Il ne serait pas exact de dire que le principe de synthèse de la société moderne est la production matérielle en tant que telle, en effet, lorsqu'une production n'est pas « rentable » en termes de valorisation du travail mort accumulé (« valeur »), elle est abandonnée. Cependant, l'accumulation de la valeur ne fonctionne pas sans un accroissement continuel de la production de biens d'usage. C'est pourquoi le capitalisme est la seule société qui a proclamé la productivité matérielle comme le bien suprême. En dérive le bien connu caractère « matérialiste » de la société moderne qui, pris comme facteur isolé, est la cible préférée de toute critique purement moraliste à son égard. En vérité, ce n'est qu' indirectement, par le biais de l'autovalorisation de la valeur, que dans la société capitaliste les exigences de la production matérielle prévalent sur toutes les considérations sociales, esthétiques, religieuses, morales, etc., tandis que dans d'autres sociétés on pouvait, au contraire, sacrifier la productivité matérielle à ce genre de préoccupations.
Opérer une critique radicale, ce serait, à l'aide du Marx "ésotérique" de la critique du fétichisme, s'affranchir de cette pseudo-naturalité de la société pour en arriver à un cadre sociétaire (Lebenszusammenhang), qui serait conscient de lui-même et ne serait plus dirigé par le fétiche d'une "main invisible"; où les membres de la société régleraient directement leurs affaires entre eux et détermineraient l'utilisation de leurs ressources communes en fonction de leurs besoins et de leur raison, en tant qu'individus sociaux, sans principe-forme (Forgesetz) aveugle qui leur soit antérieure et sans médiation réifiée, autonomisée.
L'argent en tant que forme sociale de la richesse est incompatible avec toute communauté qui règle elle-même ses affaires.
Pour Marx, la marchandise et la valeur, l'argent et le travail, sont des catégories négatives : ce sont des formes destructrices et autodestructrices dans lesquelles l'activité est abusivement figée. Chaque propos révolutionnaire ou émancipateur devrait viser à libérer l'humanité de l'emprise de ces catégories.
Ce que l'individu peut vivre réellement dans son quotidien est étranger au temps officiel et reste incompris, puisqu'il ne dispose pas des instruments pour relier son vécu individuel au vécu collectif et lui donner une signification plus importante.
Tant que la société sera gouvernée par les lois aveugles d'une économie autonomisée, toute forme d'administration "politique" de la société sera forcée d'exécuter le diktat qu'impose le développement de la marchandise.
Avant de parler du contenu du livre, il convient de mentionner d'abord tout ce dont les auteurs ne parlent pas : la marchandise, ni l'argent, ni le travail ne sont jamais introduits en tant que catégories à critiquer.
on peut maintenant constater que la politique est déjà détruite. (...)
La politique n'est pas un moyen neutre, une forme qui existerait dans toute société et qui serait susceptible d'être remplie par n'importe quel contenu. Ce que nous entendons aujourd'hui par "politique" est la forme spécifique dans laquelle s'effectuent, au sein d'une société de marché, les rapports entre les sujets de marché.
Dans une économie mondiale basée sur la valeur et la concurrence, il y aura toujours une majorité de perdants.
On a effectivement pu assister à l'ouverture de voies nouvelles et à l'abandon des modes traditionnels, non pas pour délivrer la vie des individus de liens archaïques et étouffants, mais plutôt pour abattre tous les obstacles à la transformation totale du monde en marchandise.