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Critiques de Antonin Artaud (114)
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Le théâtre et son double

L'ouvrage "Le Théâtre et son Double" a été écrit par Antonin Artaud en 1938. C'est un texte majeur du théâtre du XXe siècle qui a profondément influencé le monde de l'art dramatique. Artaud y expose sa vision radicale du théâtre en tant que force primitive et vitale, capable de libérer l'inconscient et de transcender les limites de la performance traditionnelle.



Dans cet ouvrage, Artaud critique le théâtre occidental contemporain, qu'il juge trop rationaliste, intellectuel et dénaturé. Il prône un théâtre de la cruauté, basé sur l'expérience sensorielle et émotionnelle brute, visant à bouleverser et à choquer les spectateurs pour les amener à une prise de conscience nouvelle.



Artaud défend l'idée que le théâtre doit agir directement sur le corps et l'esprit de l'audience, en brisant les conventions et en confrontant les spectateurs à leurs instincts primordiaux. Il insiste sur l'importance du langage corporel, des sons, des gestes et des éléments visuels pour communiquer des émotions et des vérités profondes qui dépassent le discours rationnel.



En fin de compte, "Le Théâtre et son Double" est un plaidoyer passionné pour une forme de théâtre radicale, ritualiste et transcendantale, qui cherche à renverser l'ordre établi et à révéler les mystères de l'existence humaine. Il a inspiré de nombreux artistes et théoriciens du théâtre avant-gardiste et continue d'exercer une grande influence sur la pensée théâtrale contemporaine.
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Héliogabale, ou, L'anarchiste couronné

Je retrouve un nouvelle fois un texte d'Antonin Artaud et de sa plume enflammée. Je dois admettre que ce n'est pas son texte que je préfère. C'est un essai, aujourd'hui mal sourcé, sur un empereur-prêtre presque oublié : Héliogabale. Ce n'est pas un récit très marquant, mais qui est sauvé par son auteur lui-même.
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Le théâtre et son double

J'ai mis beaucoup de temps à lire cet essai, pour m'en délecter le plus possible. Et c'est sans aucun regret que ce livre a traîné sur ma table de chevet près d'un mois.

Les théories artaldiennes, allègrement portées par sa poésie sublime, complexe et torturée semble aussi géniale que peu réalisable.

Il y prône un théâtre aussi cruel que sa vie.

En conclusion c'est un des meilleurs essais théâtral que j'ai lu !
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Van Gogh, le suicidé de la société

C'est un essai qui présente la thèse suivante : Van Gogh ne serait pas fou, et les psychiatres qui ont voulu traiter de son cas nous auraient fait confondre folie et génie. Le style d'Artaud est très singulier, avec des phrases qui peuvent avoir l'air incomplet, des saut de lignes incongrus et des images très fortes & violentes, des changements de registres impromptus et beaucoup de variations qui en font quelque chose d'unique. On voit bien qu'il a été marqué par le style pictural de van Gogh, et on sent qu'il en transmet quelque chose qui a rarement été dit auparavant.
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Héliogabale, ou, L'anarchiste couronné

Livre curieux. Qui aurait attendu le poète sur Héliogabale, empereur aussi bref que sanguinaire du IIIème siècle après Jésus-Christ, connu pour avoir été dominé par sa mère, notamment ? Eh bien, cela donne quelque chose d'étrange, la puissance du verbe du poète, qui se plonge dans l'horreur d'un règne qui semble parfois un trop petit terrain de jeu pour une pareille plume. Pour l'essentiel, Artaud considère Héliogabale comme un représentant des cultes orientaux, qui aurait eu à coeur de représenter à la fois la masculinité et la féminité. J'y vois également un écho des thèses que certains ont pu émettre quant à Néron, un personnage qui se serait vu attribuer une cruauté posthume pour avoir voulu abaisser, voire ridiculiser les puissants de son temps, qui ne le lui auraient pas pardonné. Ce livre vaut le coup ne serait-ce que pour sa plume ; il est également intéressant, bien que dans une moindre mesure du point de vue historique.
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Le Moine (de Lewis)

"Le Moine" est un roman gothique emblématique qui a suscité un grand intérêt à sa publication en raison de ses thèmes controversés et de son contenu scandaleux pour l'époque. L'histoire suit la vie du moine espagnol Ambrosio, un homme respecté et pieux, mais dont la vertu est mise à l'épreuve par la tentation et les péchés.

