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Critiques de Catherine Sauvat (27)
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Alma Mahler. Et il me faudra toujours mentir

Cela fait un bout de temps que la personnalité d'Alma Mahler m'intrigue, ou plutôt ses relations avec différents hommes célèbres. En 1988, à sa sortie, j'avais acheté l'ouvrage "Alma Mahler ou l'art d'être aimée" de Françoise Giroud, mais j'ai commis l'erreur de le prêter à quelqu'un avant de le lire et il ne m'a pas été retourné. C'est tout récemment que je suis tombé sur la biographie par Catherine Sauvat au titre significatif : "Alma Mahler. Et il me faudra toujours mentir" de 2009.

La première fois que je l'ai croisé, en lecture, c'est dans l'ouvrage d'un de mes grands héros, Varian Fry, "Quand les artistes fuyaient les nazis", lorsque ce jeune Américain a aidé l'auteur Franz Werfel et son épouse à passer en Espagne (voir mon billet du 05-06-2017).



Catherine Sauvat, d'origine hongroise, est une experte en biographies. En ordre chronologique, elle en a écrit sur l'auteur suisse Robert Walser, Stefan Zweig (no comment !), l'écrivain viennois Arthur Schnitzler, le compositeur et pianiste américain Louis Moreau Gottschalk, le génial poète de Prague Rainer Maria Rilke, l'écrivaine suisse d'origine russe Isabelle Eberhardt et Soeur Sourire (pas de commentaire non plus).

Elle a aussi publié un splendide ouvrage sur les grands peintres flamands et hollandais "De Bruges à Amsterdam, lumières du nord", en 2003.



Essayer de cerner cette personnalité et son succès remarquable auprès de la gent masculine n'est sûrement pas évident, bien qu'elle ait laissé 22 carnets de "Journal intime" , paru chez Payot en 2010 et une autobiographie "Ma vie", publiée chez Hachette en 1985. Mais comme Catherine Sauvat nous prévient déjà par le titre de son oeuvre avec le mot fatidique "mentir", je me pose la question sur l'opportunité d'analyser ses propres écrits pour justement la cerner ou comprendre ? L'auteure parle à ce propos de "grand travail d'édulcoration", de "nombreuses inexactitudes " et "loin d'être fiables". Elle a par exemple supprimé ses "divagations antisémites", fait assez choquant pour une femme qui a épousé 2 Juifs !



Mais qui était au juste cette "mante religieuse" ?



Il est incontestable que notre Alma, née Schindler à Vienne en 1879, a hérité certaines caractéristiques de ses parents : de son père, le peintre paysagiste Emil Jakob son esprit de la superbe et le goût du luxe (bien qu la famille ait vécu pendant longtemps très chichement, faute de sous) ; de sa mère, la cantatrice Anna Bergen, elle a vu l'exemple de l'infidélité conjugale. Son unique soeur, Gretl de 2 ans sa benjamine, avait comme père un collaborateur de son père, bien que le couple Schindler fût toujours marié.



S'il est vrai qu'Alma avait elle-même certains dons pour les arts, entre autres comme créatrice de "lieder" (poèmes chantés par 1 voix accompagnés de musique) et peintre amateur, ce n'est cependant certainement pas sa production artistique qui lui a fait sa célébrité. Sa renommée est basée essentiellement sur la qualité de ses époux : le compositeur Gustav Mahler (1860-1911), de qui elle a eu 2 filles Maria (morte à 5 ans) et la sculptrice Anna (1904-1988 et mariée 5 fois) ; le grand architecte et fondateur du "Bauhaus" Walter Gropius (1883-1969), qui lui a donné une fille Manon (morte à 18 ans de polio) et le romancier et dramaturge Franz Werfel (1890-1945), auteur d'entre autres un ouvrage fascinant sur le génocide arménien " Les 40 jours du Musa Dagh" de 1933.



Outre ses époux , il y a eu ses amants, tels le biologiste Paul Kammerer (1880-1926) ; le professeur, prêtre et grand ami du chancelier Kurt Schuschnigg, Johannes Hollnsteiner (1895-1971), mais surtout l'illustre peintre expressionniste Oskar Kokoschka (1886-1980), avec qui elle a eu une passion orageuse. Notre Alma figure sur plusieurs de ses tableaux, dont le plus réputé est probablement "la fiancée du vent" de 1913.



