C'est la réunion bimensuelle de ma boîte. Dans une salle surchauffée, des éditeurs médiocres et sûrs d'eux défilent pour nous présenter leurs impérissables bouquins. Pimprenelle, ma directrice commerciale, sourit aux anges. J'ai pour elle de la tendresse. Bien entendu, nous avons tous sur le visage notre masque en carton, un sourire taillé au cutter et notre chiffre d'affaires en bandoulière. Nous sommes des commerciaux et fiers de l'être. Une vraie équipe liée seulement par la convergence d'intérêt, qu'on voudrait nous faire prendre pour de la fraternité. En fait, tous liés à notre solitude, à l'angoisse de ne pas faire le chiffre. Certains compensent par la bouffe, le sexe, l'alcool. Les filles gèrent mieux, mais beaucoup abandonnent le métier une grossesse ou deux.
(P92)
L'expérience ne sert à rien. Tout s'oublie, ou presque. Vivre, c'est trop souvent attendre demain. Un mieux, un bien, une ouverture, une aventure, comme si l'heure présente ne suffisait pas.
(P27)