Lewis crée une atmosphère oppressante et sombre, avec des éléments tels que les abbayes sinistres, les apparitions fantomatiques et les complots diaboliques ; qui contribue à l'effet de terreur et de suspense tout au long de l'histoire.

Le personnage d'Ambrosio est complexe : il oscille entre la sainteté et la dépravation. Son combat intérieur entre la vertu et la tentation dépeint une étude psychologique intrigante du bien et du mal, de la nature humaine et des désirs interdits.

Une des caractéristiques les plus controversées de "Le Moine" est la représentation graphique du péché et de la dépravation, y compris des scènes de violence et de débauche sexuelle. Éléments qui ont valu au roman une réputation scandaleuse à l'époque, et la censure dans certains pays.

En termes de style d'écriture, Lewis utilise une prose descriptive et émotionnelle pour immerger le lecteur dans un univers sombre et cauchemardesque. Son utilisation des éléments surnaturels et du thème du pacte avec le diable ajoute une dimension gothique à l'ensemble de l'œuvre.

En conclusion, "Le Moine" de Matthew Gregory Lewis est un roman gothique captivant, qui explore les thèmes de la tentation, du péché et de la dualité humaine. Avec sa prose émotionnelle et ses éléments surnaturels, il a marqué ce genre .

Il reste une lecture fascinante pour ceux qui s'intéressent aux histoires sombres et énigmatiques de cette époque.

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Les Cenci

Voici la seule et unique pièce de théâtre écrite et publié d'Antonin Artaud. Elle est complexe et révoltante par son histoire. C'est la représentation la plus proche du théâtre de la cruauté théorisé par le dramaturge que l'on connaisse. Si vous aimez la théorie ou son auteur, cette pièce est une petite pépite.
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Balthus

Ce livre fait un tour d'horizon de la vision artistique d'Antonin Artaud, par des lettres ou des articles. Certains d'entre eux sont très intéressant comme celui où il explique en quoi les Cenci est du théâtre de la cruauté ou celui qui s'intitule "Anarchie sociale de l'art". Par contre, je ne vois pas pourquoi coller Balthus à tout ça, moins de la moitié du livre parle de lui.
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Van Gogh : Le suicidé de la société

En 1947, au musée de l'orangerie se tient une exposition sur Vincent Van Gogh, peintre qu'on ne présente plys aujourd'hui. Dans le public se trouve Antonin Artaud qui suite à sa visite écrit ce texte poétique, essai artistique et brûlot antipsychiatrique. Je trouve ce texte à la fois compliqué et psychédélique, je le conseille aux amateurs de sensations fortes littéraires.
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Le théâtre et son double

Il y a un soubassement métaphysique chez le père Artaud qui me botte bien. J'en ai eu des frissons en lisant certains passages, tellement ils coïncident avec ce que je ressens (je commence à comprendre pourquoi les gens me trouvent bizarre, un peu comme lui, le génie en moins. Par contre, je n'ai jamais été persécutée par les Initiés, mais ça je ne le regrette pas, pauvre Antonin !)



Je recopie un passage où tout est dit : il en découle clairement que l'homme est un pantin, un "acteur" qui mime la vie sauvage, naturelle, impulsive, qui s'agite dans nos tréfonds et partout autour de nous. L'homme est le "double" des forces matérielles et pulsionnelles qui agitent l'univers, ces forces inexorables et irrépressibles malaxant le pauvre pantin désarticulé muni d'une conscience pour son plus grand malheur. Et cette conscience ressent la Cruauté, revers dans la sensibilité humaine de l'indifférence cosmique.

