Citations de Christian Carayon (188)
Vivre peu mais comme on veut! Ma devise!
Il ne pria pas mais pensa beaucoup à son ancien mentor. C'était peut-être cela la vraie prière : revoir les bons moments, se rappeler un visage , le son d'une voix, une odeur. Se rappeler de tout cela le plus longtemps possible, avant que la mémoire ne fasse son travail et n'égare ces choses-là dans un recoin, laissant la place libre aux heures plus récentes.
Le Pas-du-Diable était un accident de la nature, en plein coeur de la forêt communale. [...] On craignait cet endroit de tout temps. D'abord, parce qu'il était dangereux de s'y aventurer. Mais surtout parce qu'on disait l'endroit hanté par de mauvais esprits. On racontait que c'est là que s'étaient tenus les sabbats des sorcières de ces montagnes. On racontait que le vent, quand il s'y engouffrait, faisait remonter des cratères des plaintes humaines. On savait que la brume s'y formait toujours en premier et qu'elle y disparaissait en dernier. On disait qu'on pouvait alors distinguer dans le brouillard des silhouettes s'extraire des trous pour errer ensuite parmi les arbres.
Ce village aujourd'hui trahi, endeuillé, écrasé par la peur et l'incompréhension. Ce village, son village, qu'il avait tenu à bout de bras en tant que maire et qui se précipitait désormais inexorablement vers son déclin.
Une panique identique à celle d'une rascasse au moment où elle découvre la recette de la bouillabaisse.
Son boulot était désormais de se reposer. Anthony avait obéi. Il avait dormi, bu et mangé. Il avait joué les bons soldats. Pourtant, sa sortie avait été repoussée de vingt-quatre heures. Il avait immédiatement songé à signer une décharge.
Ma vie ressemble à quelque chose d'immobile. Je n'avance que lorsque je n'ai pas le choix. Le reste du temps, je freine autant que possible ou, à défaut je louvoie. J'entrevois tellement d'écueils sur mon chemin, tellement de pièges et de dangers... Se sentir vulnérable en permanence est éreintant. Le poids de la lâcheté est bien lourd à porter. Je ne passe pourtant pas pour craintif, ce serait même plutôt l'inverse. Je n'ai pas peur dans la vie, j'ai peur de la vie, c'est différent.
Nous sommes des arriérés, d'après eux. Qui ne vivraient même pas sous la même République. Elle s'est pourtant souvenue de nous cette République quand il a fallu la défendre. Au moment de la conscription, nous étions du même pays et notre sang à verser valait bien celui des autres.
La peur n'était plus tapie dans l'ombre comme habituellement dans ce village isolé. Se taire ne suffisait plus à l'étouffer. Elle avait surgi de son repaire. La colère qui était en train de naître lui était une alliée précieuse.
Ils t'ont tous baisée et ils se foutent de ma gueule quand ils me croisent , vociferait-il. Tu crois que je ne m'en rend pas compte ? Je vois bien qu'ils se marrent en pensant à toutes les fois où Ils ont sauté ma femme.
Je ne veux pas montrer mon hésitation. J’expose une théorie bancale : chaque artiste dissimule une âme noire. Plus elle est noire, plus elle est terrible, plus il est inspiré. Si nous connaissions les faces cachées de ceux et celles que nous admirons à travers leurs livres, leurs films, leurs tableaux, nous en aurions froid dans le dos.
Il faut savoir faire ce qui nous plaît dans la vie. Sinon, on est malheureux et on rend malheureux ceux qui nous sont proches.
On est le vendredi 20 septembre. Il fait gris et je ne suis plus grand-chose.
Ils la louaient à qui pouvait payer, selon un calendrier fixé à l'année.
Il y aura des fantômes à pleurer. Il y aura des cours d'eau charriant des corps disloqués. Il y aura la montagne. Il y aura la nuit…
Je poursuivais des ombres sans avoir la moindre chance de les attraper.
Il y a trop de non-dits. Savoir se taire a beaucoup de vertu. Mais savoir parler, c'est indispensable.
"Personne n'est aussi fade et lisse qu'on peut le penser. Certains ont juste le cuir plus épais que d'autres".
Il avait une nouvelle fois le coeur brisé. Il ne savait pas s'il n'aurait jamais la force de la revoir. Les restes d'un bel été menaçaient de se dissoudre dans les pluies du soir. Au loin, l'orage grondait déjà par-dessus la Montagne Noire.
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Les éminents historiens de l'"Ancienne école" affirmaeint que l'Histoire est une science qui ne pouvait laisser nulle place à l'imagination. Je ne suis pas d'accord. Je crois que, sans imagination, il n'y a pas d'Histoire. Le passé existe uniquement parce que chacun d'entre nous est capable de plonger dedans tel qu'il le voit, tel qu'il le sent, tel qu'il l' recréé. La connaissance scientifique en coule sans aucun doute les fondations. Puis nous devenons ensuite l'architecte du reste.