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Critiques de Blaise Pascal (88)
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Pensées

Pascal fut d'abord pour moi un sujet de fascination quand j'appris qu'à 19 ans, au milieu du XVIIème siècle, il avait inventé la "pascaline", l'ancêtre de la calculatrice. Cette prouesse tant intellectuelle que mécanique mérite bien notre considération. Puis, très rapidement après cette découverte - car n'étant pas matheuse pour un sou mon intérêt s'est davantage porté sur ses "Pensées" -, il devint un sujet d'admiration.



J'ai fait partie d'une des nombreuses promotions de bacheliers à avoir dû disséquer Pascal et Montesquieu, ce qui, en ce qui me concerne, constitua ma première approche, un de la philosophie, deux de la politique.



Revenons-en aux "Pensées" les bien-nommées car, ce qui chez d'autres se serait appelé "Théories" ou "Doctrines", s'est révélé pour moi d'un abord très accessible et d'une compréhension aisée. Parce qu'elles sont centrées sur l'homme et la foi chrétienne et tendent notamment à démontrer que l'homme a fondamentalement besoin de la grâce divine pour accéder au "souverain bien " (le bonheur), elles ont résonné en moi comme le juste écho de mes propres convictions. Cependant, je conçois tout à fait que pour un lectorat athée, cette somme de réflexions philosophiques puisse être interprétée très différemment.



De cette oeuvre posthume très riche, j'ai particulièrement été impressionnée par la justesse de l'analyse du "présent introuvable" qui dénonce dans la nature de l'homme la propension de l'individu à se raccrocher systématiquement au passé et au futur sans pouvoir jouir du présent. L'homme, accaparé par hier et perpétuellement angoissé par demain, ne parvient pas à être heureux aujourd'hui. Ce constat me semble hélas encore parfaitement vérifiable aujourd'hui ; les penseurs ont eu beau prévenir l'homme contre cette disposition d'esprit, il n'y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.
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Pensées

Pascal est un génie précoce. Dès son très jeune âge, il s'est avéré mathématicien puisqu 'il a mis au point une machine à calculer. Il est aussi un physicien et il a laissé des études sur ce sujet. Pascal me rappelle mes études au lycée . Il est aussi philosophe et s'est intéressé à la religion et pris une position sur l'existence de Dieu : il a fait un pari que Dieu existe bel et bien ! car il voulait convaincre les libertins de l'époque qu'en niant l' existence du Créateur, ils se trompaient de chemin.

Les pensées est un ensemble de fragments, d' ébauches et de divers écrits relatifs à la religion.

Comme hommage, on lui a dédié une unité de mesure de la pression : le pascal : Pa

Pascal, un grand savant, un philosophe, il a bien marqué son époque .
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Pensées

J'ignore s'il mérite la béatification, comme le projette le pape François, mais il est certains que Blaise Pascal a bercé en héros historique mon enfance, au même titre que Vercingétorix, tous deux étant héros auvergnats.

Ce qui est certain, c'est que Pascal étonne par ses pensées universelles et profondes à la fois : comme Léonard de Vinci, il fut un génie humaniste de son temps, s'intéressant aussi bien à la physique, aux mathématiques, qu'à la philosophie et à la théologie.

Ses Pensées, empreintes de philosophie janséniste, sont cependant aussi celles d'un scientifique et d'un homme libre, qui doute de tout, et dont l'humilité et l'intelligence le poussent à défendre sa foi chrétienne avec une grande éloquence et dans un français classique remarquable, tout en invitant chacun à l'introspection personnelle et à l'esprit critique.

Que se soit dans les sciences, lorsqu'il écrit, ou lors de ses "visions" mystiques, il recherche La vérité, ce qui en fait un redoutable polémiste, au même titre que Voltaire. La lecture simultanée que je fis de ses Pensées avec les théories rationalistes de Descartes n'a pas manqué de donner à Pascal l'avantage : il démontre avec une grande d'esprit et de forme que, s'il est utile de mettre en doute le systèmes, pour autant les vérités premières ne peuvent être déduites de l'empirisme philosophique.

Bref, Les Pensées, publiées à titre posthume en raison de sa port prématurée, sont , de mon point de vue, et qu'on soit chrétien ou non, une des rares apologies intelligentes de la pensée chrétienne et de la foi religieuse en général.

Partant du constat de la misère des hommes, capables d'une certaine grandeur, du fait de leur capacité morale liée à la conscience, la raison et le coeur, mais piégés par leurs erreurs -ou péchés-, les apparences du monde qui nous entoure, et leur insatisfaction permanente, il conclut que les hommes ne peuvent dégager seul la vérité - le souverain bien des anciens grecs- , et, reconnaissant son humilité, ne peut que s'en remette à la foi -et donc à Dieu, chez les chrétiens-.

En ce qui concerne l'ordre social et la justice des hommes, sans en remettre en cause l'utilité, il en présente la faiblesse des fondements -consubstanciels à leur essence humaine- , reposant le plus souvent sur des usages ou sur la force, ce qui ne leur confère pas de valeur absolue au dessus de la raison de chacun.

Les Pensées demandent un réel effort de concentration, bien que divisées en maximes et écrites dans un français remarquable, mais le méritent, dans la forme comme dans le fond.