---

Voici donc le passage en question :



En ce qui concerne "La Cruauté" :



"J'aurais dû spécifier l'emploi très particulier que je fais de ce mot, et dire que je l'emploie non dans un sens très épisodique, accessoire, par goût sadique et perversion d'esprit, par amour des sentiments à part et des attitudes malsaines, donc pas du tout dans un sens circonstanciel ; il ne s'agit pas du tout de la cruauté vice, de la cruauté bouillonnement d'appétits pervers et qui s'expriment par des gestes sanglants, des excroissances maladives sur une chair déjà contaminée : mais au contraire d'un sentiment détaché et pur, d'un véritable mouvement d'esprit, lequel serait calqué sur la vie même ; et dans cette idée que la vie, métaphysiquement parlant, et parce qu'elle admet l'étendue, l'épaisseur et l'alourdissement de la matière. Tout ceci aboutissant à la conscience et au tourment, et à la conscience dans le tourment. Et quelque aveugle rigueur qu'apportent avec elle toutes ces contingences, la vie ne peut manquer de s'exercer sinon elle ne serait pas la vie ; mais cette rigueur, et cette vie qui passe outre et s'exerce dans la torture et le piétinement de tout, ce sentiment implacable et pur, c'est cela qui est la cruauté.

J'ai donc dit "cruauté" comme j'aurais dit "vie" ou comme j'aurais dit "nécessité" parce que je veux indiquer surtout que pour moi le théâtre est acte et émanation perpétuelle, qu'il n'y a rien en lui de figé, que je l'assimile à un acte vrai, donc vivant, donc magique."



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Van Gogh, le suicidé de la société

Quand on lit Antonin Artaud, il faut le croire, sinon ce n'est pas la peine : il faut remiser la rationalité qui nous serine que ce n'est pas la folie qui a oeuvré en lui, mais une lucidité à l'état pur, tranchante comme le diamant, insoutenable, et qui peut-être, l'a rendu fou : et il faut reconnaître que la société, représentée par ses livides bourgeois malvoyants comme des taupes (et cyniques), a traqué en lui le génie en le qualifiant de fou pour mieux l'émasculer et l'interner.



C'est ce qui arriva aussi à Van Gogh en qui Artaud reconnut son frère "suicidé de la société".



Car le "fou" du docteur Gachet a accouché dans la souffrance de son art, au moyen de simples tubes de peinture et nous a envolé loin des spiritualités factices.



Ses corbeaux "couleur de musc, de nard riche, de truffe comme sortie d'un grand souper" nous mènent vers l'aveuglant point de bascule : le soleil du néant.



C'est le 2 juillet 1947 qu'Antonin Artaud visita comme une trombe la rétrospective du peintre à l'Orangerie des Tuileries. Paule Thévenin qui l'accompagnait, peina à le suivre, et crut qu'il boudait l'exposition.



Dès le lendemain, Artaud se mit à rédiger son compte-rendu intitulé "Van Gogh, le suicidé de la société" qui reçut en 1948 le prix Sainte-Beuve de la critique.



Paule Thévenin s'était trompée : il avait tout vu.































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Le Moine (de Lewis)

Le Moine

Roman de Matthew Gregory Lewis (1775-1818) raconté par Antonin Artaud (1896-1948) à partir de la traduction de Wailly.(Publié en 1931)



Du point de vue de la forme, il s’agit là d’un roman gothique, satanique, publié en 1796, et écrit dans sa jeunesse par l’écrivain et diplomate anglais Matthew Gregory Lewis, né en 1775. Il a alors 19 ans et poursuit des études à Oxford.

Lewis est mort en 1817 à l’âge de 42 ans sur le bateau qui le ramenait de la Jamaïque.

Les thèmes abordés dans ce livre très bien écrit dans un style très classique et très bien traduit ont dû faire scandale à l’époque : viol, inceste, matricide, sorcellerie. Il fut maintes fois censuré après avoir fait sensation. Lewis fut même poursuivi et contraint d’expurger son œuvre.

La version due à Antonin Artaud est légèrement remaniée par rapport à l’original et également par rapport à la version plus proche de l’original de Léon de Wailly publiée en 1840.

La fluidité du style rend la lecture de ce roman captivant très agréable. Les 400 pages sont « avalées » avec plaisir.

