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Citations de Antonia Pozzi (17)


L'ANCRE

Je suis restée seule dans la nuit :
j'ai sur le visage la saveur de tes larmes,
autour de mon être
le silence – qui sur le bruit sourd
de la porte refermée, en larges cercles
s'aplanit.

Lente dans l'eau obscure
du cœur –
lente et sûre,
entre les algues profondes
les échos des tempêtes les longs courants
les molles guirlandes des flots
autour d'écueils
engloutis –

lente et sûre,
jusqu'aux sables secrets gisant
au fond de l'être –
fidèle tenace, avec ses trois bras
luisants
pénètre l'ancre
de tes trois mots :
« Toi, attends-moi. »




L'ÀNCORA

Sono rimasta sola nella notte :
ho sul volto il sapore del tuo pianto,
intorno alla persona
il silenzio – che sul tonfo
della porta richiusa, a larghi cerchi
si riappiana.

Lenta nell’acqua oscura
del cuore –
lenta e sicura,
tra le alghe profonde
gli echi delle tempeste le lunghe correnti
le molli ghirlande di onde
intorno a inabissati
scogli –

lenta e sicura,
fino alle sabbie segrete giacenti
sul fondo dell’essere –
fida tenace, con i suoi tre bracci
lucenti
penetra l’àncora
delle tue parole :
– Tu aspetta me –.


16 dicembre 1934

Traduit de l'italien par Thierry Gillyboeuf | pp. 116-9
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Pour Emilio Comici

Des lacs de stupeur s'ouvrent en grand
le soir dans tes yeux
entre sons et lumières :

de lentes fleurs de folie s'ouvrent
sur l'eau de l'âme, réfléchissant
la grande cime couronnée de nuages...

Ton sang qui rêve de pierres
est dans la pièce
un fabuleux silence.



Per Emilio Comici

Si spalancano laghi di stupore
a sera nei tuoi occhi
fra lumi e suoni :

s’aprono lenti fiori di follia
sull’acqua dell’anima, a specchio
della gran cima coronata di nuvole…

Il tuo sangue che sogna le pietre
è nella stanza
un favoloso silenzio.


Misurina, 7 agosto 1938

Traduit de l'italien par Thierry Gillyboeuf | pp. 258-9
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Les montagnes - La montagne


Elles occupent telles d’immenses femmes
le soir :
sur la poitrine les mains de pierre réunies,
elles fixent les débouchés des routes, taisant
l’espoir infini d’un retour.

Muettes dans leur sein, elles mûrissent des enfants
à l’absent. (Des voiles l’avaient appelé
là-bas, ou bien des batailles. D’où azure et rouge
leur apparut la terre). Maintenant à l’écroulement
de pas sur les graviers
elles tressaillent grandes dans leurs épaules. Le ciel
bat en sursautant de ses cils blancs.

Mères. Et elles dressent leur front, écartent
de leurs vastes yeux les branches des étoiles :
si au bord extrême de l’attente
ne naîtrait une aurore

et au ventre aride fleurissent des roseraies.

             Pasturo, 9 septembre 1937


//traduit de l’italien par Camilla Maria Cederna
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ALPAGE
  
  
  
  
Sur la paroi en surplomb, j’ai aperçu
une tache rougeâtre et j’ai cru
que c’était du sang : c’étaient des lichens
plats et inoffensifs. Mais j’en ai tremblé.
Et pourtant, un fol éclair d’allégresse
et une vérité fusant seraient
un envol, un choc et une éclaboussure vermeille
de véritable sang. Oui, belle mort,
quand notre jeunesse avance
sur la roche, pour conquérir les hauteurs.
Belle chute, quand nerfs et chair,
fous de force, veulent devenir âme ;
quand, du fond d’une lézarde,
le ciel limpide ressemble à une main
impartiale qui bénit et les pics alentour,
obéissant presque à une mystérieuse consigne,
veillent figés. Sur les cimes,
quand la bise qui nous effleure est le souffle
de vies mystérieuses brûlées de pureté,
que le soleil est un amour qui consume
et qu’à mi-rocher, migrent les nuages
sur les vallées, en révélant par lambeaux,
avec des reflets oniriques, la nudité
songeuse de la terre qu’il serait bon
de se fracasser sur un rocher, et la mort serait
vie lumineuse et certaine, à défaut d’esprit
qui dit qu’ici Dieu n’est pas loin.


