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Citations de Benoît Vitkine (177)


Ces vieilles femmes...peu leur importait de vivre en Union Soviétique, en Russie, en Ukraine, elles avaient tout connu et tout était égal. Seul importait que leurs petits-enfants ne voient pas les horreurs qu'elles avaient vues. La Guerre, la vraie. Les purges de Staline. Elles se plaignaient pour la forme, mais elles savaient qu'elles n'avaient rien le droit de réclamer. Rien de plus qu'une part de bonne tarte et, pour les plus chanceuses, le baiser d'un petit fils sur leurs joues duveteuses. Ou à défaut un petit verre de sherry...Le Donbass était rempli de ces veuves. Le pays entier. Et pareil dans la Russie voisine. Là aussi on pouvait conduire des heures et ne croiser que des villages peuplés uniquement de vieilles femmes besogneuses. Un empilement de veuves! Des strates de veuves abandonnées par le temps. Veuves de soldats. Veuves d'ouvriers. Veuves d'alcooliques.
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Voilà pourquoi la vieille souris était sortie de chez elle : pour vérifier que les choses étaient toujours à leur place, qu'une mère qui perd son fils restait une mère qui perd son fils. Que les cimetières, qu'ils soient soviétiques ou ukrainiens, étaient toujours le pire lieu du monde pour les mères.
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 À vrai dire, dans l’esprit du président russe, l’idée même de peuple ukrainien est une vue de l’esprit. Les Ukrainiens ne sont rien de plus qu’une copie, certes un peu brouillonne, des Russes. Un prototype qui a mal tourné. L’indépendance ukrainienne a été une nouvelle trahison de ce pleutre de Gorbatchev et des Occidentaux. À présent ceux-ci cherchent à attirer l’Ukraine dans leurs filets. À lui, Poutine, de rétablir la balance.
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Comme Henrik la comprenait, cette colère sourde du Donbass ! Même lui qui n'avait jamais eu besoin de s'inventer des héros. Même lui qui avait depuis longtemps renoncé à contempler son propre passé avec la moindre complaisance.

Kiev s'était lourdement trompée sur le compte du Donbass. Elle avait fait sa révolution et cru que ceux de l'Est, les gueux, suivraient ou se tairaient, comme ils l'avaient toujours fait. Le Maïdan avait été un cri de colère contre la corruption, l'injustice... Les habitants du Donbass partageaient ce cri, mais ils n'avaient que faire du discours nationaliste et chauvin qui l'accompagnait. La menace d'enlever au russe son statut de langue officielle n'avait fait qu'accroître cette crispation. Seulement, personne n'était prêt à écouter.

Alors ceux de l'Est s'étaient tournés vers ce qu'ils connaissaient : pendant que Kiev choisissait l'Europe et s'illusionnait en songeant à un futur meilleur, le Donbass avait regardé vers Moscou et cherché refuge dans le passé. L'ancienne mère patrie n'attendait que cela. Ce que les gens du Donbass ignoraient, en revanche, c'est qu'entre-temps elle était devenue une marâtre acariâtre et cynique.
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La Kiev antique n’a rien perdu de sa superbe.
La ville aux quatre cents églises, cent fois pillée, cent fois brûlée, et cent fois reconstruite, n’a cessé de s’enrichir, aimée et choyée par ses souverains successifs.
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Elle a 16 ans, un âge où l’on ignore encore que la beauté se fane, que les rêves sont périssables et que même les pays disparaissent.  
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Le cœur d'Henrik se réchauffait peu à peu, le policier se sentait ragaillardi par la présence des siens. Avdiïvka faisait corps. Ses habitants étaient prêts à encaisser beaucoup : la guerre n'était qu'une catastrophe supplémentaire dans la litanie des épreuves qui avait balayé les steppes du Donbass. Les coups de grisou, la disparition d'un pays tout entier, la fermeture des mines, et même la misère sauvage des années quatre-vingt-dix, quand on se faisait assassiner en sortant sa poubelle, tout cela était injuste, incompréhensible, mais chacun y distinguait un ordre des choses. Certes mystérieux, mais où devait bien se cacher une logique supérieure. Le meurtre d'un enfant était différent. On touchait là au sacré, à l'interdit suprême. Les habitants du Donbass y voyaient une négation de ce à quoi leur vie se raccrochait envers et contre tout depuis vingt ans.
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Elle a 16 ans, un âge où l'on ignore encore que la beauté se fane, que les rêves sont périssables et que même les pays disparaissent ...
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Le petit cercueil arrivait en bas des marches. La foule fut saisie d'un frémissement étouffé. Henrik vit la nuque de loulia disparaître lentement. La jeune fille s'agenouilla, tête baissée. Aussitôt, ses voisins l'imitèrent, puis des dizaines d'autres. Tout autour d'Henrik, la foule suivait. Les hommes en costume, les soldats en uniforme, les femmes en belle robe plantaient leur genou dans la boue froide, baissant la tête au passage du cercueil. Même les vieilles inclinaient maladroitement leur vieux corps. Seuls restaient debout quelques invalides. Henrik n'avait jamais vu une telle scène.

