Citations de Arnaud de La Grange (77)
Pour ce roman à l'origine il n'y avait pas ou peu de fond martial.
On était dans le désert du Turkestan chinois avec des archéologues européens se livrant une féroce compétition pour y traquer des vestiges du passé.
La poussière parlait plus que la poudre . Et puis un de mes personnages ma amené à passer la frontière et je me suis retrouvé en Sibérie dans les horreurs de la guerre civile. Il a fallu faire face.
Cette violence qui ressort c'est un peu comme ces grosses pierres des champs de l'Île Maurice.
Régulièrement les hommes les extirpent de la terre et les amassent en tas impressionnants qui donnent au paysage des airs etranges.
Mais il en remonte sans cesse à la surface.
Les situations violentes qu'on a connues reviennent aussi inlassablement à la surface , même lorsque l on croit en avoir fini avec elles.
Arnaud de La Grange
sur son écriture de Les vents noirs.
Jusqu'à présent les combats n'avaient été qu'escarmouches. On s'étaient tués un peu pour rien. Pour voir, pour se connaître. Tout cela allait changer. La grande explication etait proche.
Les tribus Dounganes s'étaient ralliées. De toute la plaine on accourait, des montagnes on descendait, pour rejoindre le corps de bataille de Mâ Ying Djou.
Page 199
Cinq jours de lancinants efforts pour venir mourir dans le lit d'un fleuve stérile.La science des livres lui vint en aide. Selon les lois physiques en vigueur dans cette région du globe, les rivières du Turkestan se déplaçaient vers l'Est. Il partir en boitillant dans cette direction. Tous les dix mètres il devait s'arrêter.
Un battement d'ailes finit par indiquer le salut.Sous ses pas un canard prit son essor. Devant lui, l'eau.
Epaisse et boueuse elle semblait l'onde limpide d'un fjord. Sans respirer il en avala deux ou trois litres, puisés fébrilement dans la gaine du compas.
L'eau jubilait sous sa peau, ruisselait dans ses veines. Une marée de bien-être montait dans tous ses membres, son corps était une éponge que le flot recouvrait.
pages 152//153
On pendait ici les hommes comme ailleurs on accroche du linge à sécher. [incipit]
Tous les jours de leur vie, nos frères devraient penser au moment où avant de partir ils se contempleront. Alors, souvent, ils vivraient autrement. (p. 350)
L'homme esquissa un sourire veuf de quelques dents.
(p. 237)
Atenkov était une brute, et de la pire espèce. Molle et sucrée. Tout en lui était épais et spongieux, la silhouette, la voix, les manières. Enrobée dans le gras, la cruauté n'en est que plus glaçante. (p. 27)
Ferrand regardait Verken avec un air de bienveillante incompréhension. L'adjudant avait bien quinze années de plus que le jeune lieutenant. Semblable avance dans la vie incline à l'indulgence. (p. 12)
En se coulant dans son sillage, Verken reconnut cette sensation déjà ressentie au contact d'hommes particuliers. Il flotte derrière eux un air plus dense, alourdi de questions. Le moindre de leurs gestes n'a pas la même consistance. Ils laissent une trace plus forte. (p. 297)
De loin, dans cette paix vespérale, on aurait dit de paisibles caravanes en quête d'un havre pour la nuit. Le crépuscule souvent est trompeur. C'est sans doute pour cela qu'il est prisé de certains hommes. (p. 200)
Le jeune homme (...) se sentait neuf, nerveux, libre. Affranchi du poids de la transmission. Il choisirait ses attaches. Il aurait ses vices, il aurait ses vertus, mais ne porterait pas le poids d'une hérédité imposée. Verken se sentait libéré de toute trace à suivre. (p. 160)
On venait ici boire comme on se fait sauter la cervelle. Avec une énergie froide et désespérée. les mondes qui meurent suscitent une brutale envie de vivre, au moins d'en avoir l'illusion. (p. 74)
Le Transsibérien, sans doute, était maudit. Il roulait sur les os des moujiks et des réprouvés morts par milliers pour que vive ce rêve. (p. 34)
Dans le sud ,nous avons été les premiers à être libérés ,mais notre vie ne s'est en rien améliorée.Au contraire.
– Attention mon lieutenant ! Pour un soldat, rêver est plus dangereux que sortir des tranchées. Cela se termine toujours mal
Quelques mots viennent de tomber dans le combiné de la radio. Des mots de fonte, qui pèsent lourd dans la vie d'un homme jeune. C'est une voix que je connais, l'officier adjoint de Kervan. "L'opération de dégagement ne pourra aller jusqu'à vous. En accord avec le commandement, nous vous laissons libres de votre décision."
Une liberté que tout officier rêverait de se voir offrir, en d'autres circonstances .Pas là.Ces mots signifient que c'est à moi de décider de la vie de cent dix hommes.
[à propos des soldats] Ils font encore pleurer le sang. (p. 178)