait six de moins que Pat et avait déjà connu deux unions de courte durée ; quant à elle, elle tentait d'en oublier une qui lui avait donné l'impression d'un piège étouffant. Tous deux avaient toujours rêvé du parfait amour et, contre toute attente, ils semblaient l'avoir trouvé l'un avec l'autre bien que, au moins en apparence, ils n'aient en commun qu'une puissante passion sexuelle.

Tom était fort comme un bœuf, et Pat menue et fragile, souvent malade. Il était maréchal-ferrant, elle n'aimait que les travaux manuels délicats, tels que la broderie et la peinture. Il était allé à l'université, alors qu'elle avait interrompu ses études secondaires pour se marier une première fois. Il était calme et apaisant quand elle semblait parfois anxieuse, craintive.

Peu importait. Il n'avait qu'à lui ouvrir les bras pour qu'elle vienne se réfugier au creux de sa force. Il lui disait toujours :

— N'oublie pas, chaton, « tout vient à point à qui sait attendre », et pour moi rien ne passe avant toi. Je t'aime plus que tout au monde.

À quoi elle répondait de sa voix de petite fille, malgré ses trente-six ans :

— Je t'aime, mon chaton. Je t'aime.

Pat Taylor connaissait Tom depuis des années avant de « sortir » avec lui. À l'instar de sa famille - ses parents, le colonel en retraite Clifford Radcliffe et sa femme, Maggy ; ses enfants, Susan, Deborah et Ronnie -, elle était profondément impliquée dans le monde des concours hippiques d'Atlanta. Les écuries Radcliffe abritaient quelques-uns des plus beaux chevaux de la région. Pat, qui vivait avec ses parents, enseignait l'équitation à une clientèle distinguée, et ses deux filles avaient remporté de nombreux prix.

Tom Allanson avait travaillé avec eux et leur avait vendu de la nourriture pour chevaux lorsqu'il était employé chez Ralston Purina. Fils d'un avocat, il s'était destiné un temps à devenir vétérinaire. C'était un ami de la famille de Pat, sans plus, mais toutes les femmes qui le voyaient travailler torse nu, ses muscles luisant de sueur, ne pouvaient que le remarquer. Rien de plus facile pour lui que de ferrer, les champions de l'écurie Radcliffe, de puissants chevaux Morgan, en soulevant leurs pieds au creux de la main, comme s'il s'agissait d'agneaux.

À l'automne 1973, une suite d'événements permit à Tom et à Pat de se rapprocher. Elle était libre de tout engagement ; alors que lui, en plein divorce d'avec sa deuxième femme, cherchait un endroit où passer quelque temps. Les Radcliffe, qui disposaient de toute la place voulue dans leur ranch de Tell Road à East Point, au sud d'Atlanta, l'y invitèrent. Il pouvait dormir sur le canapé du bureau contre de petits services auprès de leurs chevaux.

Aux yeux d'un pragmatique, leur union tombait à pic ; aux yeux d'un romantique, elle était inéluctable. Quoi qu'il en soit, Tom Allanson et Pat Taylor passèrent bientôt tout leur temps libre ensemble. Il aimait tout en elle, qui ne cessait de le surprendre. Pourtant, il ne savait à peu près rien de sa vie avant leur rencontre et s'en moquait. De son côté, elle était au contraire d'une insatiable curiosité et l'interrogeait sans cesse sur sa famille et sur les femmes qu'il avait aimées avant elle.

Bien qu'il soit encore marié, ce fut pour eux une période d'un romantisme extraordinaire. Tom n'en revenait pas : non seulement il avait eu la chance de rencontrer Pat, mais en plus elle lui rendait son amour ! Il ne craignait qu'une chose : la perdre à cause de sa mauvaise santé. Ainsi, lorsqu'elle fut hospitalisée à la suite d'un de ses évanouissements, il ne put quitter son chevet tant il se désolait, tenant sa petite main pâle dans sa large paume. Chaque fois qu'elle se réveillait, elle trouvait une rose sur son oreiller et Tom auprès d'elle, qui la contemplait les yeux pleins de larmes.

