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Citations de Armand Robin (118)


Armand Robin
L'illettré

Devant les bois, les blés j'étais béat benêt :
Je lisais ce qui ne se lit pas :

Les nuages, les vents, les rochers, les ébats
De la lune dans les bois.
Et le ciel avec son grand étang courbé
Où le soleil tout le jour accroît son caillou,
Onde par onde, et le déferlement changeant
Des nuages disposaient de moi.
Les arbres tournaient lentement en moi
Leurs pages tantôt bruyantes, tantôt muettes,
Tantôt épaisses et jaunies, les saisons
Me donnaient des leçons.
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On supprimera l’Âme
Au nom de la Raison
Puis on supprimera la raison .

On supprimera la Charité
Au nom de la Justice
Puis on supprimera la justice .

On supprimera l'Esprit
Au nom de la Matière
Puis on supprimera la matière .

Au nom de rien on supprimera L'Homme ;
On supprimera le nom de l'Homme ;
Il n'y aura plus de nom .

Nous y sommes .
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Le programme en quelques siècles

On supprimera la Foi
Au nom de la Lumière,
Puis on supprimera la lumière.
On supprimera l'Âme
Au nom de la Raison,
Puis on supprimera la raison.

On supprimera la Charité
Au nom de la Justice
Puis on supprimera la justice.
On supprimera l’Amour
Au nom de la Fraternité,
Puis on supprimera la fraternité.

On supprimera l’Esprit de Vérité
Au nom de l’Esprit critique,
Puis on supprimera l’esprit critique.
On supprimera le Sens du Mot
Au nom du sens des mots,
Puis on supprimera le sens des mots

On supprimera le Sublime
Au nom de l'Art,
Puis on supprimera l'art.
On supprimera les Écrits
Au nom des Commentaires,
Puis on supprimera les commentaires.

On supprimera le Saint
Au nom du Génie,
Puis on supprimera le génie.

On supprimera le Prophète
Au nom du poète,
Puis on supprimera le poète.

On supprimera l’Esprit,
Au nom de la Matière,
Puis on supprimera la matière.

AU NOM DE RIEN ON SUPPRIMERA L'HOMME
ON SUPPRIMERA LE NOM DE L'HOMME
IL N'Y AURA PLUS DE NOM
NOUS Y SOMMES.

Armand Robin (1912-1961) – Poèmes indésirables (1945)
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« Le processus qui mène au langage obsessionnel, c’est-à-dire en fin de compte à la suppression du sens des mots, a quelque chose de fascinant, d’ensorcelant ; dans ce surgissement d’un non-langage, il y a comme la promesse d’une nouvelle façon d’être, laquelle, tel le vide, attire et fait chuter ; si affreux que cela puisse paraître, nous irions jusqu’à dire qu’à des millions et des millions d’hommes, cette biblique extermination du langage peut paraître comme un repos inespéré, comme la Terre Promise ; le silence totalitaire, parfaitement réalisé sous forme de fausse parole imposée à toutes les lèvres, a ses chances de réussir à hypnotiser une humanité harassée ; un tel silence est promesse, non plus de mort au sens que les religions ont donné à ce terme mais d’une mort encore innomée où chaque homme serait mué en objet glacé ; dans les eaux de la parole totalitaire, l’humanité voguerait à l’aise en goûtant aux plaisirs des poissons silencieux ; bien plus, ces pseudo-humains auraient besoin à chaque instant de ces géantes vagues de paroles insensibilisantes et ne pourraient plus supporter d’en être retirés, encore moins d’être mis dans le cas d’avoir eux-mêmes à parler. »
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Je serai dans le monde à partir de minuit
Avec les ronces et le travail de la rosée.

À partir de minuit je serai dans le monde
Avec le grand travail de la rosée dans les ronces!
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NOUS SAVONS...

Nous savons que nous ne sommes pas sauvés,
Nous chantons sous la nuit sans espérance,
Sous les étoiles silencieuses,
Avec l'inutile splendeur de la conscience.
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Fin de la lettre du 18 juillet 1935 à Guéhenno :

Je vous adresse un poème de joie, d'espoir. De celui-ci je suis cette fois assez content.

[Texte du poème inédit: Marche sans halte: voir ci-dessous]

Pardonnez-moi la tristesse qu'a dû vous apporter cette lettre. J'aimerais avoir un mot de vous, mais vous avez bien autre chose à faire.

Avec mes pensées affectueuses,

Armand Robin



Marche sans halte

Surgiront-ils les jours aussi purs que les joues
Et que les poings vengeurs du plus simple des hommes?
Autour de nous croupis les siècles sourds renouent
Leurs sandales de serfs et s'esquivent. Nous sommes
Restés seuls ce matin devant des trous d'aurore.

Nous sommes restés seuls devant des trous d'espoir
Laissant à nos habits flotter en loques sales
Nos mains et nos désirs. Tordu dans les vents noirs,
Dieu chômeur cloué nu aux murs des capitales,
Notre bel avenir râle et meurt dans l'aurore.

