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Critiques de Aram Kebabdjian (13)
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L'hymne à la joie

L’amoureux transi lanceur d’alerte



Dans son quatrième roman, «L'hymne à la joie», Aram Kebabdjian dresse le portrait d’un haut-fonctionnaire européen qui retrouve son amour de jeunesse et remet en question sa vie bien rangée. Jusqu’à provoquer un scandale politique.



À mi-vie, Sigmund Oropa peut se retourner et se dire qu’il a réussi sa vie. Après des études de droit, il a d’abord occupé un poste de magistrat en Italie puis a gagné ses galons de noblesse en intégrant le tribunal de l’Union européenne et fait désormais partie des hauts-fonctionnaires européens à l’office des fraudes où il est notamment en charge du dossier sensible des aides aux réfugiés. Marié à Ruth, il mène une vie tranquille du côté de Bruxelles. Seulement voilà, il peut aussi considérer le verre à moitié vide et se dire que ses beaux idéaux de jeunesse – racheter les errements de son père acoquiné avec un homme aux pouvoirs troubles et se battre pour plus de justice – se sont dissous dans une technostructure trop envahissante pour être encore efficace. Que sa vie sentimentale aurait pu être autrement plus épicée s’il s’était battu pour rester avec la pétillante Angèle, son premier amour. Qu’il aurait pu prendre des initiatives courageuses au lieu de refuser les avances des lobbys et se dire qu’ainsi sa conduite restait irréprochable.

Le moment de bascule a lieu un dimanche à la table familiale, alors que Ruth trône «au milieu de sa descendance comme une Assomption dans un musée de province». Il a envie de respirer, quitte la table et va chercher un peu de quiétude au Palais des Beaux-Arts. Dans la galerie de l’école flamande, il reconnaît Angèle avec laquelle il venait régulièrement admirer et commenter les œuvres d’art. Une rencontre qui va non seulement faire refluer les souvenirs de leur rencontre sur les bancs de la fac du droit de Paris, leur brève histoire d’amour, leurs après-midi au Louvre et leurs journées de militants. Car Angèle de Grossoult «était la dernière-née d'une lignée d'avocats. (Des gens qu'elle méprisait ouvertement.) Elle aspirait à autre chose. Elle avait l’âme militante. Elle luttait pour faire valoir les droits des plus démunis, elle avait aussi récemment endossé la cause antiraciste». Aujourd’hui, elle s’occupait d’Arcadia, une grosse ONG qui organisait l’accueil des réfugiés et bénéficiait pour cela des subsides de l’Union européenne.

En redécouvrant son amour de jeunesse, Sigmund va aussi repenser son rôle, chercher à comprendre où vont les flux financiers et tenter d’alerter sur les ratés du système. Une réflexion qui va la conduire à Salonique où des milliers de personnes sont censés profiter des millions déboursés pour leur venir en aide.

Aram Kebabdjian a habilement construit son roman qui, sous couvert de la quête existentielle d’un homme, démonte un système (les pages sur les normes européennes sont un régal kafkaïen) et ses dérives. Je vous laisse découvrir ce qu’il adviendra du lanceur d’alerte et de son combat, non sans souligner qu’après Jean-Philippe Toussaint et sa Clé USB, ce nouveau voyage dans les hautes sphères administratives bruxelloises a quelque chose d’aussi fascinant que de terrifiant.




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L'hymne à la joie

Excellent petit ouvrage qui s'intéresse à un problème qui n'apparaît jamais dans nos "informations" : la corruption.

Attention, c'est un roman, donc pas question d'enquête, de sources etc...

Mais c'est suffisamment proche de ce qu'on connaît pour nourrir cette impression de vérité qui se dégage de ces lignes puissantes et drôles.

C'est un humour cynique, de celui qu'éprouvent les gens qui mettent côte à côte les drames humains vécus par les uns (ici les "déplacés") et l'opulence des autres (ici les sociétés mandatées par l'UE pour gérer les premiers).

C'est le prétexte à une sociologie de la corruption ordinaire, à tous les étages des décisions. Pas de diabolisation excessive, du constat basique...

L'auteur réussit même ce tour de passe-passe à faire un livre sur les réfugiés sans en rencontrer un seul et en se déplaçant de cocktail en cocktail ("Tous les êtres boivent la joie"), de corrupteur en corrompu ("Tous les humains deviennent frères, lorsque se déploie ton aile douce"), de bienfaiteur mécène en cynique ("Celui qui, d'un coup de maître, a réussi d'être l'ami d'un ami...")

