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Citations de Christina Mirjol (83)


Le réveil est ainsi, tous les jours de sa vie, une entrée dans le vif pour l’homme de la ruelle. Il doit recommencer, mettre son corps debout, extirper du néant son âme ratatinée. Il doit compter chaque jour sur l’état déplorable de ses pieds, repasser par l’exil, s’évader en sous-main, incessamment en fuite sur la ligne de départ et sans droit devant le mur.
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Ils ne savent pas non plus que nous nous réchauffons aux animaux qui passent, nous regardent, dit l'homme, puis s'en vont vivre leur vie. Un chat ..., un chien, une souris... Une colonne de fourmis - simplement ça, dit l'homme - est capable de nous bluffer. Ce n'est pas rien, tu sais. Des heures entières parfois. Aussi émerveillé par la course héroïque qui se joue devant nous que par ces petites pattes qui vont à toute allure et semblent n'appartenir qu'à un seul corps têtu. Il y a tant de beauté dans cette nécessité, tant de beauté, c'est vrai, et tant de cruauté. Parce qu'elle ne vaut plus rien celle qui s'est égarée au plus loin de la colonne, celle qu'un coup de vent trop fort a propulsée là-bas du côté du talus où se perdent les phéromones !... Quelle misère pour celle-là et quelle tristesse pour nous de la voir s'acharner sur le même bout de feuille, tourner pendant des heures, retracer plus de cent fois la même piste fermée...
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Les uns et les autres ne pensent pas que quand ils sont partis, les choses restent. Ils ont besoin de changements et toujours de nouveautés. Leur insatisfaction est permanente, tu vois. Et nous qui sommes ici, perpétuellement logés au bord du même fossé, nous avons la rareté. Nous avons la rareté, dit l’homme à son caddie, sans l’ennui, tu comprends ?
Alors ! De quoi nous plaignons-nous ?
Sans excès. Sans avenir. À force d’aller et venir, de refaire tous les jours ce qu’on a fait la veille, tout, nous le voyons mieux. Tout, nous le faisons mieux. Qui court après l’avenir ne connaît pas comme nous les fabuleuses distances du présent. Regarde ! Ils sont partis. Partis. Ils partent, tu vois, petit. Pour les autres, tu vois, rien n’est jamais ici. Rien n’est jamais maintenant. Ils s’en vont… ils s’en vont… D’ici, nous la voyons, l’évasion par petits groupes, les rues pleines tout à coup, et rien, et rien au bout…
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C'est ça ! Je n'y peux rien. Mon corps est grand. Il est bête. Il ne sait plus courir, ni grimper, ni sauter, ni jouer à la marelle. Mes bras sont tellement bêtes qu'ils ne me servent à rien. Puisque tu as des bras, prends-moi ça, dit ma mère, et je le laisse tomber.
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On t’avait jeté là. Et pourtant tu roulais, tu n’avais rien de cassé, rien du tout, quelle bêtise ! Rien de cassé bon sang et quand même te jeter !
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Cri n° 33
Un jeune traînant derrière lui une armée de vieux : Il y a trop de vieux ! Il n'y a plus que ça ! Qu'est-ce qu'on va faire de tous ces vieux ?
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Ce n'est plus cet homme-là, répète le barman.
Ou plutôt, non, non. Ce n'est pas ce que je veux dire, s'emmêle le barman. Je ne veux pas dire ça. Ce n'est pas ça.
Pas ça.
Non, non, s'énerve-t-il, ce n'est pas ça. Du tout.
C'est autre chose. Enfin...
Evidemment que oui, que c'est lui, c'est cet homme, se reprend le barman, et c'est bien cet homme-là, c'est le même, oui, le même. Même visage et même homme... Evidemment que oui, le même homme, oui, le même... En fait... le même enfant.