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Pensées

Une écriture superbe, puissante, ample, pleine de trouvailles formelles et d'images destinées à frapper notre imagination fragile.



Pascal est un thaumaturge et ...un grand manipulateur.

Voyons plutôt.



Le ciron, infiniment petit, et l'espace, infiniment grand, si distants l'un de l'autre et pourtant si semblables dans leur constitution qu'on ne peut que rendre les armes devant leur Créateur, si ingénieux.



L'homme perdu dans ses divertissements - la chasse,le jeu, les femmes- qui s'en étourdit pour oublier qu'il ne peut, sans malaise existentiel, demeurer seul dans une chambre..



Pauvre homme, incapable de vivre le présent, qui est le seul temps qui soit à sa portée, le passé échappant à sa prise, et le futur étant entre les mains de Dieu, son créateur..



Car c'est pour ses amis athées et libertins que Pascal, joueur et libertin lui-même, mais frappé en une nuit par la fulgurance de la grâce et converti au jansénisme des graves Messieurs de Port-Royal, écrivit ces Pensées..



Pour les convaincre, certes: c'étaient tous des scientifiques, des fortes têtes, mais des têtes bien faites.



Il s'adresse donc à leur raison, à leur sens mathématique -est-il rien qui se rapproche plus des lois de la probabilité que le cynique texte sur le pari?-



Mais pas que.



Il fallait aussi frapper leur imagination, les atteindre au cœur, les mettre à genoux: les persuader .



Et c'est là que Pascal est à la fois magnifique et, à mon sens, machiavélique.



J'ai lu et j'ai frémi, moi l'athée.



J'ai aimé voir les fragments de ces Pensées, les bribes du livre en train de se constituer- Pascal est mort si jeune qu'il n'a pu mettre en forme ni mener à son terme ce projet ambitieux, dont nous avons le dessein, les grandes lignes, les principaux arguments, sous la forme de ces "liasses" attachées ensemble, par thème, par destination à telle ou telle partie du grand œuvre...



Mais je n'ai pas été séduite, encore moins convaincue.



D'abord parce que la forme même du fragment éparpille la force du propos. Il faut du liant dans un livre aussi ouvertement argumentatif.



Ensuite parce que je subodore quelque mauvaise foi à parler de la foi dans un tel déploiement tous azimuts de l'argumentaire...



Je préfère dix fois, vingt fois, cent fois, à celle de Pascal la compagnie de Montaigne, modeste et familier, qui sait vous convaincre en douceur, sans effet de manches, avec une solide argumentation tirée de sa culture et de sa logique, mais aussi de sa fréquentation des hommes, à commencer par ...la sienne propre qu'il ne craint pas de mettre sur la sellette.



Pascal c'est le grand avocat d'assise, qui vous étourdit du haut de sa chaire, avec le vol de corbeau de ses manches noires et l'éclair de son jabot d'hermine, le temps d'une audience et d'une condamnation à mort...



Montaigne c'est la conversation au long cours avec un vieil ami retrouvé de loin en loin, toujours proche, toujours sincère -une conversation reprise, amendée, corrigée, tout au long d'une vie, avec ses errements et ses doutes, ses atermoiements et ses certitudes, ses peurs et ses joies, et qui vous laisse toujours libre d'acquiescer ou de débattre.



Pour moi, Pascal est brillant, Montaigne est convaincant.
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Trois Discours sur la condition des grands ..

Comme " Les Provinciales", cet essai, en édition posthume ( 1670 ), montre la profondeur des pensées de Blaise Pascal, qui ne mâche pas ses mots.

La première partie comporte "Trois Discours" pédagogiques et percutants adressés à un prince, fils du duc de Luynes.

La première lettre traite de sa condition de prince, et lui demande de ne pas oublier que s'il fait partie de la noblesse, c'est dû au hazard de la naissance ;

la seconde lettre lui montre qu'il peut être "le duc" avec toute sa puissance, mais qu'il peut aussi choisir d'être un honnête homme ;

la troisième lettre lui indique deux chemins de vie : la charité ou la concupiscence.

.

La deuxième partie du livre comporte six liasses extraites de "Les Pensées", intéressantes, mais ce sont des aphorismes dont Pascal, mort trop tôt, à 39 ans, n'a pas eu le temps d'assembler en un essai cohérent qui eût produit, je n'en doute pas, un livre fort intéressant !

Ses Pensées m'évoquent les aphorismes de Nietzsche, ou, plus modestement, les pensées que mon père jetait sur un petit carnet qu'il avait toujours avec lui.

Les unes sont lapidaires, d'autres sibyllines et confuses, raturées, dont je n'ai pas pu profiter ;

mais certaines sont plus développées et plus abouties, et l'on reconnait la belle plume de l'auteur quand il construit une idée, un raisonnement.

A l'issue de ces 129 "pensées", j'ai pu sortir un modèle, une systémique pour m'y retrouver, mais qui n'engage que moi.

Son "système humain" semble être tripode : Raison / Cœur / Nature, dominé par Dieu... ( ou non ; car il y a le fameux pari de Pascal ).

