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Critiques de Nadeem Aslam (108)
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Le Jardin de l'aveugle

Une fille, deux garçons, une bourgade, Heer, Pakistan du nord, dans les mois qui suivent le 11 /11/2001,

La fille, Naheed, amoureuse de Mikal, épouse Jeo,

Jeo, étudiant en médecine et Mikal, son frère adopté, partent pour l'Afghanistan aider leurs frères de religion dans le chaos de la guerre,

Et Naheed est enceinte....



Un livre qui révèle peu à peu, la tragédie d'un pays, de sa population et surtout celle de ses femmes soumises aux règles impitoyables et inhumaines de la charia.

“Dieu n'est qu'un nom pour dire notre émerveillement.” Mais l'émerveillement conçu dans le livre saint, ici est interprété et détourné au profit d'une société machiste, qui utilise la religion à d'autres fins hors de toute règles d'éthique. Un monde brutal, violent voir de barbarie, où l'homme est réduit à son instinct animal avec une violence inouïe sur la femme, “Pas un jour de sa vie d'adulte où une femme n'a pas été abattue d'une balle, ou tuée à l'aide d'un rasoir ou d'une corde, noyée ou étranglée avec son propre voile, enterrée vivante ou brûlée vive, empoisonnée ou étouffée, le nez tranché ou le visage défiguré à l'acide, le corps découpé en morceaux, écrasée par une voiture estropiée à coups de bâton.”



Un monde de chaos, de méchanceté et de destruction, où le sang des innocents ne compte pas,

L'histoire d'une énorme escroquerie masquée par la religion, où quand il est question d'intérêt, de pouvoir, ou d'argent, le musulman tue le musulman sans ciller,

Jeux des grandes puissances, particulièrement celui des États-Unis, où la boucle du cercle infernal qu'ils ont initié se referme sur eux , entraînant la mort de milliers d'innocents.

Et pourtant dans cet enfer, il y a une lumière......Le Jardin, celui de l'aveugle Rohan, père de Jeo et Mikal. Un oasis de paix, où la vie vibre loin de la violence du monde qui l'entoure. Une note d'espoir magnifique parmi d'autres, que je vous laisse découvrir....



L'écrivain pakistanais Aslam réussit un tour de force avec un texte puissant et riche, très dur à lire, où la cruauté et la violence des hommes sont partiellement contrebalancées par un jardin havre de paix, l'innocence et la bonne volonté de trois jeunes gens et de leur père et un petit léopard des neiges......l'autre face de la Vie. Eh oui, elle existe, bien que visible qu'à ce qui reste de sensibilité et de conscience humaine en nous. Une prose bariolée, dont le lyrisme et le mysticisme métamorphosent l'horreur en un texte splendide ! Le pouvoir magique de la Littérature !



“Sur ce paysage de mort s'étend le voile jaune de la lune sur le point de paraître ; le froid de la nuit venu de l'est les enveloppe, et les étoiles entament leur lente glissade le long des pentes noires.”
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Le sang et le pardon

A Zamana, dans leur bibliothèque d'une beauté étonnante, Nargis et Massud, un couple d'architectes musulman, ont suspendu au plafond les maquettes de la mosquée de Cordoue et de Sainte-Sophie — symboles de leur exigence esthétique, de leur ouverture et communauté d'esprit...



Mais Massud meurt accidentellement dans un échange de tirs entre un Américain et des tueurs pakistanais. Pour Nargis, c'est le début d'une lutte pour échapper aux services secrets d’une armée corrompue, une fuite où la jeune femme, avec Hélène la fille de son serviteur chrétien et Imran, un Cachemirien, cherche à se soustraire à la folie des hommes.



Saisissant et poétique, le sang et le pardon décrit les réalités d'un Pakistan violent, voire même effrayant — régi par des diktats religieux et gangrené par la corruption de ses institutions. Toutefois malgré ce constat, ce très beau roman suggère la capacité d'espoir et de résistance d'un pays auquel Nadeem Aslam, même s'il l'a quitté adolescent, semble viscéralement attaché.
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Le Jardin de l'aveugle

Ce troisième roman de Nadeem Aslam nous plonge dans le déchainement de violence aveugle qui voit s’affronter après le 11 septembre, au Pakistan et en Afghanistan, au nom de la religion et d’intérêts multiples bien difficiles à démêler, des musulmans modérés et des fanatiques, les américains qui estiment qu’il n’ y a que des coupables et qui les traquent avec l’aide de seigneurs de guerre réfugiés dans les montagnes dont le seul mobile est de gagner de l’argent... Nadeem Aslam sait nous rendre vivants et inoubliables à travers les êtres qui traversent son roman des évènements dont la télévision et les medias ne font qu’égratigner la surface.



Dans ce déferlement se débattent et persistent à aimer des êtres rares qui n’échappent pas à la spirale de haine, qu’ils en soient victimes ou acteurs involontaires, mais pour lesquels l’amour et la compassion restent les plus forts.



De belles figures de femmes : Sonia, Naheed, Yasmin, Tara et d’autres rencontrées sur leur chemin par ces hommes pris dans la tourmente, refusent de se laisser gagner, déborder par l’idéologie qui prône la violence, peut-être parce qu’elles en sont les premières victimes. Tenaces, elles demeurent du côté de la vie.