La psychologie du héros est intéressante, mélange de frustration et de résignation, personnalité tourmentée...

Ce bouquin peut être terrible à lire si on a encore un peu foi en ces institutions inaccessibles qui prennent en notre nom les décisions qui font notre société. Mais c'est très bien (d)écrit.

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L'hymne à la joie

Sigmund Oropa est un modeste magistrat au sein de l'Office des fraudes de l'Union Européenne ayant ruiné, du fait de ses postures intransigeantes confinant à l'arrogance, ses chances d'une carrière prestigieuse au sein de la commission européenne.





Il enquête sur une affaire de détournement de fonds destinés aux réfugiés : la construction d'un « hotspot », « sur les côtes ottomanes », par une société « Arcadia », où il est question « de verser des fonds à un agent communautaire pour gagner le marché ». (P.30). Ces précisions s'imposaient… Nous y reviendrons.





Dès lors Oropa s'embarque dans une galère - non pas pour « s'y taire » ni pour Cythère, mais pour Salonique, Idoménée ou encore errant dans les couloirs du palace du Sun Beach Hôtel - il va se faire entendre et connaitre, dans une poursuite effrénée autant contre la corruption qu'à la recherche d'une gloire et d'une reconnaissance personnelles, dans sa quête de réparation des fêlures familiales et de son égotisme.





Bien mal lui en a pris, le justicier est projeté au sein d'une organisation mafieuse qui le dépasse : technocrates psychorigides, employés de l'office des fraudes compromis, espions, son ancien grand amour de jeunesse impliqué dans la sulfureuse société « Arcadia », mais aussi des personnes assassinées…





« L'hymne à la joie » (Éditions du faubourg, 2021) est un roman d'Aram Kebabdjian qui est, sans aucun doute, un bon écrivain et romancier - étant donné ses précédents romans : « Pour Les Désoeuvrés » (Seuil, 2015), « le songe d'Anton Sorrus », (Seuil, 2017) – récompensé du Grand Prix de la Société Des Gens de Lettres.





Néanmoins « L'hymne à la joie » est un mauvais roman, une imposture littéraire et subversive qui répand des discours ambigus et pervertis des pays du Sud à l'endroit de l'Occident.





Marc Augé, anthropologue et ethnologue, affirme que « l'on dit les idéologies mortes, mais les plus efficaces sont celles qu'on ne perçoit pas comme telles ». Ces propos de bon sens résument excellemment la démarche d'Aram Kebabdjian dans « L'hymne à la joie ».





Sous le prétexte d'un « conte philosophique » - expression inadéquate - l'auteur trompe le lecteur à un autre titre plus grave.





Le récit n'est pas en filigrane un réquisitoire contre la dérive de l'union européenne et de ses idéaux, mais une attaque en règle de celle-ci et, plus généralement de l'Occident, et de sa politique migratoire – pourtant, et à juste raison, bienveillante autant que faire ce peut.





Partant, le roman apparait comme la copie conforme du programme politique de certains partis politiques de la gauche extrême et manichéenne.





Revenons au fait déclencheur du roman : Oropa souhaite démanteler une société – Arcadia (le nom n'est pas choisi au hasard) – désireuse de construire des hotspots, société qui aurait obtenu le marché grâce à la corruption d'un fonctionnaire de l'Union, Sabiani.





Or, ces faits ne constituent pas une invention romanesque de l'auteur, mais un travestissement de faits réels à des fins déloyales. Et c'est là qu'apparait toute la duplicité et la malhonnêteté de l'auteur. Il s'agit, effectivement, d'un projet de l'Union, au début de l'année 2016, dans la région précise située par le roman, destiné à l'installation de hotspots, qui a donné lieu à un rapport accablant du GISTI du mois d'octobre 2016. Mais en aucun cas, il n'est question de ce que dénonce Aram Kebabdjian, à savoir l'immobilisme, la technocratie ou, pire, la corruption de l'Union européenne.





L'on connait bien, en revanche, la « politique » de ces organisations « d'aide aux immigrés » prêtes à violer ostentatoirement les lois des États souverains occidentaux, mais qui, dans le cas de l'espèce, mettent en cause la Turquie et le chantage de son président Erdogan, ce que jamais ne dénonce l'auteur….