Pitié! Nous sommes l'infortune!
Frères courbés , frères fourbus,
Longtemps nous avons sous la lune
Remué tous un peu d'écume,
Blanche, claire et nette parure
Pour les nuits du monde futur.
Le temps passe, vif obus:
Toute écume est encore impure.

Alerte! Voyez dans l'espace
Pourrit un zéro colossal:
C'est notre terre, camarades!
Alerte! Secouons nos âmes,
Frères battus, frères tenaces,
Tassés dans l'ombre des murailles.
S'il est lassé, coupe ce doigt!
L'aurore attend notre victoire.

Camarades partons éclaboussant de joie
La tête des rosées riant à nos fusils!
Debout mains et désirs! Ame en loques, flamboie!
Nous bercerons la terre du chant de nos outils
Et de notre sueur nous laverons l'aurore.

Serrant notre univers dans nos crânes menus,
Nous avons tous marché la marche patiente.
Serrant nos volontés dans nos poings têtus
Nous voici tous vainqueurs. Le temps, éveillé, chante.
Les pas des travailleurs ont rajeuni l'aurore.

Juin 1935
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Armand Robin
Bergerie
     
Avec une lenteur où bouge un paysage,
Les clochettes à brebis du songe
Prétendent descendre des montagnes.
     
Et l'âme, animale et sereine,
Sous les cyprès que la brume amenuise,
Rumine une voix dans sa laine.
     
Une voix d'eau blessée pour épines,
Une voix de fruits pour l'eau des plaines,
Une voix d'eau tendre pour Beethoven.
     
Même si j'étais mort
La voix serait toujours
En tout bosquet bienfaitrice mutine.
     
Je me suis depuis lors
Fait mendiant d'images.
Nul noisetier, nul trèfle ne me refuse.
     
     
Revue Rose des Temps no 10 - Eté 2012.
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Pour me distraire, je convoquai chez moi la machine à voir. Elle vint, luisante et avenante. Jeunette encore, elle se tenait modestement. Elle commit pourtant sans tarder quelques imprudences qui m’instruisirent.

L’engin à images ne fait, pour l’instant, que plaire ; mais, si peu qu’on y réfléchisse et qu’on ait en l’esprit le conditionnement d’ensemble de cette époque, il est logiquement appelé à servir de redoutables opérations de domination mentale à distance ; il ne se peut qu’à travers lui ne soient tentés des travaux visant à dompter, à magnétiser de loin des millions et des millions d’hommes ; par lui une chape d’hypnose pourrait être télédescendue sur des peuples entiers de cerveaux, et cela subrepticement, sans que les victimes cessent de se sentir devant d’agréables spectacles.
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Comment se comprendre ?

Comment se comprendre par un sourire sans parler?
Je n’aurai pas de disciple pour comprendre
Mon silence
Je resterai pour toujours un trèfle béant
Qui n’a pas dit ce qu’il voulait dire

Et se balance lentement
Entouré de toutes les fêtes du printemps,
Mais qui se sent inhumainement
Né vainement.
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L'église est une prière, mais le cloître c'est déjà la grâce accordée.
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J'ai lu beaucoup de livres,
Les uns que j'achète en cachette
Avec les sous que l'on me donne le dimanche
Parfois lorsque j'ai bien soigné les bêtes ;
Et d'autres que j'ai volés dans le grenier du
curé.
Avec un sourire plus doux
Que celui des herbes sous la rosée,
Ils me disent tous que la vie est si belle plus
loin !
O vous, qui venez de partout,
Répondez-moi sans ruse ; puis-je partir là-bas.
Menant derrière moi mes pauvres camarades ?
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Sous la lune d’été...
  
  
  
  
Sous la lune d’été,
J’ai rêvé de nuits plus claires.
J’aimais la vie des hommes comme la vie des doux insectes
Qui ne naissent que pour un seul jour
Et laissent un nom qui tremble.

Proie pour la poésie,
Chaque homme vit des instants d’élite
Et j’ai pour tous admiration, pitié !

Il faut comprendre
Le monde d’émotions
Qu’un seul instant de nous enferme.
Le moins de mots possible et le silence !
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En cette langue je me suis senti délivré, accompagné; après une longue quête, je rencontrais des mots frais, violents et touchants, frissonnants d'une tendre barbarie encore mal domptée. Presque tout ce que j'avais à dire, d'autres, sur cette terre de victimes bafouées, l'avaient crié avant moi. J'entrai avec fougue dans cette tempête, devins chose de cet ouragan; de vastes écroulements me précipitèrent. Aujourd'hui encore, au moment de quitter ces poèmes, je reste loin de ma vie, crucifié sur les steppes.
(préface d'Armand Robin traducteur-poète)
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Me conduire en des lieux écartés


  Avant que ma voix ne devienne  isolée,  j’eus mon pays
près de moi.  Les fontaines, les joncs,  les chevaux étaient
les relais de mes voyages ; de lentes et claires eaux étaient
mes promenades ; et mon sommeil  était  d’un  feuillage
tendrement et lentement gonflé de bruits.

