Cate Tiernan

Il s'est penché pour m'embrasser le cou et j'ai pivoté la tête pour lui offrir un meilleur accès. Lentement, il a déposé des baisers soigneux le long de mon cou et de ma mâchoire. Je me suis tournée vers lui pour lui faire un sourire ironique: il semblait se sentir aussi mal que moi. Il me semblait pathétique que même si nous ne tenions pas la forme, nous avions toujours le fort désir de nous étreindre. Ses lèvres étaient douces sur les miennes: elles bougeaient lentement, de peur d'empirer notre état.

À ce moment même,pendant que Justine prenait une respiration avant de me torpiller de nouveau,j'ai pris conscience que quelqu'un m'observait,effectuait un présage pour me trouver.J'ai cligné des yeux et je me suis concentré en sachant que Justine venait de déceler cette présence.C'était Morgan qui essaiyait de me trouver.Elle avait dû négliger de jeter des sortilèges d'ombrage.Dès que j'ai établi le lien,elle a disparu,comme si elle avait uniquement tenté de me localiser pour savoir où j'étais.J'ai regardé Justine et me suis aperçu à quoi ressemblait le tebleau:ses mains étaient posées sur mon ventre,je lui tenais les bras et nous nous disputions avec passion.J'ai compris ce que Morgan devait avoir vu.

La Grande épreuve en valait-elle la peine? La maladie, l'agonie perçante, les mains griffées et déchirées, les trous dans les cuisses, creusés alors que je huralis de terreur et de désespoir et que je tentais de ressentir quoi que ce soit de normal, de reconnaissable, même s'il s'agissait d'une douleur physique? Mon cerveau a été ouvert et exposé, mon corps a été retourné dans tous les sens. Pourtant, au milieu de cette destruction se trouve la résurrection; dans l'agonie se trouve la joie; dans la terreur, l'espoir.

hunter a expulsé son soufle avant de se raseoir sur sa chaise.il a glissé ses longs doigts dans ses courts cheveux blonds. j'ai songé qu'il semblait devenir encore plus attirant chaque fois que je le voyais. Le salaud.

Jai eu l'inpression qu'un nouvel univers s'ouvrait en moi. Que mon âme était infinie, intemporelle. Quand j'ai rouvert les yeux pour regarder Hunter, il émanait de lui une lumière dorée; on aurait dit que le soleil avait trouvé refuge au fond de son coeur et lui prêtait son éclat. C'était magyque.

Hunter touchait chaque parcelle de moi. Me tenir près de lui sans le toucher était un délicieux tourment ; laisser sa présence caresser chacune de mes terminaisons nerveuses plongeait mon corps dans un état complet d'anticipation.

Le 14 juin 1942

Les fantômes sont furieux, aujourd’hui. Ils ont brisé un vase dans l’entrée et renversé une lampe. La lampe a failli tomber sur notre chat, Tady. Il s’est réfugié sous le sofa. Mère nous a dit d’être courageuses et de ne pas pleurer, alors je m’y efforce. Je n’ai pas pleuré une seule fois, même lorsque les fantômes ont commencé à faire claquer la porte de ma chambre. Ma petite sœur, Tioma, n’est pas aussi forte que moi. Elle s’est cachée dans son placard pour sangloter. Elle ne comprend pas que nous devions prouver aux fantômes que nous ne les craignons pas. C’est là la seule façon de nous en débarrasser.

Aoibheann

C'est si bon de te revoir, me dit Cal, et son regard doré si chaleureux semble sonder mon âme.

-Elle est magnifique, a murmuré Morgan en essayant de la sortir de l'écrin avec des gestes maladroits.

Il l'a aidée à la passer à son doigt.

-Je suis vraiment fier de toi, Morgan, a-t-il murmuré. Incroyablement fier. Et incroyablement heureux. Et incroyablement amoureux.

- Je n'arrive pas à croire que c'est fini, a soupiré Hunter.

J'ai hoché la tête en souriant vaguement.

- Moi non plus. Je veux juste que la vie redevienne normale- quoi que cela veuille dire pour nous.

J'ai tendu les pieds vers le feu qui brûlait dans la cheminée de chez Hunter. Il nous avait fallu un moment pour regagner la voiture et décider si nous étions capables de conduire, mais nous étions enfin réunis au chaud, à nous reposer en buvant du cidre chaud aux épices.

- Vous avez tous été formidables, a déclaré le père de Hunter.

- Nous formons une bonne équipe, a répondu Hunter.

Alisa semblait contente. Ce qui m'a rappelé une chose. Je me suis levée pour examiner sa blessure. Elle ne saignait plus depuis une heure et elle n'avait plus trop mal. Je lui avais donné de l'Arnica montana à prendre toutes les six heures pendant deux jours. Elle guérirait vite.

