Céline Musmeaux

Qu’est-ce qui m’a prise d’aimer un loser pareil ? Dire que j’ai pleuré une bonne partie de la soirée à cause de lui et que je me suis sentie coupable de lui avoir menti ! Je suis vraiment trop conne ! J’ai perdu mon temps avec lui. Dès que je me suis rendu compte que l’écrivain et l’homme derrière le pseudo étaient différents, j’aurais dû en rester là !

Je t’ai traitée de folle sans même te laisser t’exprimer. Bien que tes justifications ne doivent pas voler haut, j’aurais pu réagir avec moins de violence. Je me suis comporté comme le roi des cons, comme cette fois-là en boîte. Sauf que là, je n’ai même pas l’excuse d’être bourré. J’étais sobre, mais paniqué. Une vraie chochotte qui s’est mis à hurler à tout va…

J’ai cru qu’on était ami. Je lui ai confié mes secrets, mes inquiétudes, mes peurs, et elle s’en est servie contre moi.

J’ai cru que j’avais trouvé mon âme sœur. Enfin, ma partenaire de vie. Avec Rachel, tout me paraissait plus simple. Du moins, ça se réglait vite. Mes doutes, mes craintes, je les transmettais comme un con à celle qui me les provoquait ! La boucle était ainsi bouclée. Elle avait toutes les réponses. Je me suis fait mener par le bout du nez…

J’aurais vécu pendant quelques mois mon fantasme, mon rêve, ou plutôt, une jolie histoire parce que de mon côté, j’étais sincère et j’ai tout fait pour le tirer vers le haut. S’il ne comprend pas ça, je ne peux rien pour lui. Je n’irai pas ramper devant sa porte et le supplier. Je l’ai fait sous le coup de la panique, parce que j’espérais son écoute, son amour. Je n’ai obtenu que de la douleur, des larmes, une paire de béquilles et quelques points. Ma blessure la plus impressionnante est invisible, dans mon cœur. J’ai joué avec le feu et je me suis brûlée…
 

Elle m’a mené par le bout du nez. Elle m’a fait tomber dans ses filets. Elle a manipulé mes sentiments au point qu’à présent, je ne sais même plus si je l’aime ou si tout ça n’était qu’une illusion. Encore une fois, j’ai été pris pour un con…

Il ne sait pas que j’étais la seule à l’aimer au point de trouver chacun de ses défauts mignons. Non, il ne sait pas que je l’ai aidé en secret, que j’ai tout fait pour lui donner confiance en lui et que s’il a réussi à se lancer dans son nouveau bouquin, c’est uniquement parce que j’étais là pour lui botter le cul. Il m’a prise et il m’a jetée comme si je n’étais rien pour lui. Il a oublié ses sentiments pour moi, et les miens. Oui, il a oublié de me traiter comme un être humain.

Entre folie, douleur et chagrin, je sors de la cabine de douche. En posant mon pied au sol, je m’effondre lourdement. Ma tête heurte violemment le carrelage froid de ma salle de bains. Sonnée, incapable de me relever, je pleure pour la première fois comme si ma vie allait s’arrêter.

Chaque pas est douloureux pour moi, je me suis tordu la cheville, faite mal aux fesses, mais bien plus encore, je me sens aussi sale que brisée. En passant devant ma chambre, je vois qu’il a laissé ses chaussettes au pied du lit.

