Baptiste Morizot

En arrondissant ses ailes lorsqu'elle est à l'affût, en une ombrelle parfaite sous laquelle elle regarde, elle [l'aigrette ardoisée] fait une ombre circulaire sur la surface de l'eau, ce qui attire les poissons à la recherche de l'ombre d'un nénuphar pour se cacher des oiseaux.
Les fonctions passées (la plume a été sélectionnée pour la thermorégulation, la parade, le vol) nous renseigne certes sur les propriétés de l'attirail corporel et comportement dont dispose chaque individu (les plumes sont respirantes, chatoyantes, portantes) mais comme d'habitude avec la vie, chacun fait ce qu'il veut de ce que l'évolution a fait de lui, chacun subvertit, détourne, et invente à partir de la richesse de ses héritages. p59

le présent impactant le passé, qui est la matrice du futur (cf. dessin Evolution par Dan Piraro)

Concrètement, cela veut dire qu’aujourd’hui, une association de protection de la nature ne peut plus porter la défense du savage sans penser un projet de société plus global. On ne peut plus protéger hors sol, comme s’il n’y avait pas de monde, comme si on ne consommait pas. On peut plus “protéger la nature sauvage” sans défendre un monde humain qui soit compatible avec elle et épanouissant pour les relations.
p. 159

Par un long cheminement de pensée, Baptiste Morizot rend possible un autre rapport humain/loup. Ce n'est pas un texte facile, mais on y décèle les différents concepts (la diplomatie, le pistage) qui seront affutés dans ses livres suivants. Une fois cet ouvrage refermé, on sait qu'un autre rapport au monde animal est possible, est souhaitable.

Faire du pistage spéculatif consiste à suivre une route imaginaire en s’épargnant l’effort d’examiner chaque empreinte, en visualisant le trajet de l’animal dans le bush par ses yeux à lui. L’expert a les yeux pointés vers l’horizon, il ne regarde pas le sol, il le rêve. C’est-à-dire qu’il ne cherche les signes au sol que là où il a projeté qu’ils seraient. (p. 177)