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Critiques de Brit Bennett (338)
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L'autre moitié de soi

°°° Rentrée littéraire #34 °°°



Les trois chapitres ( « les jumelles disparues », « cartes », « lignes de coeur » ) sont éblouissants, convoquant l'esprit de la grande Toni Morrison avec une voix d'auteur douce et compatissante pour les failles de ses héroïnes, embrassant avec fermeté et acuité toute la complexité de la quête d'identité et de la transmission brutale du racisme, mais aussi des merveilles de l'amour.



Dès les premières lignes, on est embarqué dans cette saga familiale multigénérationnelle. Superbe idée que d'inscrire la lignée des soeurs jumelles Vignes dans la ville fictive de Mallard ( Louisiane ), un lieu exclusif pour les Noirs à la peau claire qui pourtant, n'a pas sauvé leur père ( la tragédie initiale, il a été atrocement lynché sous leurs yeux ), n'a pas sauvé leur mère, déclassée, obligée de faire des ménages pour des Blancs ), annonçant une vie restreinte pour les jumelles alors que Stella rêve d'études universitaires scientifiques et Desiree de théâtre. Elles s'enfuient à 16 ans pour New-Orleans jusque ce que Stella abandonne sa soeur, définitivement.



La construction, alternant passé, présent, permet d'embrasser toutes les problématiques du prix à payer pour être soi-même, chacune négociant le présent tout en repoussant le passé. C'est absolument passionnant , très addictif aussi, de découvrir pas à pas les conséquences imprévues de choix forts qui changent la vie, on mesure parfaitement ce que Desiree et Stella ont perdu en fuyant, ce qu'elles ont gagné, ce qui reste, et ces blessures du passé qui ne disparaissent jamais.



J'ai été moins convaincue par la deuxième moitié qui est plus centrée sur les filles des jumelles, deux cousines du même âge, des opposés polaires ( Kennedy la blonde superficielle et gâtée, Jude la très noire timide et pragmatique ). L'ajout de personnages comme le petit-ami de Jude, s'il permet d'ouvrir sur une autre quête d'identité que celle de la couleur de peau, surcharge le discours. Surtout, j'ai trouvé les personnages finalement très linéaires, chacun dans le rôle que l'auteure leur a distribué et n'en bougeant pas.



Mais il y a Stella. Si celui de Jude est le plus attachant ( magnifiques passages sur son enfance difficile de noire à peau très noire dans une ville d'Afro-américains à peau très claire qui exhibe leur blancheur avec une arrogance dingue ) , celui de Stella est captivant. C'est celle qui ose la transgression ultime au temps de la ségrégation : se faire passer pour une blanche. Cette thématique du « passage racial » est abordée de façon très originale : que se passe-t-il si le personnage usurpateur n'est jamais découvert et ne se repent jamais ? Une scène est notamment très marquante, douloureuse : le cri de Stella qui s'oppose violemment à l'arrivée d'une famille noire dans son quartier blanc huppé, de peur que son mensonge ne soit révélé et qu'on ne découvre qu'elle n'est pas celle qu'elle prétend. A force de se dire blanche, elle l'est comme devenue.



Malgré quelques réserves qui nuance l'accueil dithyrambique de la plupart des lecteurs, ce roman est très fort et excelle à évoquer les silences, les secrets de famille tout en abordant avec justesse l'identité afro-américaine explorée sous de multiples perspectives.
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L'autre moitié de soi

Voilà une histoire qui couvre trois générations et que Brit Bennett, pour son second roman, maîtrise parfaitement.

L’autre moitié de soi tourne autour de deux sœurs jumelles : Desiree et Stella Vignes. Un jour du mois d’août 1954, elles ont subitement disparu, quitté ce quartier improbable de Mallard, en Louisiane, pour se rendre à La Nouvelle-Orléans. D’emblée, je suis plongé dans le racisme de ce sud des État-Unis car voilà que quatorze ans après sa disparition, Desiree revient tenant par la main, sa fille, Jude, noire, comme Sam, son père, un avocat qui brutalise sa mère.

Or, à Mallard, de génération en génération, on essaie de devenir de plus en plus blanc afin d’échapper au racisme ambiant. Adele, la mère des jumelles, a pour ancêtre le fondateur de la ville mais son mari a été assassiné par quatre Blancs devant ses filles ! Alors, Adele doit les élever seule, faire le ménage chez de riches Blancs. Puis, elle oblige Desiree et Stella à arrêter l’école pour l’aider.

C’est à La Nouvelle-Orléans où Desiree travaille, à dix-huit ans, pour le FBI, que subitement aussi, Stella disparaît. Celle-ci n’avait qu’une obsession, se faire passer pour une Blanche et elle y réussit parfaitement, basant toute sa vie sur le mensonge.

Avec Jude donc, la troisième génération intervient. La voilà championne d’athlétisme sur 400 mètres, admise à l’UCLA, elle qui, tellement noire de peau, est en bute aux moqueries dès l’école primaire, à Mallard.

Early Jones, chasseur de primes, payé par Sam, le mari violent, pour retrouver sa femme, Desiree, joue un rôle important. Jude est tombée amoureuse de Therese Ann Carter qui se fait appeler Reese et a décidé de changer de sexe. Ils vivent ensemble à Los Angeles où vit… Stella Sanders, dans un quartier huppé où elle affiche une haine viscérale envers les Noirs…

Toute cette histoire s’imbrique parfaitement avec des sauts dans le passé permettant d’expliquer, de comprendre. Stella qui a épousé son patron, a tout, l’argent, le luxe, ne travaille pas mais n’est pas heureuse, même si sa fille, Kennedy, l’a occupée quelques années.

Au fil de ma lecture, je sens bien arriver l’inéluctable : la rencontre entre les deux filles, tellement différentes, des sœurs jumelles. Tout cela, Brit Bennett l’analyse finement, trouve beaucoup de situations, d’événements différents pour maintenir mon attention en éveil.

Comme chacun s’en doute, la grande question est de savoir si les deux jumelles se retrouveront un jour, elles qui sont si éloignées géographiquement, socialement, culturellement.

Avec suffisamment de tact et beaucoup de douceur, l’autrice mène son roman à son terme, démontrant qu’il est toujours possible à chacune et à chacun de se réaliser, de trouver sa voie, quitte à changer complètement.

Desiree, Stella, Adele, Early, Reese, Jude, Kennedy peuplent ce roman et m’ont passionné jusqu’au bout. La couleur de leur peau, leur sexe assumé ou changé, leur choix de vie amoureuse et professionnelle, tout cela est superbement raconté.

