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« Avec la mer du Nord pour dernier terrain vague
Et des vagues de dunes pour arrêter les vagues
Et de vagues rochers que les marées dépassent
Et qui ont à jamais le coeur à marée basse
Avec infiniment de brumes à venir
Avec le vent de l'est écoutez-le tenir
Le plat pays qui est le mien » -
Jacques Brel
Ce joli livre a un charme particulier, désuet.
Des impressions de peintres, une flânerie dans les siècles passés, photographique, picturale et poétique, entre ciel et terre dans ces plats pays que sont la Flandre et la Hollande, régions de brumes, de lignes incertaines, de canaux, de ciels délavés, où des trouées de lumière surgissent par instant pour attirer l'oeil de l'artiste.
Ce n'est pas un hasard si les plus grands maîtres de la peinture ont trouvé leur source d'inspiration dans ces horizons bas aux teintes en clair-obscur. La scène de genre, saynète de la vie quotidienne, s'est épanouie dans ces régions du nord de l'Europe : jeunes femmes à leur toilette, lisant une lettre d'amour, jouant du virginal ou brodant ; parfois un militaire tente de séduire une dame, un couple profite d'un moment de griserie amoureuse, ou des fêtards boivent et s'amusent.
De Bruges à Gand
On mesure difficilement aujourd'hui l'ampleur de la suprématie commerciale et la richesse de ces villes aux 14e et 15e siècles. Les bourgeois de Bruges s'arrachent les toiles de Petrus Christus ou de Jan van Eyck, peintre de Philippe le Bon : les tissus sont bordés de fourrures, dentelles, velours et broderies ; les couleurs vibrent : dans la toile de van Eyck « Les époux Arnolfini » la couleur verte de la robe de la femme explose contre le rouge intense du lit sur lequel un petit chien va s'étendre.
Anvers
Nous sommes dans la cité du grand peintre baroque Pieter Paul Rubens. Une fête de la couleur et des formes. Cet artiste adorait montrer de plantureuses jeunes femmes flamandes au teint de pêches bien mûres d'une sensualité débordante.
Deux autres très grands peintres font la renommée de l'école de peinture anversoise : Antoine van Dyck et Jacob Jordaens. Ce dernier, un homme simple, bon vivant, jouisseur, se régale à peindre des représentations de banquets de famille comme « le roi boit » montrant des jeunes et des vieux festoyant en chantant.
Amsterdam
Un charme fou ! Cette ville est étonnante, suspendue entre ciel et eau. En seulement sept ou huit siècles, à force de digues et d'écluses, les habitants ont chassé les anciens marécages pour élever cette cité bâtie au-dessous du niveau de la mer où les maisons reposent sur des pilotis. Une cité lacustre ! le passé est constamment présent avec ses maisons à pignons et ses canaux l'enserrant dans une gigantesque toile d'araignée. Quelques moulins à vent zèbrent le ciel de leurs ailes mouvantes.
Le peuple néerlandais est prospère et la demeure familiale s'impose comme le modèle idéal pour le pays. L'art est présent partout. Les scènes de genre, de dimensions réduites, s'accrochent même dans les demeures les plus humbles.
Sans conteste, Rembrandt a marqué la ville de son empreinte. « Où donc Rembrandt eût-il pris son or et ses rouges, et cette lumière argentée ou roussâtre où le soleil et la poussière d'eau se mêlent, s'il n'eût toujours vécu à Amsterdam » interroge
Elie Faure.
Haarlem
La petite cité à vingt kilomètres d'Amsterdam est encore imprégnée de la virtuosité de ses peintres. le musée Frans Hals, ancien hospice, nous ouvre ses portes. Les contemporains parlaient « d'écriture du maître » pour qualifier sa technique audacieuse, si naturelle, toute en vivacité, spontanéité. Sa spécialité est les portraits de groupe grandeur nature commandés par les régents ou milices de la ville.
Van Gogh qui l'admire écrit à son frère : « Peindre d'un seul coup, autant que possible, en une fois ! Quel plaisir de voir ainsi un Frans Hals ! »
Delft
Le siècle d'or dérive lentement au fil de l'eau des canaux. Il règne une atmosphère particulière dans cette ville rappelant les tableaux de Ter Borch ou de Hooch montrant la vie quotidienne dans des intérieurs bourgeois ouverts sur des cours illuminées où des enfants s'amusent.
Johannes Vermeer devait avoir connu certaines de ces anciennes demeures habilement sculptées, aux pignons découpant le ciel. de sa magnifique « Vue de Delft » il reste peu de chose : la Nieuwe Kerk sur la Market Place, des nuages illuminés qui font encore miroiter l'eau du canal sur lequel glissaient les élégants coches d'eau. Même « La Ruelle », sa jolie petite toile montrant quelques maisons et des enfants jouant dans la rue s'est évaporée.
Les amateurs de beaux livres superbement illustrés se réjouiront de cette balade dans le Nord.
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