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Citations de Christophe Claro (273)


Je n’écris pas pour me connaître. J’ai toujours, je crois, écrit pour me déprendre. Me déprendre de quoi ? L’écriture, telle que je la conçois, me permet justement de ne pas m’attarder sur la nature indélicate de ce dont je me déprends, et qui est sans doute moi-moins-l’écriture.
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Il m’arrive de penser qu’écrire est un moyen d’éviter tout mouvement brusque, à moins qu’il ne s’agisse carrément du contraire : écrire comme si on ne savait faire que des mouvements brusques, han !, mais sans que la chose se voie, chcht !, sans que la violence à l’œuvre se fasse, d’emblée, ressentir. De la bonne vieille épilepsie, mais au ralenti, dans l’illusion de la souplesse, pour ainsi dire à couvert.
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Et puis il a peur. C’est une peur qui le dépasse, heureusement, mais qu’il sait et veut saluer : la peur de ne rien entendre aux diktats de la peur. Il ne lui arrivera rien qu’il ne l’ait décidé. Rien ne l’effraie, sinon l’idée qu’il puisse redouter quoi que ce soit. Son seul courage gît donc dans son désir de fuir le monde tel qu’il est et s’obstine à être. Disons plus simplement qu’il préfère aspirer qu’inspirer.
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Nous façonnons notre indépendance à grand renfort d’esquives, dans l’illusion gazonnée de la liberté, avec en prime un cache-col et un rétroviseur mental, tel un prudent Orphée. En gros, philosophiquement, nous préférons cuire à la vapeur, sécher à l’ombre et arroser nos morts. Notre audace se mesure en pichenettes.
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l n’y aura pas d’introduction pour la fort peu suave raison
que ce qu’on voulait introduire l’a été largement plus
personne n’oserait en témoigner question d’élémentaire
économie réfléchis un peu sur le comptoir tu poses ton
verre ou ton coude ton porte-monnaie ton estime etc
mais en fait tu sais très bien que c’est le comptoir qui
s’impose à ton verre ton coude etc ne m’oblige pas à
tout redistribuer par en dessous il s’agit moins là d’une
inversion de la réalité physique que d’un retour du
principe de précédence d’où il découle arbitrairement
un certain corpus de lois qu’on s’efforce de nous
appliquer à rebours enfin esclaves des conséquences
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C’est un très long voyage, une migration vers d’autres états de conscience, d’autres conditions de déperdition. D’autres pulsions, aussi. Dorothy reste Dorothy mais elle devient également toutes sortes de femmes possibles, la voilà infirmière au chevet d’invalides de guerre, le visage penché sur des corps décousus, diminués, furieux d’être encore ; puis Dorothy s’envole, elle laisse passer sous elle l’océan susceptible ; elle est désormais ouvrière dans un atelier d’horlogerie, occupée à sucer la pointe de pinceaux nimbés de radium, mais les aiguilles tournent, déjà un orage remodèle le paysage des rues et des champs, elle perd des amis, gagne des soucis, travaille dans la quincaillerie familiale et vend des aspirateurs, du grillage pour poulailler, du barbelé au mètre, elle prolonge son avenir au-delà du raisonnable, fait exploser le monde et puis meurt, renaît et oublie, accomplit des milliers de gestes en un seul mouvement et échafaude cent stratégies d’une seule décision.
Toto l’accompagne partout, il mord son ombre chaque fois qu’elle court un danger pour réveiller en elle cette vigilance qui est comme l’armature de son être. S’est-elle jamais demandé pourquoi les chiens tournaient toujours au moins une fois sur eux-mêmes avant de s’allonger ? Pense-t-elle qu’ils s’assurent ainsi qu’aucun prédateur ne menace leur territoire ? Faux. Les chiens tournent sur eux-mêmes dans le sens contraire de la rotation terrestre, afin de contrebalancer cette entropie qui nous entraîne vers le chaos. Ils reculent d’un tour, par une sorte de prudence horlogère, et de la sorte sont en avance, et non en retard, sur la catastrophe à laquelle nous vouons tous nos espoirs.
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Après avoir reçu l’assentiment du coude paternel entre les côtes, l’enfant dégage, docile, sa main de l’étau maternel et s’avance vers le Dr Bergfield, lequel, auréolé d’un parfum d’éther et de nicotine (et d’autre chose, aussi), a encore les pensées tout occupées par les seins de son assistante, Miss Glinda – celle-ci se tient en retrait derrière lui, vibratile, tel un orgasme indécis.
