Citations de Christian Godin (82)
La morale était un ensemble d’obligations et d’interdits inconditionnés ; l’éthique, quant à elle, se caractérise par son opportunisme et son relativisme. Elle change au gré des innovations technoscientifiques : ainsi, nos conceptions de la vie et de la mort suivent en parallèle les avancées de la biologie.
À l’origine, " éthique » dit en grec ce que « morale »dit en latin. Les deux mots renvoient à la manière
habituelle de vivre, aux :mœurs ".
Nous ne pouvons penser aujourd’hui la justice sans
l’égalité, alors que dans les sociétés anciennes et
traditionnelles, la justice, c’est la hiérarchie, donc l’inégalité. Or, nous admettons comme justes, du moins comme pas injustes, des situations d’inégalité.
Comment expliquer cette contradiction ? Par le fait
que sous le même mot d’« égalité » plusieurs espèces,
plusieurs concepts différents sont englobés. La confusion entre les divers types d’égalité est la
source de nombreux sophismes et paralogismes.
L’individu est un chiffre, le personnage une lettre, la
personne un nom. L’individu est dans le troupeau,le personnage est au théâtre, seule la personne est elle-même. Les droits de l’homme sont les droits de
la personne.
Il y a des crimes que l’on appelle « crimes d’honneur » ; on ne peut
concevoir des « crimes de dignité ». Il est caractéristique que, lorsque la morale de la dignité faiblit (par exemple dans les « cités », lesquelles ont significativement perdu leur sens antique, contrôlées par les
caïds), la morale de l’honneur reprend aussitôt le dessus : les individus ne se représentent plus comme des personnes égales, mais comme les membres
d’un groupe hiérarchiquement défini par rapport à, et par opposition à, d’autres groupes.
Le sens actuel de la dignité témoigne d’un mouvement d’intériorisation : au lieu d’être un signe extérieur de valeur, réservé à quelques privilégiés,la dignité est désormais conçue comme la valeur intrinsèque de chaque être humain, quel que soit le rang qu’il occupe au sein de la société.
La dignité est une valeur universelle. Il suffit d’être un être humain pour en être pourvu. On comprend dès lors que cette valeur soit la base des droits de
l’homme et qu’une idéologie comme le racisme ou une pratique comme celle de la torture sont des atteintes directes contre elle.
La dignité est ce qui fait qu’un être humain est une personne, c’est-à-dire un être raisonnable et moral, et pas seulement un
individu, c’est-à-dire le membre d’un groupe (on notera que si le terme d’« individu » peut être appliqué aux animaux, on ne qualifiera jamais ceux-ci de « personnes »).
« Pouvoir du peuple » – chose étrange, inouïe, lorsque l’on songe que les hommes ont presque toujours rapporté le pouvoir à Dieu, aux ancêtres,
à la Nature, bref à toutes les puissances, sauf à eux-mêmes.
La démocratie est un régime qui repose sur les deux
valeurs de la liberté et de l’égalité.
L’opposition de l’inné et de l’acquis, ainsi que les controverses auxquelles elle a pu donner lie (l’intelligence est-elle un don de naissance ou bien
se constitue-t-elle en fonction de l’instruction et du milieu social ?), recoupe l’opposition entre la nature et la culture.
On dit, par exemple, d’un homme qu’il est« cultivé », comme si son cerveau était un champ
travaillé par l’apprentissage et qui ferait pousser des idées en guise de légumes.
Le déterminisme, en vertu duquel tout ce qui arrive dérive de causes déterminées, est encore autre chose : alors que le Destin et la Providence sont des idées religieuses et métaphysiques, les lois de la nature sont des résultats du travail scientifique.
"Tous les hommes naissent libres et égaux en droits », cela signifie que par essence l’homme est libre, que c’est une nécessité, que l’homme soit un individu masculin ou féminin, riche ou pauvre, blanc de peau ou noir ne change rien à l’affaire, ce sont là des données contingentes.
Pour le raciste, en revanche, la couleur de la peau n’est pas une donnée contingente, elle exprime pour lui une nature, une essence nécessaire : les Noirs,les Arabes sont ceci ou cela, voleurs, menteurs, etc.
Est contingent ce qui pourrait ne pas être ou ce qui pourrait être autre qu’il n’est. Le contraire de
contingent est nécessaire : est nécessaire ce qui ne pourrait ne pas être ou être autre qu’il n’est.
La contingence et la nécessité portent en effet sur l’existence (être ou ne pas être) ou sur l’essence (être tel – ceci ou cela).
Pour ce qui concerne les réalités physiques, en revanche, le consensus est presque toujours de règle : un Chinois définira la tête et les jambes de la même façon que les Occidentaux.
Une idée est une représentation mentale. Lorsqu’elle est vague, on parle de « notion ». Quand elle est rigoureuse, on parle de « concept ». Ainsi, avoir une
notion de la relativité générale n’est pas la même chose qu’en posséder le concept.
L’expression est la manifestation du réel par le moyen du langage, la communication est la transmission d’une expression
d’une conscience à une autre.
Les animaux, bien entendu, communiquent entre eux : les singes crient pour avertir leurs congénères d’un danger. Parce que l’être humain communique
d’abord par la parole, il a tendance à privilégier les bruits du monde animal (cris, chants…). Or, l’outil premier de la communication animale n’est pas
sonore mais olfactif : des insectes aux mammifères,les animaux communiquent d’abord par les odeurs.
Imaginons un monde dans lequel les êtres et les choses n’auraient aucune espèce de lien les uns
avec les autres : chacun serait isolé dans son lieu et sa durée propres sans avoir rien de commun avec le reste. Ce monde ne serait pas justement un monde,mais un chaos fait d’une multitude indéfinie de petits
mondes. Si nous pouvons parler de « monde » (et même de « réalité »), c’est que ce qui le constitue forme un ensemble dans lequel les éléments sont
en relation les uns avec les autres.
Seulement, le bonheur tend
ainsi à être confondu avec le
bien-être, lequel se résout
lui-même en bien-avoir. Si
un bon génie nous donnait
à choisir entre une nouvelle
voiture et un nouvel ami,
qui aurait la sagesse de choisir l’ami ? Peut-être
n’est-ce pas, comme on dit, le désir d’être heureux
qui domine – mais le désir de puissance. C’est pourquoi nous nous sentons et disons heureux comparativement aux autres. « Il ne suffit pas d’être heureux.
Encore faut-il que les autres ne le soient pas », disait
Jules Renard.