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Citations de Benoît Reiss (30)


Maintenant le ciel était clair, quelques étoiles apparaissaient entre les pins. Elles scintillaient d’une force qu’il n’avait jamais vue, elles scintillaient comme si elles avaient mal.
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Il est un veilleur : c’est lui qui garde l’appartement quand sa mère est absente, c’est lui qui se lève la nuit, qui sort de sa chambre et entre dans le salon. Il n’y a personne dans l’appartement, il n’y a que lui. Il est un veilleur.
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Une grande maison blanche aux volets et à la porte bleus, une maison bercée par l'eau. Les fenêtres dans leur chambre seraient des hublots. Le soir, ils verraient les arbres de la rive et la lune dans leur cadre rond. Quand ils en auraient assez, ils détacheraient leur maison et la laisseraient suivre le courant. Ils iraient aussi loin qu'ils voudraient, ils changeraient de ville, changeraient de pays. Ils auraient de longs bâtons pour conduire leur maison et pour rattraper la rive quand ils voudraient, de grands bâtons pour s'amarrer ailleurs, cette fois à l'écart des villes, sous la haute frondaison d'un arbre, au coude du fleuve, à un endroit d'où personne ne pourrait les voir. Ou sur une île nue où il n'y aurait qu'eux et les chemins inventés des étoiles au-dessus de leurs têtes.
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Mon père se tait
et cela fait grandir une route
s'allonger une voie devant
peuplée de fleurs et de fantômes
que je peux embrasser dans mon propre silence.
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Les gens croient que les fleurs et les plantes dorment en hiver mais ce n’est pas vrai : en hiver, les fleurs et les plantes mènent une vie intense.
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Conte de l'Oiseau bleu (Vosges et Pays messin)

Noé après avoir lâché la colombe prit l’Oiseau bleu (martin-pêcheur) et lui dit :

— Toi qui connais les eaux, tu auras moins peur, pars aussi, vas voir si la terre reparaît.

L'Oiseau bleu partit, bien avant le jour ; à ce moment s'éleva sur les eaux un si grand vent, que pour ne pas être précipité et submergé dans l’onde, il prit son essor vers le ciel. Il vola avec une rapidité extraordinaire, ne s'étant pas servi de ses ailes depuis bien longtemps ; aussi, arriva-t-il bientôt dans le bleu du firmament où il n'hésita pas à s'enfoncer. De gris qu'il était auparavant, son plumage se colora de bleu céleste.

Arrivé à une grande hauteur, il vit le soleil qui se levait bien loin au-dessous de lui ; une invincible curiosité le poussa à aller considérer cet astre de près ; il dirigea donc son vol de ce côté ; plus il approchait du soleil, plus la chaleur devenait vive ; bientôt même les plumes de son ventre commencèrent à roussir et à prendre feu. Il abandonna son entreprise et revint précipitamment s'éteindre dans les eaux qui couvraient la terre. Après s'être plongé à plusieurs reprises dans l'onde rafraîchissante, il se souvint de sa mission, mais il eut beau regarder de tout côté, l'arche avait disparu.

En effet, pendant l'absence de l'Oiseau bleu, la colombe était revenue avec une branche de chêne, puis l'arche poussée par ce grand vent que Dieu avait suscité exprès, avait touché terre, et Noé, sorti de cette demeure flottante, l'avait démolie pour en faire une maison et des étables. L'Oiseau bleu, ne voyant plus rien sur les eaux se mit à pousser des cris aigus et à appeler Noé.