Au fil des pages d’un livre, lu grâce à Lecteurs.com et aux éditions Autrement que je remercie, malgré les importantes questions que chacun se pose, j’ai vu leur personnalité se révéler puis se réaliser et cette lecture m’a tenu en haleine jusqu’au bout.




Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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Le coeur battant de nos mères

Mon premier roman de Brit Bennet et son premier à elle, quand son dernier opus vient à peine de sortir. Une histoire qui se lit sans déplaisir mais qui m’a semblé tourner beaucoup en rond autour de ces trois personnages qui se lient et se délient.



Nadja a dix-sept ans quand elle flirte avec Luke un peu plus âgé qu’elle. Elle se retrouve malgré elle enceinte et souhaite avorter pour ne pas gâcher son avenir.

À la clinique, elle se retrouve seule. Un moment qui va la marquer profondément. Car ni là-bas ni après, Luke ne sera là.



De son côté, il y a la honte et l’amour malgré tout pour Nadja que Luke ne parvient pas à oublier. Suite à un grave accident sportif, il se retrouve dans une clinique de rééducation où il fera la connaissance de la meilleure amie de Nadja, Aubrey. Ces trois là vont s’approcher, s’éloigner, s’aimer, se détester. Il y a un petit quelque chose de l’amie prodigieuse ici j’ai trouvé.



Ce livre je l’ai lu sans ennui même s’il ne m’a pas plus passionnée que cela. Les affaires de cœur de jeunes entre je t’aime moi non plus m’ont semblé assez tiré en longueurs. C’est très bien écrit ce qui sauve tout de même l’histoire, mais bon, ça ne m’aura pas suffi pour en faire un bon grand moment de lecture.
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L'autre moitié de soi

Mallard, une ville si petite qu’elle ne figure sur aucune carte. Et pourtant, elle est particulière cette ville , dont les habitants en majorité afro-américains ont une peau si claire que le doute ne s’immisce même pas dans l’esprit de ceux qu’ils croisent sur leur chemin.



Lorsque Desiree, l’une des jumelles Vignes revient quatorze ans après avoir quitté la ville, elle est accompagnée de June, une enfant plus noire que l’ébène. Sa jumelle Stella a disparu sans laisser de trace.

Pour June, dans cette communauté où la valeur se juge à l’aune de la nuance de peau, la vie est rude. Le soutien inconditionnel de sa mère et de sa grand-mère ne suffira pas pour qu’elle-même ne décide de quitter l’endroit. Jusqu’à ce que son destin ne la conduise sur les traces de sa tante disparue.



Le propos va bien au delà du thème du racisme. C’est la question de l’identité et du poids des racines familiales qui apparaît en filigrane du récit de ces deux générations de femmes engluées dans des stéréotypes bien difficiles à occulter. Chaque rencontre et coup du sort sont autant de pistes pour de nouveaux questionnements et de nouvelles impasses logiques.



Et tout cela s’appuie sur un socle d’état des lieux de la société américaine contemporaine avec ses incohérences et ses certitudes ancrées comme une hérédité incontournable.





L’écriture et la traduction sont sans reproche, et le fil narratif suffisamment bien conçu pour créer l’addiction tout au long des presque 500 pages du roman. Une lecture marquante.
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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L'autre moitié de soi

Quand à seize ans Desiree et Stella Vignes quittent Mallard, un trou perdu de Louisiane où les habitants noirs à la peau claire pourraient passer pour des blancs, c'est Desiree qui étouffant et rêvant d'une autre vie a entraîné Stella. Mais les jumelles, loin d'avoir les mêmes aspirations, ne tardent pas à se séparer pour des destins opposés, pourtant pavés des mêmes difficultés. Parce qu'il faut très longtemps pour devenir quelqu'un d'autre, et que le prix à payer de vivre dans un monde qui n'est pas fait pour vous est la solitude.



Un roman magnifique où il est question de quête d'identité et de couleur de peau dans une Amérique encore très ségrégationniste. de quête d'identité sexuelle aussi. Des domaines, nous suggère Brit Bennett, où il importe de ne pas juger ceux qui choisissent la fuite, le mensonge, ou le travestissement — un chemin à coup sûr douloureux, qu'ils empruntent sans plaisir, mais qui leur est indispensable pour exister.



" On croit qu’être unique, ça fait de soi quelqu’un d’exceptionnel. Non, ça fait juste quelqu’un de seul. Ce qui est exceptionnel, c’est d’être reconnu et accepté. "
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L'autre moitié de soi

S'il y a une raison de lire ce roman , c'est bien l'angle sur lequel l'autrice choisit d'aborder le sujet du racisme...

On est dans une toute petite ville de Louisiane appelée Mallard, qui n'est pas inscrite sur les cartes...

Cette ville crée par des "gens de couleur", ne l'est presque plus (noire ), car "on ne s'y marie jamais avec plus foncé que soi"... Tout un programme ! Et c'est ainsi que Mallard est une ville de Noirs, mais des noirs-blancs...

En 1968, y disparaissent les jumelles Vignes, Desiree et Stella, parties à la grande ville , voir si l'herbe y est plus verte... C'est qu'à Mallard, la vie n'était pas rose, vu qu'elles ont dû abandonner leurs études pour subvenir douloureusement aux besoins de la famille, composée d'elles d'eux et de leur mère.

Très vite, Desiree perdra la trace de sa jumelle, Stella, qui partira à Boston mener la vie d'une femme blanche, en transgressant toutes les lois, mais vu que tout le monde n'y voit que du feu...

Une vie de femme libre, une vie de femme riche, aussi...

Et Stella ne donnera plus jamais signe de vie à sa famille...

Desiree , elle, rentrera à Mallard , victime d'un mauvais mariage, avec sa fille sous le bras, une fille plus noire que noire, dans une ville de blancs racistes , ( de blancs-noirs, comme je l'ai dis plus haut...)

La vie de Stella, sera confortable mais basée sur un mensonge, un énorme mensonge. Peut-on mentir sur son identité ? Peut-on se couper des siens sans dégâts ? Peut-on ignorer ses racines ?

Je dois dire que c'est l'histoire qui m'a le plus fascinée, dans le sens "étonnement", car paradoxalement, le personnage de Stella m'apparaissait si froid, si antipathique , et si vulnérable et (parfois ) digne de pitié.