Tout est ainsi construit dans le roman. Les méchants occidentaux qui aliènent les déplacés : aucune hauteur de vue, aucun recul, aucun sens des réalités : « On construit des camps dans le désert… Pour retenir les populations de déplacés… empêcher qu'elles arrivent chez nous. Des gens qui crèvent la dalle, qui fuient la guerre et meurent dans ces camps-là… Sabiani se sucre au passage… (P.71)





« L'Union avait favorisé des partis peu recommandables » (P.220)





Tout le livre est une diatribe contre l'Occident par invention, dénaturation de la réalité et la minimisation des comportements, très discutables, des associations, ONG et passeurs de migrants.





Quant à la fin de l'ouvrage, c'est un déchainement à l'endroit de l'Union européenne et de l'Occident.





Sur la forme, l'écriture est exécrable. Des phrases n'ont aucun sens et sont naïves. Simplement quelques exemples :



- Sa mâchoire tombait au sol, le sol s'effondrait dans les soubassements dans le dedans et le dedans remontait en haut, (P54)





- Étrange sentiment qu'Angèle se soit mise à parler… avec sa bouche et sa langue (P.50),





- Ses sourcils flottaient, ils se fondaient dans le décor, son imperméable avait la même couleur que son teint, qui avait la même teinte que les murs et les murs que le ciel, c'est-à-dire gris…. (P.53),





Vers minuit, le juge accomplissait encore les gestes de cette comédie que l'on appelle « chercher le sommeil » (P.57),





- Ruth avait badigeonné les cloisons de ce jaune pisseux que se choisissent les dépressifs, pensant égayer leur cadre de vie (P.57),





- Oropa sentait qu'il lui manquait un élément pour remettre en perspective ce qui avait bien pu se passer dans son existence ce qu'il appelait la sienne (P.57),





Et tout est ainsi : le degré zéro de l'écriture.





L'« Ode à la joie », appelée également « Hymne à la joie », est un magnifique poème de Friedrich von Schiller (1975), connu, comme fin du quatrième mouvement de la 9e Symphonie de Beethoven – hymne officiel de l'Union Européenne -aurait mérité davantage de respect.





Je ne conseille pas ce livre.





Michel.
















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L'hymne à la joie

Sigmund OROPA est fonctionnaire à l’Office des Fraudes de l’Union, chargé de traquer les détournements et trafics de tout acabit, aussi bien par les politiques, que les agents, ou toutes personnes ou structures, comme par exemple, les Organisations chargées de s’occuper des réfugiés.



Sigmund OROPA a une certaine idée de la justice, d’autant plus, qu’il est issu d’une famille de mafieux, dont le plus célèbre membre n’est autre que son père.



Il se battra pour sortir de ce milieu qui le révolte. Il va devenir juge. Il réussi un parcours sans faute, mais sera mis dans « un placard », sans qu’il sache trop pourquoi, si ce n’est dû à la jalousie de certains. Il est outré de la façon dont les choses se passent et surtout sur « l’enfouissement des dossiers ».



Il va être approché pour enquêter sur les camps de réfugiés en Turquie. Il veut dénoncer les détournements de fonds alloués aux organisations chargées de s’occuper de ces camps. Mais aussi, il soupçonne des fonctionnaires d’être corrompus.



Il travaillera avec acharnement sur ce dossier, et lorsqu’il s’adresse à ses supérieurs, ceux-ci l’envoie en Turquie, afin qu’il enquête sur le terrain, en espérant que cela le calmera et le rendra « plus raisonnable ou compréhensif », comme tant d’autres.



C’est alors que rentre en scène son premier grand amour de jeunesse, qu’il n’a jamais oublié.



L’hymne à la joie est un roman édifiant. Les détournements de fonds se font au détriment des plus démunis, des plus pauvres, alors que des personnalités bien nantis et lotis ou mafieux, grouillent autour, espérant s’en mettre plein « les fouilles ».



Ne dit-on pas que la misère rapporte ? C’est d’un cynisme ! J’ose espérer que le trait est forcé et que ce n’est pas « à ce point monstrueux ».



Il est indiqué dans la 4ème de couverture « Un conte philosophique et une plongée radieuse dans le cynisme de notre époque ». C’est d’un euphémisme !