Pour ce qui est du fond, on découvre dans ce roman fantastique trois femmes qui vivent à Madrid au temps de l’Inquisition :

Antonia, nièce de Léonella, promise de Don Lorenzo, mais que convoite le moine prieur Ambrosio que le péché de chair ne rebute pas.

Agnès, sœur de Lorenzo, jeune nonne mise enceinte par Don Raymond et dont le sort funeste rend fou son frère.

Mathilde dont je ne dirai rien de plus sur l’identité pour respecter l’intrigue.

Un homme domine le scénario de cette histoire : Ambrosio, un moine pour le moins étrange, chez qui le sens moral est battu en brèche à tout coup quand par ailleurs ce religieux professe foi et vertu, et de fait est vénéré comme un exemple de probité et d’intransigeance. Les amours interdits du prieur Ambrosio avide de chair fraiche occupent une bonne part du récit : il franchit les barrières morales et physiques allègrement uniquement porté vers l’assouvissement de ses pulsions érotiques : « La belle impudique mit à profit son abandon, et l’aurore les surprit dans un spasme et rougit de leur impudicité…Ivre de plaisir, le moine abandonna la couche de la pécheresse. » Et Mathilde de dire : « Pour vous je me damnerai avec joie et une minute entre vos bras dans ce monde vaut bien une éternité d’expiation dans l’autre. »

Un bijou de la littérature classique. Amoureux d’Halloween, de violences et d’atrocités, n’hésitez pas.

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Les Tarahumaras

Antonin Artaud naquit dans un corps malade.



Il essaya de conjurer cette souffrance constante par le recours aux drogues et par l'élaboration d'une métaphysique de révolte contre les institutions et surtout la religion.



Le chemin de croix que lui imposa sa maladie, ses errances d'hôpitaux psychiatriques en cures de désintoxication et en séances d'électrochocs administrées avec une brutalité inouïe, font partie de l'image, vraie hélas, d'Artaud auprès du grand public.



Ce prosateur génial et excessif, génial parce qu'il osait l'excès, a forgé une véritable spiritualité fondée sur le rejet du christianisme né d'une imposture : Dieu ne peut être le créateur de toute chose puisque le le grand ordre universel, lui pré-existait nécessairement sous forme d'Idées.



Dieu, «ce lâche», précise Artaud, a envoyé sur la terre un bouc émissaire bien soumis afin de ne pas compromettre sa divinité dans les affaires salissantes des hommes : il a trompé les humains en leur adressant un pseudo messie, né de la génération sexuelle, de laquelle proviennent le mal et la souffrance puisqu'elle assigne l'âme à une enveloppe : elle se retrouve ainsi enfermée dans un faux «je» cerné de toute part par les illusions du monde sensible.



Nul doute qu'il se projetait lui-même sur l'image christique, à la fois dupe et victime du grand traquenard divin.



Les rites chrétiens sont en outre impuissants à tirer l'âme vers le vrai, loin des illusions du dualisme qui distingue l'âme du corps qu'elle habite et avec lequel elle ne fait qu'un ; et la laissant ainsi errer dans un magma fait de Bien et de Mal mélangés sans lui donner le moyen de les discerner.



Comment distinguer la bonne voie dans cet océan de faux-semblants ?



En 1936 Artaud se rendit au Mexique où il rencontra la tribu des Tarahumaras, amérindiens à l'écart de la civilisation occidentale dite «dégénérée". Ces indiens vivaient, ( et vivent toujours), dans l'Etat de Chihuahua.



Ces hommes, proches de l'humain éternel, communiquent avec le grand Tout au moyen de transes permises par l'usage du Peyotl et par des rites de danse cosmiques. Les sorciers purifiés grâce à un parcours initiatique de trois ans peuvent seuls conduire ces manifestations collectives d'union avec le monde vrai. Artaud, après quelques mises à l'épreuve, obtint la permission d'observer ces rites et même, d'après ses dires, d'y participer.



Il les décrivit dans divers récits regroupés dans le présent volume sous le titre «Les Tarahumaras» et les évoqua dans de nombreux courriers adressés à ses éditeurs.