Dans la Raison, il met les dogmatiques, hommes de principes ;

ceux-ci sont en conflit avec les pyrrhonniens, rois du doute, auxquels il associe peut-être Descartes ;

Dans la Nature, c'est l'homme original, auquel, mais pourquoi ( ? ) il associe Platon ;

enfin, il y a le Cœur, qui n'est pas bien défini ;

et puis, il y a les Instincts, qui sont peut-être la liaison entre le Coeur et la Nature.

L'homme instinctif aime le tumulte, le divertissement, car au repos il s'ennuie. Du tumulte viennent tous nos maux : honneurs ( orgueil ), chasse, et surtout guerre. Le tumulte permet de ne pas penser.

Pascal trouve absurde que, 6000 ans après qu'Adam et Eve aient croqué dans la pomme, l'homme soit encore puni de péché, de tumulte, d'agitation et de guerres.

L'homme, qui est un roseau pensant, ferait mieux de rester chez lui, à réfléchir ( comme lui, semble-t-il dire ) !

Voltaire le rejoindra : "Cultivons notre jardin", de même que Paulo Coelho avec "L'Alchimiste".

.

Bon, autant les "Trois Discours sur la condition des Grands" sont limpides, autant "Les Pensées" manquent de liaisons, ce qui, en essai abouti, eût produit un livre très intéressant !
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Les Provinciales

Voici le contexte : Antoine Arnauld, prêtre surdoué, théologien incisif et mathématicien, se réclame du jansénisme. Ses soeurs sont abbesses à Port-Royal des Champs, pas loin de Versailles. Reçu Docteur à la Sorbonne, il critique les jésuites, dont les écrits sont très laxistes par rapport aux Ecritures des premiers chrétiens. Nous sommes en 1643 quand Arnauld publie son oeuvre majeure. Mais les jésuites sont très puissants, et ont de nombreux casuistes. Eux, dont l'expansion mondiale ne doit pas être entachée par un petit merdeux, controversent, disputent, et trouvent des arguties, comme "les 5 propositions" qualifiées d'hérétiques, et attribuées à Jansénius, pour exclure Arnauld de son poste. Ils y arrivent.

C'est alors que Blaise Pascal, mathématicien lui aussi, et curieux de théologie, trouve le procédé injuste, et lance, tout au long de l'année 1656, 18 lettres, Les Provinciales, sous un faux-nom, aux jésuites, d'abord pour se renseigner, puis à partir de la quinzième, beaucoup plus virulentes et moqueuses, car les jésuites sont d'accord pour se faire justice soi-même, et sont loin de refuser les simonies. de plus, ils ne font qu'insulter et traiter d'hérétiques Arnauld, les jansénistes, Port Royal et Pascal, mais sans être capables de prouver que ces 5 propositions ont bien été écrites par Jansénius.

.

Ah, Blaise !

à l'aise,

dans les mélèzes...

Tu es un grand philosophe, tu m'as donné à réfléchir, et c'est bon signe, mais p... que tes 18 lettres sont longues à lire !

Car j'ai eu du mal à établir ce damned contexte, et bien que connaissant un peu le siècle de Louis XIV, et ayant entendu parler de la querelle des jésuites et des jansénistes, je n'ai jamais eu l'occasion de m'y plonger... Là, sur le coup, c'est le Grand Bain : )

.

L'enjeu est important, peut être capital : il s'agit de la place de la religion dans la vie terrestre, à un tournant de la société : le Grand Siècle.

.

1) La science émerge comme puissance : en scientifique, Pascal, qui est un philosophe très catholique, dans la grande lignée des Ecritures, ne peut s'empêcher de signaler de des papes se sont trompés face à la science qui évolue à pas de géants :

-- Qui a raison en 1493, du pape Alexandre VI Borgia ou de Christophe Colomb, si on considère l'utilisation de la boussole comme une science ?

-- Qui a raison en 1633, du pape Paul V ou de Galilée ?

.

2 ) La politique réclame sont indépendance. Les dernières Provinciales parlent d'un autre pouvoir auquel se heurte de plus en plus la religion : le pouvoir "temporel", celui des rois et de la politique. Les rois détiennent leur pouvoir du Très Haut, mais doivent-ils obéir au pape ?

Il y a une 19è et une 20è lettre. Celle-ci n'est pas de Pascal, mais d'un avocat proche d'Arnauld, et crie sont effroi au projet du pape Alexandre VII d'établir l'Inquisition en France. le parlement de Louis XIV s'opposera-t-il à la bulle pontificale ?

.

De cette intense lutte verbale, Pascal, mort en 1662, ne verra pas le "triomphe" des jésuites sur Port Royal, qui entache la réputation de Louis XIV : Port Royal fut détruit en 1713. Il ne pouvait y avoir deux puissances religieuses en France : le roi, dont le père jésuite François Annat fut le confesseur, se soumit à leurs arguments.
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Lettres écrites à un provincial (précédées de) Hist..