D'autres facteurs ont contribué à sa notoriété, bien sûr, sa beauté (quoique cela soit évidemment subjectif), sa façon de se comporter en public, son allure altière, sa manie d'échanger des sois-disantes confidences, sa garde-robe et bijouterie, les salons qu'elle a organisés d'abord à Vienne et ensuite à New York, où tous les grands de ce monde sont passés. Soucieuse de se tailler une place de choix parmi les grands hommes de son époque, elle a réussi d'être "au centre d'un microcosme bouillonnant ".



Que parmi ses nombreuses connaissances, les avis étaient (très) partagés n'a évidemment rien d'étonnant...le contraire le serait ! Entre ceux qui lui faisaient la cour ou lui couraient après et ceux qui ne pouvaient l'encaisser, l'écart était monumental. le Prix Nobel littérature, Elias Canetti, (pourtant amoureux de sa fille Anna) appartient sans aucun doute à cette dernière catégorie. Cette femme qu'il est supposé admirer l'écoeure.



Même longtemps après sa mort, intervenue en 1964 à New York City à l'âge de 85 ans, les avis restent fort partagés. Allant de dangereuse femme fatale à une artiste méritante "dont l'élan aurait été brisé". À ce sujet Catherine Sauvat note (à la page18) : "La transformer en icône, comme l'a fait il y a un certain temps Françoise Giroud en insistant sur sa vocation étouffée, ne peut rendre toute la complexité du personnage". Affirmation correcte ou fausse, chers amis qui ont lu sa biographie par la journaliste française ?



Quoiqu'il en soit la biographie par Catherine Sauvat se lit comme une histoire à suspense. On tourne et tourne les 236 pages et on est surpris d'arriver sans crier gare aux "Notes" très intéressantes, par ailleurs, en fin de volume. Et l'auteure a une expérience solide en matière de biographies, L'ouvrage compte en plus 8 pages de photos en noir et blanc.



J'ignore comment c'eût été s'il m'était arrivé de croiser son chemin, mais honnêtement je ne crois pas que cette rencontre aurait rempli Alma Mahler d'un enthousiasme délirant pour un simple fonctionnaire à la retraite !
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De Bruges à Amsterdam

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« Avec la mer du Nord pour dernier terrain vague

Et des vagues de dunes pour arrêter les vagues

Et de vagues rochers que les marées dépassent

Et qui ont à jamais le coeur à marée basse

Avec infiniment de brumes à venir

Avec le vent de l'est écoutez-le tenir

Le plat pays qui est le mien » - Jacques Brel



Ce joli livre a un charme particulier, désuet.

Des impressions de peintres, une flânerie dans les siècles passés, photographique, picturale et poétique, entre ciel et terre dans ces plats pays que sont la Flandre et la Hollande, régions de brumes, de lignes incertaines, de canaux, de ciels délavés, où des trouées de lumière surgissent par instant pour attirer l'oeil de l'artiste.



Ce n'est pas un hasard si les plus grands maîtres de la peinture ont trouvé leur source d'inspiration dans ces horizons bas aux teintes en clair-obscur. La scène de genre, saynète de la vie quotidienne, s'est épanouie dans ces régions du nord de l'Europe : jeunes femmes à leur toilette, lisant une lettre d'amour, jouant du virginal ou brodant ; parfois un militaire tente de séduire une dame, un couple profite d'un moment de griserie amoureuse, ou des fêtards boivent et s'amusent.



De Bruges à Gand

On mesure difficilement aujourd'hui l'ampleur de la suprématie commerciale et la richesse de ces villes aux 14e et 15e siècles. Les bourgeois de Bruges s'arrachent les toiles de Petrus Christus ou de Jan van Eyck, peintre de Philippe le Bon : les tissus sont bordés de fourrures, dentelles, velours et broderies ; les couleurs vibrent : dans la toile de van Eyck « Les époux Arnolfini » la couleur verte de la robe de la femme explose contre le rouge intense du lit sur lequel un petit chien va s'étendre.



Anvers

Nous sommes dans la cité du grand peintre baroque Pieter Paul Rubens. Une fête de la couleur et des formes. Cet artiste adorait montrer de plantureuses jeunes femmes flamandes au teint de pêches bien mûres d'une sensualité débordante.