La civilisation des Tarahumaras n'a pas évolué depuis son début, puisque déjà parfaite et non susceptible d'amélioration. Ses membres tiennent la vie ici-bas pour peu de chose et ne sont nullement attachés à leur corps. Seule la philosophie les intéresse, et la vraie spiritualité. Artaud concède du bout des lèvres l'influence du catholicisme importé par les espagnols lors de la conquête : ainsi ils reconnaitraient le voile de sainte Véronique. Mais l'absorption des images extérieures du culte occidental n'a été que superficielle et la pureté de leur vraie foi n'en a pas été affectée. Certains doutent de la réalité du voyage d'Antonin Artaud chez les Tarahumaras. Je me rangerai à l'avis de J.MG le Clézio pour qui la réalité effective de ce voyage n'a pas d'importante au regard de son message métaphysique et de son expérience spirituelle.



On distingue à travers ces essais de mystique immanente un Artaud pénétré de philosophie platonicienne, biblique et orientale, même si sa lecture est très critique.



Quant aux expériences à travers les drogues en général, et le peyotl en particulier, elles n'étaient pas rares chez les surréalistes (il appartint à ce mouvement et s'en fit exclure, ou s'auto-exclut au moment de l'adhésion de ses membres au Parti Communiste) : Henri Michaud André Breton…. et d'autres aussi tels Aldous Huxley et Carlos Castaneda …



Ce qui m'a le plus frappée est la puissante poésie qui innerve l'écriture d'Artaud : j'ai reproduit quelques extraits dans les citations.
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Van Gogh, le suicidé de la société

Je voudrais ici commenter un tant soit peu le livre d'Antonin Artaud consacré à Vincent van Gogh, le suicidé de la société.



Dans ce livre, Artaud se penche sur un des plus grands peintres de l'histoire de l'humanité, le plus grand selon lui.



Or dans ce livre, il y a à la fois l'évocation puissante de l'artiste singulier qu'est Van Gogh, comme une valeur discrète en mathématiques ne peut pas être soumise à une systématisation, mais il y a aussi une thèse, un concept de réflexion.



Au milieu puis à la fin du livre, Artaud évoque le dernier tableau peint par l'artiste : il s'agit de corbeaux opulents et blafards au-dessus d'une plaine livide légèrement teintée de couleurs de vin, de mauvais vin. Cette plaine livide qui est une terre - peut-être une grande terre comme celle un jour des grandes découvertes - est en réalité peinte comme un espace liquéfié.



Ce seuil de l'existence, cet ultime déploiement au seuil du suicide, signifie finalement le sous-titre que Artaud a donné à son livre : le suicidé de la société.



Car en effet selon la thèse ou les éléments de thèse qui sont défendus dans ce livre, le socium, l'existence sociale, la cohérence sociétale, sont comme une immense brume suintante, ou une immense mer flottant au-dessus des choses vraies, des choses en leur qualité propre.



il y a là comme une propension de l'Homme, de l'humain, à l'emphase, et au fait de dévier de ses vérités par toutes sortes de redoublements, des plus rationnels aux plus fous.



Au contraire Artaud nous dit que Van Gogh est peintre et seul peintre, que son objet n'est que la peinture, la seule peinture, dans ses techniques les plus propres, les plus élémentaires.



Il y a là pour Artaud le contraire de la propension, de l'emphase de l'être social, qui d'une constante incomplétude, imperfection, difformité ne sait que poursuivre la velléité de se retrouver ou de se réformer, créant des nuées opaques, des brumes étouffantes, une mer de notions empruntées fondamentalement fausses mais qui font la congruence du socium, de la loi sociale.



Et ceci, non pas même dans un vouloir, une intention, un véhicule de lumière, mais dans l'inertie la plus avalée du socium, dans le sommeil de tous, dans ce qu'il faut savoir au plus profond de la pénombre de chacun, dans une nécessité lourde et inévitable, même pour qui a la notion qu'elle est abus.



C'est ainsi que l'aliénation selon Artaud nous rejoint au coeur des nuits.