         (Pasturo, 28 août 1929, p. 89)
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SOLITUDE

Bien que l'odeur des feuilles nouvelles éveille en toi
une envie de soleil humain

et que le soleil couchant pas encore blême
te pousse
sur les chemins de terre
- lointaine
l'orée terne du ciel -

tu cherches en vain qui peut
rejoindre ton coeur à cette heure
pour exaucer ton voeu -

il est vrai que personne
ne rejoint plus ton coeur
inaccessible -

qu'il se retrouve seul -
condamné aux cris
de ses
hirondelles -

4 mai 1933
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Soirée d'avril

La lune frappe doucement
de l'autre côté de la vitre
sur mon vase de primevères :
sans la voir je l'imagine
comme une grande primevère elle aussi,
étonnée,
seule,
dans la prairie bleue du ciel.

Milan, 1er avril 1931
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FUITE
        à A. M. C.
  
  
  
  
Avec toute la force
de la chair et du cœur, nous fuirons :
loin de ce monde empoisonné
qui m’attire et me repousse. Et toi, tu seras,
dans la pinède, le soir, l’ombre penchée
qui veille : et moi, rien que pour toi,
sur la route douce et sans but,
une âme accrochée à son amour.


         Madonna di Campiglio, 11 août 1929, p. 81

/traduit de l’italien par Thierry Gillybœuf
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SOLITUDE
        à A. M . C .
  
  
  
  
J’ai les bras douloureux et alanguis
par un désir inepte d’étreindre
quelque chose de vivant, que je sens
plus petit que moi. Je voudrais attraper
au vol mon fardeau, et l’emporter ensuite,
en courant, quand le soir viendra ;
me ruer dans l’obscurité, pour le défendre,
comme la mer se lance sur les écueils ;
lutter pour lui, jusqu’à ce qu’il me reste
un frisson de vie ; et puis sombrer
au cœur de ka nuit, dans la rue,
sous un ciel tumescent argenté
de lune et de bouleaux ; me replier
sur cette vie qui me serre la poitrine –
et l’endormir – et dormir moi aussi, enfin…
Non : je suis seule. Seule je me pelotonne
sur mon maigre corps. Je ne me rends pas compte
qu’au lieu d’un visage endolori,
j’embrasse comme une démente
la peau tendue de mes genoux.


         Milan, 4 juin 1929, p.57

/traduit de l’italien par Thierry Gillybœuf
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CAPRICE D’UNE NUIT D’ORAGE
  
  
  
  
« Les cloches scandent pour moi le rythme
d’une ascension ce soir.
La nuit s’évapore des prés,
la nuit gargouille au fond
des bois ; la nuit
noire filée par le vent.
Mes pas ne quittent pas le rythme
des cloches, ce soir :
cloches aussi graves, pénibles et lentes
que mon ascension.
Soudain, au loin
une cloche
résonne plusieurs fois.
Je suis au terme de mon ascension ;
je me dépêche, j’arrive sur la cime la plus haute.
Cela tonne. C’est la tempête sur les sommets.
[…]
Au matin on nous retrouvera morts.
Morts parmi les rhododendrons.
Morts parmi les rochers
aux visages des tombes.
Morts par une nuit de tempête.
Morts d’amour.


         Pasturo, 23 juillet 1930, pp. 101-103-105

/traduit de l’italien par Thierry Gillybœuf
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BÉNÉDICTION
        à L. B.
  