- J'ai hâte que les autres sorciers apprennent la nouvelle,ai-je déclaré. Depuis si longtemps, il n'y avait pas de défense contre la vague noire... Tout va changer. C'est comme si vous aviez découvert la pénicilline, monsieur Niall.

- Je t'en prie, appelle moi Daniel. Ou Maghach.

La Déesse soit louée. Il m'accepte enfin. J'avais toujours eu du mal a prononcer son nom, et puis nous avions fait un tàth meàmna.

- J'ai bon espoir que le sort fonctionne ailleurs, là où il sera nécessaire. Tant que les spécifications et les limitations sont adaptés en conséquence. Mais oui, c'est une excellente nouvelle, pour toute la communauté des sorciers.

- Je n'arrive toujours pas à croire ce que j'ai ressenti, quand le courant énergétique m'a traversé... a ajouté Alisa. C'était...très...

- Indescriptible,ai-suggéré, et elle a acquiescé.

- D'une manière positive.

Depuis que Sky est partie, je m’étonne des changements dans la maison. Il y a moins de lessives à faire. Et plus de truc dans le frigo… même si c’est moins appétissant. Le courrier s’empile – pourquoi lui faut-il autant de ces fichus catalogues ?- Et je peux toujours me garer au meilleur endroit, juste devant l’allée. Sans oublier que la maison est calme : il n’y a plus de vibration m’avertissant que je ne suis pas seul, que ma cousine est avec moi.

En parlant de lessive, il faut bien dire que les fringues des mecs sont déprimantes. Je porte des jeans, des T-shirts, des chaussettes, des caleçons. Et ce, jour et nuit, été comme hiver. Les habits de sky sont bien plus élaborés- plein de truc de filles dont j’ignore même le nom. Morgan n’a pas une garde-robe aussi variée. Elle se contente le plus souvent de jeans ou de pantalon en velours, T-shirt ou pulls. Elle met des culottes toutes simples, et jamais de soutien-gorge. (Cool!) C’est drôle – elle n’essaye pas d’être sexy. C’est inutile. Un regard vers elle suffit, et je me rappelle ce que j’éprouve quand elle s’accroche à moi, qu’elle se presse tout contre moi, je me rappelle la douceur de sa peau, son parfum, sa présence, son aura…mes neurones fondent et je deviens incapable de former des phrases correctes. Comme en ce moment.

Je ne me suis toujours pas remis de ce que m’a appris Sky . J’ai passé plus de la moitié de ma vie à rêver de les revoir un jour. Et maintenant que mes supérieurs du conseil international des sorciers m’en ont donné la permission et m’ont aidé à reconstituer leurs déplacements, je suis prêt à partir. Il ne me reste qu’à organiser mon départ.

Alwyn, qui n’avait que quatre ans lorsqu’ils ont disparu, se souvient à peine d’eux. Linden, lui, est mort en tentant de les revoir. Et en échouant. En fait, la tournure des événements me paraît trop énorme. Au fil de toutes ces années, mes parents sont devenus des personnages presque mythiques – les autres sorciers prononcent leurs noms avec respect, curiosité ou mépris, parfois. On me dévissage comme si leur héritage était gravé sur mon front.

C’est à la fois la chose la plus excitante et la plus terrifiante qu’il me soit jamais arrivé. Plus encore que notre accrochage avec Ciran, à New York. Ou que le jour ou Morgan s’est métamorphosée en loup et a failli m’éventrer. Par la déesse, quand je repense à tout ce que nous avons traversé… Je voudrais tellement qu’elle puisse m’accompagner…

Si Sky était là, elle se serait proposée. Mais j’aurais refusé. Elle est toujours fragile depuis sa rupture avec Raven. Son séjour en France lui fera du bien. Cependant, savoir que j’aurais Morgan à mes côtés le jour je reverrais mes parents pour la première fois après une dizaine d’années de séparation aurait vraiment facilité les choses. Elle a l’esprit pratique et elle est si fort qu’elle peut affronter n’importe quoi, ou presque. J’ai tant besoin d’elle…

Un torrent de force et d'amour s'est déversé en moi et j'ai su aussitôt que c’était lui qui m'envoyait ces émotions . Je m'y suis baignée avec bonheur.

- Regarde-moi, bon sang ! m'a-t-il ordonné en s'avançant tout près de moi. Regarde-moi et dis-moi que c'est fini.

En levant les yeux vers lui, j'ai de la douleur, de la peine et de la confusion dans son expression. Et aussi de l'amour.

- C'est fini, ai-je articulé en ravalant mes larmes.

Avril 1986

Aujourd'hui, j'ai surpris Giomanach, qui a maintenant trois ans et demi, penché au-dessus d'un bol rempli d'eau. Il le fixait tellement fort qu'il en louchait presque. Lorsque je l'ai interrogé, il m'a dit qu'il lançait un sort de divination pour sa petite soeur. La déesse en soit témoin, j'ai sursauté. Nous ne lui avions pas encore dit que Fiona attendait notre troisième enfant, et il le savait. Il apprend étonnamment vite.