La beauté douloureuse des romans de cet auteur permettent de remiser nos jugements tranchants parfois. Il ne donne pas de réponses mais qu’il soit remercier pour toutes les questions qu’il permet de se poser et pour la grande poésie qui émane de son écriture venant illuminer la tragédie. Il nous offre des scènes où l’on croit pénétrer dans de véritables miniatures persanes.
Je retiens aussi de cette lecture que la soif de beauté, le désir de connaissance, à travers les livres qui comme dans le précédent roman «La vaine attente» sont bien présents, et la compassion demeurent des repères qui peuvent sauver du chaos.



"Elle lève les yeux de son livre de temps à autre, vêtue de sa tunique où les cendres ont dessiné un motif de fleurs grises et de feuilles noires, un jardin au crépuscule.


«L’amour ne rend pas les amants invulnérables, lit-elle. Mais même si la beauté et l’amour du monde sont au bord de la destruction, c’est toujours du côté de ceux qui s’aiment qu’il convient de se trouver. Que la haine soit victorieuse ne fait pas d’elle autre chose que ce qu’elle est. L’amour vaincu reste l’amour." p 140

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Le sang et le pardon

Réalisme et symbolisme mêlés. Un livre douloureux et enchanteur.



Nargis, architecte, a vu mourir son époux dans un échange de coups de feu, de même qu' Aysha, fille d'imam, a perdu son islamiste de mari, par une attaque de drones américains où son fils est devenu mutilé. Lily le chrétien est veuf par meurtre. Imran le déserteur du Jihad a une famille décimée par les luttes politiques du Cachemire.

Tous deviennent fugitifs dans un pays où justice et tolérance sont des concepts bafoués quotidiennement.



Une immersion dans le Pakistan contemporain et la rigueur quasi dictatoriale de sa gouvernance, sa politique ambiguë et la corruption de ses élites, la mouvance de l'islamisme radical, le cloisonnement très hiérarchisé en matière de religion et le fatalisme de la population.

Dans une modeste ruelle de quartier pakistanais, les communautés musulmanes et chrétiennes cohabitent difficilement. le meurtre et l'intimidation ne sont jamais loin. Les femmes sont souvent sous contrainte et la vie quotidienne en est misérable pour beaucoup et violente pour tous.



L'ensemble est un réquisitoire littéraire du fondamentalisme religieux exercé par ceux qui transforment l'Islam en religion combattante.



Beaucoup de symboles de paix et de fraternité sont semés au fil des pages, comme autant de voeux pieux pour une société multiconfessionnelle, loin du fanatisme religieux.

Nadeem Aslam a le talent de ces belles images, qu'il utilise tel un décorateur pour illustrer sa prose, saupoudrant de douceur un contexte de violence primitive.

Cela se vérifie encore dès l'ouverture de ce livre avec une bibliothèque insolite où se balancent au plafond des maquettes de Sainte-Sophie d'Istanbul et de la Grande Mosquée de Cordoue. Là encore, tout un symbole de fraternité.



Et encore une fois je me fais embarquer dans un univers de poésie et de cruelle réalité, où la perte et le deuil malmènent les individus.



J'ai lu tout ce qui a été traduit de la bibliographie de Nadeem Aslam, toujours avec le même plaisir renouvelé.

J'ai vraiment dégusté cette dernière parution.

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Le sang et le pardon

Epigraphe :

« Il n'y a pire négateur de Dieu que celui qui au lieu de se révolter accepte l'injustice. »

Quatee Shifaï



Le premier endroit que l'on remarque est la forteresse du minaret. Tandis que nous en approchions, notre convoi traversa une charmante vallée entre des tumuli dominés par des platanes et des tilleuls. C'étaient les tombes de plusieurs milliers de victimes de la peste. S'épanouissaient là des fleurs multicolores, nées des cendres infectées.

Alexandre Pouchkhine, Voyage à Erzéroum au temps de la campagne de 1829.



Lire est magique et Nadeem Aslam est un grand magicien. Un regret, que l'édition française n'est pas conservé le titre original « La légende dorée » titre donné également au dernier chapitre de ce livre.



Le premier chapitre intitulé «L'amanderaie» s'ouvre sur une belle scène paisible : une nouvelle journée va commencer pour Massud qu'éveille l'appel à la prière du muezzin de la mosquée proche. À ses côtés, encore endormie, sa femme Nargis qu'il contemple.

Nargis et Massud sont tous les deux au milieu de leur vie. Ils sont architectes et ont bâti ensemble nombre de bâtiments dont une mosquée que beaucoup estiment être le plus beau monument moderne du Pakistan et un bâtiment qui doit accueillir les milliers de livres d'une des plus anciennes bibliothèque de la ville de Zamana où ils demeurent.

Ce matin-là doit voir le transfert des volumes de la section islamique, les seuls qui n'ont pas encore rejoints les nouveaux locaux. Ces livres contenant le nom d'Allah ou du prophète Muhammad doivent être acheminés en formant une chaîne humaine d'un bâtiment à l'autre ce qui amoindrira les risques de contact avec l'impur.