Je n’ai pas les clés de la réussite en amour ni même en couple. Je veux simplement être moi, dormir en tenant ma copine dans mes bras et voir où tout ça va me mener parce que je tiens à elle. Ce n’est pas plus compliqué ! Après tout, ça me plaît bien qu’elle soit amoureuse de moi. Elle est la première à me trouver des qualités et à me supporter. Et moi, j’aime vraiment être avec elle. Rachel est une sorte de muse pour moi. Depuis qu’on est ensemble, j’ai trouvé le sujet de mon livre, je me suis servi d’elle pour créer mon personnage principal, et surtout, je suis inspiré comme jamais. Alors, si je rajoute à cela qu’elle prend soin de moi, qu’elle me pousse au cul et qu’elle m’épanouit au pieu, je crois qu’elle est parfaite. Ouais, je pourrais même dire que je l’aime…

Seulement, personne ne s’intéresse à ma « célébrité » ou plutôt ma réussite, dans mon entourage personnel. Pour mon père, je suis une « tapette » qui écrit des romans à l’eau de rose. Pour ma mère, c’est autre chose. Elle est fière, mais comme je lui ai dit de ne pas faire de tapage, ça en est resté là. À la fac, il n’y a que Martin qui le sache vraiment. Et pour lui, ça n’a que peu d’intérêt. C’est même un sujet de moqueries régulier.

L’amour ? Aimer ? Écrire des bouquins qui en parlent, c’est une chose. Mais le vivre, c’est différent. Je n’ai jamais su montrer mes sentiments. Il faut dire que j’ai appris à tout garder pour moi. J’ai toujours été secret, et j’ai cultivé ça en m’enfermant dans la littérature. Alors, qu’est-ce que je ressens pour elle ?

Si elle est amoureuse, cela implique plus de responsabilités pour moi. Il faut que je pense plus à elle et que je trouve du temps pour elle. Peut-être que je devrais réduire mes séances d’écriture pour traîner avec elle ?

Même si mon corps a changé et que j’ai pris confiance en moi, je reste au fond de moi, le gamin qui a souffert des moqueries des autres.

Il ne s’agit plus seulement de s’envoyer en l’air, mais d’un moment de partage, des retrouvailles, une façon pour lui comme pour moi de se dire que l’autre nous a manqué. Ce qui n’était qu’un défi au départ, un jeu pour approcher mon écrivain favori, est devenu ma plus longue relation amoureuse. Car oui, je considère que je ne suis plus son plan cul, mais son plan cœur. Il me l’a assez répété, il n’est pas avec moi pour le sexe. Mais quand on le fait, c’est vraiment génial parce qu’une très belle complicité s’est installée entre nous. Il faut réellement que je trouve un moyen de lui parler de son roman…

Toutes les horreurs qu’il m’a balancées à la figure, c’était la goutte d’eau qui faisait déborder le vase. J’étais prête à renoncer à lui. Après tout, c’était un foutu connard de me traiter comme une pute alors que tout ce que j’avais fait, c’était pour me rapprocher de lui. Mais il s’est excusé et il m’a dit ce qu’il ressentait. Donc, je lui ai donné une nouvelle chance. Cette fois, on est bien parti. Je le sens…

Après tout, nous sommes des inconnus. Ce que je pense, ce que je veux, il n’en tient pas vraiment compte. Ce qui lui importe, c’est ce que je lui apporte, que ce soit au niveau des conseils ou de sa vie sexuelle. Je ne suis pas encore importante au point qu’il me confie ses secrets.

Rachel est jolie. Derrière son air terrifiant et froid, elle est une fille généreuse. Déjà parce qu’elle accepte un loser comme moi dans son pieu et qu’elle me pardonne tout. Mais aussi parce que même quand je n’ai pas fait attention à elle, elle s’efforçait de me montrer, par de petits gestes qu’elle était là pour moi. Si seulement je n’étais pas qu’un plan cul pour elle, je crois que je pourrais m’habituer à tout ça…

On ne parle pas encore d’amour, mais d’être ensemble pour prendre du bon temps, etc. Je ne sais pas trop où cela peut me mener, mais je suis le nez dedans, et pour une fois, j’ai envie d’assumer mes conneries.

Je n’ai jamais été très sérieux avec les filles. J’ai toujours pris la fuite avant qu’elles ne s’aperçoivent que je n’étais pas le mec qu’elles imaginaient. Mais avec Rachel, je suis grillé. Elle m’a vu minable tellement de fois que me voir fort l’étonnerait.