Et il était là debout, dans cet étroit couloir, aussi perdu et seul que dans le fond d'une cour... ou même, rectifie-t-il, presque dans un sanglot, qu'au fond d'un cagibi. Un homme de cette taille! Il chausse du quarante-quatre. Des chaussures genre Prada. Habillé presque mieux qu'un directeur de banque. Aussi perdu, dit-il, ça n'avait pas de sens. Il avait avalé sa moitié de limonade, puis il s'était enquis de savoir où se trouvait la porte des lavabos, puis, il y était allé! Mais après? Mais ensuite? Que s'était-il passé?
Je l'ai pris par la main, rapporte le barman, j'ai fait ça, j'ai fait ça, et quand il le raconte, sa voix mal assurée se décroche et se brise ; et puis il se reprend, s'excuse, enfin, poursuit, je l'ai pris par la main, je l'ai sorti de là.
Et il s'est laissé faire.
Un enfant de quarante ans, rapporte le barman, et voilà qu'il me suit; et voilà que je le ramène dans la lumière du jour et de mon petit bar, même si, enfin, je sais, c'est un petit café, on ne peut plus modeste, on ne peut moins moderne, pas bien placé, c'est vrai, mais tout de même, dit-il, en plein soleil et gai. C'est à ce moment-là, c'est inimaginable, ce que tisse la vie sans qu'on s'en aperçoive, c'est la vie, c'est la vie, s'enflamme le barman, et c'est cette vie, mon Dieu, qui est inimaginable, et ça se passe ici, dans mon café, dit-il, qui ne connaît rien d'autre qu'une clientèle de passage....
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Ils ne m'ont jamais crue, reprend l'institutrice, ils ne m'ont jamais crue...
C'était il y a trente ans; je m'en souviens encore comme si c'était maintenant, rapporte le barman; et encore aujourd'hui, j'en ai les poils qui montent!
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Cependant que se croisent, grossièrement mêlés, ces propos désolants et de si noir augure, je me surprends soudain sauvagement tournée dans l’attitude guerrière où ma main jette en l’air des cailloux comme des lances ; puis, dans l’instant qui suit, comme si c’était hier, j’entends sur la colline le tremblement des pierres. Je me retourne. Personne. Seule, la femme, sur le tertre, une pierre à la main, discourt, interpellant du talus on ne sait qui.
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Quelqu’un prétend que le livre aurait eu des images, mais un autre aussitôt le dément formellement. Un autre, que ces images étaient pour certains invisibles et pour d’autres éclatantes. Un autre qu’il est absurde d’imaginer qu’un tel livre pût avoir été illustré d’une quelconque image. Un autre reconnaît que le livre n’avait nullement besoin d’images pour être compris de tous. Quelqu’un dit pourtant solennellement que les images du livre étaient pour qui savait les voir des merveilles, et un autre qu’un livre sans images est naturellement illisible aujourd’hui. La plupart cependant n’entendent pas “image” dans des dimensions communes et n’ont pas d’avis. Un dernier dit : le livre n’avait pas d’images. Et il ajoute aussi : il n’avait pas de mots non plus. Le livre n’avait rien du tout ; c’est pourquoi tous l’avait oublié.
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Et comme c’est difficile d’écarter simplement des bras qui sont pendus ! Qui n’ont plus de volonté ! Quant aux doigts, je le redis, il n’en est pas question, aucun n’est autonome.
Et on ne les sent plus.
Et le vent pendant ce temps qui ne se lasse jamais !... Mais à quoi bon, je dis, maudire ce qui revient. D’abord sous les aisselles, puis les poches de la veste. Une lutte sans merci. Presque perdue d’avance, mais on s’en est tiré. Le tissu. Quelle misère ! Se cogner au tissu. Le tissu. Le tissu. Au passage des deux poches. Pas un simple tissu. Un simple tissu de poche. Non. Du verre. Du verre coupant. Et c’est comme écarter deux rangées de tessons pour pénétrer dedans. Voilà, dit l’homme, voilà, l’étendue des horreurs qu’il nous faut endurer avant d’être tranquilles. Avant de se loger dans la moiteur d’un creux. Sous nos bras décharnés. Puis dans l’antre des poches…