Voici le contexte : Antoine Arnauld, prêtre surdoué, théologien incisif et mathématicien, se réclame du jansénisme. Ses sœurs sont abbesses à Port-Royal des Champs, pas loin de Versailles. Reçu Docteur à la Sorbonne, il critique les jésuites, dont les écrits sont très laxistes par rapport aux Ecritures des premiers chrétiens. Nous sommes en 1643 quand Arnauld publie son oeuvre majeure. Mais les jésuites sont très puissants, et ont de nombreux casuistes. Eux, dont l'expansion mondiale ne doit pas être entachée par un petit merdeux, controversent, disputent, et trouvent des arguties, comme "les 5 propositions" qualifiées d'hérétiques, et attribuées à Jansénius, pour exclure Arnauld de son poste. Ils y arrivent.

C'est alors que Blaise Pascal, mathématicien lui aussi, et curieux de théologie, trouve le procédé injuste, et lance, tout au long de l'année 1656, 18 lettres, Les Provinciales, sous un faux-nom, aux jésuites, d'abord pour se renseigner, puis à partir de la quinzième, beaucoup plus virulentes et moqueuses, car les jésuites sont d'accord pour se faire justice soi-même, et sont loin de refuser les simonies. De plus, ils ne font qu'insulter et traiter d'hérétiques Arnauld, les jansénistes, Port Royal et Pascal, mais sans être capables de prouver que ces 5 propositions ont bien été écrites par Jansénius.

.

Ah, Blaise !

à l'aise,

dans les mélèzes...

Tu es un grand philosophe, tu m'as donné à réfléchir, et c'est bon signe, mais p... que tes 18 lettres sont longues à lire !

Car j'ai eu du mal à établir ce damned contexte, et bien que connaissant un peu le siècle de Louis XIV, et ayant entendu parler de la querelle des jésuites et des jansénistes, je n'ai jamais eu l'occasion de m'y plonger... Là, sur le coup, c'est le Grand Bain : )

.

L'enjeu est important, peut être capital : il s'agit de la place de la religion dans la vie terrestre, à un tournant de la société : le Grand Siècle.

.

1) La science émerge comme puissance : en scientifique, Pascal, qui est un philosophe très catholique, dans la grande lignée des Ecritures, ne peut s'empêcher de signaler de des papes se sont trompés face à la science qui évolue à pas de géants :

-- Qui a raison en 1493, du pape Alexandre VI Borgia ou de Christophe Colomb, si on considère l'utilisation de la boussole comme une science ?

-- Qui a raison en 1633, du pape Paul V ou de Galilée ?

.

2 ) La politique réclame sont indépendance. Les dernières Provinciales parlent d'un autre pouvoir auquel se heurte de plus en plus la religion : le pouvoir "temporel", celui des rois et de la politique. Les rois détiennent leur pouvoir du Très Haut, mais doivent-ils obéir au pape ?

Il y a une 19è et une 20è lettre. Celle-ci n'est pas de Pascal, mais d'un avocat proche d'Arnauld, et crie sont effroi au projet du pape Alexandre VII d'établir l'Inquisition en France. Le parlement de Louis XIV s'opposera-t-il à la bulle pontificale ?

.

De cette intense lutte verbale, Pascal, mort en 1662, ne verra pas le "triomphe" des jésuites sur Port Royal, qui entache la réputation de Louis XIV : Port Royal fut détruit en 1713. Il ne pouvait y avoir deux puissances religieuses en France : le roi, dont le père jésuite François Annat fut le confesseur, se soumit à leurs arguments.

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Pensées

Monsieur B. P.. Présent. Non, ce n'était pas Blaise Pascal qui était appelé mais bien moi pour l'oral du bac de français.

Je donnais ma liste de texte et l'examinateur me demanda si j'avais des préférences. "pas vraiment, j'aime tout". Hypocrite, je ne pouvais pas piffer Voltaire et Rousseau qui étaient très présents dans la dite liste. Je glissais innocemment, on pouvait voir l'auréole au-dessus de ma tête, que j'aimais bien Pascal. "ça fait pas beaucoup de texte (deux). Je vous propose donc le texte le plus étudié de France : Candide soldat. Voltaire... et merde. Je me voyais déjà, des étoiles dans les yeux et des atomes dans la tête, commentant brillamment ce texte merveilleux qu'est "les deux infinis". L'homme poussière dans l'infiniment grand, géant de l'infiniment petit, Pascal qui prouvait que, contrairement à une sotte idée trop répandue, on pouvait être un grand mathématicien et un grand penseur, un grand littérateur. Mon esprit très mathématique s'accordait parfaitement à ses écrits plein de paraboles, d'hyperboles, de syllogismes, de savantes démonstrations pour étayer ses théories et les ériger en Théorèmes. Non que je partageasse toutes ses idées mais j'étais ébloui par l'exposé.

Merci monsieur Pascal grâce à vous qui ne plaisiez guère à l'examinateur, grand admirateur de Voltaire, celui-ci fit seul 90% de l'explication de texte me laissant ânonner deux ou trois poncifs admiratifs et, imbu de son brillant commentaire, m'accorda la généreuse note de seize.

Je vous étais redevable monsieur Pascal et je me plongeais donc avec délice dans vos pensées.

Aucune crainte à avoir, ce sont des textes courts et fort bien écrits. Si l'un d'eux vous ennuie, vous pouvez le sauter sans conséquence.