Nargis et Massud vont participer à cette chaîne, rompue brusquement et violemment par l'arrivée de deux jeunes en moto dont l'un vise le passager d'une voiture qui réplique et va tirer dans la foule. Massud sera touché par une balle et décèdera. Il tenait à ce moment-là un livre, un grand livre magnifique qu'il avait perdu et venait de retrouver par un de ces détours inattendu du destin, un livre écrit par son père et publié l'année de sa naissance. Un livre intitulé « Pour qu'ils se connaissent mutuellement ».

«Il comptait neuf cent quatre-vingt-sept pages, et c'était une compilation en même temps qu'une célébration des innombrables idées et concepts qui avaient voyagé à travers les âges d'un endroit de la planète à un autre. En les examinant de près, l'auteur étudiait l'influence qu'avaient pu avoir les uns sur les autres des événements historiques sans lien apparent et les contributions souvent oubliées ou invisibles que tel groupe d'hommes avaient apportées au savoir et au bien-être de tel autre. Les traditions et les histoires des peuples s'étaient toujours entremêlées, et, les contributions souvent oubliées ou invisibles. que tel groupe d'hommes avait apportées au savoir et au bien-être de tel autre.» p 28

Ce livre accompagne les principaux protagonistes tout au long de leur histoire, où poésie, beauté lumineuse, violence brutale et douleurs se mêlent. Il attire ceux qui ont soif de connaissance mais aussi ceux qui la haïsse. Lacéré par un agent des services de renseignement pakistanais il suivra la fuite de Nargis en compagnie de Helen, fille d'un couple chrétien, serviteurs de la famille, devenus amis et Imran venu du Cachemire pour s'entraîner à combattre dans un camp. Tous les trois, vont s'efforcer de maintenir la vie et la beauté en résistant à l'adversité et en ravaudant, à l'aide de fils d'or, les pages du précieux livre qui les accompagne et ne retrouvera son unité qu'à la fin.

Nadeem Aslam lui-aussi enlumine son livre en entremêlant fil d'or et déchirures mais je trouve qu'il laisse plus de place à une possible éclaircie et à l'amour que dans ses précédents ouvrages. Une réconciliation peut-elle advenir même si les blessures recousues laissent des cicatrices ? Peut-être….

« Elle (Nargis) avait vu des photos de bols et d'assiettes japonais réparés à l'or fin. Elle essaya de se souvenir du mot exact, mais elle était trop fatiguée. Brutalement, il lui revint : « Kintsugi ». L'art de réparer les poteries avec de la laque mélangée à de la poudre d'or, la logique voulant que dégâts et réparations fassent partie de l'histoire de l'objet et doivent par suite être reconnus plutôt que déguisés. Certains objets acquéraient une beauté et une valeur plus grandes parce qu'ils avaient été brisés. » p 86



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La vaine attente

Une magnifique découverte du Salon du livre 2015. Je n'avais jamais entendu parler de l'auteur et j'ai pris ce livre par hasard sur un présentoir. C'est un livre grave, touchant, d'une douloureuse et flamboyante beauté, qui sonne désespérément juste. Le texte passe de la violence la plus brutale à des passages d'une douceur raffinée. Je l'ai lu deux fois de la suite, chose que je ne fais jamais. Pour en savourer encore toute la poésie. Mais aussi pour mieux comprendre les protagonistes du drame qui se déroule chaque jour depuis des décennies en Afghanistan, et que l'auteur semble avoir saisi dans toute sa complexité. A travers le destin de ce pays se profilent les auteurs et les victimes de toutes les guerres provoquées par des idéologies violentes et dominatrices. La dignité de Marcus, qui se nourrit des livres et du souvenir d'un bonheur disparu, rappelle combien la culture et l'amour grandissent l'âme, mais sa quête désespérée laisse peu d'espoir à la rédemption. Seule la nature est immuable et devient pour chacun une source de réconfort : les eaux du lac restent calmes, le verger fleurit imperturbablement et à peine le vol des oiseaux migrateurs semble-t-il dérangé par les guerres des hommes. Le visage souriant du Boudha et les livres cloués au plafond restent des images très fortes. Un très beau livre dont les voix résonnent longtemps après qu'il soit refermé. Et petite chose qui n'intéressera que moi : j'adore la couverture de l'édition poche.
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Le Jardin de l'aveugle

Je remercie l'inconnue croisée à la bibliothèque qui m'a conseillé cet auteur car c'est une très belle rencontre littéraire. Le jardin aveugle est un peu la magie des 1001 nuits mise à l'épreuve de la réalité la plus barbare. L'auteur lui même Pakistanais a fui son pays à 14 ans. Son frère a été tué par les talibans. Son écriture porte la force et la douleur que seuls ceux qui les'ont vécues dans leur chair peuvent les transmettre. En cela Nadeem Aslam me rappelle wajdi Mouawad.

L'histoire commence dans le jardin merveilleux de Rohan. Il a perdu sa femme adorée et vit pour son souvenir,son jardin, l'école de l'Esprit Ardent qu'il a fondé pour dispenser culture et fraternité,et pour ses enfants dont Jeo son fils de sang et Mikal son fils de coeur. Le 11 septembre va pulvériser le Monde et son monde de paix. Son école lui est confisquée pour en faire un lieu de transmission de la haine, et ses fils partent pour l'Afganistan. Ils n'y vont pas pour tuer mais pour secourir les victimes musulmanes. Pour se faire ils laissent derrière eux Naheed mariée à Jeo qui ignore L'Amour qui unit cette femme à Mikal. Très vite, piègés par les militants fondamentalistes,ils sont capturés et torturés par les Seigneurs de guerre. Mikal est ensuite fait prisonnier par les Américains.