Elle n'en essaya pas moins de le décourager, le prévenant qu'elle n'était pas faite pour lui, qu'il méritait une « femme complète », l'implorant de considérer la vérité en face.

— Ce n'est pas moi qu'il te faut, sanglotait-elle. Je ne pourrai jamais te donner d'enfant... j'ai subi une hystérectomie. Je ne suis plus qu'une vieille femme qui porte une cicatrice au ventre. Personne ne peut vouloir de moi.

Il ne l'en aimait que davantage. Il ne voulait pas d'autres enfants ; avec elle, ils élèveraient les deux qu'il avait eus d'un précédent mariage et, bien sûr, son fils à elle, Ronnie, encore adolescent.

Pat et sa famille représentaient désormais tout pour Tom. Ils lui avaient donné un toit et l'amour, alors que personne ne voulait de lui. La mère de Pat, Maggy, était la femme la plus gentille qu'il ait jamais rencontrée ; elle aurait fait n'importe quoi pour aider ses enfants et ses petits-enfants. De même, il respectait le colonel pour sa belle carrière militaire. Il finit par implorer Pat de l'épouser dès que son divorce serait prononcé.

Pat ne pouvait supporter aucune pression, pas plus que les dissensions ou les déceptions. Lorsqu'elle confia ses plus chers désirs à Tom, il se rendit compte qu'elle n'en demandait pas trop, mais qu'en revanche elle y tenait beaucoup. Alors il promit de lui offrir une vie si heureuse et si paisible qu'elle recouvrerait la santé.
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Zebulon, le siège du comté de Pike, à soixante-quinze kilomètres au sud d'Atlanta, est à peine plus large qu'une place de village, avec ses quatre rues et quelques maisons alentour. Comme de nombreuses autres petites villes de cette région de la Géorgie, elle est peuplée d'innombrables pins, de cornouillers, de magnolias et de chênes. Leurs branches forment une voûte feuillue qui conserve la chaleur moite, une véritable serre où poussent toutes sortes de plantes dont l'ombre n'offre, par les étouffantes journées d'été, qu'une promesse illusoire de répit. Sous ses allures de vigne vierge apparemment inoffensive, le kudzu profite de cet environnement qui lui convient à merveille pour recouvrir le sol orange, étouffant tout sur son passage de parasite.

Le tribunal de Zebulon est un bâtiment de brique rouge surmonté d'un clocher d'albâtre blanc qui scintille sous le ciel bleu. Magnolias, érables et chênes en ornent la pelouse, et ses quatre entrées sont flanquées de géraniums rouge sang en pots de pierre. Un monument aux morts de pierre grise occupe un angle du terrain adjacent ; il fut érigé en l'honneur de dix-sept garçons blancs morts pendant la Seconde Guerre mondiale, dont deux de la famille Marshall, deux de la famille Pressley et un de la famille Pike. Un seul nom apparaît dans la colonne réservée aux GENS DE COULEUR, en bas à droite. E. R. Parks reste séparé des autres, même sur la plaque saluant les héros.

Les entreprises installées en face du tribunal se cachent derrière des façades contiguës, quoique totalement différentes les unes des autres et de hauteurs variables : un dépôt de vêtements, quelques boutiques de souvenirs, un magasin d'ameublement, une quincaillerie. Le Reporter, l'hebdomadaire de Zebulon, a ses bureaux au bout du pâté de maisons. On trouve tous les vingt mètres, sur les trottoirs, des distributeurs de Coca-Cola et de Dr Pepper. Les véhicules, essentiellement des pickup, se garent en diagonale, et un chien jaune se balade tranquillement sur la chaussée le plus souvent déserte.

À la recherche d'une ville typique du Sud pour y tourner Murder in Coweta County, avec Andy Griffith et Johnny Cash, les producteurs de Hollywood choisirent Zebulon. Ce fut aussi le cas de Pat Taylor et Tom Allanson lorsqu'ils voulurent vivre un fantasme bien particulier. Ils y arrivèrent en 1973, encore amants, puis s'y installèrent et s'y marièrent. Pat était une femme mince aux yeux d'émeraude et à l'épaisse chevelure bouclée ; Tom, un homme de haute taille au teint mat. Elle était jolie, il était beau, et tous deux semblaient s'aimer d'un amour assez fort pour surmonter tous les obstacles. Pat devait décrire ses sentiments dans un message qu'elle rédigea à l'adresse de Tom au dos de leur photo de mariage.