Je recommande fortement cette lecture.
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Au départ il y eut Adam, dont la chute sépara l’homme de son créateur. Puis vint le Christ, par qui le contact fut rétabli, mais sous certaines conditions, et pas pour tout le monde. Car ce Dieu que recherche éperdument l’homme Pascalien est tout sauf démocratique ; il se mérite, au prix d’une véritable ascèse et d’une quête spirituelle permanente, menée comme à tâtons, dans un monde obscurci par la faute originelle – monde où Dieu se cache et où ses manifestations sont souvent décevantes, presque toujours ambiguës. Mais la complexité ne s’arrête pas là : chassé du Paradis terrestre, l’homme a lui aussi été gagné par la corruption universelle, d’où sa double nature d’ange et de bête.

Comment dès lors réussir à dire un Dieu à la fois caché et présent et un homme tour à tour sublime et misérable ? En élaborant une pensée non binaire, sans cesse en mouvement, où chaque vérité doit être envisagée en même temps que son contraire et où la religion elle-même est qualifiée de « sage » et de « folle » : « À la fin de toute vérité, dit Pascal, il faut ajouter qu’on se souvient de la vérité opposée. »

Le résultat est un livre d’une beauté extraordinaire, dont la forme fragmentaire et inachevée donne constamment l’impression d’assister au travail d’un génie. Nombre de ces pensées sont d’une incroyable modernité, comme celle-ci, que Rousseau n’aurait certainement reniée : « Ce chien est à moi, disaient ces pauvres enfants ; c’est là ma place au soleil. » Voilà le commencement et l’image de l’usurpation de toute la terre. »

Pour être totalement honnête, il faut dire aussi que certains passages font montre d’un sectarisme religieux auquel il est difficile d’adhérer, même avec la meilleure volonté du monde. Mais à la différence de ceux qui veulent imposer leur foi à grands coup de mitraillette, Pascal cherche lui à convaincre au moyen de la raison – une raison qu’il lui arrive d’ailleurs de malmener allègrement, comme ici : « Les hommes sont si nécessairement fous, que ce serait être fou par un autre tour de folie, de n’être pas fou. »

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Par rapport à « Les Provinciales », Blaise Pascal me déçoit beaucoup !

Ce sont des notes comme j’en jetais sur un carnet à 16 ans. Mais c’est de Blaise, donc rien à voir ! Cependant, on sent qu’il écrit pour lui-même, car il y a beaucoup de style télégraphique, ou des manques de contextualisation, ce qui fait qu’une grande partie des pensées de ce pavé philosophique, mais surtout théologique, ne nous est pas accessible.

Malgré tout, comme avec Nietzsche, nous avons de petits joyaux !

Sur quoi écrit Pascal ?

La force et la justice, la loi et le peuple, l’illusion et l’imagination, les demi-savants, les pyrrhoniens et la vérité, les dogmatiques, rester chez soi (me fait penser au « cultivons notre jardin » de Voltaire), le repos et le tumulte, les guerres, occuper l’homme pour qu’il ne pense pas à lui.

Puis il passe à la religion : les athées, Jésus prouve Dieu, « la grâce » (on sent Pascal énervé de ne pas pouvoir communiquer directement avec Dieu), Mahomet et l’Alcoran, les Juifs et le Talmud…

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Pascal est un génie que j’admire au même titre que Léonard de Vinci, en mathématiques et en physique. Léonard développe aussi l’art, Pascal développe la rhétorique ( Les Provinciales ).

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Mais là, non !

Bref, tout ça pourrait être très intéressant si Pascal prenait le temps de développer ses idées, au lieu de faire des « pascalinades », c’est-à-dire, comme Spinoza, faire des démonstrations mathématiques, des raisonnements pour prouver les choses, notamment que le « Dieu caché » existe. Cette façon de faire ne fonctionne que dans les « sciences dures », à mon avis.

« Les Pensées » sont un ensemble de notes rassemblées après sa mort.

Puis en ce qui concerne la théologie, les religions, on sent qu’il s’est plongé dans les textes, mais il en ressort quelque chose de confus, de non ordonné.

Je pense qu’à la suite de ses notes, pensées ( comme Nietzsche et ses aphorismes ), il aurait pu en tirer un excellent livre de 50 pages, au lieu de ce « fouillis » de plus de 400 pages !

C’est dommage…

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J'ai lu les fragments du livre (Les) Pensées de Blaise Pascal, il y a des années maintenant. Ce livre est toujours à sa place et je sais que je peux puiser dedans quand je le désire. Je l'ai donc enfin fait. Je n'ai pas tout lu et ce n'est pas le but, mais trois thèmes m'ont profondément marqué à l'époque et me marquent encore aujourd'hui, lorsque je relis ces extraits.



Blaise Pascal, génie universel de nombreux domaines, tend dans ce livre à convertir les incroyants, à la religion chrétienne. En effet, ce livre (non achevé) comprend des fragments d'un livre plus vaste intitulé : Apologie de la religion chrétienne. B. Pascal nous engage, à partir de nous pour arriver à Dieu (Dieu étant tout ce qui nous entoure). Loin de vouloir (‘trop’) convertir (du moins dans la toute première moitié du livre), il apporte à mon sens un regard nouveau, décentré sur la condition humaine.