Puis le roman passe à la génération suivante, leurs filles, L'une est blonde , riche et gâtée, l'autre est noire comme l'ébène, travailleuse, méritante...

Et si j'ai aimé suivre cette famille sur trois générations, je me suis interrogée sur la pertinence d'amener "sur la table", un autre sujet de discrimination , celui des LGBT... le racisme était déjà assez puissant comme thème.

Puis , au fil de ma lecture, j'ai évolué grâce au talent de Brit Bennett , . Pourquoi pas ? Les combats se rejoignent et l'on ressort de ce livre avec une vraie envie d'un monde plus tolérant... ce qui est la grande réussite de ce roman : dire sans donner de leçons, sans lourdeur, suggérer et laisser le lecteur avancer à son rythme sans rien lui imposer, avec nuances et subtilité...

♫ Freedom ♫

Un livre sur le racisme, sur les LGBT, sur la tolérance mais aussi un roman qui questionne sur nos racines, celles du lieu de notre enfance, celles de la famille. Des thèmes qui touchent tout le monde , blancs ou noirs , hétéros ,homos, ou trans.

Si la décision du personnage de Stella interroge sur la capacité à couper les ponts sans dégâts, j'ai été surprise que Jude, la fille de Desiree, mette de la distance entre Mallard et elle ( on la comprend), mais entre sa mère et elle ? Pas ou peu de visites, on est dans les années 80 et le manque d'argent ne justifie pas tout...

Ce qui amène à un autre sujet , celui de la transmission. Qu'est ce qui fait qu'une famille est une famille soudée , avec ce que ça comporte comme liens, comme attentions, comme amour, comme besoin de se voir? Parfois, les fondations sont tels des sables mouvants et elles ne retiennent pas les enfants...

Un très beau roman conseillé par ma bibliothécaire préférée , qui m'a dit texto : "prenez-le , ça va vous plaire ! " Et bien, elle avait raison....

Des thèmes forts, abordés avec subtilité et force...
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Le coeur battant de nos mères

Nadia, 17 ans grandit à Oceanside, une banlieue ordinaire de San Diego, au sud de la Californie---aux côtés de son pére ----au sein d'une paroisse afro- américaine conservatrice.



Il y eut une mére sur la photo de famille Turner----famille noire de la classe moyenne ---mais elle n'est plus de ce monde , désormais.

Elle s'est donné la mort quelques mois auparavant ---une balle dans la tête ----- sans explication .

La jeune romanciére nous plonge dans le désarroi de cette jeune fille perturbée, intelligente, fine et belle .

Elle tente d'encaisser le coup, brisée, avant d'intégrer l'université du Michigan qui a accepté sa candidature ...

Anéanti, absent , mutique son pére Robert déposait désormais sa tristesse sur un banc d'église ...

Pour lui, tout tournait autour du Cénacle, église protestante et sa communauté de fidèles.....

En proie à son chagrin Nadia traîne un peu, désœuvrée , s'entiche de Luke , le fils du pasteur.



Bîentôt enceinte elle ne gardera pas l'enfant ----encore une enfant elle même qu'en ferait - elle ?

" Elle avait eu une mére et maintenant elle n'en avait plus; elle avait été enceinte, mais elle ne l'était plus..." ..

Mille et une questions hantent Nadia sous le coup de cette double perte elle qui cherche sa voie ....Elle quittera la Californie pour le Michigan , rencontrera Shadi , plus tard Chicago en poursuivant de brillantes études puis ,...je n'en dirai pas plus...

Ce sujet difficile déchire les citoyens au sein d'une communauté religieuse : le poids d'une société

et son conformisme influencent les décisions à prendre et les chemins de vie ....

C'est un roman choral nourri par un coeur de femmes où nous suivrons les trajectoires de Nadia aprés son avortment , Aubrey, son amie et ses blessures héritées de l'enfance, Luke , ses rêves brisés d'amour et de gloire, Robert Turner, détruit par le chagrin...

Ces trajectoires se croiseront et divergeront de l'adolescence à la trentaine sous le regard insistant de la pieuse communauté du Cénacle, incarnée dans la narration par un chœur de femmes âgées qui commente et observe ...

Des sujets de société variés sont abordés : éducation, homosexualité, avortement , maternité, intense poids des croyances religieuses , intrusion constante dans le mode de vie des voisins ....inceste.....culture moralisatrice .....

Je me suis ennuyée à la lecture de ce roman un peu lent, sans jugement , facile à lire....que l'on me présentait comme une oeuvre extraordinaire ...

Ce n'est que mon avis bien sûr. Il n'engage que moi.....















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Le coeur battant de nos mères





Révélation des plumes anglo saxonnes de cette rentrée, Brit Bennett n'a même pas la trentaine , et à la lecture de son tout premier roman "Le Coeur Battant de nos mères", qui a triomphé au Etats Unis lors de sa parution l'an passé ( à 27 ans exactement) on se dit qu'on aurait donné facilement vingt de plus tant sa plume et sa narration est en tous points maitrisée!



En même temps, diplômée de littérature à Stanford, miss Benett a eu la chance desuivre des cours de « creative writing », à Oxford, une discipline qui n'existe pas en France et qui prouve si besoin est que nos homologues américains prennent vraiment l'écriture très au sérieux



Classé dans les meilleures ventes de livres en 2016 aux Etats-Unis, l'intrigue de ce "coeur battant de nos mères" a pour toile de fond une communauté noire Califnornie strictement régie sous la religion, qui aura pour nom le Cénacle.



Une des belles idées du roman est que l'histoire va être racontée par un choeur de membres féminins d'un certain âge- les mères du titre- , occupant un role assez similaire à celui que tient, le choeur dans les tragédies antiques, conférant à cette histoire des relents de fatalité et de caprice du destins présents dans toute bonne tragédie que ce soient .



Les mères vont donc nous narrer le destin tragique de Nadia, 17 ans au moment du début du livre, dont la mère s'est suicidee de façon violente et inexplicable quelques mois plus tôt la laissant avec un père deboussolé, et qui va accidentellement tomber enceinte du fils du pasteur....



" Aubrey était frileuse, et il aimait bien ça ; il se disait qu'il lui incombait de la réchauffer. »



Faut il garder un enfant à 17 ans dans une communauté ou les rapports sexuels en dehors du mariage sont très mals vus et où les rumeurs et qu'en dira t- on priment sur tout le reste et où la crainte du racisme, même dans l'Amérique d'Obama ?