Je ne dévoilerai pas davantage l'intrigue de cette histoire mais j'aimerais en souligner la beauté. Ses personnages sont magnifiques,le lien qui unit les frères est d'une extrême sensibilité,l'amour côtoie la haine sans jamais ternir le goût de la vie malgré la violence. La pureté de l'histoire d'amour apporte sensibilité, sensualité, couleur au roman comme pour conjurer l'horreur de la guerre et de la haine. Pour Mikal, " l'important c'était de savoir s'il était ,non pas fort ou faible,ni aimé ou maudit de Dieu, mais bon ou mauvais.". La réponse se déploie majestueusement pour aboutir à une fin que je trouve parfaite ! Il y aurait milles choses à dire de ce livre car il est à la fois conte,poésie et cruellement ancré dans l'Histoire. Il décrit sans concession , la Charia,la haine,la bêtise qui devorent l'humanité.

Si ce n'est pas une lecture immédiatement facile, c'est un grand plaisir que de se laisser emporter par Nadeen Aslam . Je me suis sentie très proche des personnages alors que tout dans " la vraie vie" me sépare de leur propre vie.
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Le sang et le pardon

Je voulais découvrir un autre monde, et je suis partie sur les pas d'un auteur pakistanais d'expression anglaise, pour sortir de ce roman avec un grand sentiment de malaise devant l'horreur de ce que vivent des millions de gens dans ce coin du monde.



Le Pakistan est une poudrière de misère , de corruption et de violence . Trop facile sur fond d'ignorance crasse savamment entretenue, de diriger la vindicte populaire contre toutes sortes de boucs émissaires commodes, les chrétiens, les occidentaux, le grand voisin indien, les Danois et leurs caricaturistes ...lynchages publics au cours de manifestations hurlantes de haine de l'autre, ou attentats meurtriers, on comprend que l'auteur de ce roman réside à Londres. Il est plus facile d'y exercer sa liberté de conscience et son esprit critique !



Nadeem Aslam nous dit beaucoup dans ce roman des tragédies qui meurtrissent son pays avec ses personnages touchants qui se débattent contre des préjugés stupides. Malgré eux, ils se retrouvent projetés dans des situations dangereuses alors qu'ils n'ont rien fait d'autre qu'aimer ou aider, tendre la main. C'est Massud qui se retrouve là où il ne fallait pas, c'est Nargis qui ne supportait plus les brimades contre sa communauté d'origine. Elle épouse Massud, tous les deux décidant de donner une bonne éducation à la fille de leur couple de serviteurs chrétiens. c'est le père d'Helen, un chrétien qui est amoureux d'Aycha, la fille de l'imam du quartier. C'est Iman, le refugié cachemirien , qui fuit son pays tiraillé entre les puissances régionales qui aide Nargis et Helen.



C'est fou ce que les forces de l'ordre dépensent comme énergie à tyranniser les gens ordinaires dans ce récit, tortures, viols, justice expéditive, disparitions louches, on leur doit une grande partie des deuils qui s'abattent sur n'importe qui. On est vite accusé de blasphème dans ce coin du monde et c'est absolument mortel.



Dans le pillage de sa maison, Nargis récupère un livre déchiré par un soudard inculte. Ce livre illustré raconte comment depuis la nuit des temps, les civilisations se sont enrichies les unes des autres.

J'aime beaucoup la métaphore du livre qu'on recoud au fil d'or à six mains , dans le silence des cachettes de nos héros poursuivis comme des criminels, tout au long du récit. Il nous dit beaucoup de la patience nécessaire pour tisser des liens, dépasser les préjugés.



Dans un océan de douleur, il y a des petits gestes réparateurs, de la compassion, une petite lueur, des gens simples qui luttent pour un monde meilleur, il y a de l'espoir au pays de Malala.
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Le cri de l'oiseau de pluie

Le cri de l’oiseau de pluie annonce traditionnellement la mousson au Pakistan. Mais cette année-là, après cinq mois de sécheresse, il précède la mort du juge Anwar notable d’un village miné par les intrigues locales.

Pour autant point d’enquête lente et minutieuse, le meurtre permet avant tout à Nadeem Aslam d’engager le récit dans l’exploration furtive des petites failles qui fissurent le mur des maisons et les histoires de famille. A travers les interstices, il jette une lumière tamisée sur un monde rural coincé entre traditions ancestrales, bigoterie et petites transgressions empruntées aux sociétés modernes. Accablé par le deuil, la découverte de colis postaux et la chaleur suffocante, on a le sentiment que rien ne bouge dans ce village, les évènements et les manigances glissent comme une ombre dans la banalité du quotidien. Seuls se propagent la rumeur et les mots étouffés derrière les portes closes, laissant germer une tension grandissante, entre crainte, colère et incompréhension.