Pouvant rebuter certains, j'ai trouvé admirablement bien écrit certains passages, au début du livre notamment. À ce titre, trois points de son analyse me semblent fondamentaux :



- Le divertissement : L'être humain se divertit pour chasser sa solitude. Il est davantage stimulé par la recherche de ce divertissement (jeux, femme, homme, chasse...) que par le divertissement lui-même. En effet, donnons-lui l'argent, les femmes, les hommes, servons-lui les gibiers qu'il n'en serait pas heureux. Cette recherche du bonheur étant inaccessible : on est toujours plus attiré par quelque chose que l’on n’a pas ou que l'on ne peut posséder, et si jamais on l'obtient, on se lasse de l'avoir eu, et on recherche autre chose. Le processus est donc aussi important, si ce n’est davantage, que la finalité recherchée. Cette difficulté de penser à soi peut se résumer ainsi : "Ils s’imaginent que s'ils avaient obtenu cette charge ils se reposeraient ensuite avec plaisir et ne sentent pas la nature insatiable de la cupidité". Le mot est très bien choisi "insatiable'". C'est cette insatiabilité qui nous empêcherait d'être heureux.



- La vanité : l'être humain se situe entre deux temps (le passé et le futur) avec des difficultés d'être au temps présent. Ainsi, si ce dernier ne nous plaît guère, nous attendons l'après, impatient du futur, et lorsqu'il nous est agréable nous y pensons, plongés dans le passé. Il est difficile d'être au temps présent, de le saisir, et à ce titre il semble difficile d'être heureux : "Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre, et nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais". À ce sujet B.Pascal, en janvier 1657 écrit à Mlle de Roannez ces lignes résumant en tout point cette pensée : "Cependant le monde est si inquiet qu'on ne pense presque jamais à la vie présente et à l'instant où l'on vit, mais à celui où l'on vivra. De sorte qu'on est toujours dans un état de vivre à l'avenir, et jamais de vivre maintenant".



- La disproportion de l'Homme : on ne peut tout voir (ce qui est trop petit, ce qui est trop grand, ce qui est trop loin, ce qui est trop prêt). À ce titre pour B.Pascal Dieu est partout, car Dieu est ce qui nous entoure : la nature. En prenant conscience de son environnement, l'être humain prend conscience de tout ce qui l'entoure et de ce qui a été créé. Outre ce rapport à Dieu, ce qui m'a intéressé c’est particulièrement le fait que l'Homme ne peut ni accéder aux extrêmes ni les comprendre : "Trop de bruit nous assourdit, trop de lumière éblouit, trop de distance et trop de proximité empêchent la vue. Trop de longueurs et trop de brièveté de discours l'obscurcit, trop de vérité nous étonne. [...] Trop de plaisir incommode, trop de consonances déplaisent dans la musique et trop de bienfaits irritent".



Pour conclure sur ces trois points que sont l’accès au bonheur et donc à soi, la conscience du moment présent et la prise en compte de la nature, selon B. Pascal l'Homme a besoin de Dieu. C'est à ce sujet que nos avis divergent, mais cela ne retire en rien les observations et réflexions de l'auteur qui sont à mon sens d'une justesse incroyable.



Presque 400ans nous séparent de ces idées, mais elles sont tellement d'actualité et interpellent. Cela ne m'étonnerait pas que ces réflexions réapparaissent dans les années à venir, si ce n'est déjà le cas.

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Pensées

Saisissant à mon sens le chef d'oeuvre du 17em siècle!

Ce livre a été mon premier coup de foudre littéraire alors que j'étais au lycée;

Le génie de Pascal,son art de la persuasion et la beauté de sa plume font qu'au

lendemain de cette lecture j'ai failli me réveiller chrétienne.Mais surtout ses pensées

sur la condition humaine,la mort,le pari,le divertissement,la justice m'ont profondément

métamorphosées;j'avais perdu une partie de mon innocence mais avec le ravissement

d'un coeur heureux séduit par une rencontre inoubliable.
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Pensées

Cela faisait pas mal de temps que ce célèbre livre hantait mon esprit, et c’est parce que le Magazine Littéraire a sorti un numéro consacré à Pascal que j’ai enfin fait le pas et me suis lancé dans la lecture de ce recueil fragmenté (l’édition Sellier qui suit l’ordre de la seconde copie). J’ai tout d’abord été irrité par le fanatisme de cet homme. Il m’est apparu complètement aveuglé par sa foi et sa dévotion religieuse. Il en ressortait un sentiment amer d’œuvre pompeuse et moralisatrice. Et puis, même si ce sentiment ne s’est pas effacé totalement, surtout lorsque l’auteur s’acharne à disséquer les livres saints et à citer des passages appuyant ses thèses ou contredisant ses détracteurs, j’ai découvert un homme profondément désespéré. Désespéré par le sentiment du vide existentiel et par le profond aveuglement de l’Humanité. Blaise Pascal nous éblouit par son sens de la rhétorique, par ses aphorismes subtils, évidents et tranchants. La forme même de l’œuvre, parcellaire, peut se lire tout d’un trait, pour observer la construction d’une pensée et d’une argumentation, et de manière ponctuelle, comme lorsque l’on souhaite entendre le son poétique des mots. Blaise Pascal est un vrai poète. Il a peut être influencé certains auteurs célèbres (Nietzsche, Char), qui ont employé cette forme courte et lacunaire, mais terriblement foudroyante. Lire Pascal aujourd’hui permet également de mettre en évidence les travers de notre société : boulimie consommatrice qu’il mettait en exergue lorsqu’il évoquait les subterfuges du divertissement et autodestruction programmée par un système social brandissant comme étendard la valeur de la concurrence et du paraître qu’il fustigeât à travers sa dénonciation des ravages du péché d’orgueil.
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Trois discours sur la condition des grands