Voilà un des nerfs de l'intrigue du "coeur battant de nos mères", qui de manière plus large encore, va nous montrer les relations d'un triangle amoureux évoluer au fil des années...



Nadia , Aubrey et Luke vont être plongés dans des situations où la raison l'emporte souvent sur le coeur et où les regrets quant aux décisions ou aux non décisions prisent dans le passé ressurgissent sans crier gare...



Comme dans tout grand roman, un simple détail, un infime regard viendra troubler l'ordre établi, et Brit Bennett n'a pas son pareil pour dessiner des portraits d'individus qui semblent si proches de nous, enfouis dans les non dits et les secrets qu'on traine toute sa vie comme un boulet..



Le roman de Benett a aussi la particularité de jeter un regard plutot audacieux et nouveau sur lavortement en associant la douleur bien connue d'une mère à celle moins explicite d'un père..



Cette très belle histoire d'amour et d'amitié, écrite avec une plume élégante et intemporelle (le roman pourrait tout à fait se situer dans les années 60/70 comme on le pense au début), Hollywood n'aura pas manqué de vite la repérer (Warner Bros va bientot l' adapter au cinéma ), comme l'ont fait une grande partie des médias et des libraires français qui l'ont mis en avant depuis sa sortie, mercredi dernier dans les librairies..
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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L'autre moitié de soi

Merci à Babelio pour l’envoi de ce livre et pour m’avoir permis d’assister à l’entretien virtuel avec Brit Bennett.



Je me joins sans la moindre hésitation aux éloges déjà publiés sur ce livre !

L’histoire est captivante de bout en bout !



Nous nous trouvons dans un village de Louisiane, Mallard, où, depuis des générations, les noirs se sont efforcés de blanchir leur peau. De ce fait ils sont rejetés tant par les noirs que les blancs.



Nous suivons deux jumelles, Desiree et Stella.

Desiree convainc sa sœur de fuir leur village pour vivre des jours meilleurs en ville. Leurs débuts sont difficiles, on les croit intimement liées, mais leurs chemins se séparent radicalement : Stella disparaît un jour, se retrouvera perçue comme blanche, fera un beau mariage avec un riche blanc tout en craignant sans cesse être un jour percée à jour, Désirée se mariera à un noir dont elle aura une fille à la peau « noir-bleu », battue par son mari, elle fuira pour revenir à Mallard.



Le roman nous décrit la vie de ces deux jumelles et de leurs filles.



Brit Bennett s’attache beaucoup à ses personnages et ne les juge jamais. J’ai ressenti de l’empathie pour eux, même pour Stella alors qu’elle vit dans le mensonge, dans la crainte d’être découverte et finalement dans une grande solitude.



Brit Bennett excelle à approfondir les interactions entre eux, qu’elles soient entre les jumelles, entre les mères et les filles, entre les conjoints ou avec les voisins.



C’est un roman sur la recherche d’identité, identité déterminée par sa couleur de peau mais est aussi abordé la transidentité (beau portrait de Reese, un transgenre) et la construction sociale.

C’est évidemment aussi un roman sur le racisme aux États-Unis, avec des passages assez forts !

Tout nous est présenté par une série de flash-back, sous la forme d’un récit où d’alternent les protagonistes, la trame est très bien construite.

L’intérêt ne faiblit jamais.

Il y a longtemps que je n’ai ressenti un plaisir aussi intense de lecture !

J’ai adoré.



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Le coeur battant de nos mères

C’est en Californie, dans une petite communauté protestante et très pratiquante appelée Le Cénacle, qu’évoluent les protagonistes du roman.

Ce sont trois adolescents, Nadia, Aubrey et Luke qui découvrent la vie, ses traumatismes et ses plaisirs et qui doivent également apprendre, au fil des ans, à en accepter les conséquences.



Brit Bennett nous propose un modèle un peu trop classique à mon goût. Il y a la fille belle, intelligente et ambitieuse, un peu traumatisée par la perte brutale de sa mère et qui, trop naïve malgré son intelligence, doit subir un avortement. Il y a le beau gosse, pas très dégourdi et pas très subtil dont la carrière de footballeur prometteuse est brisée. Et finalement, il y a la meilleure copine un peu moche et, elle, complètement traumatisée. Ce traumatisme grave, qu’elle n’évoque avec personne, en a fait une fille docile, gentille, vertueuse et très religieuse, une bénédiction pour la communauté.



Les existences de ces trois adolescent vont bien sûr s’emmêler puis se démêler pour s’emmêler encore jusqu’à l’impasse. Le communautarisme, la pratique religieuse et son lot d’hypocrisie empêchent ces trois là de démêler leurs histoires, d’avouer leurs secrets, leurs souffrances et leurs amours. Pourtant tout aurait pu être si simple, mais dans ce genre de milieu, ces choses là ne se disent pas… et ce sont trois avenirs possibles à jamais modifiés.



C’est tragique mais c’est la vie, c’est bien écrit mais un peu trop convenu. L’histoire reste agréable à lire mais c’est une petite déception malgré tout.

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L'autre moitié de soi

Après avoir lu les dernières pages de ce roman que j'ai trouvé éblouissant, L'autre moitié de soi, refermant le livre je me suis demandé quel était le véritable thème qui portait le récit. Je me le demande encore, non pas que j'ai été perdu dans l'histoire, au contraire, il y a ici quelque chose de fluide, le lecteur que j'ai été a été emporté sans difficulté dans la narration. C'est peut-être la richesse du récit, les trajectoires des personnages, les angles morts de l'histoire, tout un ensemble d'enchevêtrements qui fait qu'on ne peut et qu'on ne doit surtout pas résumer ce roman comme un énième livre sur la ségrégation raciale vécue aux États-Unis.

Oui c'est l'histoire d'une certaine Amérique au travers de trois générations ; la ségrégation, le racisme ordinaire, sont bien sûr au coeur de cette fresque, thèmes cependant traités parfois avec une acuité fabuleuse. Mais c'est bien autre chose aussi...

L'auteure, Brit Bennett, a visiblement un don d'écriture, un talent aussi pour raconter une histoire, nous la transmettre, peindre des personnages, nous tenir en haleine comme s'il s'agissait d'une histoire qui touche nos propres vies, une histoire familiale par exemple.