*

Les fontaines, les plantes, les incertaines lunes
Furent mon logis ; les ronces méprisées furent ma fortune.

Les plantes lentement bruissantes et bougeantes
Aujourd’hui, malgré trente langues, trente sciences,
Seraient mon âme, ma vie en ses travaux enfin stagnante,
S’il n’y avait encore trente autres langues et sciences ;
Ma tête resterait ferme, après avoir été dix folies,
S’il n’y avait trente, quarante, mille autres folies.
Sans doute j’aurai besoin que les vents et les ruisseaux
Me guident, que les taureaux encore mettent leurs museaux
Dans mes jours abreuvés de lentes eaux.
  ... Je voulus désespérer une voix désespérée, la conduire en
des lieux écartés, la perdre et revenir souriant vers des plantes
souriantes.
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Toute douceur de langage
Me vient quand je songe à elle

J’en fis ma femme par confiance en son poème, par un don venu d’elle. Tendrement, patiemment elle m’ôte à des hasards disgraciés, elle se mire en élan de mon élan. Elle est un lys poussant, m’outrepassant

Je la songe stagnante en blanc
Cousine des herbes, des eaux, penchante
Près d’un étang
Invitée aux noces !

Et je renouvelle la terre,
Je demande aux abeilles, aux oiseaux,
Pendant qu’elle songe,
De la venir becqueter.

J’aimerai le monde
Qui l’aimera !
Je me ploierai au monde
Qui la gémira !

Tu es mon oiseau, je te vois bec jeune
De l’oiseau qu’un jour je vis dans mon Oisquay
Me becqueter, te becqueter !

Et depuis cet oiseau fut toujours mon ami,
Je reste un bois infecté de ronces, d’orties
Depuis !


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Peut-être le processus de mutation de l’espèce humaine en une sorte de chose ayant vitalement besoin de non-parole est-il plus avancé que les esprits les plus vigilants ne le soupçonnent ; peut-être quotidiennement côtoyons-nous déjà toute une catégorie d’objets, gardant provisoirement le nom d’hommes mais n’ayant de commun avec l’humanité que les formes extérieures irréductibles d’un tout petit nombre de comportements élémentaires ; peut-être le peuple des «atteints de propagande», plus inguérissables que les antiques populations massivement atteintes de la peste, se trouve-t-il déjà bien au-delà de toutes les thérapeutiques mentales connues. Les décervelés ont besoin de leur folie, les damnés de leur damnation.
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De Profondis quarante fois
I
  
  
  
  
Il sonne, résonne, le cor de la perdition !
Que faire, que faire désormais
Sur les cuisses loqueteuses des chemins ?
Vous qui aimez les poux que sont les chants,
Allez-vous refuser d’en cherchez dans mon derrière ?

Tendresses des museaux, finis vos endimanchements !
Qu’il te plaise ou te déplaise, à tout coup prends !
C’est si bon quand le crépuscule fait des niches
Et nous décharge d’un seul hop dans nos derrières de corniauds
Une volée de verges sanglantes de couchant.

Bientôt les premiers gels vont plâtrer de verglas
Le petit bourg et les prés que voilà.
Et pas un lieu où vous cacher de la perdition,
Pas un lieu où vous sauvez de l’ennemi !
LE voici, LE voici : du fer plein la bedaine
Et SES cinq doigts serrés sur la gorge des plaines.

Le vieillard moulin pointe l’oreille au guet,
Il aiguise son flair de broyeur de blé.
Et dans l’enclos le trappiste taureau,
Qui vient de répandre sur des génisses tout son cerveau.
En essuyant sa langue sut les traverses,
A senti sur les champs le malheur.
                                    1920.


// S. Essenine (21/09/1895 – 28/12/1925)

/ Traduit du russe par Armand Robin
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L'illettré

Devant les bois, les blés, j'étais béat benêt :
Je lisais ce qui ne se lit pas :
Les nuages, les vents, les rochers, les ébats
De la lune dans les bois.

Et le ciel avec son grand étang courbé
Où le soleil tout le jour accroît son caillou,
Onde par onde, et le déferlement changeant
Des nuages disposaient de moi.

Les arbres tournaient lentement en moi
Leurs pages tantôt bruyantes, tantôt muettes
Tantôt épaisses et jaunies, les saisons
Me donnaient des leçons.
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LES FLEURS, LES CLAIRS DE LUNE…

Les fleurs, les clairs de lune, les haies dans l’aube
Furent dans ma vie féérie qui s’évanouit.

Nous ne pouvons pas tenir notre vie
Sous les chênes et les lieux légendaires.

On est trop faible pour la fête de la terre.

On est là, mendiant sous les étoiles,
Visage misérable, détresse au cœur.

La mort partout chez nous !

(Malgré mes voluptés) nous restons des moines devant la mort !
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