C'est ainsi qu'à la fin du livre, Artaud - qui mourra peu de temps après l'écriture de ce livre - nous confie qu'au moment de la dernière grande exposition Van Gogh à Paris, pendant les quelques trois ou quatre mois qu'elle durera, lui n'était pas parmi ces gratifiés spectateurs voguant à la surface des flots, pour le dire comme ça, mais dans un asile d'alienés à Rodez, où il aura passé neuf années, au désespoir entre enfermement et électrochocs.



La sédimentation du socium, son entente tacite, sa propension à l'emphase, au faux, à la déviation, propension structurelle, et qui permet au plus grand nombre de vivre dans ce qu'ils nomment « la normalité », est donc pour d'autres une loi presque mythologique de pesanteur, qui les écrase ou les mutile.



Et l'humain, dans son petit drame, c'est bien de sa difformité qu'il fait une ambition de normalité ou d'excellence, et c'est bien de sa difformité qu'il figure une prétendue solution vers l'Autre ou l'Ailleurs.



Au contraire, pour Artaud, le peintre qui s'en tient à la peinture, la peinture qui s'en tient à ce qui lui est propre, c'est la voie de la lucidité : elle ne pousse pas vers l'autre ce qu'elle n'a pas elle-même... Elle s'en tient à ce qui la fait, sa précarité interne, sa constante déformation intime, et sa reformation dans le même instant, vie vitale, vie vitalisée dans ses contours mêmes.



L'objet le plus simple - Artaud nous dit que Van Gogh est au plus magnifique le plus roturier des peintres - l'objet le plus simple est alors porteur d'une magie, la magie, blanche ou noire, d'être même, vitalement en propre, là où tout le déferait.



Mais ceci n'est pas seulement une thèse conceptuelle, c'est aussi la beauté de l'art le plus exquis, celui où les éléments de tout décor, de tout paysage, sont au même seuil de leur décomposition et de leur composition, pulsant immobiles, et y incarnant la vraie vibration intrinsèque de leur être vie, de leur être chose...



Artaud a des mots extrêmement beaux pour la peinture extrêmement belle de van Gogh ; je n'ai pas leur esthétique. J'ai juste l'intelligence de comprendre, et peut-être un peu faire comprendre, que la chose est là, défaite, que la chose est là, refaite, refaite en elle-même, et que la chose est là, alors fête, et même, fête éternelle, car pulsion jubilatoire de l'être, quand même être à lui-même, de façon presque prométhéenne.



Et tout ceci, à l'aune du grand feu de Héraclite, du grand feu antique, se reprend dans le jaillissement de la peinture de van Gogh et la brillance de l'oeil intime d'Artaud...

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Nouveaux écrits de Rodez

Entrer dans ce livre n’est pas une chose facile. Les premières lettres du livre sont particulièrement emprises du mystique délirant d’Artaud, rendant ses mots stériles pour les simples névrosé.e.s que nous sommes. Mais petit à petit, au fil des lettres et au fil des mois -à force qu’Artaud se remette de ses anciens internements dont il évoque souvent l’horreur, ses mots fleurissent et leurs formes incongrues se dissolvent pour exalter toutes leurs profondeurs. Artaud est enfermé alors qu’il se pense être le seul ayant touché véritablement à la Vie, son état d’exaltation est pathologisé par la psychiatrie qui n’y voit que pure folie. On se rend bien compte avec ses lettres qu’Antonin Artaud avait touché de près à la Vérité, tant certaines de ces phrases, d’une rare beauté, résonnent violemment dans nos entrailles. Tout le challenge de ce livre est de surpasser la forme souvent débridée de ses propos. Les lettres adressées à son ami le psychiatre Ferdière sont suivies dans le livre par de nombreux textes inédits comme “Le surréalisme et la fin de l’ère chrétienne” ou encore “Le rite du peyotl chez les Tarahumaras” qui sont des écrits très passionnants et accessibles, de par l’écriture d’Artaud qui s’y est assagie.
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Van Gogh, le suicidé de la société

Une oscillation entre folie et génie.

Un texte splendide qui vient du fond du cœur.

Une déclaration brute aussi talentueuse que l’œuvre elle-même de Van Gogh.



Un grand regret sur l'édition...