Deux autres très grands peintres font la renommée de l'école de peinture anversoise : Antoine van Dyck et Jacob Jordaens. Ce dernier, un homme simple, bon vivant, jouisseur, se régale à peindre des représentations de banquets de famille comme « le roi boit » montrant des jeunes et des vieux festoyant en chantant.



Amsterdam

Un charme fou ! Cette ville est étonnante, suspendue entre ciel et eau. En seulement sept ou huit siècles, à force de digues et d'écluses, les habitants ont chassé les anciens marécages pour élever cette cité bâtie au-dessous du niveau de la mer où les maisons reposent sur des pilotis. Une cité lacustre ! le passé est constamment présent avec ses maisons à pignons et ses canaux l'enserrant dans une gigantesque toile d'araignée. Quelques moulins à vent zèbrent le ciel de leurs ailes mouvantes.

Le peuple néerlandais est prospère et la demeure familiale s'impose comme le modèle idéal pour le pays. L'art est présent partout. Les scènes de genre, de dimensions réduites, s'accrochent même dans les demeures les plus humbles.

Sans conteste, Rembrandt a marqué la ville de son empreinte. « Où donc Rembrandt eût-il pris son or et ses rouges, et cette lumière argentée ou roussâtre où le soleil et la poussière d'eau se mêlent, s'il n'eût toujours vécu à Amsterdam » interroge Elie Faure.



Haarlem

La petite cité à vingt kilomètres d'Amsterdam est encore imprégnée de la virtuosité de ses peintres. le musée Frans Hals, ancien hospice, nous ouvre ses portes. Les contemporains parlaient « d'écriture du maître » pour qualifier sa technique audacieuse, si naturelle, toute en vivacité, spontanéité. Sa spécialité est les portraits de groupe grandeur nature commandés par les régents ou milices de la ville. Van Gogh qui l'admire écrit à son frère : « Peindre d'un seul coup, autant que possible, en une fois ! Quel plaisir de voir ainsi un Frans Hals ! »



Delft

Le siècle d'or dérive lentement au fil de l'eau des canaux. Il règne une atmosphère particulière dans cette ville rappelant les tableaux de Ter Borch ou De Hooch montrant la vie quotidienne dans des intérieurs bourgeois ouverts sur des cours illuminées où des enfants s'amusent.

Johannes Vermeer devait avoir connu certaines de ces anciennes demeures habilement sculptées, aux pignons découpant le ciel. de sa magnifique « Vue de Delft » il reste peu de chose : la Nieuwe Kerk sur la Market Place, des nuages illuminés qui font encore miroiter l'eau du canal sur lequel glissaient les élégants coches d'eau. Même « La Ruelle », sa jolie petite toile montrant quelques maisons et des enfants jouant dans la rue s'est évaporée.





Les amateurs de beaux livres superbement illustrés se réjouiront de cette balade dans le Nord.




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Depuis que je vous ai lu, je vous admire

Durrel joutant avec son "maître" Miller à propos des écrits du jeune Kerouac (qui n'en a rien à fiche que le premier ne l'aime guère et le second l'adore) ; Burroughs et Ginsberg, encore bercé par Rimbaud et Baudelaire, viennent à Paris et trouvent qu'il ne s'y passe grand chose à part Genet et Céline, allant, pour ce dernier, jusqu'à lui rendre visite ; Oscar Wilde le dandy qui rend visite à Walt Whitman le vieux poète ; la très jeune Bettina von Arnim qui se jette sur les genoux du passablement âgé Goethe, voilé quelques exemples de ce que regorge cet essai, ou plutôt cette mine d'or d'anecdotes littéraires, dressant de mini-biographies de souvent jeunes auteurs voulant absolument approcher, rencontrer, questionner leurs plus grandes influences (Thomas Mann pour Susan Sontag, Conrad pour Gide, Miller avec Cendrars...). C'est amusant, très documenté, souvent passionnant, bien écrit et cela dit beaucoup de choses sur l'adoration et toute la déception et la frustration qui entoure la rencontre, ce premier pas qui, au fond, brise la magie - l'aura d'un auteur. Et la question se pose : doit-on rencontrer nos auteurs favoris ? au risque de ne plus les apprécier après ? Un livre qui rend plus cultivé et qui pose des questions en ébauchant des réponses, c'est un peu une réussite, non ?
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Depuis que je vous ai lu, je vous admire