Je remercie Babelio et les éditions du Faubourg pour m’avoir permis de découvrir ce roman, bien que je reste dubitative sur mon ressenti.
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L'hymne à la joie



2 juillet 2022 :



Ce soir j’ai écouté une chouette émission de France Culture « la politique au prisme de l’Europe » dans laquelle l’un des invités était Aram Kebabdjian dont j’ai beaucoup aimé le livre « l’hymne à la joie » aux Éditions du Faubourg , un très beau et très noir roman sur l’ambiguïté et l’ambivalence du désir de justice.



Ou il est question d’Europe que l’on peut investir /incarner à travers des personnages.



Genèse du livre

Aram K. nous parle de la genèse de ce livre, « un rêve très détaillé sur un fonctionnaire européen de 50 ans sur la pente descendante de sa carrière . Et je me suis réveillé en me disant il faut que j’écrive sur l’Europe ».



Motivations /histoire familiale

Ce livre est dédié à ses parents. Son père est fils d’immigré arménien ayant fui le génocide. Sa mère, allemande, est la fille d’un député du Bundestag, Max Schulze-Vorberg.

Son grand-père lui disait « vous êtes l’Europe », Aram K. S’est fait comme un devoir d’écrire sur l’Europe, avec ce grand-père qui avait une foi viscérale en cette Europe.



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10 janvier 2022 :

Ce roman traite avec brio de la corruption.

Il s'agit du troisième roman d' Aram Kebabdjian dont je découvre la plume avec joie.

Le héro, Sigmund Oropa, haut fonctionnaire de l'Office des Fraudes de l' Union, est chargé du dossier des camps de déplacés et leurs conditions déplorables de détention. Ce juge est confronté au détournement de fonds, malversations, tiraillé entre cette réalité et son idéal de justice.

C'est presque une sociologie de la corruption dont il s'agit, tant les tableaux sont incisifs et kafkaïens !

Les psychologies des personnages sont fines, passionnantes et truculentes.

La plume d'Aram est satirique, incisive et jubilatoire.

J'ai énormément aimé ce roman, j'ai passé d'excellents moments de lecture.





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Les désoeuvrés

Les Désoeuvrés... comme titre pour un livre traitant de l'art, de la création, des oeuvres... c'est déjà fort. Peut-être un peu évident, mais bon! c'est déjà un bon titre, en ce qui me concerne.



Les collectionneurs sont les désoeuvrés du récit. Mais aussi les artistes qui finissent par perdre leur âme en faisant la chasse à la notoriété. C'est comme cela que j'ai perçu le livre. Il y a un chassé-croisé permanent entre agents, mécènes, acheteurs, clients, oisifs, artistes, les vrais et les faux...



Cet ouvrage est conçu, construit, architecturé, ciselé, tant dans l'écriture que dans la structure. On croise un peu tout le temps les mêmes artistes, qu'ils soient au centre du chapitre ou interviennent comme des personnages secondaires. Des faire-valoir. Et tout cela crée une trame, une toile d'araignée où le lecteur se fige.



L'auteur nous livre une galerie de portraits, pour une galerie d'art... Très fort encore.



Si j'ai manqué d'enthousiasme à plusieurs reprises, c'est pour l'absence de tension. On est parfois en dehors du récit. On est simple observateur. On regarde les artistes comme s'ils étaient des fourmis dans un bocal... le bocal c'est cet espace de création, très tendance, l'endroit où il faut être, mais ouiiiiiiiii ! ma chère... comment vous ne savez pas, mais il en est... Si, si, si... il en est... !



Cela sent le parisianocentrisme... le fait de se regarder le nombril quand on estime que Paris est le centre du monde, que dis-je ! de l'univers.



Mais c'est voulu par l'auteur. C'est cynique, désabusé, caustique et vitriolé... en tout cas, c'est comme cela que je l'ai lu. Il est bluffant d'imaginer que tout est imaginé, les oeuvres, les artistes, les tendances, les courants, etc. Il y a là un foisonnement intellectuel tout à fait incroyable. Reste que la langue est précise, stricte, à la limite du désagréable parfois... Componctueuse... pour utiliser un joli mot du livre... A lire en prenant des notes...