"Qu'est-ce que la grandeur ?" et "Quel comportement doit-on adopter vis-à-vis de la grandeur ?", voilà les deux questions auxquelles Pascal tente de répondre dans "Trois discours sur la condition des grands". Il fait une démonstration de philosophie simple, mais efficace et toujours pertinente.

Pascal distingue ici deux types de grandeurs : les grandeurs d'établissement, c'est-à-dire les honneurs, qu'on donne aux hommes, dans le cadre de l'organisation sociale, tel que, par exemple, les titres de noblesse, et les grandeurs naturelles, c'est-à-dire les qualités qui sont, sans que la société n'y soit pour rien : l'intelligence, les qualités morales, etc.

Mais comment considérer ces deux types de grandeur ?... Différemment, nous dit Pascal ; car elles sont différentes et qu'il y a différentes procédures à suivre vis-à-vis d'elles. Les usages ne sont pas les mêmes.

La pensée de Pascal est simple, mais toujours intelligente et actuelle.
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Pensées

Pascal était l'homme du paradoxe . Alors que son oeuvre est principalement orientée vers la religion , il offre ici un plaidoyer vibrant en faveur de l'indépendance de l'esprit . Il faut s'y reprendre à plusieurs reprises pour réellement comprendre le propos de cette pierre angulaire de la pensée philosophique . Sa plume est d'une force telle , que l'on est saisi par la qualité de ces réflexions , par la profondeur de celles - çi . Et si au final Pascal avait livré avec ce livre l'une des plus grandes preuves littéraires de l'existence de l'humain et de sa pensée ? Un livre d'homme libre et une oeuvre fondamentale .
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Les Provinciales

Un écrit de combat contre la morale relâchée de la Compagnie de Jésus doublé d'un traité théologique sur la grâce (divine), voilà ce que sont "Les Provinciales"! Pascal y déploie tout son talent, pour ne pas dire son génie, usant d'une ironie assassine pour ridiculiser la tartuferie des jésuites et vulgarisant, au bon sens du terme, une épineuse question dogmatique afin de la rendre accessible à "l'honnête homme" de son temps - et du nôtre.

A priori, c'était une gageure que de pouvoir capter l'attention avec un sujet aussi "ingrat" mais le pari fut réussi: l'œuvre obtint un franc succès!



À noter que l'acception péjorative du mot "jésuite" (à savoir hypocrite, faux-jeton) vient de là...
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Pensées

L’HOMME est, tout d’abord, un être déchu. Il est, ensuite, soumis aveuglément à ses désirs. Et enfin, il est incapable de se situer entre l’infiniment grand et l’infiniment petit. C’est dans ce constat que réside tout le fondement de la pensée pascalienne.



Selon Pascal, ce qui est essentiel lui échappe, l’homme n’est apte à saisir que ce qui est connaissance secondaire (les sciences) ! Dès lors, les efforts des moralistes et philosophes apparaissent donc terriblement dérisoires : la raison ne peut, en aucune façon, fonder une morale ou une métaphysique.

Seul le cœur constitue l’être profond de l’homme, dit-il, dans Les Pensées.

Il est le siège des connaissances intimes immédiates et non démontrables : ces connaissances règlent la conduite de la vie et révèlent à l’être humain sa destinée !

Par extension, au lieu de développer sa nature, dans l’amour de Dieu, l’homme se replie malheureusement sur lui-même, dans sa propre adoration.

Il ne peut ainsi éviter le constat de ses insuffisances auxquelles il essaye en vain d’échapper par le DIVERTISSEMENT (c’est ce qui empêche l'homme de penser au néant et, à sa mort certaine).

Par conséquent, pour assumer ses contradictions, il ne peut que se retourner vers DIEU, seul capable d’expliquer l’énigme qu’il représente (l’homme possède sa grandeur mais aussi sa misère.

C’est entre ces deux extrémités qu’il trouvera son point d’équilibre et par voie de conséquence celui qui mènera, également, à Dieu).



Ecrits dans un style poétique teinté d’un léger voile lyrique, Les Pensées (et ses pensées) cheminent au gré d’unités qui se rythment et qui s’organisent en versets

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Pensées

J’ai probablement acheté ce livre dans le cadre de mon bac littéraire (si j’en juge le bandeau « Bac 2009 ») mais je ne l’avais encore jamais étudié ni même ouvert.



On ne va pas se le cacher, ce n’est pas un livre qu’on dévore en quelques jours !