Aucune coutume de la sorte n'existait dans le Donbass. On avait commencé à mettre genou à terre dans l'ouest du pays, dans les Carpates et la Galicie, au passage des convois funéraires ramenant dans leur village les soldats tombés au front. Les corbillards, simples Lada aménagées, parcouraient des kilomètres et des kilomètres sur des routes aussi défoncées que celles du Donbass, accompagnés par les prières silencieuses de centaines de villageois agenouillés. Elle existait donc, se dit le policier, cette unité qui faisait défaut à l'Ukraine, cette identité introuvable. Dans la mort.
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Elle fixe la foule, reprend son souffle. Elle sent qu’elle peut les convaincre, tous, un à un. Les vingt mille de Kiev, pour commencer, puis les autres dans chaque ville, dans chaque immeuble, chaque cuisine. Elle parlera autant de fois qu’il le faudra. Elle leur expliquera, leur dira tout ce qu’ils ont besoin d’entendre. 
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Elle semblait tout ignorer du drame qui avait frappé Avdiïvka et avait interrogé Antonina avec voracité sur les rumeurs habituelles, les on-dit qui faisaient le quotidien de la guerre: «Antonina Vladimirovna, c'est vrai que les nôtres préparent une grande offensive pour libérer la région ? »

Antonina n'avait aucune idée de qui, dans l'esprit de sa voisine, pouvait bien être «les nôtres», et elle jugeait préférable de ne pas le demander.
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Mais ta femme, Hendrik ? Depuis combien de temps as-tu décidé que ta femme pourrait s’en sortir seule quand un obus tombera sur la cuisine ? En réalité, un obus, ça va. On s’habitue à tout. On sursaute et ça passe. Tu sais ce qui me rend folle quand j’entends une explosion ? La certitude de savoir qu’il y en aura une autre, puis une autre. Ce n’est pas l’obus qu’on entend tomber qui nous tue. C’est celui d’après, celui qui va arriver ensuite…
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Ce que les chefs ont en commun, c'est qu'ils peuvent mettre en avant leur version de l'histoire, se donner le beau rôle. Napoléon l'a fait, Tamerlan ne l'a pas fait.

Lui, ce qui l'intéressait, c'était la terreur. Sur son tombeau, il n'a pas fait inscrire qu'il était un bâtisseur d'empire, il a écrit: «Lorsque je reverrai la lumière du jour, le monde tremblera.» Et ça n'a pas manqué...

Tu sais quand est-ce qu'un con de Russe a ouvert sa tombe ? Le 22 juin 1941, le jour où Hitler a attaqué l'Union soviétique !

