Que lisent les écrivains ? (1/11) Florence Aubenas présente "Le jardin de l'aveugle" de Nadeem Aslam .
Que lisent les écrivains ? Onze d'entre eux, invités de la fête du livre de Bron, nous confient leur dernier coup de coeur. Ni essai, ni document pour Florence Aubenas, mais le roman de l?anglo-pakistanais Nadeem Aslam. Une ?uvre magnifique, entre Pakistan et Afghanistan, sur le deuil, le lien fraternel, au lendemain du 11 septembre.
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L’enfance... l’époque où les minutes peuvent durer des heures et les jours s'évanouir le temps d’un clignement de paupières.
Il l’avait vu pour la première fois près de la maison de Rohan quand il avait dix-huit ans, la fille au regard ambre et serein..... un après-midi elle lui avait rendu son regard. Le sourire avait été bref. Presque rien sur le moment, mais tout dans le souvenir.
p.47
... elle apprit alors que les caractères arabes étaient utilisés à des fins ornementales par Giotto, Fra Angelico, Fillippo Lippi, parmi d’autres. Ils apparaissaient, par exemple, sur les manches de la Vierge ou sur les tuniques ou les rubans des anges.
C’était ainsi qu’un continent se déversait dans un autre. Ainsi que quelqu’un pouvait détenir sa vie durant la réponse à une question qu’un autre portait en lui, jusqu’à ce qu’ils finissent par se rencontrer.
Un survivant de la bombe atomique d’Hiroshima, Shigeki Tanaka, remporta le marathon de Boston en 1951. Aucun applaudissement ne l’accueillit.
Le contraire de la guerre n’est pas la paix, mais la civilisation, et celle-ci s’achète par la violence et les meurtres commis de sang-froid. Par la guerre. Cet homme doit gagner des millions de dollars en assurant la protection des convois d’approvisionnement de l’ OTAN qui passent dans sa zone et en fournissant une milice chargée de combattre les talibans et les soldats d’al-Qaida aux côtés des Forces spéciales américaines.
p.132
En 1996, on a demandé à télévision à ....Madeleine Albright,..qui représente les États-Unis a l’ONU, ce qu’elle pensait du fait que cinq mille enfants irakiens étaient morts suite aux sanctions économiques américaines. Sais-tu ce qu’elle a répondu ?
“Le choix était difficile, mais nous pensons que le prix en valait la peine.” Ce sont là ses mots exacts. Toi, tu en penses quoi ?
p.395
Le contact avec l’autre est aussi vaste que les grandes solitudes désertes,....et exige toutes les audaces.
p.233
Le portique de la Compagnie des Indes orientales dans Leadenhall Street à Londres dépeint Britannia tendant la main à une Inde agenouillée qui lui présente ses trésors. Quand les Britanniques arrivèrent en Inde, le pays renfermait vingt pour cent des richesses mondiales connues. Quand ils en partirent deux cents ans plus tard, en 1947, il n'en possédait plus que trois pour cent...
(...) Qu'est-ce qui expliquait la méfiance d'un peuple à l'égard d'un autre ? Un jour, au cours d'un voyage en avion, Massud et elle avaient bavardé avec un steward tunisien, qui leur avait dit : "Il y a beaucoup de visiteurs italiens dans mon pays." Et quand Nargis lui avait demandé pourquoi, il avait répondu : "Les guerres puniques. Ils n'arrivent pas à partir." Nargis avait alors appris que ces guerres s'étaient déroulées entre 264 et 146 avant Jésus-Christ.
Un jour, encore enfant, elle avait demandé à l'homme qui s'appelait Massud ce que signifiait le mot "lire". Elle était la fille des domestiques de la maison et on lui avait intimé de rester tranquille dans un coin pendant que ses parents travaillaient. Il avait réfléchi un moment à sa question avant de dire : "J'ai soif." Il prit alors cet outil qu'il nommait un stylo, en posa la pointe brillante sur une feuille de papier où il laissa quelques marques. Lui tendit le papier et lui dit d'aller dans la cuisine le montrer à Nargis. Helen s'exécuta et fut stupéfaite quand Nargis la renvoya à Massud avec un verre d'eau. "Lire, c'est magique", lui avait déclaré l'homme.
" Il se peut que les autres aient combattu les soviétiques pour de mauvaises raisons (...) pour ma part, j'ai toujours été convaincu que mes raisons étaient bonnes et mon engagement sincère ".
Il était pareil à celui qui se trouve dans une galerie des glaces et ne se préoccupe pas de ce qui l'entoure, parce qu'il sait qu'il est le seul à ne pas être un reflet. La confusion n'est que pour les spectateurs.