***

J’ai le plaisir de vous informer qu’une rencontre autour de mon roman,
« Un homme », se tiendra à la librairie Jonas, le jeudi 18 novembre à partir de 20 heures.
Cette soirée sera animée par Joseph Danan qui a fait la préface du livre.
Je lirai quant à moi un extrait de mon texte et la soirée se poursuivra autour du verre de l’amitié.
Joie de vous rencontrer à cette occasion, peut-être...

Informations pratiques consultables sur mon site à la page « Actualités » dont voici le lien :

https://www.christinamirjol.com/actualit%C3%A9/
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J'arrive d'un pays où il n'y a pas d'eau.
L'eau est si rare qu'on la cherche dans la poussière parfois jusqu'à vingt kilomètres.
Quand les puits sont à sec il faut marcher.
Le père donne un seau à sa petite fille et dit : va chercher l'eau au puits.
Le petit garçon est à l'école. La mère pile le mil.
La petite fille prend le seau vide et disparaît au bout de la piste.
Elle marche.
Vingt kilomètres séparent le puits de sa maison. Ça prend la journée.
Quand la petite fille revient on vide l'eau du seau et on lui redonne le seau vide.
Le lendemain le petit garçon est à l'école, la mère pile le mil, le père regarde la petite fille disparaître avec le seau au bout de la piste.
Cette petite fille c'est ma sœur.
Elle est morte depuis longtemps d'épuisement sur la route un jour elle s'est couchée à côté du seau et s'est endormie.
Quand je chante aujourd'hui et qu'il pleut sur la ville je suis content.
Je raconte à l'eau ce que je fais ici.
Je dis ce qu'il y a de sec qu'il faudrait irriguer.
Ce qui est trop mouillé.
Ce qui est trop pourri.
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Les uns et les autres ne connaissent pas, dit l’homme, la glace que nous portons la nuit sur nos épaules, qui croît pendant nos rêves, nous entoure d’une calotte d’un crépuscule à l’autre. Ils ne savent rien de ça, ils vont ici et là, se déplacent comme des bulles.
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De la porte à la rue, de la rue au talus, les soleils sont torrides et le ciel inédit.
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Le rêve éclaire, retourne comme un plat la face cachée du monde, balaye devant la porte certain passé accroché à la pierre, dissout l’illusion, et le seuil familier sur lequel on jouait disparaît sous les pieds comme une région fossile appartenant à un autre temps.
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Le réveil est ainsi, pour l'homme de la ruelle, tous les jours de sa vie la montagne se renverse, le fleuve sort de son lit, le vent emporte les toits, le feu noircit les bois des collines verdoyantes, chaque jour une avalanche, un orage qui approche, un impact de foudre. Puis, la montée du jour fait son oeuvre de sauvetage, débarrasse les décombres, dissout les dernières ruines, l'homme est déjà debout, il n'a pas le temps de pleurer et c'est un jour de plus, il est vivant, vivant et c'est encore la vie. Sa vie.
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Chaque nuit est différente dans sa fragmentation, et plus exténuante qu'une veille intégrale.
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Elle remonte, là, là, m’agitant brusquement, je crie, sur le talus, remonte et récite mille fois d’un geste solennel et comme une prière – adressée aux morts dit-elle – cette espèce de plainte ordinaire.
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Et voilà que nous y sommes.
Voilà que nous sommes là. devant la porte, oui, et donc la main qui ouvre.
Et c'est une main toute simple qui ne fait pas de remarque, qui supporte notre lenteur, qui ne tapote même pas, ne se crispe même pas ni non plus ne s'impatiente, alors profitons-en !
Et c'est à nous de montrer un peu de reconnaissance, mais pas trop, mais pas trop, car il nous faut rester à distance de l'aumône qui pourrait nous tuer. Oh oui ! Préserver à tout prix notre sobriété si âprement acquise, notre économie stricte.
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Il n'a pas de ticket, il est l'homme sans papiers, l'homme sans valise qui guette, un voleur, un fraudeur, un détrousseur de lits, qui glisse, qui se faufile, s'assoit clandestinement sur le terrain d'autrui, s'y installe, vole sa place, un saboteur en somme des dîners entre amis, des matinées tranquilles, du repos mérité, de la douceur de vivre, et un fauteur de troubles.
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