En vous écrivant ces premières lignes, il me revient l'incipit qui ouvre le fabuleux roman de Tolstoï, Anna Karénine : « Les familles heureuses se ressemblent toutes ; les familles malheureuses sont malheureuses chacune à leur façon. »

Nous traversons ici les décennies, entre 1954 et 1986, c'est assez précis, nous traversons l'Amérique de cette période, d'Est en Ouest, ou plus précisément, du Sud à l'Est. Trois générations d'une même famille viennent à nous et nous découvrons des bonheurs, des fugues, des failles, des secrets, des transgressions, des rendez-vous manqués. Si nous avions un jour la possibilité de mettre bout à bout tous les rendez-vous manqués de nos existences, quel vide sidéral cela ferait.

Le propos narratif pourrait au premier abord paraître cousu de fils blancs, non crédible. Quoi ?! Mais la vie, la vraie vie, je parle de celle en dehors des livres, n'est-elle pas elle aussi cousue de fils blancs ? Nos propres histoires familiales, s'agissant de la part émergée de l'iceberg que nous connaissons, ne sont-elles pas elles aussi cousues de fils blancs ? Quant à l'histoire des États-unis, n'en parlons pas...

L'improbable qui surgit dans ces pages est peut-être seulement un bras d'honneur qui vient contredire la vérité statistique.

« Probable ne signifiait pas certain. Improbable ne signifiait pas impossible. »

En même temps, ce sont les digressions qui font la force d'une histoire, qui font le sel de nos existences.

Voici deux soeurs jumelles, Stella et Desiree, qui sont nées et ont grandi dans une ville de Louisiane, Mallard, qui un jour disparaîtra de toutes les cartes... Cette ville n'est pas la seule chose qui disparaît dans ce roman. Appartenant à la communauté afro-américaine, Stella et Desiree sont cependant blanches de peau, comme les membres de leurs familles, comme tant d'autres habitants là-bas...

Elles se ressemblent comme le sont deux soeurs jumelles, avec toutes les différences que peuvent présenter deux soeurs jumelles dans leur caractère, leur rêve de vie, leur manière de se jeter, se laisser happer par leur destin, ou pas d'ailleurs...

Déjà à la naissance, une différence à peine perceptible va les différencier, l'auteure s'interroge et se demande peut-être si ce n'était pas là toute l'explication à cette histoire... Écoutez un peu...

« Elle s'était toujours sentie plus âgée, même si c'était seulement de quelques minutes. Qui sait ce qui s'était passé pendant ces sept minutes où elles avaient été séparées ? Peut-être avaient-elles vécu une vie entière qui les avait placées chacune sur une voie différente. Qui leur avait révélé qui elles pouvaient être. »

Un jour, justement elles disparaissent... L'une d'elle, Desiree, reviendra aussi mystérieusement qu'elle avait disparu avec sa fille encore petite, Jude. Desiree, reviendra douloureusement de son expérience de quelques années hors du cocon maternel...

Quant à Stella, son expérience est totalement sidérante... Transgresser, passer dans l'envers du décor, passer du côté noir au côté blanc, elle blanche de peau déjà, tentant l'expérience de devenir blanche de coeur, ou du moins peut-être seulement blanche socialement, appartenant désormais à une autre communauté, avec des codes différents... Nous sommes dans l'Amérique des années soixante...

Stella semble avoir disparu à jamais de l'autre côté de ce paysage insoupçonné...

Se laisser guider par le coeur, être dictée par ses émotions, la décision de quitter une ville, une famille, des êtres chers, ou d'autres qui sont des prédateurs.

Devenir invisible, l'envie de renaître peut-être ailleurs, autrement...

Comment continuer à vivre dans le mensonge durant tant d'années... ?

Jouer la comédie, ne montrer aux gens que ce qu'on veut ou qu'on peut dévoiler.

Tout se passe pour Stella comme une comédie si bien apprise. Jusqu'au jour où un grain de sable, on peut dire les choses comme cela, un grain de sable qui ressemble à des voisins qui viennent s'installer en face de la maison dans ce quartier tranquille où la vie est si bien réglée, une vie lisse, terne, blanche... Un couple de voisins noirs, elle s'appelle Loretta Walker, elle est pleine de vie, elle boit du Chardonnay blanc, invite des amies à jouer au whist, bavarder, rire ; le sol ordinaire sous les pieds de Stella semble brusquement se fissurer... Comme ces pages sont emplies d'émotions ! On ne peut plus les lâcher. Oui les pages se sont alors fissurées sous mes doigts.

Les failles des personnages sont autant de lieux où laisser nos pas trébucher.

L'autre moitié de soi est avant une histoire de personnages à la recherche de leur identité...

Le départ de Loretta Walker, l'obligation pour son couple de déménager, ce fut pour Stella comme perdre sa soeur une seconde fois... Et nous, des pages qui tremblent sous nos yeux agacés par les larmes...

L'autre moitié de soi est une histoire de sororité et de chagrin...

Et puis voici les souvenirs qui s'effritent, une mère qui perd peu à peu la mémoire, confond celle qui est partie avec celle qui est revenue, qui est là encore. Au fond, est-ce si important ? Qui protège l'autre ? Les mères, les enfants ? Justement, les enfants de Desiree et Stella ici sont de magnifiques personnages aussi, Jude, Kennedy, cousines sans le savoir...

Plus tard, l'une d'elle reconnaîtra la petite soeur sur la photo qui tirait sur la jupe de son autre soeur pour lui demander de s'assagir , c'était la photo d'un enterrement... Ce livre est empli de quelques coeurs éperdus en quête d'un album de photos familial.

Livre du détournement, de la dissimulation, du pas de côté...

S'il fallait en définitive résumer en deux ou trois mots le thème de roman, je vous répondrais qu'il s'agit d'amour. Voilà, vous voyez, un seul mot m'a suffi...
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Le coeur battant de nos mères

Le roman se passe en Californie dans une communauté noire et protestante.

Nadia Turner a 17 ans. Elle vient de perdre sa mère qui s'est suicidée. Elle et son père sont complètement anéantis. Nadia se retrouve sans balises. Elle flirte avec le fils du pasteur, Luke, et se retrouve enceinte. Elle veut avorter pour cacher sa"faute" et poursuivre ses études.

Luke est un peu plus âgé que Nadia. Blessé au foot, il ne pourra plus jouer. Il accepte que Nadia se fasse avorter. On le sent dépassé par la situation et dominé par ses parents.

Aubrey, une jeune fille arrive dans la communauté protestante du père de Luke. Elle devient l'amie de Nadia et devra affronter une vie de femme avec des blessures d'enfance difficiles à surmonter.

