Citations de Camille Zabka (25)
Les roses étaient toutes rouges
Et les lierres étaient tout noirs
Chère pour peu que tu te bouges
Renaissent tous mes désespoirs
Le ciel était trop bleu, trop tendre
La mer trop verte et l'air trop doux
Je crains toujours- ce qu'est d'attendre!
Quelque fuite atroce de vous.
Paul Verlaine. Spleen
Il y a ce moment magique, où les oiseaux nocturnes chantent encore et où les autres se réveillent, dans un ordre bien précis. C’est l’heure symphonique. Écoute, c’est maintenant.
L’intérieur de notre corps est un lieu étranger, plus mystérieux que les rivages lointains.
- Attendez, j'ai pas bien compris, vous voulez que je vous aide à écrire des lettres ? Vous voulez qu'un mec comme moi qui a eu, attention, 4 sur 20 de moyenne au bac français, et à qui vous avez voulu faire la peau parce qu'il écrivait, devienne le scribe officiel de Fleury ?
Je ne veux pas lui montrer l'exemple d'une maman qui attend fébrilement le retour de son homme. Nous, nous ne sommes pas prisonnières. Alors, on ne doit pas s'enfermer dans la seule attente de ton retour. Je ne veux pas que, plus tard, ma fille soit celle qui attend un type.
Même si, comme toi, c'est un type bien.
Mais là; dans cette bibliothèque, il se sent bien. Il respire. Les livres, c'est pas pour les péquenauds ou les sauvages. Dans la bibliothèque, il redevient un peu l'homme qu'il était au-dehors. Il n'est pas un "sale négro", ni une "racaille". Il est Alexandre, avec une fiche d'emprunt à son nom, pas avec son numéro d'écrou.
p 118
Il voit les lundi mardi mercredi jeudi vendredi samedi et dimanche. Les jours fériés, les vacances scolaires et le nom des saints. C'est absurde, ça ne veut plus rien dire pour le prisonnier. Son temps à lui, après deux mois d'incarcération, n'est plus le même que celui des gens libres. En prison, le temps traîne.
[ en prison ]
- C'est moi qui vais te montrer. C'est l'atelier Post-it. Il faut coller des blocs de Post-it sur une base en carton et les mettre dans des pochettes plastiques. Tu restes debout. Tu commences la matinée en faisant trois tas, comme ça : les Post-it, les supports, les pochettes. Après tu fais des paquets de Post-it par tas de cent, et en fin de session, le contremaître passe pour les compter et tout récupérer. T'as compris ?
Alexandre hoche la tête.
- C'est payé 2 centimes le carnet. Il faut être rapide. Moi, j'en fais parfois plus de 600 par jour.*
Alexandre commence le travail. Il faut être minutieux et avec ses grandes mains, ce n'est pas simple.
[ * 2 x 600 = 1 200 centimes, soit 12 euros par jour ]
La sculpture - si on pouvait appeler ça une sculpture - dégageait une odeur bizarre. Elle sentait le ragoût, ou le restaurant indien. A une immense toile souple suspendue au plafond étaient accrochés des sortes de collants couleur chair remplis d'épices, qui pendaient à quelques centimètres du sol. Certains visiteurs déambulaient entre les grappes odorantes.
- Tu viens ? lui a dit Pénélope.
- On dirait des burnes. Avoue que c'est chelou.
- J'avoue.
Elle riait. Il parlait fort.
- Il est connu, l'artiste ?
- Un peu, oui, c'est Ernesto Neto.
Le 9 janvier.
Pénélope, Pamina,
Vous me manquez. Je vais bientôt avoir mon audience. Ils ne devraient pas me garder trop longtemps. Je ne veux pas que vous vous embêtiez avec les démarches du parloir. Deux mois trois au pire sans se voir ça va être long mais c'est mieux de ne pas amener Pamina ici.
(...)
[Pénélope,] dis de belles choses à Pamina sur son papa. Essaie de bien vivre. Tu sais que je peux m'adapter à toutes les situations. Je t'embrasse je vais revenir bientôt.
- Alexandre.
PS : Pamina ma princesse ma chérie. Tu trouveras avec ma lettre un petit dessin. C'est maman et papa qui tiennent Pamina par la main et c'est à colorier en vanille chocolat et caramel. Papa rentre bientôt. Ecoute bien maman.
