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Citations de Armand Robin (119)


De Profondis quarante fois
IV
  
  
  
  
Qu’un diable te balaye, hôte de saleté !
Avec toi notre chant ne peut pas s’apparier.
Dommage qu’on n’ait pu te noyer, tout petit,
Bien à pic, comme un seau dans un puits !

Ça LEUR va bien de béer, d’aller crânant,
De barbouiller leur bouche en baisers de fer-blanc !
Seulement moi, psalmiste, il m’avait été donné
De chanter alléluia sur ma Russie aimée.

Voilà pourquoi quand septembre baisse
Sur la sèche et glaciale glaise,
Le sorbier, s’écrasant le crâne aux haies,
Laisse dégouliner son sang de baies.

Voilà pourquoi la tristesse a pénétré
Dans les variations du sonore accordéon ;
Voilà pourquoi le paysan, lui qui sent bon la chaumaison,
Dans le méchant alcool qu’il fabrique s’est noyé.

                                         1920.


// S. Essenine (21/09/1895 – 28/12/1925)

/ Traduit du russe par Armand Robin
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Armand Robin
Le cœur de l’homme, je veux l’apprendre en russe, arabe, chinois.
Pour le voyage que je fais de vous à moi
Je veux le visa
De trente langues, trente sciences.

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La Bretagne, c'est un univers ou, si on veut, c'est une patrie mondiale. C'est une patrie forte et non pas dolente et plaintive, ainsi qu'a eu trop tendance à la faire apparaître la littérature française qui s'est occupée des choses de Bretagne. Cette Bretagne universelle, cette Bretagne qui n'est pas localisable, c'est pour nous le point de vue de l'âme, ce qui est encore mieux, ce qui est encore plus haut que le point de vue de l'esprit. Il est clair que ce lieu parfait de l'âme se trouve être aussi par nature le lieu parfait du génie poétique.

O sainte nef de la nuit plafonnée de velours,
0 santual an noz pallennet gant voulouz,
0 neved an noz, Haute nef de la nuit,
De stellaires lampes à tes lustres luisent
Stered ennãn da c'houleier o lugerniñ
Nuit pure, si gente en ta calme nuitée
Disourr, didrouz...
Ni bruit chutant, ni chuchotis...
Seul, là-bas, au long du lac, le silence des chutes
De grenouilles glissées en la fraîcheur de l'onde
Nemet du-hont war lez al lenn,
Lamm ur glesker efreskter an dour.

(Extrait d'un poème en breton, inséré dans sa traduction, de Maodez Glanndour, 1909-1986)
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Le monde d'une voix

LES LIVRES ET LES SOURCES


Celui qui, sourd au monde,
S'enivre de connaissances
En voyant dans les pages
Passer vraiment le rire et les rives
De ses premiers amis ruisseaux,
Si frais qu'il y rafraîchit ses doigts,
Il retrouve lorsqu'il met sa tête dans les fougères
La source des livres ;
Et les lettres grisonnantes des eaux de fontaine
Et les gouttes qui font la pluie calme dans les livres
Lui sont le même repos
Mouillé d'enfance du monde,

Et sa tête , même fatiguée, ne logera pas fatigue.

p.223
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L'homme qui jamais n'eut personne pour lui
Déjà changeait l'avenir par ses souffrances.


Par malheur il ne pouvait rien faire dans le passé :
Qui aimait l'argent, les situations sociales, avait
triomphé.

Il lui restait le désert.



Si quelqu’un vous a volé,
Dites-lui : « Il me reste encore ceci que vous n’avez
pas volé.
Vous êtes très négligent, venez me le voler. »

Si quelqu’un, très affaibli de mal, vous fait du mal,
Demandez-lui de vous faire davantage de mal
Pour que vous puissiez lui faire davantage non-mal.

Quiconque veut vous détruire,
Dites-lui : « Je veux vous reconstruire ! »
Si vraiment il est trop faible, aidez-le à vous faire du mal.

Les ténèbres ignorent les non-ténèbres,
Mais les non-ténèbres n'ignorent pas les ténèbres.

De sorte que les ténèbres ne progressent dans leur
état de ténèbres
Qu'au bénéfice des non-ténèbres.

p.96-97

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LES ANCIENNES SOUCHES...


les anciennes souches, nul n'a pu me les arracher.