Nous sommes unis pour la vie et nous ne faisons plus qu'un. Qu'y a-t-il de plus beau pour deux âmes humaines que d'être unies pour la vie, de s'épauler dans le travail, de compter l'une sur l'autre en cas de besoin, de se consoler l'une l'autre dans les moments de chagrin, de se porter secours dans la difficulté, de rester à jamais ensemble avec nos souvenirs et notre amour fusionnel pour nous soutenir... Je crois qu'en aimant mon Tom je me rapproche du paradis... Quand je suis venue à toi, mon Tom, je me suis remise entre tes mains, de tout mon corps, de tout mon cœur, de toute mon âme. Tu es mon amour et je t'appartiens en tout ; ce doux lien est plus fort qu'aucune serrure, qu'aucun barreau. Je ne quitterai jamais ton cœur pour rêver d'autre chose, car j'ai trouvé en mon Tom le « but de ma quête »... Mon corps s'épanouit de toutes ses veines [sic] car je suis la Pat à Tom. Voyez, j'ai laissé derrière moi celle que j'étais et dépouillé mon ancienne vie feuille après feuille...

Comme elle disait.

Sur les bases de ce parfait amour, Pat et Tom voulurent se créer un monde parfait. Pourtant, au cœur de ce paradis se tapissaient les démons de la jalousie et de la fureur, de l'adultère, de l'inceste, du viol et même du meurtre, sinistres et violentes intrusions du monde réel. Tous deux avaient des attaches familiales trop puissantes pour ne pas entacher leur engagement amoureux. Des profondeurs, les affronts passés remontaient sans cesse et s'amplifiaient au lieu de s'atténuer. La fierté, tel ce kudzu qui recouvrait la terre desséchée, ne formait qu'une cicatrice sur de graves et douloureuses blessures jamais guéries. Vouloir démêler l'histoire de leurs existences revient à suivre les circonvolutions verdoyantes de cette vigne parasite qui finit par tuer tout ce qui vit dessous et l'alimente.
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- En général, ces gens-là sont d’une bonté désarmante. D’apparence tout à fait normale, ils n’ont rien de bizarre. C’est ce qui les rend aussi dangereux
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- Depuis que le professeur Edmond Locard, créateur du premier laboratoire de police scientifique du monde, à Lyon, 1910, à formuler sa théorie de l’échange – « tout auteur d’infraction laisse des traces sur le lieu de son forfait et emporte avec lui des éléments de ce lieu », cette dernière est restée à la base de toute investigations sur les lieux du crime.
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L'affaire se corse. D'autres services de police vont être impliqués dans les investigations; d'autres témoignages; d'autres éléments vont peut être apporter un éclairage nouveau sur la mort de Jennifer Corbin. Head l'espère, tout du moins, car en quatorze ans il a pu se passer beaucoup de choses. Les témoins ont pu déménager, mourir, et dans tous les cas l'être humain a tendance à oublier même les événements les plus traumatisants.
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Si elle fut un fardeau pour beaucoup, elle était loin d’être folle. Tout au plus s’en donnait-elle parfois l’air, lorsque cela pouvait servir ses objectifs. Mais ce n’était qu’un rôle parmi tant d’autres.
En revanche, on peut dire qu’elle a souffert de troubles de la personnalité. Elle ne voyait pas le monde ni ses relations à travers le même prisme que la plupart des gens. Elle faisait parfaitement la différence entre le bien et le mal, mais cela lui importait peu.
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Il semble peu probable qu’elle ait jamais été folle. Souvent hystérique, certes. Depuis sa plus tendre enfance, elle se mettait dans tous ses états quand les choses ne se passaient pas comme elle le voulait. Dès que Patty pleurait, les adultes lui cédaient sur tout. Elle grandit, persuadée que c’était ainsi qu’il fallait se comporter. Elle se prenait pour un être extraordinaire, et ce n’étaient pas sa mère ni ses tantes en adoration devant elle qui auraient pu l’en dissuader. Jamais elle n’entendait le mot « non ».
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Le plus dur à comprendre, pour les profanes, c’est que les criminels comme David Brown ne sont pas de simples malades. Quand on rencontre un de ces individus ou qu’on lit quelque chose sur d’atroces meurtriers, il est tentant de les classer dans la catégorie des déments. L’acte de cruauté délibéré paraît tellement difficile à accepter qu’on a tendance à douter de leur santé mentale. On a tort.