Rien ne bouge mais tout se bouscule, surtout lorque ça s’agite dans la lointaine capitale avec une onde de choc insidieuse qui retentit jusqu’à ce village anonyme et isolé …





Le Pakistan du Général Zia durant les années 80 est déjà ce pays noyé sous la corruption, la répression politique et religieuse. Mais Nadeem Aslam refuse de le dénoncer frontalement dans ce premier roman enfin paru en France. Peut-être parce qu’on ne fait pas de la bonne littérature avec des idées trop franches. L'auteur préfère ainsi évoquer de petites histoires et de courts dialogues pour alimenter l’intrigue, l’écriture frémissante d’intimité ne creusant jamais au-delà. Lire Le cri de l'oiseau de pluie c'est contempler une communauté qui s’épanouit dans l'observation d’une vie discrète et odorante, faite de temps et de prières, comme si l’auteur avait voulu dépeindre une part immobile de l’Histoire au milieu de la violence et de la misère.

Si bien que pour certains suivre la galerie de personnages avec cette narration en pointillés peut apparaître léger et sonner creux.

Mais à regarder entre les lignes, on a le sentiment de lire une fiction portée par l’ambition de montrer une réalité plus complexe que celle que l’on est tenté de croire. Pari réussi ou pas, j'ai aimé cette faculté singulière de faire surgir une atmosphère, lacher des brides de confidences, capter des images furtives et des émotions cachées. Personnellement j'ai choisi mon camp, Nadeem Aslam a non seulement le talent pour décrire des personnages qui portent en eux le reflet d’une époque, mais il parvient également à mettre en lumière avec finesse la vérité qu’ils ont en eux. Progressivement. Révélant des enjeux et des forces enchevêtrées.

Si les brusques mouvements qui affectent ce village isolé sont des variations sans éclat, à peine perceptibles, refluant de l’ombre des mots, des odeurs nauséabondes comme des silences, les crispations qui menacent le fragile équilibre sur lequel ce coin reculé reposait jusqu’à présent sont elles bien tangibles.



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La vaine attente

L'Afghanistan, où il se pourrait que les arbres " cessent de pousser, de peur que leurs racines, en continuant de croître, entrent en contact avec une mine enfouie", offre un décor âpre et splendide aux errances des quelques personnages.



Lara qui vient de Saint-Pétersbourg, fait le voyage vers l'Afghanistan pour retrouver son frère, un jeune soldat russe porté disparu pendant la guerre qui opposait le géant soviétique aux rebelles afghans.



Marcus, lui est anglais ; il vit dans ce pays depuis de longues années, a été marié à Qatrina, une afghane pour qui il s’est converti à l’islam et qui a été lapidée par les talibans. Il cherche ce qui et arrivé à Bihzad, l’enfant de leur fille Zameen.



David a connu Zameen. Ex-agent de la CIA, c'est à la faveur d'une mission à Peshawar qu'il a rencontré la fille de Marcus Caldwell, avant qu'elle ne soit enlevée par un chef de tribu. Depuis lors, il sillonne le pays pour retrouver celle qu'il a aimée ou, à défaut, son fils adoptif.



Casa, orphelin très tôt, a été placé dans les camps d'entraînement des talibans. Pur produit de l'éducation des fondamentalistes religieux, Casa a pour guide suprême le Coran et pour seule voie de salut, le martyre.



Tous vont trouver refuge dans la maison de Marcus, enluminée de fresques, où l’on distillait jadis les plus suaves parfums, un havre de paix dans le petit village d'Usha ("larmes" en dari).



L ‘Afghanistan est au centre de tous les conflits de l’Asie Mineure. Cette nation aux couleurs de l’Islam qui cache un peuple épuisé par la violence quotidienne. C’est dans ce contexte que le roman de Nadeem Aslam prend place.



Un texte poignant d’une rare puissance, à la fois très poétique et brutal, un texte qui laisse des traces.



Comment des étrangers peuvent-ils prétendre amener la paix dans un pays régi par ses propres règles, des règles qui ne correspondent à aucune logique occidentale ? Comment les Etats-Unis pensent-ils aider les afghans contre un régime qu’ils ont eux-mêmes soutenu, armé, entraîné, à l’époque où il représentait le seul rempart contre l’URSS et son communisme ? Ces exemples de questions posées par ce texte nous hantent du fait même de leur écho à l’actualité.



La vaine attente est un magnifique roman d’une très grande émotion, peut-être un des meilleurs livre sur l’Afghanistan depuis longtemps.



A lire et surtout, à méditer.

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Le cri de l'oiseau de pluie

Un juge corrompu assassiné, un sac de courrier retrouvé après 20 ans, une femme chrétienne qui visite discrètement un homme musulman, un mollah tolérant, un autre beaucoup moins...



La petite ville pakistanaise bruisse de rumeurs et d'interrogations inquiètes, alors que l'oiseau annonciateur de mousson fait résonner son chant.



Cette chronique villageoise des années 80 commence comme une enquête policière mais s'avère être une peinture sociale du quotidien, des petits artisans aux grands propriétaires terriens, des fonctionnaires aux mollahs. Le statut des femmes, l'imprégnation de la religion, l'intolérance, la corruption, le communautarisme montrent un pays réfractaire aux réformes en dépit d'esprits individuels ouverts au changement. L'ambiance est lourde et triste, le danger et la violence sont au coin de la rue, la politique et la religion s'invitent sans cesse dans le devenir de chacun.



Je suis une fidèle lectrice de Nadeem Aslam. Il est un conteur privilégié du Pakistan de ses origines et fait découvrir dans des fictions attachantes les coutumes d'une société complexe et très codifiée par les barrières de castes, le clientélisme et les croyances religieuses. Son écriture est poétique, très visuelle.