Avec le temps des aubes nettes, des longues, dures
nuits de tourments,
Toujours j'ai rêvé
D'accéder à tous les sommets de l'esprit ;

J'ai accepté de devenir visible et risible,
J'ai accepté de paraître parmi les maîtres de la vanité,

Afin de montrer ce que peuvent les miens,
J'ai voulu passer aux miens les armes de l'âme ;

Un jour très proche j'aurai de nouveau mes fêtes
Avec la sueur aux mille sourires sur mon corps.

En de très vieux temps, où je parus exister,
On prétendit m'avoir rencontré.

Me faufilant à rebours dans les âges,
J'ai empoigné, secoué les années où je fus dit en vie,

Attendant qu'en tremblotement de poussière mon
avant-vie ait dansé,
J'ai dansé dans la poussière toutes les danses de
l'avant-vie.

Je ne rendrai pas compte de la vie
Qu'on dit avoir été ma vie.

Abusivement inséré en vie,
Contre toute mon évidence à partir de 1912 je fus
dit en vie.

On établit contre moi des constats de présence :
Je fus pris en flagrant délit de vie.
Telle est la légende bien établie.
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Le monde d'une voix

DERNIERS POÈTES D'EUROPE


Aiguisés dans l'exigu,
Vagabonds casaniers,
Ils convoquent le monde devant leur chambre ;
Ils demandent que les vents, la mer, les nuits les plus profondes
Usent de ruse devant leurs serrures.

Celui-ci,
Au long des remous d'un verre d'absinthe,
Titube jusqu'à l'horizon.

Celui-là,
D'une cour poussiéreuse
Fait un règne pour séraphin de terreur ;

Dans une conque Valéry entend toute la mer ;
Un mi-cloître, mi-parloir suffit à Mallarmé.

p.212
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Mercredi 18 juillet [1935]
Bien cher Guéhenno,
La chance n'a pas voulu que ces derniers temps nous puissions nous parler d'homme à homme. Il me faut donc vous écrire et ce n'est pas facile: je ne sais où vous trouver; je ne saurai pas comment vos yeux et vos mains accueilleront mes paroles; me voici seul: de ce côté de ces pages, de la souffrance pour moi. De l'autre côté, de la souffrance pour vous. (...)
Il y a deux ans je suis allé à Moscou ; sans doute n'avais-je guère à me déplacer beaucoup, pour me trouver là-bas, car depuis longtemps je ne voyais pas d'autre lieu possible pour la conscience des hommes. J'y suis allé; j'ai mis bien longtemps à en revenir. Cher Guéhenno, j'ai pu me mentir; j'ai voulu me persuader que j'avais mal vu, mal entendu; pour me permettre d'espérer encore, je me suis, en bon intellectuel, inventé des prétextes : "Ce que tu as aperçu ce fut un cauchemar, ce fut un monde dans lequel tout sens de la dignité humaine est mort, traqué."
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Armand Robin
Ils se sont tous en insensés
Protégés contre la pensée
Et contre les derniers rêves d'amour.
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Mère, qui fus si sainte dans ta simple vie
De bruyère ignorée,
J’ai besoin que tes doigts harassés mais vaillants
Me montrent le Christ,
Ce bon seigneur qui fleurissait sur les vitraux

Mère, si le Christ existe, tu es près de lui.
Là-haut sur ce ciel courbe,
Tu te penches près de lui comme un trèfle.

S’il existe, dis-lui
Que ton fils dans un enfer mène sa vie,
Qu’il a besoin de passer humblement près de lui.