Poutine, c'est un expert pour manier les deux : la propagande et la terreur ...
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Henrik eut soudain, comme jamais auparavant,la certitude que la guerre allait durer encore longtemps
S'installer comme un molosse dans la niche d'un caniche et ne plus jamais en bouger. Henrik ne pourrait pas éternellement la tenir à distance.Il avait cru pouvoir rester dans sa tour,inatteignable un simple témoin de l'histoire et de la folie des hommes
Il s'était leurré. Non seulement la guerre s'était infiltré en lui depuis. Longtemps, mais à présent elle exigeait qu'il s'engage,qu'il avance ses pions sur le grand échiquier sanglant. Petia Vassiliev n'était pas là pour le protéger .Il n'y avait pas d'anges gardiens dans le Donbass.Ou bien leurs ailes étaient chargées d'anthracite.(p.176)
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A Moscou, espions et diplomates sont formés dans l’idée que les Ukrainiens ne sont que de vagues cousins dégénérés à qui il convient de taper régulièrement sur le crâne pour leur rappeler les bonnes manières.
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La politique est une affaire de symboles : un pas en arrière, c'est une armée qui recule; une génuflexion, tout un pays qui se fait vassal.
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Ce sont des loups. Ils aiment l’odeur du sang plus encore que le goût de la chair arrachée. Le combat, les crocs qui se plantent dans l’échine du rival, être le premier de la horde, le plus puissant, le plus cruel, inspirer le respect ou la peur. Elle n’est pas différente d’eux : parmi les loups, elle est la Chienne.
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Nous, nous avons au moins grandi en croyant à quelque chose. On nous a bernés, mais on nous a expliqué pendant toute notre enfance que nous appartenions au pays de la justice. Nos rêves se sont brisés sur ces mensonges, mais nous avons cru en quelque chose.
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Ces gamins, nous les avons élevés avec nos valeurs, nos références. Et puis, lorsqu'ils sont devenus adultes, plus rien de tout cela n'avait le moindre sens. Ces valeurs qu'on leur avait inculquées sont devenues le mal, du jour au lendemain. Tout ce qu'on leur avait dit de respecter est devenu nul et non avenu. Pour nous aussi, ça a été dur. Avec l'écroulement de l'URSS, c'est comme si on nous disait que nous avions vécu toute notre vie dans l'erreur. Mais au moins nous étions des adultes. Nous avions eu le temps de constater l'hypocrisie du système soviétique, son cynisme. Nous étions blindés comme tous les grands discours. Tout ce qu'on nous demandait, c'était de nous serrer la ceinture et de courber l'échine, une fois de plus, d'accepter que le passé était mort. Nous avions vu la violence des années quatre-vingt-dix comme un nouvel avatar de notre histoire dramatique, de notre destin. Qu'est-ce que ça pouvait nous faire, leurs " privatisation ", à nous qui avions connu la collectivisation, les purges, la guerre, les camps... Mais imaginez ce qu'ont pu ressentir ces enfants qui arrivaient à l'âge adulte à ce moment-là, pleins de confiance et d'allant. Eux ne connaissaient ni la violence, ni la cupidité, ni les cadavres étendus en pleine rue. Ils étaient habitués à croire ce qu'on leur disait, et surtout à croire en l'avenir. Comment comprendre le bien et le mal, comment savoir à quoi s'accrocher, en quoi garder foi ? Qu'est-ce que ça veut dire, quand le monde entier se met à tourner dans tous les sens, rester la même personne ou changer ?
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Les Russes ne sont pas les seuls à avoir colonisé Vienne (...)
(...) Dans cette faune post-soviétique, personne ne voue un attachement plus profond à l'ancienne capitale impériale que les oligarques ukrainiens.
Ils y éprouvent la sensation rassurante d'être protégés par le calme délicat de cette ville en déclin.
Certains éprouvent peut-être l'espoir secret de voir se déverser sur eux une partie du prestige attaché aux vieilles et dignes pierres du centre.
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