Qu'il soit admirateur ou admiré, Châteaubriant, Gide, Verlaine, Hugo, T. Mann, R. Char, et d'autres, tous ces auteurs qui parcourent ces pages nous étonnent par leurs réactions, leurs phrases pas toujours sympathiques ou accueillantes. L'autrice a recueilli divers témoignages de ces plumes qui viennent rencontrer leur idole. Livre très intéressant, rempli de surprises et d'anecdotes.
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Depuis que je vous ai lu, je vous admire

Très Jolie découverte en flânant à la Librairie-édition "Le Dilettante", place de l'Odéon [Lundi 11 octobre 2021 ]



Un vrai régal…Une lecture aussi euphorisante que ludique et éclairante, nous faisant voyager sur cette planète magique qu'est la Littérature…



L'auteure, au fil d'anecdotes savoureuses, inédites nous fait croiser nos grands écrivains au seuil de leur carrière, rêvant de rencontrer leurs maîtres et modèles qu'ils vénèrent… Ainsi, nous assistons, heureux, ou déçus , ou désolés, aux rencontres réussies ou franchement ratées entre les jeunes auteurs en devenir et leurs maîtres et modèles…plus ou moins réceptifs à ces admirateurs acharnés !!



Il y a des rencontres, croisements croquignolesques : je songe au jeune Victor Hugo se présentant à son idole : F.R de Chateaubriand…Un Oscar Wilde touchant,émouvant, se défaisant de ses simagrées mondaines devant son poète préféré, Walt Whitman, se retrouvant comme un petit garçon, éperdu d'admiration… et puis les déceptions cuisantes et brutales, comme Raymond Roussel essuyant , en dépit de son obstination méritante, un accueil indifférent , glacial et sans réciprocité de Pierre loti…Une Françoise Sagan pleine d'admiration pour les écrivains américains, Tenessee Williams, et Carson Mc Cullers, etc.



Histoires d'amour, d'amitié éblouissantes, magiques ou descentes brutales des piédestals !!

Des oscillations extrêmes, qui, toutefois ne font pas renoncer les écrivains ou poètes en herbe, à leur passion des mots, de l'Ecriture et aux "objets de leur vénération" !!



« Introduction-- Pour les écrivains visités, la question est plus délicate encore. Comment se montrer à la hauteur des émois que leur plume a fait naître ? Quel conseil donner à celui qui se cherche à tout prix un destin littéraire ? Comment pourrait-il faire coïncider sa réalité et celle qu'on lui prête ? le voilà redevable d'un enthousiasme qui peut croître ou chuter selon un oscillographe capricieux dont il n'a pas la mesure. Sinon, gare ! Les jeunes ingrats, passés les premières louanges, n'hésiteront pas un jour à déboulonner la statue du commandeur. du reste, ne sont-ils pas venus, et de façon plus ou moins consciente , pour "tuer le père" ? »



Je ne rentre pas dans le détail de ces admirations fort nombreuses… elles sont aussi captivantes, que déroutantes , parfois, mais elles nous éclairent joyeusement sur l'histoire de la Littérature mondiale, ainsi que sur les influences, interactions entre les parcours des écrivains et poètes.



Ouvrage complété par une bibliographie nous prolongeant dans les coulisses de ces visites littéraires, ainsi qu'une page de conclusion de Catherine Sauvat exprimant fort justement cette « inépuisable admiration » qui nourrit son passionnant travail de biographe, qui parfois se teinte de fétichisme ( ouvrages de ses " idoles" enrichis de signatures originales !, objets divers) sans parler de "mimétisme " , des "Habitudes" des écrivains étudiés, accompagnant ,ou surgissant parfois dans son quotidien !)





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Fol amour : Petites scènes du désordre amoureux

Quel dommage ! Je ne comprend pas comment les auteurs on pu se perdre à ce point dans ce si jolie projet qui partez pourtant très bien.



Le gros problème dans ce livre c'est son concept. Oui rien que ça. Puisque l'auteur voulait nous parler des plus belles histoires d'amour de la littérature, jusque là tout va bien, si ce n'est...



Qu'elle nous révèle absolument tout sur les romans qu'elle présente ! du coup si le but était de nous faire découvrir auteurs ou de nous donner envie de lire certaines histoires, et bien c'est rater puisque que l'auteur résume de manière très détaillée les oeuvres citées.



Et le problème est que je ne voit pas très bien la nécessité de ce livre si il n'est pas de nous donner envie de découvrir les histoires présentées.