Le roman s'étale sur plus ou moins dix ans. Le destin des trois jeunes va les faire se rencontrer de temps à autre.

Luke et surtout Nadia auront bien du mal à oublier ce bébé qui n'est pas né. Nadia en rêve souvent.

Brit Bennett, dont c'est le premier roman , arrive à rendre les personnages très vivants, très crédibles et attachants.

Mon moment préféré va au père de Nadia qui, blessé gravement, va lui raconter son enfance et celle de sa mère. A ce moment, on assiste à la rencontre de deux adultes liés par une grande affection : Nadia et son père.

Un grand roman pour moi, avec une très belle écriture, une traduction vraiment au point.

J'ai pris le temps pour le lire car il en valait vraiment la peine.

Encore une fois, je constate l'importance en bien et en mal que la religion revêt dans les communautés américaines.

"Le coeur battant de nos mères" s'adresse aux débuts de chapitres ou des mères de la communauté prennent la parole pour jeter un regard sur la vie de ces trois jeunes gens et leur entourage immédiat.

On peut aussi dire que la construction du livre n'est pas classique.

J'arrête de lancer des fleurs. On va croire qu'on m'a payé pour promouvoir le livre. :)

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L'autre moitié de soi

En Louisiane, en 1954, pour un Noir, regarder une Blanche ou lui écrire une lettre ( même si en fait il est analphabète )ou même seulement vouloir s’en sortir, cela lui vaut le lynchage à mort.

C’est quoi, un Noir ? « one drop rule » : une seule goutte de sang suffit à le caractériser( On disait aux USA que Obama était noir, comme si la notion de métis n’existait pas. )

Brit Bennett invente, ou recrée un petit village sudiste perdu, où les Noirs, de génération en génération, veulent surtout se blanchir, peu importe le niveau social.

L’histoire, c’est celle de deux jumelles, deux moitié d’un même tout, l’une parle à la place de l’autre , et cependant extrêmement différentes l’une de l’autre, qui fuient ce village natal pour la Nouvelle- Orléans, travaillent dans une blanchisserie, normal, on veut toujours blanchir, et dans le grand magasin qui s’appelle la Maison Blanche.

La plus dégourdie des deux travaille au FBI, grâce à son inscription « fille de couleur ». Elle y encontre Sam, un avocat d’affaire de Washington beau comme un dieu, pochette mauve assortie à sa cravate, qui n’est pourtant perçu que comme Noir par la mère de sa femme. (Malheureusement, il est violent, pas cool, mauvaise pioche) Et il refuse d’aller dans son village: « ces ploucs ne me laisseraient sans doute même pas rentrer chez moi, plaisantait il. Il arriverait là bas pour faire du tourisme et se retrouverait à ramasser du coton. »



L’autre, entre non dit en vrais mensonges, se déclare blanche, et à ce titre se rendra compte qu’il suffit de vouloir, de relever la tête, de refuser de faire la queue, de prétendre être blanche , de se comporter en blanche, alors on le devient.

Un peu comme disait Simone de Beauvoir : « on ne nait pas femme, on le devient ».

Alors, Stella devient ce qu’elle est, blanche, avec les valeurs blanches, et bien entendu riche, très riche ; elle devient même, par peur d’être démasquée et donc punie très sévèrement, raciste, et portera toute sa vie le poids de son « imposture ».



Qu’est ce qu’être soi ? Voilà la question principale de ce roman, qui aborde, aussi, dans un Los Angeles désinhibé, l’amour d’un transgenre avec une très noire. L’un comme l’autre n’ont pas été vus dans leur essence, l’un le sexe qui ne lui convenait pas, l’autre la couleur qui la recouvrait en la cachant : ils ne pensent ni l’un ni l’autre mériter d’être appréciés.

Qu’est ce qu’ être soi ? C’est s’accepter à travers et malgré les gens qui vous aiment, mais ne savent pas qui vous êtes.

Après l’autopsie d’une société durant toute la première partie du roman, avec ses longues pages énumérant les actes et les pensées racistes, les phrases racistes, souvent répétitives, incompréhensibles pour nous et parfaitement ineptes, faisant autant de mal à celui qui les dit qu’à celui qui les entend ( on ne joue pas avec les negros) je me suis sentie gagnée par l’explication donnée en deuxième partie, qui a le mérite d’expliquer en profondeur les présupposés du rejet.

« L’autre moitié de soi » est un roman profond sur le mal être, la peur de n ‘être pas aimé, la certitude de n’être pas aimé. Et le prix à payer pour s’affirmer différent de ce que l’on apparaît.

Le prix à payer pour garder l’amour d’un homme à qui l’on ment sur l’essentiel.



Roman aussi sur la gémellité, l’une se déclarant blanche et devant couper les ponts avec son ancienne famille, l’autre, plus rebelle apparemment, revenant vivre chez sa mère et se conformant . L’autre cherchant l’une, celle qui a refait sa vie à Los Angeles, n’acceptant pas la coupure, puisqu’à un moment de leur histoire, elles n’ont fait qu’un, et , à la fois, redoutant la rencontre, la différence, l’exil définitif de l’une, le renoncement de l’autre.

Excellent roman, que l’on ne peut lâcher, analysant chaque personnage avec acuité, dont la figure des deux (mari ou compagnon, blanc ou noir,) les acceptant telles qu’elles voudraient être, même si elles mentent, et plus mesurés l’un comme l’autre que leurs femmes respectives, sans doute puisqu’ils n’ont pas été confrontés au « colorisme » dont parle Toni Morrison, le présupposé que blanc vaut mieux que noir de leur village natal.

Avec aussi l’évocation de la mort de Martin Luther King, les émeutes, la ségrégation dont on espère que l’Amérique sortira.

Et une couverture aussi belle que le livre lui même.

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L'autre moitié de soi

Qui sommes-nous ? Nous connaissons-nous vraiment ? Et les autres, que voit-il de nous ?

Voilà un roman très intéressant qui pose toutes ces questions et laisse le lecteur, libre ou presque, d’en tirer les conclusions qui lui semblent les plus proches de lui, ou qui répondent à ses attentes, ses croyances.

J’ai beaucoup aimé ce thème de la recherche d’identité. Une construction de soi qui pourrait sembler simple au premier abord, mais qui n’est qu’une accumulation de tous les éléments (famille, culture, choix, hasard...) qui se superposent au fil des ans. Complexe ? Oui, certainement, rien n’est aussi lisse qu’il y paraît.