Merci à Babelio et aux Editions du Seuil pour cette lecture fascinante (dans le cadre du Masse Critique de Septembre 2015).
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Les désoeuvrés

L'idée de départ du premier roman d'Aram Kebabdjian est formidable : Imaginer un monde entre réalité et fiction où la culture serait devenue, suite à une révolution, le pilier de la société et les artistes des véritables rois.

L'action du livre se déroule au sein de la Cité radieuse des artistes modernes, lieu de vie et de création où se côtoient artistes, galeristes, collectionneurs, critiques d'art et visiteurs...

Chaque chapitre est consacré à une création et à son auteur et s'ouvre par un titre qui prend la forme d'un cartel précisant les différentes caractéristiques de l'œuvre : le nom de l'artiste, son titre, son médium, ses dimensions, son lieu d'exposition... En mêlant les récits, Aram Kebabdjian parvient avec beaucoup d'ironie et de justesse à écrire une véritable satire du monde de l'art contemporain dont il souligne l'hypocrisie et l'absurdité. Le personnage tourmenté de la plasticienne Dolorès Klotz nous guide au sein de cet univers et nous montre toutes les difficultés auxquelles les artistes sont confrontés pour créer et vivre de leur art.

L'une des forces de ce premier roman est l'incroyable galerie de personnages que l'auteur brosse mais aussi l'inventivité dont il fait preuve pour donner à chacun une œuvre propre. Certes, les œuvres détaillées évoquent parfois celles d'artistes existants tels que Damien Hirst, Sophie Calle mais il parvient toujours à pousser plus loin encore son imagination.

Un seul regret, le style alambiqué de l'auteur et l'emploi de termes complexes (idiosyncrasie, prolégomènes, ipséité...) freine la lecture en la rendant par moments assez ardue. L'auteur aurait gagné à plus de simplicité dans son écriture. Reste que « Les désœuvrés » est un livre original et rien que pour cette raison il mérite d'être lu.
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Les désoeuvrés

Les désœuvrés du titre fait immédiatement référence aux collectionneurs richissimes qui cherchent à passer le temps en achetant les oeuvres des artistes les mieux cotés pour faire bonne figure auprès de leurs semblables. Aram Kebabdjian parvient à décrire un monde totalement soumis à celui de l'argent. C'est parce que des gens très riches achètent comme des moutons que quelques artistes roulent en Porsche et bouffent du caviar tous les matins alors que d'autres, les plus nombreux, regardent ce cirque avec amertume et envie depuis leur sombre mansarde. Pour réussir, le jeune artiste doit avant tout se créer un réseau, il doit savoir parler de ce qu'il fait et doit passer du temps à rédiger des dossiers de demande de subvention pour enfin créer une oeuvre qui touchera non pas le plus grand nombre, mais les plus gros acheteurs et les plus grands galeristes, ceux qui assureront alors la popularité de l'artiste. Une scène passionnante montre un groupe d'élèves visitant un centre d'art contemporain. Ce qu'ils voient n'a aucune valeur, du pipi de chien, de la crotte, du foutage de gueule! Pourtant, les grands collectionneurs sont prêts à y jeter des millions... La réussite de ce roman sans intrigue tient dans cette mise en question permanente de la valeur d'une oeuvre.

Faisant souvent référence à Proust et à "La recherche du temps perdu" pour peindre ce petit monde de l'art, Aram Kebabdjian s'amuse à montrer l'immuabilité des situations et des comportements. De nombreux personnages de son roman peuvent ainsi rappeler ceux de la Recherche comme la Verdurin et Odette de Crécy.
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Les désoeuvrés

Les désœuvrés, premier roman d'Aram Kebabdjian est un livre tant étonnant que complexe. L'auteur a en effet bâti son oeuvre autour du thème de l'art contemporain. Il situe l'action dans un univers où l'art, après la mort de l'industrie (pour des raisons qui nous sont d'ailleurs inconnues) aurait pris la place principale dans la société. Le roman est étonnant car chaque chapitre correspond à une oeuvre d'art et en porte le nom ainsi que celui de son auteur. Tout est pure fiction et il faut bien reconnaître qu'Aram Kebabdjian ne manque pas d'imagination quant à l'invention (en écriture du moins) de ces si nombreuses et diverses œuvres. Tous les domaines de l'art sont abordés de la peinture à la photographie en passant par l'architecture, la littérature ou encore le bioart et autres disciplines parfois un peu surprenantes.