Cependant le point qui relève un peu mon opinion est le travail de LiliROZE avec ses photographies. de magnifiques inserts légèrement floutés qui donne une ambiance très sensuelle et luxueuse au livre.



Enfin bref...Un livre qui trahie sa propre essence et m'a laissée avec un goût très amer puisque j'ai du passer un bon nombre de pages pour ne pas être spoliée sur toutes les histoires présentées.
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Fol amour : Petites scènes du désordre amoureux

Un beau livre sur l'amour et son discours. Pour les passionnés uniquement!
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L'homme à la fourrure

Un auteur dépassé par son œuvre



[Résumé] Avec pudeur et retenue, Catherine Sauvat met en lumière la vie méconnue de cet écrivain dont le nom devint, bien malgré lui, une maladie psychiatrique pour la bourgeoisie bien-pensante autrichienne, éclipsant durablement son œuvre.



Le dessin délicat d’Anne Simon s’avère particulièrement expressif et rend Leopold von Sacher-Masoch, auteur rattrapé et dépassé par ses écrits, particulièrement touchant et attachant…


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L'homme à la fourrure

Qui se souvient encore de cet illustre inconnu qu’est Léopold Ritter von Sacher-Masoch ? De son œuvre prolifique et éclectique, publiant de son vivant plus de cent romans, contes, recueils de nouvelles et pièces de théâtre ? Mais aussi des ouvrages à la portée sociale, philosophique voire même mystique. Un touche-à-tout érudit, qui fut connu dans l’Europe entière, distingué par la légion d’honneur en France en 1887, où il connut un succès plus durable, et alors que son œuvre sulfureuse, La Vénus à la fourrure, était encore totalement inconnue ! (cet ouvrage ne sera traduit en français qu’en 1902). Et pourtant, malgré la gloire et les lauriers littéraires, von Sacher-Masoch a disparu des mémoires, ne reste que de lui un néologisme, le masochisme, inventé par le docteur von Krafft-Ebing, qui en fit le synonyme d’une déviance sexuelle. Avec L’homme à la fourrure, Catherine Sauvat et Anne Simon proposent de partir à la découverte d’un écrivain qui fut englouti par ses « fantaisies » et une époque passionnée par la psychiatrie et la balbutiante psychanalyse.



Graz, Autriche, 1872. Sacher-Masoch se livre chez lui à une lecture en public de son ouvrage, La Vénus à la fourrure. Public conquis, qui trouve certes les fantasmes osés, piquants, mais n’est pas choqué. Et le mystère demeure, l’histoire d’amour entre Wanda et Séverin est-elle réelle ou est-elle pure fiction ? Attirée, ou simplement curieuse, surgit alors Aurore Rümelin. Elle se propose d’être la Wanda de Léopold. Elle sera sa maîtresse dominatrice, celle qui acceptera de le maltraiter, de le fouetter, tout en se pliant à son obsession, revêtir toutes les fourrures qu’il lui achètera avant de le soumettre. Elle acceptera aussi le penchant candauliste de Sacher-Masoch : ensemble, pour être au plus près de l’histoire de La Vénus à la fourrure, ils chercheront des amants de passage. Souffrir dans l’amour, tel est le plaisir de Léopold.



Les premiers temps du ménage sont félicités. Wanda et Léopold sont complices. En public, elle s’efface, épouse ordinaire soutenant son mari dont le succès va toujours croissant. Et dans l’intimité, il est son esclave qui reçoit les humiliations avec bonheur. Mais très vite, le mariage bas de l’aile. La naissance d’un premier enfant, puis d’un second une année plus tard, déstabilise leur vie de couple. Wanda n’est plus si empressée qu’avant, elle se montre hésitante, puis se résigne devant l’insistance de Léopold à respecter le contrat signé. A Leipzig, où ils ont déménagé et où Léopold dirige une revue littéraire « Au sommet », elle le trompe avec le voisin. Première entorse au contrat. Le couple fera la rencontre d’un journaliste français, Armand de Saint-Cère, en fait un escroc qui parviendra à subjuguer le naïf Sacher-Masoch et à lui souffler sa femme sous le nez. Cette fois, Wanda quitte le foyer, abandonnant derrière elle son fils aîné. En son nom, elle contractera de multiples dettes qui finiront de ruiner Léopold, dont le succès va décroissant.



