Car enfin lorsqu'il s'agit de sexe, nous autres femmes sommes capables de comportements absurdes, dont la cause est à chercher dans la complexité des rapports que nous entretenons avec notre propre corps.
Au-delà de l'attirance sexuelle, soudaine et passionnée, j'étais en train de vivre une révolution intérieure. Mon corps réglait son compte à une frustration ancienne, il faisait la paix avec lui-même. Je comprenais que je n'avais jamais vraiment désiré aucun de tous les hommes avec qui j'avais fait l'amour jusqu'alors. Le vrai désir est brûlant, dangereux, aussi puissant et réel que la mort. C'était un cri que rien ne pouvait étouffer. Mon corps se révoltait de tous côtés, contre l'oppression vécue en tant que femme turque, contre la cage de fer de la science et de l'intellect.
Elle était très intelligente et sensible, qualités qui, lorsqu'elles sont réunies chez une femme, lui assurent de courir tout droit à la catastrophe.
Se retrouver sur une île des Caraïbes revient à être prisonnier d'étroites frontières au milieu d'immensité. Ces îles, qui sur la carte semblent si proches, sont en réalité très éloignées les unes des autres, seules au monde. Et cela pas seulement au sens figuré, car il n'y a que l'avion pour relier les îles entre elles.
- Je me souviendrai de tout ce qui est lié à toi. "
Sa voix se fit plus douce, ses yeux s'assombrirent, ils semblaient s'agrandir à l'unisson du ciel noir. On eût dit que ce n'était pas moi qu'il regardait, mais un miracle dissimulé au fond de moi.
" Surtout de ton visage quand le vent fait danser tes cheveux. "
Il ferma les yeux. Rêvait-il à ce moment, celui où nous étions assis sous les palmiers, où j'avais replacé mes cheveux que le vent dispersait ?
" Sur la jetée, dans le corail, au fond de la mer... Partout où j'irai, je verrai ton visage. "
Quelque chose fut remué au fond de moi-même, une lourde pierre que je portais dans mon cœur s'était déplacée et commençait à dégringoler. Je me retournai vers lui et, pour la première fois, mon regard eut la même intensité que le sien. Entre nous s'établissait un dialogue silencieux et profond, dépourvu de paroles. [.......]
Il allait exercer sur moi une fascination grandissante, son regard fou ne me laisserait aucun repos. Il allait faire remonter à la surface mes peurs et mes désirs les plus profondément enfouis, comme ces coquillages qu'il allait chercher au fond de la mer. A partir de cet instant, je serais toujours nue et sans défense face à lui.
Je vais vous raconter l'histoire de l'Homme Coquillage, l'histoire d'une île tropicale, d'un amour éclos dans les marécages du crime, de la torture et de la violence, un amour aussi âpre que le terreau qui l'a vu naître. L'histoire d'une force qui rend fou, d'une passion faite des rêves les plus secrets et de désirs jamais assouvis, d'une amitié miraculeuse scellée aux frontières de la vie et de la mort, l'histoire de cette peur par où commencent tous les désastres, cette peur si représentative de l'être humain, et de sa lâcheté, sa solitude désespérée.
Eli, Eli, lamma sabachtani ?