Le roman s'articule autour d'un lieu, la Cram, la Cité radieuse des artistes modernes, tant convoitée par les artistes, qui tous souhaitent pouvoir s'y installer, malheureusement les places sont attribuées selon le mérite, le talent, et surtout selon la notoriété de l'artiste, ce qui est source de jalousie et tension entre les artistes. Autour de ce lieu gravite toute une galerie de personnages que ce soient les artistes eux-mêmes ou les galeristes, marchands d'art et autres collectionneurs. Un personnage se détache cependant du lot, Dolorès Klotz, adepte de l'art minimaliste, dont la vie, le caractère, la fragilité, la sensibilité et la tristesse souvent, sont largement dépeints par l'auteur.

Il y a dans ce roman un côté satirique, les spectateurs, dans ce monde où l'art est devenu roi, sont bien souvent tournés en ridicule, comparés maintes fois à un troupeau, ils vont là où il faut aller, applaudissent et admirent ce qu'il faut applaudir et admirer mais semblent cependant dénués de tout sens critique. Certaines œuvres prêtent également à sourire, on peut sentir dans leur description une légère pointe d'ironie qui nous pousse à nous interroger sur la notion d'art en elle-même.

Cependant et malgré la qualité de l'écriture d'Aram Kebabdjian, si riche et poétique ainsi que son inventivité certaine, on se perd un peu dans ce roman peut-être trop riche tant au niveau des œuvres que des personnages trop nombreux, aux relations sans doute trop complexes. Mon sentiment est mitigé après la lecture de ce roman, peut-être une deuxième lecture serait-elle nécessaire.
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L'hymne à la joie

Sigmund Oropa. le narrateur, est un humble fonctionnaire de l’Office des fraudes de l’Union, C’est un homme romantique, rêveur et plutôt taiseux, heureux en ménage et se satisfaisant de son travail routinier tout en ayant une claire conscience de son insignifiance puisque tous les rapports faisant état d’un possible détournement de fonds communautaires n’ont pas de caractère contraignant et dorment gentiment au fond d’un tiroir. Il aime visiblement boire, et pas beaucoup d’eau, et manger, avec une prédilection pour les sucreries.

Mais soudain, dans ce ciel terne mais sans nuage, réapparaît dans son univers, son grand amour de jeunesse dont il avait eu tant de mal a accepter la fin brutale à l’initiative de la belle Angèle. Qui elle, avait conservé la fibre militante, elle s'occupait d'Arcadia, une grosse ONG qui organisait l'accueil des réfugiés et bénéficiait pour cela des subsides de l'Union européenne.

Cette rencontre remet en perspective sa vie pépère à côté des idéaux partagés avec Angèle dans son jeune âge et représente un tournant dans sa façon de regarder les flux d’argent et leur utilisation qui figurent dans les rapports dont il a la charge.

Ce qu’il découvre en étant plus attentif à ses lectures, fait naître en lui un besoin irrépressible d’alerter le monde sur ce qui se passe sur le dos de ces pauvres gens dont l’errance enrichie une mafia en col blanc. Il part au combat, tel le chevalier des contes d’antan, sans avoir conscience d’où il met les pieds.

On se prend d’affection pour le narrateur, pétrit de bons sentiments et de culpabilité dus à son histoire familiale. Et l’on s’inquiète pas mal, en tant que contributeur de cette gabegie financière assez réaliste, cynique et inhumaine.

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L'hymne à la joie

Je remercie Babelio et les Editions du Faubourg pour l’envoi de ce livre. Celui-ci brosse le portrait de Sigmund Oropa, fonctionnaire international italien. En quête de sens et proche de la retraite, il fait le bilan de sa vie et réalise qu’il n’a pas accompli grand-chose ; il est finalement comme les autres membres de l’Union, faible et corrompu. En tant que juge, il est chargé de rétablir la justice et enquête notamment sur des camps de déplacés et les conditions épouvantables dans lesquelles ils sont accueillis. Il souhaite à présent dénoncer toutes ces horreurs, le trafic des déplacés, très lucratif, et le détournement des fonds par les agents communautaires, les ministères, la mairie ou les ONG. Il part pour la Turquie où un nouveau camp de réfugiés est en cours de construction avec cet objectif en tête. L’idée est de sauver ses idéaux, ses valeurs et la démocratie, et de retrouver en lui une petite partie de son idéal perdu.

