Audrey Dumont

J’aime cette ville aux mille couleurs, elle qui incarne tellement de choses. Cet endroit où tout se joue, où tout est possible. Cette ville a un pouvoir invisible sur chaque âme qui s’y promène, j’en suis persuadée. Impossible une fois que vous y êtes de la quitter, elle ne vous laissera pas faire.

Je sors de la voiture et, l’air de rien, j’entre sur mon territoire, là où je reprends vie petit à petit. Mon terrain de chasse, ma maison de famille… The Pink Panthers, c’est tout ça à la fois.

N'oublie pas… aime, vis, ris !

Ce sont ces instants si simples qui font la richesse de nos vies, je le sais maintenant. Rien ne vaut la chaleur d'un endroit, le regard des gens qu'on aime. Plus rien n'a d'importance car vous savez que, quoiqu'il arrive, vous êtes armé pour tout affronter ensemble.

Prologue : Amen Omen – Ben Harper

Connaissez-vous la théorie du chaos ?

Tout le monde la connaît, mais peu en comprennent le sens. Il faut vivre une expérience traumatisante et dramatique pour peser le poids de ces mots et comprendre leur répercussion sur le long terme. L’avantage, c’est qu’après, rien ne peut être pire.

J’ai eu mon chaos à 16 ans, un âge où tout devrait être magique, plein de rêves et d’illusions. Un prélude avant ma vie d’adulte.

Mais la vie est ce qu’elle est, et tout ne se passe pas comme on l’imagine. Tout n’est pas soleil et arc-en-ciel, il y a des tempêtes et des tornades et rien ne peut arrêter ces phénomènes.

J’ai 16 ans. La voiture roule, et malgré les circonstances, il fait attention à ne pas dépasser les limitations de vitesse. Totalement ironique vu la situation. Mais il reste égal à lui-même.

Faire ce que les autres attendent de nous, ne rien laisser paraître, à part une image de perfection.

Faire partie des Pink Panthers est un honneur. Les filles du Pink sont des séductrices, des mantes religieuses. Elles contrôlent, dominent, exigent. Rien ne leur fait peur, rien ne les brise. Et méfiez-vous si vous en mettez une en colère, vous risqueriez de le regretter.

Elle est vraiment belle, blonde, grande, avec le teint mat. Elle a tout pour elle. Les hommes tombent à ses pieds, mais elle n’en a que faire, elle profite de la vie, la croque à pleines dents et s’en tient à notre promesse.... Vivre, le tout pour le tout, jusqu’au bout, jusqu’à essoufflement ou épuisement et enfin à cet instant on se posera et on avisera.

Les faux-semblants ne sont pas pour moi et mon intégrité passe avant tout par mon authenticité. Mentir et « faire mine de » pour protéger les gens que l’on aime fait-il partie de ces exceptions ?

— Je vais faire quelque chose qui me ronge depuis des années. Ton père va me tuer, c’est certain, mais si je ne le fais pas, je vais regretter un bon nombre d’années.
Sans me laisser le temps de réagir, sans me laisser un moment pour analyser, et surtout flipper, il avance son visage près du mien, glisse une main sur ma joue et délicatement, il pose ses lèvres sur les miennes.
Ce qui se passe à cet instant précis est inimaginable. Mon corps n’est que combustion. Ma poitrine se resserre encore un peu plus, mon souffle se fait plus rapide, plus douloureux. Mes poumons brûlent ma poitrine au point de ne plus savoir comment inspirer et expirer. Mon cœur se lance dans une valse, prêt à bondir hors de moi.
Et voici sous ce ciel étoilé, les lèvres de Cruz sur ma bouche.
Je vis mon tout premier baiser.
Je vis ma toute première histoire d’amour.
Et c’est avec lui. Le petit garçon de mon enfance, celui qui a accepté d’être mon premier ami, celui qui m’a offert mon premier cadeau, celui qui ne m’oubliait pas malgré le temps qui défilait et malgré la distance.
Je clos mes paupières pour me plonger dans le tourbillon de ces émotions.
Mes mains glissent lentement sur ses hanches, cherchant à me retenir à quelque chose, de peur de m’effondrer. Et dire que je pensais défaillir juste à ses mots. Mon corps n’avait pas idée de ce qu’il allait ressentir à ce contact.
L’histoire se poursuit. Lui et moi. Un nouveau chapitre de nos vies.
Ses lèvres charnues et sensuelles aspirent les miennes. C’est magique, doux, et plein de promesses.
Ce baiser est égal à Cruz, bienveillant, plein d’amour et de délicatesse.
Je l’aime. Je l’aime du plus profond de mon être, et ce qui se passe en ce moment ne fait qu’accentuer mon amour.
Qui ne rêverait pas d’être aimé et choyé par son meilleur ami, la seule personne qui vous connaisse aussi bien ?
Paisiblement, il se détache de ma bouche, se recule, me laissant chancelante, les jambes tremblantes. J’ouvre doucement les paupières et ce que je vois est la définition du paradis.
Il me sourit, les yeux plissés, embués par des larmes de bonheur.
Il passe la langue sur sa lèvre inférieure, comme s’il cherchait à se remémorer le goût des miennes.
— Ma petite libellule s’envole.
Je ris de ce surnom qu’il a volé enfant à mon père. Il trouvait que cela allait si bien avec ma personnalité et mon envie d’évasion. Mon père qui doit sûrement hyperventiler caché derrière la fenêtre.

