Citations de Anton Tchekhov (1354)
La médecine est mon épouse légitime, la littérature, ma maîtresse. S'il m'arrive de m'ennuyer avec l'une, je vais passer la nuit avec l'autre... Aucune ne souffre vraiment de mon infidélité.
- À certains le savoir profite, il y a en a d'autres à qui il ne fait qu'embrouiller l'intelligence. Ma femme est une femme sans culture, elle cherche la distinction dans tout et elle veut que Iégor [son fils] devienne savant, sans comprendre que moi, avec mes affaires, je pourrais rendre Iégor heureux pour la vie. Je vous explique cela pour vous dire que si tout le monde veut être savant et distingué, il n'y aura personne pour faire du commerce et cultiver le blé. Tout le monde mourra de faim.
- Mais si tous font du commerce et cultivent du blé, il n'y aura personne pour s'instruire.
MÉRIK : Eh, ils sont durs, maintenant, les gens. De douceur en eux, de bonté, y en a pas... C'est des fauves, les gens ! Çui qui se noie, on lui crie : " Plus vite, pas le temps de rester voir, y a le boulot qu'attend ! " Lui lancer une corde, pas question... La corde, ça coûte...
SUR LA GRAND-ROUTE, Scène 2.
FIODOR IVANOVITCH : Si on veut sérieusement obtenir quelque chose, on l'obtient coûte que coûte !
Acte I, Scène 7.
PLATONOV : Il n'y a pas de pire malheur que de ne pas pouvoir se respecter soi-même ! Mon Dieu ! Je ne vois rien en moi à quoi je puisse me raccrocher, rien qui m'oblige à me respecter, à m'aimer un tant soit peu !
Acte II, tableau 2, Scène 3.
Si tu cours dans une meute, même si tu ne peux pas aboyer, remue la queue.
CHABELSKI : À la longue, Nicolas, c'est barbare. Tu t'en vas chaque soir et nous restons seuls. Par ennui, nous nous couchons à huit heures. C'est une ignominie et pas une vie ! Et pourquoi peux-tu sortir, et pas nous ?... Pourquoi ? [...] Je suis prêt à aller jusque dans le feu de l'enfer, entre les dents d'un crocodile, pour ne pas rester ici. Je m'ennuie ! Je suis hébété d'ennui, et j'embête tout le monde.
Oui. On nous oubliera. C’est notre destin, rien à faire. Ce qui nous semble grave, important, très sérieux – le temps venu, sera oublié, ça n’aura plus la moindre gravité.
IVAN IVANOVITCH : Dis-lui que tu l'aimes, qu'elle est toujours ta femme ! Apaise-la, pour l'amour du Christ ! Michenka ! Il est des mensonges qui sauvent... Dieu voit que tu es juste, mens donc pour sauver ton prochain ! Viens, viens, je t'en supplie ! [...] Deux mots, et la voilà sauvée ! Les médecines sont impuissantes quand c'est la psychiatrie de l'âme qui souffre !
Acte IV, Scène 10.
Ces jours-ci, j’ai lu le journal d’un ministre français, un journal écrit en prison. […] Avec quelle exaltation, quelle joie, il évoque les oiseaux qu’il voit par la fenêtre de sa prison, lui qui n’y faisait pas attention auparavant, quand il était ministre. A présent qu’il est en liberté, bien sûr, c’est comme avant, il ne fait plus attention aux oiseaux. […] Le bonheur, nous ne l’avons pas, nous ne l’avons jamais, nous pouvons seulement y rêver.
TROFIMOV : J'ai déjà tellement souffert ! Quand vient l'hiver, je suis affamé, malade, anxieux, pauvre comme un mendiant — et le destin m'a balloté ici et là ! Où n'ai-je pas été ? Mais malgré ça, toute âme, jour et nuit, chaque minute, était pleine de pressentiments inexplicables. Je sens venir le bonheur, Ania, je le vois déjà...
ANIA : La lune se lève.
TROFIMOV : Oui. La lune se lève. Et voici venir le bonheur, oui, il vient, de plus en plus près, j'entends ses pas. Et si nous ne le voyons pas, si nous ne le reconnaissons pas, aucune importance. D'autres le verront !