Ils divorceront et Léopold se remariera avec sa secrétaire, la timide Hulda Meister. Avec elle, les fantasmes de fourrure et de fouet disparaissent. Épouse modèle, elle soutient son mari dans ses difficultés. Ils emménagent à Lindheim, auront trois enfants. Une vie de famille bien banale en somme. Jusqu’à ce qu’ils découvrent, bien fortuitement lors d’un passage en librairie, qu’un médecin s’intéressant aux déviances sexuelles vient de créer un néologisme à partir de son nom. Le masochisme est né, et La Vénus à la fourrure en est la parfaite incarnation : « Ces perversions de la vie sexuelle peuvent être appelées masochisme, car le célèbre romancier Sacher-Masoch, dans de nombreux romans et surtout dans son célèbre La Vénus à la fourrure, a fait de ce type spécial de perversions sexuelles le thème favori de ses écrits. » On ne peut pas faire définition plus claire et plus infamante. Voilà l’auteur dévoré par son œuvre. Désormais, son nom est lié à celui du divin marquis, qui fut rejeté par ses pairs, condamné à la prison puis à l’asile d’aliénés. C’est l’opprobre. Tous les milieux se ferment peu à peu à Léopold.



Ce médecin, c’est Richard von Krafft-Ebing, et son ouvrage Psychopathia Sexualis, publié en 1886, fait référence et connaîtra de nombreuses réimpressions et traductions. Ce qui était jusque-là considéré comme une fantaisie osée, une obsession parmi tant d’autres, devient signe de perversion. La société change, évolue, progresse. Ce qui dépasse est déviance. Krafft-Ebing est l’homme en vue, l’expert que l’on écoute même au sein des tribunaux. Le lecteur entrapercevra l’affaire de la comtesse Sarolta Vay, accusée de se travestir en homme, d’avoir menti sur son état civil pour pouvoir épouser une femme. Paternalisme et misogynie feront le reste : c’est un cas de gynandrie, une maladie mentale congénitale. La comtesse n’est pas responsable de ses actes. Grâce au diagnostic de Krafft-Ebing, elle est libre. Mais à cause de lui, elle est désormais un monstre déviant mis au ban de la société. Tout comme le malheureux Léopold, qui est envahi par une horde de « malades » qui le prennent comme figure de proue de leur déviance.



L’homme à la fourrure est un roman graphique intéressant quoique laissant un petit goût d’inachevé. On y découvre la vie d’un auteur à la réputation sulfureuse mais qui est, au fond, un homme bien ordinaire dépassé par son œuvre. De cette œuvre monumentale, j’aurais aimé en savoir plus. Celle-ci ne sera que vaguement entraperçue à la toute fin, quand Léopold se lamentant d’être mis au même niveau qu’un fétichiste ou d’un exhibitionniste se promènera parmi une multitude de livres, les siens, déplorant d’être devenu moins un écrivain qu’un symptôme. De même, il est dommage que le portrait de la société autrichienne passionnée par les découvertes médicales sur les perversions et autres déviances sexuelles ne soit que survolé (bien que ce ne soit évidemment pas le sujet principal).



Pour évoquer la vie de Léopold, Anne Simon a fait le choix d’un dessin monochrome en noir et blanc expressif mais naïf. Le rouge, la seule couleur du récit, correspond à l’invasion, dans le réel, des fantasmes de l’auteur, permettant au lecteur de faire la distinction mais aussi de s’apercevoir à quel point ces deux aspects sont intrinsèquement liés dans la vie de Sacher-Masoch. C’est d’ailleurs dans cette couleur qu’est évoquée, à la fin de cette biographie, la scène primitive, celle qui esquisse une tentative d’explication quant à l’origine des fantasmes de notre écrivain. Réalité ou fiction, à vous de trancher.