  
  
  
Tempe contre tempe
se transfusent
nos fièvres
Dehors, de longs frémissements d’étoiles
et le lierre, avec ses paumes tendues,
de retenir un doux scintillement.
Dans ma maison qui réchauffe,
tu me parles des grandes choses
que personne d’autre ne connaît.
Loin,
une grande voix d’eau
éclate en paroles incomprises
et te bénit peut-être,
douce sœur,
au nom de mon amour et de ta tristesse,
toi,
aile blanche
de mon existence.


         Pasturo, 7 septembre 1929, p. 91

/traduit de l’italien par Thierry Gillybœuf
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CHANT SAUVAGE
  
  
  
  
J’ai crié de joie, au crépuscule.
Je cherchais les cyclamens entre les ronces :
J’étais montée aux pieds d’un gros
rocher rugueux, brisé par les buissons.
Sur le pré criblé de blocs de pierre,
sur la tête blonde des marguerites,
sur mes cheveux, sur mon cou nu,
le vent se délitait des hauteurs célestes.
J’ai crié de joie, dans la descente.
J’ai adoré la force hérissée et sauvage
qui fait bondir mes genoux avides ;
la force inconnue et vierge, qui me bande
comme un arc dans la course certaine.
Tout le chemin sentait les cyclamens ;
les prés s’alanguissaient dans l’ombre,
encore frémissants de caresses d’or.
Au loin, dans un triangle de vert,
le soleil s’attardait. J’aurais voulu
bondir, d’un seul élan, vers cette lumière ;
m’allonger au soleil et me dénuder,
pour que le dieu mourant s’abreuve
de mon sang. Et puis rester, la nuit,
étendue dans le pré, les veines vides :
les étoiles — lapidant folles de rage
ma chair desséchée, morte.


         Pasturo, 17 juillet 1929, p. 71

/traduit de l’italien par Thierry Gillybœuf

Ce poème préfigure la mort réelle de la poète.
Celle-ci, exaltée par la joie procurée après son
excursion en montagne, évoque la vision
embellie, glorifiée, magnifiée, divinisée,
en un mot IDÉALISÉE de sa propre mort.

(Rappel : Antonia Pozzi est morte
le 03/12/1938 à l'âge de 26 ans.)
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Rêve dans le bois

Sous un sapin
dormir
toute une journée
et que le dernier ciel vu
soit au fond des branches enchevêtrées
au loin.

Que le soir
un chevreuil
débouchant du taillis
dessine
de petites empreintes
sur la neige
et qu’à l’aube
les oiseaux
affolés
fleurissent de chants le vent.

Moi
sous le sapin
en paix
comme une chose de la terre,
comme un massif de bruyères
brûlé par le gel.
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LA BRUYÈRE
        à L. B.
  
  
  
  
Dans le pré trop vert
se débat
notre inanité convulsive,
elle s’essouffle en diastole et en systole de spasmes
croisant
des volées de traquets blancs et noirs.

Dans le bois
à mon agitation bestiale
qui mordille des noisettes,
tu offres la bruyère livide des morts
et mon amour terni
reluit
lavé de pleurs acides.


         (Pasturo, 26 août 1929, p. 87)
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Erranze del cuore

Inizio della morte
La vita sognata
Riflessi
La gioia
Attacco
Riconciliazione
Evasione
Sgorgo
Fuochi di S. Antonio
Il sentiero
Un destino
“Don Chisciotte”
Fuga
Incantesimi
Commiato
Approdo
Amor fati
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Io nacqui sposa di te soldato.alors che a marce ea guerrelunghe stagioni ti divelgon da me.Curva sul focolare aduno bragi,sopra il tuo letto ho disteso un vessillo -ma se ti penso all'addiaccio piove sul mio corpo autunnalevenez su un bosco tagliato
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Ma quell'acqua fangosa traversavala via -quell'odore corrotto solcaval'alito della nostra tenerezzadolente -né potevamo noi sventarequella maledizione della terra -né potevamo soffocarela voce arcana piangente - siete perduti
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ogni lama di luce, ogni chiesanera sul cielo, ogni passodi povere scarpe sfasciate porta per strade d'ariareligiosamentemoi un te
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