Le petit Baum grimace et déglutit, embarrassé par la tumeur nichée dans les alvéoles à vif de sa langue, raison de sa présence en ces lieux. Cela fait onze jours et onze nuits qu’il la sent croître et durcir – s’il boit de l’orgeat il souffre, mastiquer l’élance, quant à parler autant sucer des orties. (La tumeur – le sait-il seulement ? – est ancienne, elle anticipe sa naissance et a dû hanter le suc maternel ou la semence paternelle avant d’investir l’utérus puis de remonter par le gras conduit de l’ombilic jusqu’au fœtus ignare, scrutant et testant la moindre différenciation cellulaire, et ce afin d’élire son domicile nécrosant dans l’appendice lingual, la muqueuse hôte, sa cible.) Il est temps de crever l’abcès, a décrété le père, aussitôt gratifié d’un regard creux de son épouse.
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Tu t’appelles Dorothy, tu es une petite fille et tu vis au Kansas, au milieu des grandes plaines grises, avec ton oncle et ta tante, eux aussi gris, et seul ton petit chien Toto n’est pas gris, son poil est noir et soyeux, il te fait rire, d’un rire dont tu aurais du mal à déterminer la couleur, mais qui, correctement nuancé, devrait pouvoir t’aider à surmonter tout ce gris. Tu portes une robe chasuble sur une blouse à bavette en gaze crème avec des manches bouffantes taillées dans un ricrac bleu. Tu vis au Kansas avec ta tante et ton oncle.
Tante Em est une femme grise qui a engrangé les années dans les rides de son front et les volutes de son chignon, elle ferme les portes d’un coup de hanche, calme la pâte du battant de sa paume et lève les yeux au ciel dès qu’une pensée en amène une autre sans l’avoir consultée auparavant. Oncle Henry et elle forment un couple qui ne produit aucune force, à eux deux ils semblent au contraire absorber le peu d’énergie que leurs mouvements dégagent, et l’espace qu’ils entament se referme sur eux avec un naturel déconcertant. leurs vieillesses conjointes s’additionnent, et l’affection qui les lie dépasse de beaucoup le peu d’égards que chacun a pour soi-même. Tu espères ne jamais devenir comme eux, rester à jamais une unité réfractaire aux opérations, aussi séduisantes soient-elles.
Tu t’appelles Dorothy et le gris est une nuance dont tu ne veux pour rien au monde, ni dans tes cheveux ni dans tes projets.
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Fausse route. Erreur sur toute la ligne. "Beatles" n'est pas un programme. Beatles est de la bouillie, du bruit, du hasard bâtard, concassé à l'extrême, la rétinienne rémanence d'une giclée de magma, un choc, un flop, un bombardement déguisé en pluie, de la charpie mutante - tout, sauf un programme. Carapace. Coquille. Leurre. Obladi ? Bien sûr. Oblada ? Peut-être. Je dois désormais accepter l'idée que beatles est un organisme, un vestige vivant largué à la veille d'une vaste catastrophe par un méta-organisme. D'où son intensité virale. Qui distille en moi des visions incompréhensibles, inacceptables, envoûtantes. Sans y prendre garde, je m'englue dans les rets d'une chimérique émancipation, me fourvoie dans le dédale du vivant. Je succombe par intermittences à l'illusion, par brefs collapsus crépitants, non sans une certaine complaisance. Vais-je être le complice de mon brouillage ? Love me do, me répond une voix viciée en boucle.
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La boîte noire beatles me pandorise à petit feu, je le sens, et j'en veux pour preuve ma répugnance à contacter mes patrons. On ne lâche pas aisément un morceau qui vous reste en travers de la mémoire morte.
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Ils ont quitté la Transylvanie sans espoir d'y revenir.
Il y a encore un an, ils éclairaient les mariages locaux avec leurs rimes tordues, leurs crincrins et leurs romances ; les festivités s'enchaînaient même si les trajets étaient pénibles, il y avait toujours une tablée à faire rire, une matrone à émouvoir, quelques sous à grappiller. Ils priaient, aussi, bien sûr, surtout, sans partage, absolument. Ils priaient les consonnes sacrées de rendre plus fluides les voyelles chantantes dans leurs voix, priaient la nuit de leur rendre le jour, priaient pour que jamais les pogroms n'arrivent jusqu'à leur village.
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Parler, écrire, c'est établir les termes possibles ou discutables d'un commerce, quel que soit le gain. Mais le traducteur, aussi doué soit-il, opère d'emblée, ou en tout cas après déchiffrement, un travail de destruction. Il casse sa matière première, en fracture toutes les entrées, tord les clés à chaque tentative renouvelée, et doit forger alors de nouvelles serrures, en vue de potes différentes, menant assurément dans des pièces à da décoration quelque peu chamboulée.
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"Je ne suis pas un nazi. Je suis un Allemand. Ce n'est pas la même chose. Un Allemand est un homme qui arrive à surmonter ses pires préjugés. Un nazi, quelqu'un qui les change en lois" On m'a viré de la Kripo en 1934, et comme il faut bien vivre, je me suis retrouvé déguisé en privé dans l'établissement le plus select de Berlin :

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