Dis-lui
que je voulais n’avoir pas besoin de lui
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Armand Robin
Ma vie sans moi par une vie où je serais
Pourra se remplacer.
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Avant que ma voix ne devienne isolée, j'eus mon pays près de moi. Les fontaines, les joncs, les chevaux étaient les relais de mes voyages ; de lentes et claires eaux étaient mes promenades ; et mon sommeil était d'un feuillage tendrement et lentement gonflé de bruits.
[...]
Sans doute j'aurais besoin que les vents et les ruisseaux
Me guident, que les taureaux encore mettent leurs museaux
Dans mes jours abreuvés de lentes eaux.
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Ce que tu as vu, c'est la famine, ce sont des paysans qui depuis 18 mois n'ont jamais mangé ni viande, ni pain ; ce que tu as vu c'est un peuple à bout de souffle, un peuple mort ; souviens-toi de ces visages d'affamés, de ces regards éteints ; ce que tu as vu, ce sont des hommes qui à force de souffrir bêtement ont perdu jusqu'au sentiment de la souffrance, le plus précieux de tous.
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Le monde d'une voix
LA CHAMBRE


La chambre croyait qu'il fallait
Un homme pour la réveiller ;

Chaque soir elle faisait un prisonnier,
Le liait jusqu'à l'aube ;

Jambes, épaules, ses quatre murs
Le maintenaient, très durs.

Elle a découvert
Que les charrettes réveillent mieux ;

Maintenant elle préfère
Sommeiller seule ;

Dans l'aube avec le premier bruit d'essieu,
Rapide, fraîche, elle cahote ;

Très sûrs,
Ses jambes, épaules, quatre murs.

Dans ce pays très gourd nul n'a rien remarqué.

p.176
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La confession d’un voyou
extrait e



La lumière est bleue, d’un tel bleu !
Dans un tel bleu même mourir ne serai pas un mal.
Qu’importe si j’ai l’air d’un cynique
Qui s’est accroché une lanterne au derrière !
Viel et brave Pégase harassé,
Qu’ai-je besoin de ton mou trottinement ?
Ma caboche, tel un mois d’août, va s’écoulant
Goutte à goutte en vin de cheveux écumants.

Je veux être la jaune voile.
Tendue vers ce pays vers qui nous faisons voile.


// Sergueï Aleksandrovitch Essenine( 03/10/1895 – 29/12/1925)

/ Traduit du russe par Armand Robin
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Outre-écoute ll



Au cours de mon tête-à-tête avec les
radios mondiales, tout me semble de
temps à autre se passer comme si les
gigantesques êtres psychiques nés de
nous, nés de nos guerres à nous,  se
déliaient  de nous,  nous  faisaient la
guerre à nous tous indistinctement.
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.
.
LA CONFESSION D’UN VOYOU

(…) C’est exprès que je circule, mal peigné,
Ma tête comme une lampe à pétrole sur mes épaules.
Dans les ténèbres il me plait d’illuminer
L’automne sans feuillage de vos âmes.

C’est un plaisir pour moi quand les pierres de l’insulte
Vers moi volent, grêlons d’un orage pétant.
Je me contente alors de serrer plus fortement
De mes mains la vessie oscillante de mes cheveux.

C’est alors qu’il fait si bon de se souvenir
D’un étang couvert d’herbe et du rauque son de l’aulne
Et d’un père, d’une mère à moi qui vivent quelque part,
Qui se fichent pas mal de tous mes poèmes,
Qui m’aiment comme un champ, comme de la chair,
Comme la fluette pluie printanière qui mollit le sol vert. (…)

(Serge Essénine)
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O miens si obscurs, pour me garder près de vous il me faudrait pendant toute ma vie le moins de mots possible et chaque jour, malgré ma nouvelle existence, une retraite près des plantes, une main passée dans la crinière des chevaux. Pour rester près de vous malgré moi, malgré ma vie, j'ai vécu toutes mes nuits dans les songes et, le jour, je me suis à peine réveillé pour subir une vie où je n'étais plus.
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J'ai commencé par le breton,
Brume exquise où l'âme se mire d'une brume à l'autre
Et n'arrive jamais à se dévoiler :
Grand effort dans la brume !
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Ce Staline, qui n'étudia nulle grammaire arabe, je n'ai point cessé de le suivre. Il est tombé de plus en plus bas, tel le plus infirme en esprit du temps présent, se satisfaisant de se faire répéter à tout instant par ses radios qu'il est l'homme le plus génial, le plus aimé, le plus savant que le monde ait connu. Il se fait servir chaque jour le genre de propos dont a besoin le faible. Il renonce à dominer la grammaire ; tout se passe comme si, en cet humble savoir, il avait trouvé une force supérieure.
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