Je découvre aussi que cet "oiseau " est son premier roman, très maîtrisé, un condensé des multiples sujets de réflexion qu'il reprendra dans ses livres suivants.



Un auteur que je vous invite à découvrir, si ce n'est déjà fait.
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Le Jardin de l'aveugle

Un roman puissant et magnifique.

Pakistan, juste après les attentats du 11 septembre : l’armée américaine s’abat sur l’Afghanistan voisin.

Deux jeunes Pakistanais, Jeo et son frère adoptif Mikal, portés par leur idéalisme, décident de partir clandestinement pour venir en aide à la population afghane : l’un est étudiant en médecine, l’autre est un débrouillard aux compétences variées.

Au Pakistan ils laissent un père vieillissant et pieux, qui perd la vue, une femme aimée, des souvenirs complices dans le merveilleux jardin familial.

Mais leur mission humanitaire ne va pas se dérouler selon le plan, dans ces montagnes livrées au chaos entre les talibans, les seigneurs de la guerre et les troupes américaines ; des montagnes effrayantes, plus hautes que les Alpes ajoutées aux Pyrénées.

Nadeem Aslam décrit avec acuité les émotions qui agitent les hommes : haine, intégrisme religieux, terreur de l’enfer… alors même qu’ils parviennent parfaitement à créer l’enfer sur cette terre.

En contrepoint, le jardin représente la nostalgie d’un paradis : fruits, oiseaux, couleurs et odeurs, beauté…

"Le parfum des fleurs de l’arbre, quand il pénètre dans une pièce, a le pouvoir de suspendre une conversation."

L’écriture est très belle, dans une parfaite traduction de Claude et Jean Demanuelli : une écriture romanesque, poétique, qui dit l’horreur mais aussi l’émotion, une écriture poignante à décrire le chaos mais également la chaleur humaine.



Challenge Globe-trotter (Pakistan)
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Le Jardin de l'aveugle

Rohan perd la vue quand il perd ses fils.

Les deux évenements sont indépendants mais concomitants.



Le 11 septembre, al-Quaïda, Pakistan, Afghanistan, talibans et djihad: la ronde infernale des années 2000, entre croisade américaine et Guerre sainte moderne.

Au Pakistan, la cohabitation entre catholiques et musulmans s'est fissurée avec la montée du fondamentalisme religieux. Base arrière de la guerre en Afghanistan, l'instabilité du pays fait subir violences et attentats à sa population.



Ecartelée entre une foi en un Islam conciliant et modéré et la terreur quotidienne générée par l'extrémisme religieux, la famille du vieil enseignant aveugle va payer le prix fort: jeunes hommes enrôlés à corps défendant chez les talibans ou enlevés par des seigneurs de guerre, rattrapés par les geôliers "cow-boys" de l'oncle Sam, perdus ou morts pour leurs proches, anéantis et impuissants.



Les individus, dérisoires grains de sable, ballotés par la violence des éléments sont les dommages collatéraux négligeables d'un système tournant fou.

Ce qu'une société et une religion peuvent faire subir aux hommes (...et aux femmes) est sidérant et désespérant ! Manipulation, corruption, concupiscence, tout y passe.



Seul lieu d'harmonie: le jardin et le nectar des fleurs

(du grec: nek tar: ce qui triomphe de la mort)



Après La cité des amants perdus et La vaine attente, je continue à suivre avec grand plaisir Nadeem Aslam, son talent de conteur aux visions symboliques, la trame narrative puissante et les personnages denses et attachants de ses livres.

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Le sang et le pardon

Malheureusement je n'ai pas accroché, pas compris le récit, ou les histoires s'entremêlent, mélangeant les personnages, les souvenirs du passé et les moments présents. Des détails intéressants, mais l'ensemble a manqué de liant me concernant. Dommage.
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Le cri de l'oiseau de pluie

L'histoire se déroule au Pakistan, dans une bourgade anonyme, à l'ombre de deux mosquées concurrentes. Deux événements s'y déroulent simultanément : le meurtre du puissant juge Anwar, et la mystérieuse réapparition d'un sac postal égaré dix-neuf ans plus tôt dans un accident de chemin de fer. Est-ce que dans ces lettres se trouve le secret de la mort du juge?

J’attendais beaucoup de ce livre, un bon scénario écrit par Nadeem Aslam qui jusqu’à présent ne m’avait jamais déçu. Eh bien non, cette fois-ci cela n’a pas fonctionné. Je me suis profondément ennuyée au fil de cette lecture, je n’y ai trouvé qu’une chronique sociale du Pakistan des années 80 sans grand intérêt. Les personnages, si nombreux qu’ils sont récapitulés en début de roman, m’ont parus sans consistance. En conclusion, Nadeem Aslam est un auteur et un conteur merveilleux, pour s’en convaincre, il faut oublier ce premier roman et se précipiter sur « la veine attente » ou sur « la cité des amants perdus »



