Citations de Carl Norac (157)
Comptine d'automne
(à lire en soufflant très fort)
Le vent d'automne a laissé,
sur mon répondeur, un message.
D'où a-t-il appelé?
S'est-il faufilé
dans une cabine?
Qui lui a donné
mon numéro privé?
Son message disait :
"Schchchchchchchchchchchchch
schchchchchchchchchchchchch
schchchchchchchchchchchchch..."
Puis il a raccroché.
Je lui demande en souriant comment il fait pour toujours me surprendre.
- Oh, ça fait partie de mon métier, répond-il. Car dans la vie, tu vois, je suis poéme.
Lola ne s'en fait pas. Elle a une autre idée. Elle court vers le garage et s'écrie :
- Papa! Prends-moi dans tes bras!
- Lola, c'est impossible! dit Papa. Mais, mets-toi sur la pointe des pieds. Je vais essayer de te donner un bisou sur le nez.
" Un bisou, c'est trop court!" pense Lola. Courageuse, elle prend son élan et traverse le couloir en courant.
Enfin dans sa chambre, Lola serre son doudou contre elle.
- Tu as de la chance, lui murmure-t-elle. Toi, tu n'as pas peur : tu es dans mes bras!
petit caillou, grand bonheur !
A l'école, Lola cherche d'autres petits et grands bonheurs à emporter. Frankie lui tire la langue. " Toi, faut pas rêver, lui crie Lola, il n'y aura jamais rien de toi dans mes boîtes!"
Une nuit la Grande Ourse se détache, quitte le pays du ciel et descend sur la Terre. Aussitôt des milliers d'étoiles filantes se précipitent à sa recherche.
Quand la bête ouvrit sa large gueule, le garçon y enfonça le bout de bois. Le serpent ne put que l'avaler. Il tomba dans la poussière, tout raide.
Il essaya de glisser sur le sable, comme le font tous les animaux de sa race, mais il n'y arriva pas.
(Livre dédicacé à notre fils Yoann par Carl Norac)
Miel de toi
à chuchoter quand le vent se tait
Je dis du miel de toi,
le dernier miel au goût de pomme,
de tournesol. Septembre va.
Je dis des bogues. Je dis des noix.
Je dis des mots. Je dis des mûres.
Je dis du miel de toi
au premier ciel couleur de pomme.
Tourne, soleil. Octobre est là.
Le soleil est une femme tatouée
qui brille pour tout le monde.
Quelque part dans l'univers,
elle a dû désirer être mère.
Tatouée, elle l'est de ses rayons,
elle nous enseigne, de loin, l'horizon,
à vivre l'ombre et la lumière,
à nouer ensemble le jour et la nuit.
J'ai un silence à te dire.
Il est bavard, ce silence. Il siffle dans ma tête
dès que je te vois, il rougit sur mes joues,
me gratte le nez, tremble sur mes lèvres,
toussote dans ma gorge,
fait des claquettes sur le parquet
et sur cette page, voilà
qu'il me tombe des mains.
UNE DERNIÉRE QUESTION
Ce qui est beau pour moi :
un bateau où personne
n’a peur de se noyer,
une école où on apprend
aussi à rire
et à rêver,
un livre qui nous parle
comme si c’était un ami,
un caillou ou un nuage
qui soient uniques au monde,
un mot caché
qui s’envole de tes lèvres
avant même que tu parles,
Et pour toi, s’il te plaît,
au fond de toi,
sur tes sentiers, dis-moi :
de quoi te parle-t-elle
en secret, la beauté ?
Nous allons chercher le fond des choses
dans l’effet miroitant
de la bruine sur l’étang.
Nous avons peur de noyer nos mots :
c’est écrit.
Nous avons peur que le silence nous dévore :
c’est écrit.
Nous avons peur du temps quand il passe
trop vite ou se tait pour nous attendre :
cela demeure à écrire,
à l’envers de la nuit ou à contre-jour.
C’est pourquoi nous traçons encore
nos poèmes, sans détour,
pour nager, moins vaguement,
vers le fond des choses.
Toucher les mots
Enfant, je savais que la peau des mots peut se toucher,
que les arbres marchent à leur allure
et se parlent sans trop insister sur leurs racines.
Enfant, je savais tout, sauf qu’il faut désapprendre.
Et retourner au chemin où nous nous sommes perdus,
ignorer des cailloux posés en d’autres vies,
en ramasser parfois, puis partir
vers le premier sentier qui le demande.
Enfant, je savais que la peau des mots peut se toucher,
que son épiderme est parsemé de sens,
souvent un peu cachés, comme il se doit.
Ce que m’enseignèrent ces mots, à moi l’enfant tactile,
c’est qu’un seul geste imprécis dessine l’univers.
Monsieur Mozart travaille beaucoup. Son père compte les sous. Il adore cela son papa.
Ce matin il va en cachette dans le jardin,
Il trouve des pommes de terre et en mange plus de dix.
Les bonbons, c'est moins bon, sans Simon.
Monsieur Stein ne se découragea pas. Il construisit un oiseau pour porter ses rêves tout là-haut. L'oiseau vola si bien et si loin que jamais il ne revint.
Ici, les rêves de jour sont interdits, il faut les cacher. Certains chats les tiennent sous la langue, prêts à les avaler. D’autres matous les chantent ou les dessinent. (…)
Des chats plus audacieux veulent voir pour de vrai les rêves vivre. Ils s’enfoncent dans les lignes interdites, esquissent un tag ou osent un graffiti. Leur espérance de vie dure le temps d’un songe. Sur le pavé, ils crèvent. Le rêve était leur seul trésor. (p. 65)
Lola se sent perdue. Même au petit coin, elle n'est pas très rassurée. Il y a de drôles d'ombres sur le papier peint.
PREMIER REGARD
Un battement d’ailes de papillon
peut changer l’avenir.
Alors, que dire du battement
de tes cils ?
Tu me regardes en riant
et le futur n’a qu’à bien se tenir.
Tous les instants vont par deux
et prennent tout leur temps
quand ils sont dans tes yeux.