Noir ? Blanc ? Homme ? Femme ? Transsexuel ? Drag-queen ? Cousin-cousine ? Comédien ou acteur ? Quel rôle endossons-nous pour trouver notre chemin ? Vivons-nous caché(e)s ou en pleine lumière ? Miroir, mon beau miroir, dis-moi qui je suis vraiment ?



Avoir une soeur jumelle et se regarder grandir, évoluer, voilà qui est intriguant.

Mais ce n’est pas la seule singularité de Desiree et Stella. Toutes deux habitent Mallard, un tout petit village (fictif) de La Nouvelle-Orléans exclusivement réservé aux Noirs-Blancs. Et chaque habitant fait en sorte que les futures générations soient de plus en plus blanches. Aussi quand après avoir disparu pendant près de quinze ans, Desiree revient sans sa soeur mais avec une petite fille noire, voilà qui pose bien des questions...

« On peut fuir un lieu, mais pas son sang. Les jumelles Vignes avaient cru pouvoir échapper aux deux. »



Oui, ce roman offre de belles pistes de réflexions sur le racisme qui peut prendre bien d’autres formes que la couleur, sur la connaissance de soi, sur l’identité et la filiation et j’ai eu bien du mal à le refermer après lecture.

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L'autre moitié de soi

Desiree et Stella sont deux jumelles noires.

Nées dans une petite bourgade, Mallard, peuplée de personnes noires, à une époque où les noirs st les blancs ne se mélangent pas.

C'est un drame familial (le père, tué par des Blancs, pour d'obscures raisons) qui est à l'origine de leur histoire. Adolescentes, elles fugueront ensemble à la Nouvelle Orléans.



Mais c'est là que leur destin va bifurquer.

Desiree la plus sage en apparence, restera parmi les siens, épousera un homme très noir et aura une fille avec lui – Jude. Battue par ce mari violent, elle le quittera sur un coup de tête, pour rejoindre Mallard et retrouver sa mère, ainsi que le chasseur de primes, embauché par son mari pour la retrouver, mais lui-même amoureux de Desiree dans le passé, qui deviendra son compagnon et un père de remplacement pour Jude.

Quant à Stella, elle réussit, parce que sa couleur de peau le lui permet, à se faire passer pour une blanche. Et vivre une vie de blanche, épouser son patron, un riche business man, et même avoir une fille totalement blanche, prénommée Kennedy.



De la couleur de peau il est vraiment question dans tout ce roman trépidant, où l'on suit tour à tour l'histoire de Desiree qui revient à la maison, puis Jude jeune adulte fuyant sa mère et sa grand-mère, puis la quête de Desiree pour retrouver sa soeur – en vain.



Peut-on vivre en permanence sur un mensonge ? Ce roman pose bien sûr la question de l'identité.

Stella devra en permanence user de duplicité, nier avoir une famille (elle prétend qu'ils sont tous morts dans un accident) et jouer tous les codes des « White mens and womens » de cette époque.

L'un des moments les plus savoureux de ce récit, c'est lorsque la famille Sanders, composée de Stella, Blake son mari et Kennedy sa fille, résident dans un luxueux quartier peuplé de blancs uniquement. Mais o scandale ! un couple de riches noirs projette de s'y installer. La réponse des blancs ne tarde pas : ils doivent s'allier pour qu'un tel évènement n'arrive pas, et Stella, qui n'a qu'une seule peur – être reconnue par « les siens » - doit donner des gages et hurler au scandale à l'unisson.

Pourtant lorsque le couple, accompagné d'une petite fille de l'âge de Kennedy, s'installent en face de chez les Sanders, Stella sera très tentée de faire connaissance avec eux.

« Vous me faîtes penser à ma soeur jumelle », dit-elle-même à la jeune mère, alors qu'elle sirote un cocktail chez sa voisine, ce que ne peut comprendre son interlocutrice, qui ne voit pas de rapport entre cette blanche bien installée dans sa caste, et elle-même qui a réussi à se hisser à ce niveau grâce à l'argent gagné par son mari acteur de série.

Mais le drame n'est jamais loin, et le couple de noirs devra fléchir devant la violence du rejet des voisins blancs.



Brit Bennett maîtrise son sujet. Elle sait sans doute de quoi elle parle, et les passages sur une chronique de la haine ordinaire sont savoureux.

Le salut viendra de la nouvelle génération. Les deux « cousines » feront connaissance, l'une sachant à quoi se tenir (Jude) tandis que l'autre ne peut croire à une histoire aussi incroyable (sa mère ne serait pas la femme blanche bourgeoise qu'elle fait semblant d'être). Pourtant les problèmes d'identité se reporteront sur Kennedy, qui n'aura de cesse de chercher qui elle est, trouvera un répit lorsqu'elle endossera le rôle d'un personnage sur scène, ou quand elle voyagera de ville en ville, incapable de se fixer quelque part.



L'autrice nous donnera le loisir d'assister à une scène de retrouvailles entre les deux soeurs, retrouvant dans leur village natal pour un instant leur complicité d'enfance, mais ce ne sera que de courte durée, et Stella retournera à son rôle de blanche, abandonnant définitivement son passé à jamais.

Un grand roman contemporain, sans manichéisme, et une excellente chronique de l'Amérique des dernières années, avant la prise de conscience – enfin ! – que « black lives matter ».

Les vies noires comptent, et « l'autre moitié de soi » en est une excellente illustration. Un livre qui compte, sans aucun doute.


Lien : https://versionlibreorg.blog..
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L'autre moitié de soi

La lecture du résumé de ce livre « L’autre moitié de soi » m’avait déjà beaucoup attirée. Alors qu’il avait eu son succès lors de la rentrée littéraire 2020, je le gardais au fin fond de mon esprit comme idée future de lecture. Et puis, Babelio associé au département “Autrement” de chez Flammarion a proposé de tenter sa chance afin de remporter le livre ainsi que la possibilité de participer à une rencontre virtuelle avec l’auteure américaine. Je me suis dit que c’était un signe et que je me devais de le saisir. Franchement, je ne me suis pas trompée!



Il est des livres dont la ou les héroïnes vous marquent. Des héroïnes qui, même des semaines, voire des mois plus tard, vous reviennent à l’esprit et vous vous remémorez alors de beaux moments de lecture; que ces moments aient été touchants, émouvants, quel que soit le sentiment éprouvé, il est bien là et se maintient au fond de vous.