Si la situation réelle est telle que l’auteur la dépeint, il y a en effet de quoi s’inquiéter : les sociétés qui accueillent les déplacés ramassés en mer vivent grassement sur le dos des réfugiés pour lesquels quantité de fonds sont pourtant apportés et détournés. C’est d’autant plus dérangeant pour ceux qui prétendent faire de l’humanitaire. Mais Aram Kebabdjian est avant tout cynique et dénonce un système corrompu, sans doute en forçant le trait de ses fonctionnaires (en tout cas j’espère) oisifs qui agissent uniquement par intérêt. Toutefois, il montre que certains se préoccupent du sens et des bienfaits de leur travail, quitte à risquer leur vie comme Sigmund. Au fur et à mesure de ses découvertes, la colère du juge s’accumule et le dégoût d’être parmi ses membres le gagne. Ses sentiments sont mitigés puisqu’il est tiraillé entre ses vieux démons – son frère parti trop tôt, son premier amour, Angèle, à la tête d’une des sociétés d’accueil des réfugiés – et son idéal de justice, qu’il va tenter d’atteindre.

Le roman met un certain temps à démarrer – peut-être pour nous faire partager l’ennui de son personnage principal ? - et montre l’absurdité d’une Europe qui part à la dérive et une administration tout droit sortie de l’univers de Kafka.

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L'hymne à la joie

Une parenthèse mélancolique découverte en cette fin d’été pluvieuse. L’écriture d’Aram Kebabdjian se déguste, petit à petit. Lentement, il fait monter la tension, sans jamais perdre son fil. Cynique, mordant, ce livre est un long poème, une ode au continent.



Un fonctionnaire communautaire aux origines douteuses (des ascendants fascistes et nazis) retrouve son amour de jeunesse, Angèle. Celle-ci est la tête d’une ONG soupçonnée de s’enrichir sur le dos de l’Union européenne. Sigmund Oropa est tiraillé entre ses idéaux de justice et sa passion qui ressurgit… Sa description de l’administration est particulièrement réussie.

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Les désoeuvrés

J'ai eu un peu de mal à achever ce livre. L'écriture de l'auteur est remarquable et le récit est très maîtrisé. Aram Kebadjian nous montre le monde des artistes et des galéristes, sans fard ni compassion, et avec une certaine ironie teintée d'aigreur. Ce petit monde, qui semble fonctionner dans un entre-soi presque toxique, n'est guère reluisant sous la plume de l'auteur. Chaque personnage tente de tirer son épingle du jeu, au sein de soirées d'inauguration d'exposition où le jeu de dupes bat son plein. On croise et recroise certains des héros du livre, parfois au cœur d'un chapitre, parfois en personnage secondaire, mais on ne perd jamais le fil. Cet ouvrage révèle une grande connaissance du milieu artistique, un amour et une fascination certaine pour la création mais aussi une forme de désenchantement face à des comportements et des motivations plutôt basses. Le principal obstacle à la lecture est, d'une part, la longueur du livre (512 pages) qui m'a parfois découragé. Ensuite, je ne me suis pas sentie "emportée" par le récit. Il manque un peu de rythme, de tension, j'avais l'impression de décrocher rapidement du sujet alors que je suis habituellement une lectrice tenace. J'ai souvent arrêté ma lecture, puis repris, puis arrêté à nouveau... Il reste que la matière littéraire est très impressionnante, que l'écriture d'Aram Kebadjian est époustouflante de structure. A lire donc, même si cela prend un peu de temps! Merci à Masse Critique de Septembre 2015 de m'avoir fait découvrir cet auteur!
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Peinture : Impressionnisme (4)

Considéré comme précurseur de la peinture moderne cet avant-gardiste admirateur de Velàzquez et Goya fit scandale avec deux tableaux mémorables, l'un exposé au Salon des refusés (1863) l'autre présenté au Salon officiel (1865). Très proche des impressionnistes qu'il soutient dans leur positionnement esthétique ainsi que matériellement mais soucieux de ne pas rompre avec le Salon officiel, il conserve une grande indépendance à leur égard et ne participe à aucune des expositions du groupe quand bien même il devient apparenté à l'une de ses membres en 1874, date de la première exposition impressionniste. Vous avez reconnu :

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