Aujourd'hui encore, on le voit cherchant le long des rives, s'il ne retrouvera pas l'arche ou quelques-uns de ses débris. Il a conservé jusqu'à nos jours sur la partie supérieure de son corps le plumage bleu de ciel qu'il a acquis dans le firmament, et son ventre est encore tout roussi par suite de l'imprudence qu'il a eue d'approcher du soleil.
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Maintenant le ciel était clair, quelques étoiles apparaissaient entre les pins. Elles scintillaient d’une force qu’il n’avait jamais vue, elles scintillaient comme si elles avaient mal.
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Il est un veilleur : c’est lui qui garde l’appartement quand sa mère est absente, c’est lui qui se lève la nuit, qui sort de sa chambre et entre dans le salon. Il n’y a personne dans l’appartement, il n’y a que lui. Il est un veilleur.
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Le premier jour, on a laissé l’Anglais sur la Grand Place avec son barda défait. Parce qu’on avait des choses à faire, de menus travaux, de la cuisine, du ménage, du rangement, des choses de tous les jours, on lui a tourné le dos. En peu de temps on n’y a plus vraiment pensé, une heure à peine et on était déjà habitué à lui, à ses gesticulations, à son babil. C’est bien ce qui a été le plus extraordinaire lors de cette journée car, en effet, qu’y a-t-il de plus extraordinaire que la survenue d’un Anglais, chargé d’un sac haut comme un mur d’école municipale, sorti va savoir d’où, de la forêt, pas de route, d’un Anglais qui porte une table de salon dans son sac, qui fait des pas de danse sur la Grand Place, qui articule sans discontinuer une langue qu’on ne comprend pas, oui, qu’y a-t-il de plus extraordinaire que cela sinon le fait qu’on l’ait oublié si vite, à peine a-t-on tourné les talons qu’on n’y a plus pensé, il aurait pu être un personnage inventé, tiré d’un livre, un personnage de conte, un ogre, un minotaure, qu’on l’aurait oublié aussi vite. Mais lui était réel.
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Mes ancêtres traversent des villes
qui ont nom de collines

ils dansent
s'aiment

sont assis seuls dans l'herbe
au bord de la rivière

joues rougies de honte
de plaisir

des orages
sous la peau

les cailloux qu'ils lancent par-dessus leur épaule
voici mon héritage.
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Un instant, une pensée me vient que je pourrais tout à fait me perdre dans le jardin de Madame Oda. Je m'imagine m'enfoncer trop profondément et, le soir venu, ne plus pouvoir retrouver le sentier, je passerais la nuit à chercher mon chemin, à appeler et à essayer de distinguer, entre les troncs et les feuillages, les lumières de la maison pour qu'elles me guident.
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Ce sont de longues musiques sans paroles jouées par des orchestres, ou des opéras - mais il ne comprend rien à ce que chantent les voix -, ou encore des pièces pour piano et pour violon et violoncelle. Il déteste toutes ces musiques. [...] D'un morceau à l'autre il entend la même immobilité - ces musiques ont le pouvoir d'étirer le dimanche hors des proportions d'un jour ordinaire.
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L'homme dans la lune
(Bigorre)