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Le Jardin de l'aveugle

Jamais obscurantisme religieux n’aura côtoyé de si près la beauté offerte par la nature. Au sein d’un jardin luxuriant d’une étrange et paisible beauté, havre de paix, sorte de parenthèse enchantée noyée sous le conservatisme patriarcal, religieux et politique, se joue le destin d’une poignée d’hommes et de femmes jetés malgré eux dans les griffes tragiques du destin. Superbe roman, empli d’une écriture sensuelle et ciselée, Le Jardin de l’aveugle de Nadeem Aslam m’a ouvert les yeux sur un pays, le sien, le Pakistan, qu’il a dû quitter à 14 ans auprès de son père, opposant politique. Que se cache-t-il derrière ce puissant voisin de l’Inde, son ennemi héréditaire, allié ambiguë des USA dans la lutte contre Al Kaida et pourtant fournisseur attitré des hordes de Talibans qui ont sapé et violé l’Afghanistan ? Magnifique roman d‘amour : celui de Naheed, éprise de liberté, avec Mikal, l’orphelin, le coureur des rues, mystérieux jeune homme. Roman tragique également car Mikal est le frère adoptif de Jeo, le vrai mari de Naheed, futur médecin convaincu qu’il lui faut aller aider ses frères afghans torpillés par les Américains et les Talibans. Nous sommes en 2001, les USA ont pris pour cible l’Afghanistan, accusée de cacher Oussama Ben Laden. Par culpabilité, par amitié, par amour fraternel, Mikal accompagne Jeo au cœur du marasme qu’est devenu ce pays pourtant si riche d’histoire. Dans l’attente, Naheed espère, mais lequel ? Les proches de Naheed, Jeo et Mikal attendent eux-aussi, marqués par les bouleversements qui agitent l’opinion publique, dont une partie voue une haine sans nom aux Amerloques !



Nadeem Aslam fait alterner les voix de ce petit microcosme familial : Naheed, Jeo, Mikal, Rohan le père de Jeo, homme pieux et instruit qui en même temps qu’il perd la vue la vue et espère des jours meilleurs pour les siens et son pays, ressasse son parcours. Celui de la création d’un idéal, une école ouverte aux valeurs d’humanisme et de piété, idéal partagé par son épouse défunte. Alors que la beauté côtoie le pire, Jeo et Mikal reviendront-ils indemnes ?



Roman polyphonique et foisonnant, d’une sombre beauté, Le Jardin de l’aveugle m’a permis de découvrir un auteur talentueux et courageux, qui sans jamais juger son pays qu’il aime par-dessus-tout, professe à travers ce roman, son acte de foi d’humanisme. Quelle plus belle preuve d’amour ?
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Le sang et le pardon

Je m'attendais ,en choisissant de lire ce roman ,à la découverte d'une culture dont je n'avais qu'une très vague idée(basée surtout sur les idées reçues colportées par les médias).Ce fut une véritable révélation.

Tout d'abord ,l'auteur m'a plongée en immersion totale dans le Pakistan tant ancien qu'actuel .Il semblerait que toute la culture raffinée du passé ait été mise à mal par la volonté de ceux qui veulent à tout prix avoir la mainmise absolue sur le peuple.

Pour détenir le Pouvoir ,ils éradiquent tout ce qui pourrait laisser une chance à ce pays de laisser vivre en bonne intelligence les communautés religieuses diverses qui le composent.

L'auteur ne nous livre pas en "pâture" des "bons" et des "méchants" ,mais il introduit des éléments qui peuvent permettre de trouver chez certains l'humanité ,l'espoir ,la force de lutter pour vivre avec leurs convictions profondes .D'autres seront victimes de manipulations et parfois récompensés pour leurs mauvaises actions ,tant on les a persuadés qu'ils oeuvrent pour le bien commun. Ce que j'ai beaucoup apprécié c'est que l'auteur ait réussi à écrire une histoire qui se lit facilement alors même que ce qu'il raconte est plutôt compliqué. Bravo aussi aux talentueux traducteurs qui ont réussi l'exploit de ne pas alourdir cette luminosité du récit.
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Le cri de l'oiseau de pluie

Le premier roman de Nadeem Aslam est aujourd'hui publié en France, longtemps après sa sortie en langue anglais (1993) et à la suite de ses livres postérieurs. Il est assez fréquent de découvrir les oeuvres d'un écrivain étranger dans le désordre mais, en l'occurrence, l'explication est simple : Le cri de l'oiseau de pluie est largement inférieur aux romans écrits ensuite par Nadeem Aslam. Cette chronique d'un village lambda du Pakistan, au début des années 80, se déroule alors que le pays est gouverné par le général Zia auteur d'un coup d'état militaire en 1977 et qui impose une islamisation progressive du pays. Ce climat anxiogène est assez bien rendu par le livre, c'est même sa qualité première. Pour le reste, Aslam nous appâte d'emblée avec un meurtre et la découverte d'un sac de lettres disparues depuis 19 ans. Mais de cette double intrigue, l'auteur ne fait rien ou presque. Il préfère nous décrire, en un large mouvement choral, une dizaine de jours dans ce village, juste avant la mousson. Récit inachevé et frustrant donc mais aussi une pléiade de personnages dont aucun ne bénéficie d'un approfondissement de sa psychologie. On s'y perd un peu et on regrette surtout le manque d'empathie. Le style, nonchalant, n'incite pas à se passionner outre mesure pour un récit en fin de compte inabouti. "L'un des premiers romans les plus impressionnants qu'il m'a été donné de lire" dixit Salman Rushdie. Non, sérieusement ?
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Le sang et le pardon

Le Pakistan est un pays très majoritairement musulman, mais qui comprend une minorité chrétienne. La vie est compliquée pour les chrétiens qui comme Helen et son père Lily vivent à Zamana. Dans la République Islamique du Pakistan, où la charia prime sur la loi commune, les insultes fusent, les passant s’écartent pour ne pas être « contaminés », et la moindre jalousie conduit à une dénonciation pour blasphème. La pauvreté et la misère sont leur quotidien. Helen heureusement est protégée par ses employeurs musulmans, un couple d’architecte, Massud et Nargis, qui lui ont permis d’accéder à une bonne éducation. Mais Massud meurt d’une balle perdue dans une fusillade impliquant un américain.