Je remercie Babelio et les éditions Dargaud pour l’envoi de cette jolie bande dessinée.
Lien : https://enquetelitteraire.wo..
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L'homme à la fourrure

Si le dessin d’Anne Simon est délicieusement épuré, avec un trait assez rond à la Pénélope Bagieu, si l’utilisation parcimonieuse du rouge distille un nuage d’érotisme dans ces pages, l’histoire est délibérément et uniquement instructive.
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L'homme à la fourrure

Dans cette biographie attachante Catherine Sauvat et Anne Simon réhabilite avec délicatesse et élégance Leopold von Sacher-Masoch, auteur souvent réduit (à son insu) à la pratique sexuelle tirée de son patronyme : le masochisme.
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L'homme à la fourrure

L'écrivain Léopold von Sacher-Masoch avait hélas raison : de son oeuvre, de sa vie, ne sera retenu que le néologisme tiré de son nom, masochisme. Qui peut aujourd'hui citer un autre roman que la Vénus à la fourrure, oeuvre cannibale qui a dévoré toutes ses autres publications ? Catherine Sauvat , scénariste et Anne Simon , dessinatrice, rendent hommage à ce personnage torturé et lucide, avec pudeur et délicatesse. Le livre est beau, les dessins magnifiques, le noir et blanc cède la place au bistre quand les souvenirs refont surface. Parmi la pléthore de romans graphiques, bd s'attachant à un ou des personnages célèbres qui paraissent depuis ces quelques années, L'homme à la fourrure n'a pas à souffrir de la concurrence.

Reste maintenant à découvrir l'oeuvre de cet écrivain finalement méconnu.

Merci à la Masse Critique de Babelio et aux Éditions Dargaud pour m'avoir offert cet ouvrage. Décidemment, l'univers graphique se porte bien en ce moment, en tout cas, au niveau des productions !
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L'homme à la fourrure

C'est l'histoire d'un écrivain autrichien Sacher-Masoch qui à vécu au XIXeme siècle. Il est connu pour avoir écrit « La vénus à la fourrure », une œuvre sur un fantasme sexuel qui inspira le masochisme. C'est lui qui est un peu à l'origine de 50 nuances de Grey. En effet, il s'agit d'une déviation sexuelle dans laquelle le sujet ne trouve le plaisir que dans la douleur physique et les humiliations qui lui sont infligées.



Il a écrit bien d'autres œuvres plus sérieuses et plus intéressantes comme une histoire galicienne ou le legs de Caïn. Mais rien n'y fera. Son nom restera attaché derrière ce mot peu convenable. Le comble, ce n'est pas de lui mais d'un célèbre psychiatre dans la lignée de Freud. Or, les générations futures ne retiendront que ce mot. Il n'est plus un écrivain mais un symptôme d'une maladie psychiatrique !



J'ai bien aimé cette biographie de ce personnage qu'on ne connaissait pas vraiment. Il y a toute une histoire fort intéressante. A noter qu'il fut honoré par la France en recevant la légion d'honneur en 1883. Comme quoi !



Au-delà de tout cela, c'est tout le débat sur une œuvre qui échappe à son créateur pour devenir autre chose qu'on n'avait pas prévu. Les auteurs de cette bd ont sans doute voulu le réhabiliter et c'est plutôt réussi dans l'intention.



Sur le graphisme, un dessin monochrome tout à fait correct. Sinon, il n'y aura aucune scènes choquantes pouvant faire classer cette œuvre dans l'érotisme. C'est une biographie de ce qu'il y a de plus sérieux et très soft. Autrement, il faudra se rabattre sur 50 nuances pour les autres lubriques.

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L'Italie

L'Italie regorge de paysages inoubliables et d'oeuvres d'art magnifiques . C'est un échantillon des uns et des autres (forcément subjectif et parcellaire) que nous propose cet ouvrage superbement illustré par Benoit Nacci. 5 parties: Architectures et paysages/Images d'hier/Venise/Images de musée/La rue
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Le pianiste voyageur

Le pianiste voyageur est une biographie fascinante. Catherine Sauvat, de son écriture fluide, nous invite à un étonnant tour du monde dans les coulisses de la création musicale. Dans les pas d'une figure éminemment romanesque.
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Lune : La face cachée de la Terre

Mais quel beau livre !!! quel plaisir des yeux et de l’esprit ! complètement conquise et par l’aspect et par le contenu , je l’adore et il a trouvé une place de choix dans mon salon. Il faut dire que je suis gaga de la Lune, je l’adore, elle m’émeut et me calme. J’ai appris quantité de choses, me suis régalée des photos et illustrations . C’est un livre très complet et très à jour qui fait référence à différentes sciences et croyances autour de la Lune.



c’est la Lune qui a permis d’établir les premiers calendriers. Elle joue aussi l’horloge pour de nombreuses espèces, elle nous donne les marées, a le même cycle que le cycle féminin… Je suis totalement fascinée par cet astre d’une beauté éblouissante.