Le livre est beau, mais il aurait mérité d'être illustré en couleur.
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Oeuvres complètes, tome 9 : Les Tarahumaras -..

Le long et prodigieux travail effectué , par Antonin Artaud, concernant le Voyage au Mexique, tant sur le plan littéraire que sociétal, traduit l'implication du poète dans sa recherche de certains rites sacrés (voire magiques) menés, ici, par les Tarahumaras , via la prise du peyotl .

De nombreux courriers adressés, aux autorités en vigueur ( notamment la Lettre ouverte aux Gouverneurs de l'État, publiée le 19 mai 1936 dans le Nacional) précisent d'autant plus l'idée que ce fait Artaud de la richesse de la culture ancestrale indigène, qui renferme en elle les forces naturelles et magiques dont le monde occidental c'est depuis longtemps détourné et privé.

L'ascension à d'os d'âne des montagnes mexicaines, dénué de tous biens matérielles ou culturelles ( le tout avec un sevrage forcé et voulus) est un long chemin marquant le début de ce rite initiatique auquel Artaud se livra en pleine conscience .

Les Lettres de Rodez( 1937-1943), Tutugori ( février 1948),les Notes (1943-1944), ou les lettres à l'Evêque de Rodez (1945) sont de multiples indications que Antonin Artaud nous fournira jusqu'à la fin de sa vie, un peu comme un trésor enfoui qui ne demande qu'à être révélé…



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Lettres à Génica Athanasiou - Deux poèmes à elle dédiés

Les "Lettres à Génica Athanasiou" nous éclairent sur le rapport aux femmes que pouvait entretenir Antonin Artaud avec elles et nous dévoilent, ici, un amour sincère et véritable entre ces deux protagonistes dont la correspondance s'étendra entre 1921 et 1940, à l'époque où Artaud côtoie les surréalistes comme Abel Gance ou Carl Dreyer, mais aussi la NRF.

Emouvantes, transcendantes et délicates , ces lettres d'une grande exigence littéraire trahit tout de même , parfois, les grandes difficultés que rencontre Artaud (alors acteur, dans la troupe du Théâtre de l'Atelier, avec Génica) dans sa vie : toxicomanie, psychiatrie, doutes existentielles.

Attachante, à bien des égards, cette relation, nous montre un Antonin Artaud brillant et aux commandes d'une une vie d'homme, finalement, somme toute, plutôt "ordinaire".

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L'Ombilic des Limbes suivi de Le Pèse-nerfs e..

Quand on lit ça pour la première fois on ne se dit pas que Artaud est fou, il est dure à suivre peut-être, mais il ne mérite pas pour autant un traitement à grand coup d'électrochocs dans une maison d'aliénés. Il se décrit d'une manière tellement lucide qu'on peine à croire qu'il perd l'esprit. N'est il au fond qu'un hyper lucide sur sa difficulté à être, un regard aussi exigeant sur soi ne confine-t-il pas forcément à la démence. Ses détracteurs, dont nombre de surréalistes, n'admettent certainement pas son intransigeance, son douloureux extrémisme, qui laisse loin derrière, ceux qui cherchent désespérément à faire comme lui, mais restent bien en deçà du "lyrisme absolu".
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L'Ombilic des Limbes suivi de Le Pèse-nerfs e..

L'ombilic des limbes, sur la forme, nous donne à voir Antonin Artaud dans ses premiers écrits ( encore innocent et lucide) qui seront, tout de même, le préambule de sa pensée futur : les affres de la vie ( et donc de la mort) et de l'être qui ronge sans cesse son esprit, qui ne demande pourtant qu'à exister ( le directeur de la NRF, Jacques Rivière, à défaut de publier les poèmes qu'Artaud lui à adressés, insiste auprès de ce dernier pour éditer leurs correspondances, vertigineuses, tant le ton est donné…).

Sur le fond, on voit bien là toute l'influence du mouvement surréaliste, de part les questions posées et la posture adoptée par Antonin Artaud.

Ce livre est marqué du sceau d'une profonde angoisse existentiel dont seule l'écriture est et sera pour l'auteur, l'unique salut.

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