Je n'sais plus qui je suis ici-bas, mais je suis la petite fille qui…
Ramata est en reconversion, anciennement cadre dans une collectivité territoriale, elle a fait un burn out. Elle choisit de se reconvertir pour travailler au cœur de l’humain, donc elle pratique l’art thérapie.
En stage dans un Ehpad du Sud-Ouest, elle fait la connaissance avec une dame isolée, atteinte d’Alzheimer, elle marmonne dans une langue inconnue de tous.
Ramata étant noire, immédiatement ses collègues pensent qu’elle parle peut-être la même langue.
Préjugés basiques qui ont la vie dure.
« Elle parle à peine et quand elle le fait c’est la moitié du temps incompréhensible. Elle oublie petit à petit le français et nous sort des trucs dans une langue inconnue. Peut-être que tu arriveras à la comprendre toi, tiens ! Si ça se trouve elle parle ton dialecte. »
Ramata sait immédiatement qu’elle veut faire le lien avec Madame Astrida, elle se dit qu’elle veut « prendre langue » avec cette grande dame un peu voûtée. Elle se rapprochera de Claude Mouret psychologue de l’établissement, un lien très fort se fera entre elles.
Le lecteur sera immergé dans le fonctionnement de ces établissements pour vieux, mais sous la plume de l’auteur, des constats en évitant les pesanteurs.
Claude apprendra à Ramata, que Madame Astrida a commencé à perdre la langue française au profit de son dialecte, lorsque Paola, sa seule amie dans l’établissement, a été expulsée faute de moyens financiers suffisants.
Nous lecteurs, nous entrons dans ce puzzle et progressons à reconstituer des vies.
La voix de Consolée en 1954, vibre aujourd’hui des hurlements de ce pensionnat de Sauve, où une petite fille mulâtre était soustrait à sa famille pour être matée dans cette institution.
Ramata et Astrida sont aimantées par l’histoire, au sens de magnétisme mais aussi dans le sens amour de son prochain.
Beata Umubyeyi Mairesse nous dit avec intelligence et finesse cette résonnance entre l’histoire coloniale et les générations suivantes, les traumatismes des non-dits. Il faut tisser le lien entre passé et présent pour mettre en phase. Ne pas dire c’est irriguer les traumatismes des enfants d’immigrés.
Le passé n’est jamais passé et ne pas dire fait que le passé reste coincé, il ne passe pas et ne passera jamais.
Ces établissements de fin de vie, regorgent d’histoires individuelles qui ont fait l’Histoire.
Un roman finement analysé, une écriture envoûtante qui sait dire les musicalités différentes selon l’époque évoquée.
Une histoire dans une langue qui tisse le lien entre les personnages et les lecteurs. Pas besoin d’être d’une génération exilée pour se sentir concerné.
Au moment de partir, oui, au moment de mourir, cet oubli de la langue d’une vie pour retrouver la langue de la page vierge que chacun a été. Ici c’est la langue, mais cela peut être autre chose. Se draper de la virginité de l’enfance avant de…
©Chantal Lafon
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