« Cette histoire débute il y a trente mille ans environ, bien avant la naissance des scribes de l’Histoire, lorsque tout ce qui apparaissait, respirait, croissait et mourait, partageait la même terre d’ocres et de poussières de glace ».
C’est là que je retrouve Maÿtio, jeune néandtertale de quatorze hivers, marchant, blessée mortellement par les membres d’un autre clan, qui ont exterminé le sien, tué sa petite tout juste née « Les ogres du monde l’ont déchiquetée et dévorée avant qu’elle ne sache marcher ».
Elle s’effondre « dans une steppe blanche et froide d’un climat glaciaire au bord d’un des multiples ruisseaux formées par la fonte des glaces au printemps, non loin de l’arche de pierre `’ »
Les petits signes avant le guillemet sont de l’autrice et signifient « une disparition ». L’autrice explique, en début de livre, la ponctuation qu’elle a créée
Maÿtio se meure de ses blessures et d’épuisement , glisse dans le pays des déesses sœurs. Sauvée par l’une d’entre elles, Bayàn, elle renaît à la vie, et renaît également à ses souffrances. E’wã, l’autre déesse du trio est la mauvaise, celle qui a lutté pied à pied pour que Maÿtio ne vive pas. Elles seront toujours là, à lutter pour et contre la vie. Maÿtio, seule, doit lutter contre la solitude, la peur des bêtes sauvages, comme les lions des cavernes qui n’attendent qu’un moment de faiblesse d’inattention pour surgir « Proie parmi les proies, Maÿtio vit aux aguets. Constamment. Le feu brûle jour et nuit. Elle peut en augmenter immédiatement l’(intensité pour faire naître la peur dans les yeux des carnivores »
Elle habite une caverne profonde « Elle connaît l’interdit des clans de ne jamais enter seul dans les entrailles de la terre, elle sais les dangers des animaux sauvages hibernant, de la perte des sont et des repères dans l’espace, des fêlures de l’esprit dans un monde sans lumière. Mais Maÿtio ne peut lutter contre cette voix qui l’envoûte et dirige ses pas contre sa volonté. Elle se lève, allume une torche aux braises du foyer et entre dans la grotte guidée par l’infime clarté les lampes à terre. »
Maÿtio va dessiner, se servant des aspérités de la grotte pour donner du volume à ses dessins. Il lui faut, c’est vital, retrouver le corps de la jument, sa jument que Bayàn lui a prises pour la punir d’être vivante. Elle créé, s’accroche à la paroi. La grotte est le ventre dont elle sort, matrice qui la voit renaître et naître son art. Et si les premiers dessins émanaient d’une femme, d’une Maÿtio !
Mais, cela ne lui suffit pas, elle veut transmettre, apprendre cet art, la création à d’autres membres de la tribu qui la rejoignent chaque printemps. « Jusqu'au soir, ils tracent, gravent, dessinent, effacent, recommencent, jusqu'à ce que le mouvement prenne vie. Maÿtio se tient avec Seÿna, Oùmlan, Néjh, et les guide dans leur apprentissage. ».
Ils se sont transmis et reçus, le feu, le pouvoir des plantes… et là, Maÿtio leur transmet le dont de raconter autrement que par la voix.
L’écriture de Béatrice Castaner donne vie à Maÿtio, la ponctuation est son souffle, il faut le respecter à la lecture. Rapide lorsqu’il le faut, elle peut être poétique, descriptive. Toute l’émotion, la poésie, la sauvagerie, la sagesse, la curiosité, la peur se trouvent au creux des phrases
Béatrice Castaner, avec Aÿmati, son premier roman, explorait la préhistoire. Maÿtio, cousine d’Aÿmati, suit le même chemin en un roman encore plus abouti que le précédent où l’épopée se dispute avec la beauté des descriptions, la poésie du texte.
Dans ces deux livres, ce sont les femmes qui transmettent l’art de la peinture rupestre. J’ai aimé suivre le parcours de vie de Maÿtio de ses quatorze hivers à sa mort, la voir évoluer, naître, renaître
Je termine cette chronique en apprenant le décès de M. Coencas, le dernier survivant de la découverte de Lascaux. Peut-être retrouvera-t-il Maÿtio, Aÿmati et qu’ils feront des dessins sur les murs de la grotte céleste.
Un coup de cœur pour cette lecture qui me rappelle D’os et de pierre de Bérengère Cournut
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