C’est une fresque familiale que nous conte Brit Bennett entre les années 50 où les jumelles Vignes disparaissent d’un trou perdu de la Louisiane aux années 90, et ce sur plusieurs générations. Les soeurs Vignes ne sont pas noires mais ne sont pas blanches non plus. A Mallard, dans ce coin reculé des Etats-Unis, il est difficile de vraiment s’y révéler. C’est ainsi qu’à l’âge de 14 ans, elles décident le soir du bal de la fête du Fondateur de tourner le dos à leur passé afin de se construire un avenir à la Nouvelle-Orléans. L’histoire débute au retour de l’une des jumelles dans sa ville d’origine.



Véritablement axé sur la quête d’identité, Brit Benett y aborde des thèmes très actuels comme la recherche de ses racines, le racisme latent, les critiques à l’encontre des personnes différentes (pas seulement en raison de leur « couleur »), … L’identité afro-américaine y est abordée sous un regard neuf et brillant.



Malgré une évolution des mentalités, on ne peut que constater qu’une certaine ségrégation ne cesse de se poursuivre et ce, encore au 21ème siècle. Bien loin de l’American Dream des paillettes, c’est d’une frange de la population oubliée que l’auteure nous offre ce portrait si réaliste et nous pousse à la réflexion.



Tendre, souvent émouvant mais ô combien réaliste, il m’a été difficile de clore ce livre qui m’a énormément plu. Composé de près de 500 pages et malgré sa densité de détails nécessaires, on ne voit pas le temps passé par une écriture fluide et on aimerait qu’il ne se termine pas ou le plus tard possible. Devoir quitter ses personnages (qu’ils soient principaux ou secondaires, aucun n’est oublié) m’a rendue un brin nostalgique et c’est la raison pour laquelle, il me tarde de lire le premier livre de Brit Bennet, « Le coeur battant de nos mères ».



Je remercie les éditions Autrement et Babelio pour l’envoi de ce livre. Une rencontre virtuelle avec Brit Bennett viendra ponctuer la lecture de ce livre qui restera dans mes coups de coeur de 2020.
Lien : https://www.musemaniasbooks...
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Le coeur battant de nos mères

Un agréable moment de lecture ,belle écriture mais le sujet aurait demandé à être plus abouti .Trop survolé à mon goût ,le plus révélateur était qu'il m'a fallu un moment pour savoir si untel était blanc ou noir ? ce qui je pense est pourtant très important en Amérique à cettte époque surtout . De même le sujet de l'avortement trop survolé à mon goût. À surveiller le prochain roman car belle écriture.

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L'autre moitié de soi

J'ai peu lu de roman aussi riche, bien écrit, avec autant de thèmes abordés et de personnages intéressants.

Où il est question d'identité avant tout, celle que l'on choisit, celle que l'on construit, malgré la famille et l'environnement social, dans l'Amérique des années 60 à nos jours.

D'autres critiques ont bien présenté l'histoire et le contexte, je donnerai donc juste mon avis : C'est excellent.
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L'autre moitié de soi

Destinée, inégalité, sororité.

Trois mots pour évoquer ce qu'aurait pu être la vie de Desiree & Stella Vignes, jumelles nées à la fin des années 1930 à Mallard, petite ville de Louisiane peuplée exclusivement de Noirs à la peau tellement claire qu'ils peuvent passer pour des Blancs.

Desiree mène la danse, c'est elle qui décide de quitter en 1954 cette ville trop étriquée pour elles, laissant leur mère sans nouvelles - pauvre femme.

Elle est aussi la première à revenir en 1968, sans sa soeur, mais accompagnée de sa fille, noire comme l'ébène, ou le charbon, ou la nuit...

Que s'est-il passé pendant ces quatorze années ? Qu'est devenue Stella ?



Brit Bennett raconte l'histoire de la famille Vignes sur trois générations, dans une Amérique encore ségrégationniste et puritaine, dominée par les apparences, où il est si difficile d'être complètement soi quand on n'est pas né dans la bonne enveloppe. On comprend mieux l'acharnement de 'stars', encore dans les années 80-90, à tenter de gommer toute trace d'origine noire (famille Jackson, notamment), ou autre différence...



Avec ce superbe roman, je découvre une auteur, sa plume subtile, son talent pour camper des personnages - non dénués de manichéisme, mais comme l'indique le titre, deux personnages peuvent n'en faire qu'un (et vice-versa), au lecteur d'interpréter à sa guise...



♥ . près de 500 pages exquises, avec un ton rappelant 'La couleur des sentiments' (K. Stockett) et 'Chroniques de San Francisco (A. Maupin) . ♥
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Le coeur battant de nos mères

La maternité sous toutes ses formes

*

Un roman lumineux formidable que j'ai dégusté jusqu'à la dernière ligne.

J'ai eu la chance de le recevoir par le biais du Picaboriverbookclub juste avant la "lecture commune" du mois de décembre.

En version originale , le titre est "the Mothers". Ce qui est très parlant et très explicite. La maternité est le fil directeur de cette histoire.

Une fresque américaine qui s'étale sur une décennie. En Californie, près de l'océan. Dans une communauté religieuse noire.

Nous suivons la trajectoire de trois jeunes gens qui se croisent, se séparent, se retrouvent. Qu'est-ce qui les relie? Un secret d'alcôve. Rien que ça.

*

Des mères de cette communauté, ce chœur de femmes, narrent cette histoire si singulière en bribes de ragots, de rumeurs.

Alternés des vies torturées des personnages principaux.

*

Une écriture fine, très sensible, maternelle, féminine et déjà mature pour cette presque-trentenaire (l'auteure). J'en suis restée estomaquée quant aux réflexions pertinentes qu'elle pose : l'amitié, l'ambition professionnelle, l'abandon des rêves d'ado, le deuil.

Et également une ouverture sur la question si actuelle de la religion aux USA : peut-on brider ces jeunes dans une foi parfois étouffante limite puritaine ? Certes, l émancipation, le désir de vivre ailleurs a un prix. Qui peut coûter cher. Cette jeune auteure n'a pas "poussé" cette question dans ses retranchements. Elle l'a effleuré. A nous de nous documenter sur ce problème de société. Tiens, justement, le dernier numéro du très bon magazine America a rédigé un dossier là-dessus.

*

Une très belle histoire douce-amère, triste et poétique que je conseille à toutes les femmes, mères ou non. Un sujet parfaitement maîtrisé .

*

Lu dans le cadre de la LC de décembre du #Picaboriverbookclub
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