L’apparence physique ne fait pas tout, elle peut même être trompeuse. C’est au fond de toi que réside la personne que tu es. Alors, ne perds pas de temps avec des gens qui ne sont pas capables de creuser et qui s’arrêtent au premier regard.

Un jour, il deviendra un homme. Il comprendra encore plus la chance qu’il a eue de grandir avec une femme comme toi. Je suis certaine qu’il sera reconnaissant de tous les sacrifices que tu auras faits pour lui. Je pense qu’il préfère avoir une maman hors norme mais heureuse, que coincée dans un carcan qui ne lui correspond pas et malheureuse. Ton fils est intelligent.

Les jugements naissent des peurs des gens et ils laissent des traces indélébiles dans une existence. Je refuse que mon fils subisse les médisances des autres, pas après tout ce que j’ai fait pour lui offrir cette vie si paisible.

Enfant, je n’aurais pu imaginer un seul instant devenir cette femme indépendante, puisque j’étais plutôt destinée à devenir une parfaite épouse en robe de cocktail, avec pour seule distraction les enfants et la cuisine. La femme d’un homme, ayant pour unique but de satisfaire ses moindres désirs.

J’ai été élevée dans la tradition et la religion et, dès le jour de ma naissance, en tant que fille, mon histoire était déjà toute tracée. Heureusement, loin de ma région natale, de ma famille biologique et de mes origines, je suis devenue une femme forte, capable de subvenir aux besoins de son enfant. Je me suis tracé un chemin en totale opposition avec ce à quoi on me destinait : je vis de façon décalée, travaille dans des tenues assez suggestives, incarnant une créature mythique et fantasmée, et j’en suis fière.

Des parents, je le sais à présent, sont censés aimer, protéger et soutenir leurs enfants. Les gronder lorsqu’ils dérapent, mais surtout les rattraper avant qu’ils ne sautent dans le vide. Leur tendre une main bienveillante et leur montrer la lumière.

Blue parle joyeusement de sa dernière conquête et je soupire en me dirigeant vers mon casier, déjà usée de devoir entendre sa nouvelle romance de la veille. Elle martyrise inconsciemment son esprit et son corps en couchant chaque nuit avec un nouvel homme. J’ai peur qu’un jour ou l’autre, elle en vienne à ne plus pouvoir se regarder dans un miroir. Et je suis bien placée pour savoir que c’est pire que la mort.

Je suis toujours la jeune fille un peu timide, un peu naïve, de mon enfance, mais surtout je suis une femme profondément traumatisée par mon passé et par la seule histoire d’amour de ma vie.

J’ai pourtant essayé de vivre un peu plus librement comme Blue et Harper, mais malheureusement, il y a un souci de taille. Une fois seule chez un homme, je suis paralysée. J’ai peur de me tromper encore dans mon jugement, puis de devoir en payer le prix fort.

Elle est mon pilier, mon garde du corps, ma meilleure amie. Elle est entière, ne fait rien à moitié. Surveiller que personne ne me fasse du mal semble être l’une de ses priorités. Je lui ai confié mon histoire un jour, celle des origines de Lemmy. Depuis elle a cette colère en elle à l’idée que quelque chose de mauvais puisse m’arriver. Encore plus lorsqu’un homme ose poser une main sur moi. Au bar, elle mord tous les représentants du sexe masculin un peu trop aventureux.

Une merveilleuse mélodie émane alors de sa bouche : son rire. Un rire d’enfant inconscient, heureux, libre, sans aucune crainte. J’aime ce bruit, comparable à un chant d’ange. Mon ange à moi, descendu pour me sauver de l’enfer. Je me colle à lui et respire son odeur tout en fermant les yeux.
Il est l’homme de ma vie, et je ferais n’importe quoi pour lui, à la vie à la mort…

 Je vais travailler sur moi-même, Janice, et quand je serai prêt, je viendrai te rejoindre, je te retrouverai et t’aimerai chaque jour que Dieu veuille et de mille façons. Il me faut juste le courage nécessaire, vaincre mes fantômes, ne pas aller trop vite, sinon, je négligerai le tout et je ne saurai savourer. Tu comprends j’espère ?

 

Oh oui, je te comprends et je me prends au jeu en priant moi aussi ce drôle de Dieu pour qu’une fois notre prière soit entendue.

 

— Alors prends ton temps, je serai là à attendre et j’espère être moi aussi apte à t’aimer. Tu as réparé mon petit cœur, Thomas, tu m’as redonné foi en la vie et en l’avenir, je te dois bien cela. À toi à l’infini, Thomas. Ici... ou ailleurs...

Tu as réparé mon petit cœur, Thomas, tu m'as redonné foi en la vie et en l'avenir, je te dois bien cela. À toi à l'infini, Thomas. Ici… Ou ailleurs…