Sommaire
Aux sources du lyrisme et de la littérature amoureuse ........... 7
Pyrame & Thisbé ................................................................... 9
Orphée & Eurydice ................................................................ 13
Tristan & Iseut ....................................................................... 17
amour et poéSie ........................................................................... 21
« Une allée du Luxembourg », Gérard de Nerval .............. 23
« À une passante », Charles Baudelaire ............................. 25
« Ode à Cassandre », Pierre de Ronsard ............................. 27
« Vieille chanson du jeune temps », Victor Hugo ............. 29
« Si tu t’imagines », Raymond Queneau ............................ 31
« Chanson de Fortunio », Alfred de Musset ...................... 33
« Parfum exotique », Charles Baudelaire .......................... 35
« Un hémisphère dans une chevelure »,
Charles Baudelaire ................................................................. 37
« La courbe de tes yeux », Paul Éluard ............................... 39
« Les Roses de Saadi »,
Marceline Desbordes-Valmore .............................................. 41
« Roman », Arthur Rimbaud ............................................... 43
« Rêvé pour l’hiver », Arthur Rimbaud .............................. 45
« Je vis, je meurs », Louise Labé ......................................... 47
« Chanson d’automne », Paul Verlaine .............................. 49
« Spleen », Paul Verlaine ...................................................... 51
« Il pleure dans mon cœur », Paul Verlaine ...................... 53
« Demain, dès l’aube », Victor Hugo ................................... 55
« Ma chambre », Marceline Desbordes-Valmore ............... 57
« Vous êtes mort un soir », Anna de Noailles .................... 59
dire l’amour autrement : lettreS, eSSaiS,
théâtre et romanS ....................................................................... 61
Essais, Michel de Montaigne ................................................. 63
Roméo et Juliette, William Shakespeare ............................... 65
Le Cid, Pierre Corneille .......................................................... 69
« Je me suis mise à vous écrire… »,
Mme de Sévigné ..................................................................... 73
L’Éducation sentimentale, Gustave Flaubert ........................ 75
Une vie, Guy de Maupassant ................................................. 77
Thérèse Raquin, Émile Zola .................................................... 79
Supplément Librio + ................................................................ 81
Je vais appeler le médecin, il doit regarder ce monitoring.
Elle regarde l’eau sous le pont et, quand elle relève les yeux, il lui semble que c’est toute la ville, le ciel et les nuages qui avancent dans la nuit
Il lève les yeux. Un instant infime, tout appliqué qu’il était à écrire, il s’est cru libre
Quand j'étais enfant, j'attendais avec impatience l'heure de me mettre au lit. C'était le moment des rêves d'aventure, avec Robin des Bois mon amoureux secret, des cachettes derrière les cascades, des maisons dans les arbres. Chaque soir, je construisais mes histoires minutieusement, et d'un jour à l'autre, je bâtissais des passerelles entre ces assemblages fragiles. Ils formaient bientôt tout un monde imaginaire, dans lequel je m'enfonçais avant de dormir.
« Un instant infime, tout appliqué qu’il était à écrire, il s’est cru libre. Libre de pouvoir descendre sur les quais, pour aller saluer Clément au Bistrot des Augustins. Prendre un verre même peut-être. Il en est tout étourdi. Il a cru qu’il était libre. Il a cru aux arbres derrière la fenêtre, aux péniches, aux pavés, au vent qui vient de loin, aux odeurs de marrons grillés. »
Libre de pouvoir descendre sur les quais, pour aller saluer Clément au bistrot des Augustins. Prendre un verre même peut-être. Il en est tout étourdi. Il a cru qu'il était libre. Il a cru aux arbres derrière la fenêtre, aux péniches, aux pavés, au vent qui vient de loin, aux odeurs de marrons grillés. Il a cru au goût du vin, au brèves de comptoir. Il a cru qu'il irait guetter le passage de Pénélope rentrant du travail devant le restaurant où ils gardent les voitures.
La peur est venue avec l'âge adulte. La peur de décevoir, d'échouer, de me faire remarquer, la peur de mourir qui est aussi une peur de vivre.
A Magelang, j’ai découvert la chaleur. Pas une chaleur naturelle, non. Une chaleur recrachée par les pots d’échappement et la climatisation des maisons, une chaleur lourde des brûlis et des feux de forêt. Quand j’avais appris que nous viendrions vivre en Indonésie, j’avais rêvé un éternel été, une garde-robe légère, des chapeaux. Mais la chaleur ici est si étouffante. Elle comprime les corps, brûle les yeux et remplit la bouche, la gorge et le nez. Il n’y a pas de saison et le jour se lève toujours sur un ciel lourd de nuages.
C’est la bonne nuit pour fuir. La lune éclaire la route. Je chante pour me donner le courage de rejoindre le village, au loin là-bas, de l’autre côté de la forêt. Je chante pour ma fille, endormie dans le kain. Une berceuse, quelques mots simples en bahasa: ils disent de ne pas craindre le vent qui gronde, ni les chiens errants dans l’ombre. Un arbre s’ébroue très haut. Je retiens mon souffle, protège mon enfant de mes mains. Un singe peut-être, ou un ours des cocotiers. Le bois se tait un court instant puis reprend sa rumeur nocturne.