On sait que la prescription d'observer les sabbats et les fêtes fut autrefois plus étroite qu'elle ne l’est aujourd'hui. Or, il y avait, il y a bien longtemps, un homme qui travaillait tous les jours, sans se reposer les jours fériés. Dieu s'en offensa et lui dit :
— Je te pardonne quant au passé ; mais dorénavant ne travaille que les jours qui sont licites.
Cet homme n'écouta point la parole de Dieu, et il recommença à travailler, sans égard pour les temps consacrés. Il était en faute pour la troisième fois, portant sur son dos un fagot d'épines, quand Dieu lui apparut et lui dit :
— Que t'avais-je dit ? Respecte les jours fériés... Suspends ton travail ces jours-là... Mais tu ne m'as point obéi... Or, à présent, je vais te punir et te retirer de la surface de la terre. Je t'exilerai à ton choix, dans le soleil ou dans la lune. Et l'homme répondit :
— Que dois-je faire ? Choisirai-je, à présent que je dois quitter la terre, d'habiter dans le soleil ou d'habiter dans la lune ?
Dieu vint à son secours, lui disant :
— Le soleil, c'est un feu ardent, et la lune, c'est la glace.
— Or, dit l'homme après avoir réfléchi un moment, la chaleur du soleil me fait peur, et puisqu'il faut choisir, j'aime mieux aller dans la lune.
— Soit, dit le Bon Dieu. Et il l'y transporta. Parce qu'on était dans le mois de février, cet homme s'appela Février : parce qu'il n'a point voulu se reposer, cet homme n'aura plus de repos dans l'astre qui marche toujours.
Il n'est point difficile de l'y apercevoir, chargé de son fagot d'épines. Son ombre est à la surface ; il est au fond, derrière son ombre.
Mais on ne l'y voit pas en tous temps ; car la lune est d'abord invisible elle-même, puis elle paraît, elle grandit, et bientôt, de sa face immense, elle regarde les hommes ; puis elle décroît. A ce moment, ainsi que dans son accroissement, l'ombre se manifeste, le prisonnier révèle son châtiment à la terre. Et le châtiment durera. Mais quand le monde aura pris fin, quand tomberont les étoiles, relevé de sa pénitence, Février reprendra, avec son nom d'homme, la liberté des cieux.
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Les premières fois, il se trouvait blessé par ce « Gueule demi », il n’en voulait pas de ce « gueule » qui le rappelait à l’animal, il n’en voulait pas non plus de ce « demi » qui le châtrait, le rendait moins qu’un homme entier, il serrait les dents, serrait les poings au fond de ses poches. Mais depuis que le nom lui avait été donné, il remarquait que les gens étaient moins craintifs, moins troublés par sa présence, par la monstrueuse béance qu’il portait au-dessus de son col, certains s’arrêtaient pour causer, prendre de ses nouvelles, et quand ils s’adressaient à lui, ils ne détournaient plus les yeux. Un matin, le cafetier de Maindon, Brad lève depuis l’autre côté de la place, l’a salué.
Hé, bonjour Gueule demi !
Et dans cet appel il n’y avait pas de méchanceté, aucune intention de blesser; Gueule demi, simplement était devenu son nom.
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Lui rentre le matelas, l’installe contre le mur au fond, dans l’ombre, y allonge Bleu endormi. Avant de ressortir, il allume le poêle. Il s’assied sur le banc dehors, près du seuil de la cabane, ne s’éloigne pas trop, il ne voudrait pas ne pas être là quand Bleu se réveillera et cherchera une présence, il ne voudrait que l’enfant se retrouve seul ne serait-ce qu’un instant. (…) Il veut que Bleu sente que lui est bien là, toujours là - grand corps fidèle -, il veut que sa propre présence pèse dans le giron de l’enfant comme ferait un tombeau de terre où la souche d’un grand arbre. Il veut que l’enfant s’abandonne sans crainte au sommeil, qu’il s’en aille au plus loin dans la région des songes, mais que lui sera là. (…) lui veut que Bleu ait la certitude, dans son esprit d’enfant, que les ombres de la solitude ont toutes étés écartées.
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Elle attend. Elle sait qu'il est dehors et pas dans l'appartement, elle sait qu'il n'a pas pu se résoudre à attendre sagement dans sa chambre, elle se doute même que, comme souvent, il n'a pas vraiment dormi cette nuit, il a guetté et, bien avant son retour, avant le lever du jour, il a dégringolé les escaliers, galopé dehors, s'est caché en bas du mur sur la plage où il l'a attendue tu es déjà debout mon petit veilleur !
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Il se rend compte qu'il n'a pas répondu à la question de l'homme. Celui-ci est concentré sur la route, la cigarette entre les lèvres, entamée jusqu'à sa moitié. La fumée s'élève, s'enroule, forme un nuage animé, transparent et opaque, animal étrange qui frotte son dos contre le plafond. Sans doute qu'il est trop tard maintenant pour dire qu'il veut bien qu'on allume la radio.
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Comme les poissons vifs qui s'agitent et se tordent au creux de la main, à la fin jaillissent et retournent à la mer, les mots replongent hors de sa compréhension. Ou bien ce sont des mots qu'il est sûr de connaître mais qui se trouvent associés à d'autres obscurs, inattendus. Ce qu'il est en mesure de comprendre n'a plus aucune valeur dans les conversations des grandes personnes à la radio.
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Il aperçoit le long défilé d'ennui des arbres, l'éternité des arbres. Il sent ce goût qu'il déteste, qui le fait bâiller et lui fait monter les larmes, ce goût des choses ennuyeuses, des choses qui ne finissent pas. Ce sont ces platanes maintenant. Ils se répètent, ils ne disent rien. Ils sont inépuisables, éternité de troncs, de fourches, de branches, de feuilles qui se rapprochent puis s'éloignent.
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Sur le dossier du siège avant, à la place du mort près du conducteur, le cuir a été creusé haut à cause des épaules des grands qui s'y sont assis. Il a beau se redresser, se mettre sur la pointe des fesses pour essayer de se tenir droit, il n'y entre pas. Il est là-dedans comme dans un moule trop grand. C'est la même chose sous ses jambes ; ça fait une grande bassine dans quoi il s'enfonce. Il doit sans arrêt prendre appui sur les mains pour se soulever et voir un peu la route.
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