Pour la population gavée de fake news, cet étranger est forcément un agent de la CIA. Les tensions s’échauffent. D’autant que Lily vit une relation avec la fille de l’imam. Cela met le feu au poudre. Le quartier s’embrasse. Lily fuit, Nargis et Helen aussi, accompagnées par un jeune musulman du Cachemire indien, Imran.



Cette fuite à trois va être l’occasion pour chacun de faire le point. Nargis avec un secret qui la hante, Helen inquiète pour son père, et qui se rapproche d’Imran, et ce dernier victime d’un conflit qui s’enlise. L’armée indienne commet des atrocités contre la population musulmane du Cachemire pour mettre fin à une rébellion entretenue par des groupuscules extrémistes musulmans, eux-même soutenus par les services secrets pakistanais.



Ce livre est oppressant. Chaque page décrit des situations de conflit religieux, extrémistes poursuivant de leur vindicte des pratiquants trop modérés pour eux, autorités religieuses édictant des règles dans l’intérêt de certains, police laissant faire, voir libérant les agresseurs, magistrats menacés si ils ne suivent pas l’opinion extrémiste. On sent un quotidien fait de débrouille, de mesquineries, de corruption aussi, avec en arrière fond une armée et une police au dessus des lois qui peuvent à tout moment enlever et exécuter sans raison.



Et malgré tout, Nargis ressent une certaine paix au contact des livres et œuvres de son mari, Helen se sent vivante dans le refuge qu’elles ont choisi, et Imran porte en lui une résilience infinie.



Après un début de livre complètement déstabilisant pour qui recherche une rationalité à l’occidentale dans la suite des événements, le livre prend un rythme plus accessible. Les flash-back se succèdent, l’histoire passée des personnages se révèle. La mosaïque prend forme. Les considérations sur l’impact de la religion sur les vies humaines font réfléchir.



Nadeem Aslam a écrit un livre difficile, significatif du gouffre culturel entre des civilisations qui se méprisent mutuellement. Une vraie plongée dans un autre monde, très loin de la mondialisation.
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Le Jardin de l'aveugle

Un très beau roman.



L'auteur, un Pakistanais de 47 ans, ayant émigré en Grande-Bretagne avec sa famille à l'àge de 14 ans, essaie, à travers une trame romanesque aux personnages multiples et aux rebondissements tantôt apaisants, tantôt haletants et violents, de faire un portrait de son pays, de ses idéologies et de la mentalité de ses concitoyens, au lendemain de l'invasion de l'Afghanistan en 2002.



Les personnages principaux sont membres d'une même famille, avec le vieux Rohan, fondateur d'une école musulmane mais non intégriste, et ses enfants, Yasmin et Jeo et leurs frères adoptifs Mikal et Basie, ainsi que Naheed, fille de Tara et jeune épouse de Jeo, bientôt veuve... Les deux demi-frères Jeo et Mikal se sont jurés de porter une assistance, plutôt humanitaire, à leurs frères afghans menacés par les forces de l'OTAN, ils quittent donc le Pendjab pour les confins du nord du pays... Hélas la guerre est impitoyable et Jeo en sera la première victime, tandis que Mikal, prisonnier d'abord d'un "war lord", puis des Américains, s'échappe en tuant deux de ses gardiens occidentaux. Pendant ce temps Rohan, veuf et âgé, perd la vue et ne peut plus prendre soin de son magnifique jardin, planté d'essence rares, un havre de paix au milieu d'un pays en proie aux convulsions de la guerre. Seule Naheed, sa bru devenue veuve, lui apporte son aide.



L'intrigue est touffue et il est difficile d'en rapporter toutes les péripéties... Ce qui s'en dégage c'est le cri de douleur d'un écrivain qui a mal à son pays natal, le Pakistan. Il l'évoque de façon extrêmement poétique, à travers des passages d'une beauté à couper le souffle, et en exprime la profonde humanité mais aussi la violence aveugle et le fanatisme. Ne prenant pas parti entre tous les belligérants qui font concours de foi aveugle, de tortures, d'exécutions, il renvoie dos à dos les talibans, les seigneurs de la guerre, et les Occidentaux, que presque rien ne distingue dans leur cruauté et leur violence.



Une livre d'une extrême beauté, un roman dont le suspense ne faiblit pas, même si la dernière partie, l'errance de Mikal dans le Waziristan, apparaît moins plausible. Au total, une lecture qui en apprend plus sur l'intrication de la foi, de la politique et sur les contradictions internes du Pakistan, que les meilleurs essais ou reportages, la beauté du texte ponctuant le récit comme une respiration paisible au centre de l'horreur.
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