Je l’ai donc lu petit à petit afin de pouvoir assimiler correctement chacune des « pensées ».



J’ai trouvé certaines "pensées" d’une grande profondeur et ces dernières m’ont poussée à la réflexion afin de bien pouvoir en comprendre le sens.



A contrario, d’autres m’ont beaucoup plus ennuyée et je dois même avouer que par moment j’ai eu envie de ne pas finir la lecture d’une pensée et de passer directement à la pensée suivante (voir même d’arrêter ma lecture).



C’est pour cette raison que je ne mets que 3 étoiles à cette lecture.



Le génie de Blaise Pascal est indéniable, si vous aimez les œuvres philosophiques et théologiques, vous apprécierez à sa juste valeur ce recueil.



Vous l’aurez compris ce n’est pas mon cas mais je garderai tout de même en mémoire certaines des « pensées ».

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Les Provinciales





J'ai cru m’apercevoir qu'à peu près tous ses commentateurs dans l'histoire de la critique, ont été circonvenus par Pascal, et se sont, me semble-t-il, toujours très mal prononcés sur Les Provinciales. Parce que l'on y cherchait une pensée générale sur l'Homme, on lisait Les Provinciales comme on lisait Les Pensées, lorsqu'il fallait y chercher l’œuvre polémique, qu'elle est effectivement, pamprée de l'étoffe même de la provocation et du piège.

Le piège ne fonctionne plus pour les hommes d'aujourd'hui, pourriez-vous m'opposer, l’appât n'a plus le goût de nôtre époque, pour qui, grâce suffisante et pouvoir prochain ne pourraient moins chaloir...

Et bien, justement, le piège qui a été dressé pour les jésuites, nous le retrouvons, si j'ose dire, aux dimensions de l'Homme dans Les pensées-dont le procédé est rigoureusement identique.

Pascal alpague les esprits forts: "Vous courrez à la folie, vous courrez à la mort, soyez raisonnables, revenez à vous !" La conduite de l'esprit fort véritable serait de ne pas moufter. Un Cyrano de Bergerac eût très bien compris à quoi s'en tenir, s'épandant en une sorte de rire nietzschéen avant de s'en tourner les talons. Contre ceux là, Pascal ne peut rien. Cependant, dès lors que l'esprit fort a accepté de répondre à la provocation, le voilà perdu: soit il affirme la grandeur de l'Homme et Pascal le cingle (renversement du pour au contre) "Tout ce que vous prouvez c'est la petitesse de l'homme, car en montant sur vos ergos vous ne prouvez que vos propres ridicules. En affirmant la grandeur de l'homme, vous ne prouvez que ses misères".

Ou bien-ou bien, autre type d'interlocuteur, Pascal s'adresse à un Montaigne lui ayant tenu à peu près ce langage: " L'homme est ridicule, l'homme est petit" Pascal de lui répondre: "La pensée de l'homme est peut-être basse, mais c'est là la grande marque de sa noblesse !". À nouveau, renversement du pour au contre: ce que Montaigne affirme, c'est la grandeur de l'homme quand il croit affirmer sa bassesse. Et ainsi de suite, le cercle de grandeur et de misère est une quadrature infinie (et participe aussi du traquenard). Quoi que l'esprit fort puisse alléguer, il plaidera contre lui même et n'aura de cesse de prouver, "avec agreste" la thèse de Pascal.



Que ce soit dans les sciences, dans Les Provinciales comme dans Les Pensées, toujours s'est-il échiné à affirmer sa maîtrise, calculant au comput comment être certain de l'emporter. Comment peut-on à la fois être si humble devant Dieu et prétendre avoir toujours raison sur les hommes ? Volonté de sauver ses semblables, style biblique de Pascal ne pouvant faire valoir qu'avec autorité la sagesse de Dieu et puis, au fond, Pascal a mis son terrible esprit de maîtrise-que l'on pourrait appeler son esprit de principauté-au service d'une cause qu'i l dépasse.

Nietzsche, Rousseau, eux aussi étaient déterminés à avoir raison contre tous, et c'est bien l’entreprise philosophique la plus intéressante qui soit.
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Pensées

On ne sort pas intact d'une lecture intégrale de ce volume des Pensées. Pascal utilise contre nous, les sceptiques et les incrédules, les armes mêmes du scepticisme et de l'incrédulité, détruit pierre sur pierre de nos édifices idéologiques défensifs, et nous met face à notre misère intérieure, nus devant la mort inévitable. Il entraîne le lecteur dans la tragédie, au lieu de le laisser confortablement assis dans le fauteuil du spectateur qui compatit et rentre chez lui. Ensuite, nous ayant dépouillés de tout, il nous propose le Christ. "Le christianisme est né pour donner au coeur un soulagement, mais maintenant il lui faut d'abord accabler le coeur, pour pouvoir ensuite le soulager," écrivait Nietzsche. Et pourtant, le christianisme que prêche Pascal n'a rien de bien consolant et me laisse, lecteur, réticent et hésitant au bord de cet abîme. Peut-être ma misère vaut-elle mieux, après tout. C'est là le génie de cet ouvrage : il nous oblige à prendre parti.
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