Un livre majeur sur le sujet, de toute beauté et extrêmement bien documenté. Une réussite totale.



Mention spéciale aux Editions de la Martinière qui à chaque fois me bluffe par la qualité de leurs ouvrages …



VERDICT



Un très beau livre, abordable pour la grande qualité du contenant et du contenu. A offrir à tout les fans de sciences, d’astronomie . Une vraie merveille !
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Rilke

Les voyages de Rilke : une expérience proche de l’ascèse et d’une solitude à toute épreuve.
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Rilke

Je tiens tout d'abord à remercier Babelio et les éditions Fayard qui m'ont permis de découvrir et d'apprécier ce livre, la biographie d'un des plus grands poètes de langue allemande qu'est Rilke.

Catherine Sauvat a mené un véritable travail d'enquêtrice pour remonter le fil de la vie de cet auteur vagabond. Heureusement, en ce début du XXe siècle, les lettres sont encore le principal moyen de communication entre deux individus physiquement éloignés (et je rejoins d'ailleurs Jean d'Ormesson sur son inquiétude quant à la disparition du courrier au profit du téléphone et autres messageries informatiques: que restera t-il des correspondances de nos auteurs contemporains?). Rilke, se montre ainsi dans ses échanges épistolaires sous sa vérité la plus crue: séducteur intempestif, puis fuyant ses conquêtes en se proclamant avide de liberté, vouant le dénuement d'un côté et attiré par le luxe de l'autre, tantôt mondain, tantôt vivant tel un ermite! C'est bel et bien cet ensemble de contradictions qui fait du poète un être torturé, jamais satisfait, jamais serein, qui se nourrit de ses expériences personnelles pour produire des œuvres exceptionnelles.

Incapable de se créer des racines dans un lieu donné, Rilke voyage sans cesse, que ce soit pour fuir une femme ou pour trouver un protecteur financier. Ses relations l'entraînent en Italie, en Allemagne, mais aussi en France, où le voilà vivant sous le même toit que Rodin, puis fréquentant Zweig, Gide, Paul Valéry. Ses compagnes sont bien souvent des artistes: Clara Westhoff (qui lui donnera une fille), Lou Andreas-Salomé, Paula Modersohn-Becker ont, entre autres, ravi son cœur. Mais Rainer Maria Rilke met un point d'honneur à échapper à toute contrainte, même amoureuse!



Ayant lu Les cahiers de Malte Laurids Brigge vers l'âge de vingt ans; j'ai le souvenir d'être ressortie de cette lecture enchantée, éblouie, et après avoir lu cette biographie, agréablement écrite par Catherine Sauvat, je n'ai qu'une envie: m'y plonger à nouveau!
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Rilke

Merci à Babelio de m'avoir permis de découvrir le parcours de vie d'un des plus célèbre poète Allemand.

Catherine Sauvat nous livre au fil des pages, l'errance, le mal être mais aussi la complexité d'un homme solitaire à la recherche de la beauté féminine qui est source d'inspirations inépuisables et d'élans d'amours éphémères.

Rilke n'aime rien autant que son célibat ; mais bien qu'étant un grand solitaire à ses heures, il aime briller en société et devient alors mondain.

Il voyage beaucoup, défait les amours naissants pour sa paix et sa liberté chéries, mais noue de solides amitiés qui perdurent par lettres interposées.

Il se fait "coucou" et met financièrement ses amis à contribution pour pouvoir vivre de son art et voyage dans toute l' Europe de ville en ville en se faisant héberger régulièrement.

Il fait grâce de sa présence (très recherchée il est vrai), et apprécie les échanges sur les arts des lettres, de la peinture , de la sculpture ......

Un artiste mal dans sa peau, en quête continuelle de l'inaccessible.
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Rilke

Impressionnant portrait d'un écrivain en errance permanente, obsédé par son oeuvre et par la création artistique, tourmenté, angoissé, égoïste, inconstant, tour à tour charmant et distant, séducteur et solitaire. Un nombre incalculable de conquêtes féminines et d'amitiés aristocratiques. Une correspondance pléthorique. Ce livre est aussi le portrait d'une Europe de ducs et de princesses en train de disparaître, d'un XIXème siècle qui expire dans la 1ère guerre mondiale et les années 20. Il est aussi l'occasion de croiser d'autres grands artistes de l'époque (Rodin, Tolstoï, Zweig, ...)
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