Je me suis assis... J'ai fermé les yeux - comme ça - et je pense : Ceux qui vivront cent, deux cents ans après nous — et pour qui nous déblayons maintenant le chemin — se souviendront-ils seulement de nous ?
(Oncle Vania)
MÉRIK : Le bonheur… Le bonheur, il est toujours derrière toi… Tu le vois jamais… Essaie de te mordre le coude, tu le verras le bonheur… Du flan…
SUR LA GRAND-ROUTE, Scène 2.
KHROUCHTCHOV : Il y a dans les gens beaucoup de choses qui m'échappent. Tout doit être splendide chez les gens : le visage, le vêtement, l'âme et la pensée… Souvent, je vois un visage splendide et des habits à en rester bouche bée d'admiration, mais l'âme et les pensées — mon Dieu ! Sous une belle enveloppe se cache parfois une âme si noire qu'aucun maquillage ne pourrait la blanchir…
Acte II, Scène 9.
Le riche fait brûler des cierges et fait dire des prières. Le riche donne aux pauvres, et le paysan que peut-il faire ? Il n’a même pas le temps de se signer ; il est pauvre lui-même, pauvre. Comment songer à faire son salut ?… Et beaucoup de péchés viennent de la misère… De chagrin, nous aboyons l’un contre l’autre comme des chiens. Nous disons de mauvaises paroles, et que ne se passe-t-il pas, bârinia, ma colombe ? À Dieu ne plaise ! Il n’y a sans doute de bonheur pour nous, ni dans ce monde, ni dans l’autre ; tout le bonheur est tombé aux riches.
(La nouvelle campagne)
ANNA PÉTROVNA : Cette Grékova, qu'est-elle pour vous, et vous, qu'êtes-vous pour elle ? [...]
TRILETSKI : Ma foi, je n'en sais rien encore... [...] Je lui rends visite, je bavarde, je l'ennuie, je fais un trou dans le budget café de sa maman... [...] Je lui raconte mes histoires, elle me raconte les siennes, et elle me tient par ce bouton, là, elle époussette les petits duvets que j'ai sur le col... Je suis toujours plein de duvets, vous savez bien.
ANNA PÉTROVNA : Et puis ?
TRILETSKI : Et puis, rien... Ce qui m'attire en elle, au fond, c'est difficile à dire. L'ennui, l'amour ? Peut-être autre chose encore, allez savoir... Ce que je sais, c'est que je m'ennuie d'elle à mourir après dîner... Quelques renseignements glanés çà et là m'amènent à penser que cet ennui est réciproque.
ANNA PÉTROVNA : Alors, c'est de l'amour ?
TRILETSKI : Peut-être bien.
Acte I, Scène 1.
Son expression, sa démarche, sa robe, sa coiffure donnaient à penser qu'elle appartenait à la bonne société, qu'elle était mariée, qu'elle venait pour la première fois à Yalta, qu'elle s'y trouvait seule, qu'elle s'y ennuyait...
Gourov pensait que, en somme, si l'on y prête attention, tout est sublime dans ce monde, tout sauf ce que nous pensons et ce que nous faisons quand nous oublions les buts suprêmes de l'être et notre propre dignité d'homme.
IVANOV : Voici ce que je voulais te dire. J'avais un ouvrier, un nommé Sémione que tu te rappelles. Une fois, pendant le battage, il voulut se vanter de sa force devant les filles ; il se fit mettre deux sacs de blé sur le dos et s'éreinta ; il mourut bientôt. Il me semble que moi aussi, je me suis brisé les reins. Le gymnase, l'Université, puis la vie agricole, les écoles primaires, les beaux projets... Je ne croyais pas à la façon des autres ; je me suis marié différemment ; je m'emballais ; je risquais mon argent, le jetais, tu le sais bien, à droite et à gauche. Je fus heureux et j'ai souffert comme personne dans le district. Tout cela, Pacha, ce fut mes sacs, à moi...
VOÏNITSKI : L'âge n'a rien à y voir. Faute de vraie vie, on vit de mirages. C'est toujours mieux que rien. ( page 44)