La sociopathie est sans doute la plus singulière des aberrations mentales.
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Le portrait de Brad qui émergeait de leurs recherches était de plus en plus noir. Cet homme avait tout pour lui - séduction, argent, réussite, pouvoir, belles femmes et enfants parfaits - et cela ne lui avait pas suffi. De manière répétée, il s'en était pris aux être qui l'aimaient - épouses, enfants, mère, sœurs. C'était un être cruel et sans conscience, sans doute capable de recourir au meurtre.
Mais seraient-ils en mesure de le prouver ?
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Le pénal et le civil fonctionnent différemment. Au pénal, le juge ou le jury doivent être convaincus, au-delà d'un doute raisonnable, de la culpabilité de l'accusé. Au civil, l'élément clé est la prépondérance des preuves : le juge ou les jurés comparent les preuves présentées par chacune des parties et déterminent laquelle est la plus convaincante. Il s'ensuit qu'une affaire au civil est plus facile à plaider.
Si la police n'avait pas arrêté Brad, ce n'était pas qu'elle le pensait innocent, bien au contraire. Mais s'il avait été arrêté, mis en examen puis acquitté, il n'aurait pu être rejugé pour la même affaire : le cinquième amendement de la Constitution américaine empêche qu'un individu soit jugé pour le même crime après un acquittement.
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En général, dans une enquête criminelle, les chances de trouver des preuves à charge diminuent avec le temps. La police préfère résoudre une affaire en vingt-quatre heures. Deux jours sont encore tolérables. Au delà, l'élucidation de l'affaire est souvent compromise.
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Enfant, il avait maltraité ses camarades. Adolescent, il avait séduit et abandonné des filles follement amoureuses de lui. Il avait toujours semblé considérer les femmes comme des sous-êtres destinés à le servir, soit pour faciliter son ascension professionnelle, soit pour lui donner des enfants. Dans le meilleur des cas, elles servaient à sa satisfaction sexuelle, et dans le pire, de punching-ball.
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- Brad était le chouchou de tout le monde, raconte un ancien condisciple.
Charmeur et insolent, il était la bête noire des professeurs et l'idole de ses camarades. Il prétendit un jour que le crime de viol était impossible. Comme l'écrivit l'un de ses condisciples dans l'album de fin d'année : "Aucune fille ne peut être violée, parce qu'une fille à la jupe retroussée court plus vite qu'un garçon au pantalon baissé".
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un véritable écrivain ne peut chercher hors de lui-même la substance de ses œuvres.
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La violence domestique n’est plus un drame honteux qu’il faut à tout prix passer sous silence. Aujourd’hui les aides abondent, et la justice est peu encline à absoudre les hommes qui confondent leur épouse avec un punching-ball.
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dans un couple, les problèmes ne sont jamais unilatéraux… »
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La déontologie défend toute divulgation des propos que tiennent des patients devant leur psy, sauf autorisation expresse des intéressés.
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Évidemment, le rapport de force était inégal : on aurait dit un papillon frappant un bœuf.
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Il est vrai que Chris avait un côté ours. Une de ses grandes spécialités était d’esquiver les conflits.
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Liysa avait un côté Schéhérazade. Dans son journal intime, elle s’imaginait retenant un homme captif en déployant des plaisirs d’une telle intensité qu’il devenait son esclave ; celui-ci se gardait bien de la mécontenter, par crainte d’être privé d’une extase sans pareille.
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