Je lui ai demandé s'il avait vu quelque chose, sachant qu'il est bien trop jeune pour la divination. Il m'a répondu qu'il avait en l'image d'une petite fille aux yeux et aux cheveux sombres. J'ai souri, lui assurant que l'avenir nous dirait s'il avait vu juste. Pourtant, ma lueg m'a déjà monté notre Alwyn: comme sa mère, elle aura les cheveux roux et les yeux verts. Manifestement, l'eau a menti à mon garçon. A moins quelle ne lui ai révélé une autre vérité.

Puis Giomanach a abattu la paume de sa main sur le bol, si bien que l'eau a giclé partout. J'allais le gronder mais, en voyant son sourire malicieux, je n'ai pas pu m'y résoudre. Il illumine ma vie comme un soleil. Après avoir vécu dans la crainte pendant deux ans, je commence à croire que rien ne va nous arriver, que la vie peut être simplement merveilleuse.

Maghach (le père de Hunter)

En l'observant, j'ai vu qu'il fixait ma bouche.

-Et à ce moment là, a-t-il continué, ceux qui en ont souffert, comme toi ou moi, pourront... tourner la page.

Ses paroles avaient la douceur des feuilles mortes qui se détachent de la branche, volettent un instant et tombent sur la neige. Ma gorge s'est nouée, comme sous la pression d'un torrent d'émotions. Impossible de m'en libérer... je ne savais même pas par où commencer.

Je l'ai vu se pencher vers moi, poser sa main sur mon menton - sa peau était froide comme le marbre - et relever mon visage. Par la Déesse, il allait m'embrasser! Les yeux plongés dans les siens, j'ai une nouvelle fois pris conscience de ce lien entre nous, entre nos âmes. Soudain, j'ai senti une petite source de chaleur contre ma gorge: le pentacle de Cal. Comprenant soudain la situation, j'ai repoussé violemment Hunter.

-Qu'est-ce que tu fais? me suis-je indignée.

Aujourd'hui, j'ai passé le braigh aux poignets de David Redstone. Elle a tout vu. Je doute qu'elle me pardonne un jour.

Il le faut pourtant, parce que j'ai besoin d'elle. O Déesse, comme j'ai besoin d'elle.

Je crois que je suis en train de tomber amoureux. Et ça me fait peur.

Gìomanach

Il a posé la main sur ma joue.

- Excuse-moi, Morgan. J'ai peur qu'il ne t'arrive quelque chose. Je voudrais te protéger, a-t-il expliqué avec un petit sourire. Tu ne peux pas m'en vouloir pour ça, si ?

Il s'est penché vers moi. Doucement, ses lèvres chaudes ont effleuré les miennes. Nous nous sommes embrassés avec passion, et je me suis senti pousser des ailes.

-Si un sorcier de sang la tient dans le creux de sa main et lui envoie de l'énergie, elle révèle ce qui compte le plus pour lui.

Hunter a soulevé sa main et, au coeur de la pierre, j'ai vu mon visage.

Un loup à la fourrure aux pointes argentées et aux dents d’ivoire brillant sous la lumière d’une bougie avance à pas feutrés sur un plancher en marbre foncé et poli en direction d’une table en pierre. La pièce est énorme et des bougies noires brillent depuis des bougeoirs muraux. Des moulures en plâtre ornées de motifs de feuilles et de vignes. Un couguar aux muscles ondulants sous une fourrure fauve bondit vers la table, ses yeux dorés brillant. Des rideaux noirs couvrent des fenêtres hautes et étroites. Un grand-duc d’Amérique, aux ailes et aux griffes déployées, survole la table. L’air est chargé de l’odeur des animaux. Une vipère serpente sur la table, les crocs exposés. Un aigle, un ours énorme. Un jaguar dont la queue fouette l’air. L’air est crépitant de pouvoir sombre. Un chandelier en argent aux motifs recherchés et chargé de bougies noires est posé sur le dessus d’une armoire en ébène. Un faucon dessine des cercles. Un athamé serti d’un seul rubis rouge sanguin. Un chacal et une belette, ayant tous deux l’appétit avide. Le loup affamé. Tous les animaux resserrent leur étau autour de la grande table ronde en pierre où un louveteau est couché et ligoté, les yeux écarquillés de terreur, son petit corps tremblant. Une par une, les bougies vacillent. Les ténèbres s’épaississent, deviennent plus denses. Et le louveteau hurle.

L’assemblée m’a déclaré non coupable de la mort de Linden. Le vote des anciens des Sept grands clans n’était pourtant pas unanime. Le représentant des Vikroth et celui des Wyndenkell, le clan de ma propre mère, ont voté contre moi.