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Citations de Christophe Claro (273)


::: du corps sacrifié, et voilà qu’ici surgit et
s’impose la vision d’Artaud vêtu de la bure
du moine intransigeant dans le film Lucrèce
Borgia, Savonarole transfiguré en vanité lui-
même, en acteur igné ⦁ parce que le théâtre
n’est pas cette parodie scénique où l’on
développe virtuellement et symboliquement
un mythe / mais ce creuset de feu et de viande
vraie où anatomiquement, / par piétinement
d’os, de membres et de syllabes, / se refont
les corps / et se présente physiquement et au
naturel l’acte mythique de faire un corps ⦁ sans
organes [artaud]
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le chant dernier…



::: le chant dernier de vanité, quand celui qui la
vilipendait finit par l'absorber au prix de sa
dissolution même, quand la seule chose qu'il
reste à faire c'est frapper • mon corps /
jusqu'à ce qu'il rende l'âme / et il devient de
plus en plus opaque / épais et sur-bondé /
c'est-à-dire se révolte et s'ardence à un plus
fort brasier [tonus] de vie, / les étincelles
reviennent, / tout au fond, / néant •


[artaud]
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holocauste invisible…



::: holocauste invisible et pourtant signifié,
l'Histoire repliée sur elle-même afin d'exaucer
les volontés du moine aspirant à périr brûlé
vif, la peur vissée dans l’œil d'Artaud tout
entier consacré à attiser et magnifier le mystère
du feu, feu sombre du corps de Satan, feu
solaire d'Héliogabale, feu germinal de Van
Gogh, et peut-être est-ce dans l'effrayant
secret de cette combustion que prend tout
son sens le projet de faire un corps, oui, peut-
être faut-il entendre, dans le glapissement
des viscères et le tintamarre des os, dans les
fureurs de fumée,



[artaud]
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Savonarole…



::: Savonarole hanté par Artaud tordu sur le
bûcher devenu autel dont pourtant ne sont
filmées ni les flammes ni la fumée, l'acteur
créant • par le feu intérieur ce qui n'existait
pas sur l'image •

[abel gance]
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Ci-gît une maison blanche dont le cœur à ciel ouvert laisse résonner autre chose que des pas. Où personne n’a jamais vécu mais que chacun ou presque peut hanter.
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Mais il en est d'autres pour qui les cauchemars sont tout autre chose que l'ombre portée d'une indigestion, pour qui ils sont, ni plus ni moins, l'inévitable extension des supplices que leur ont infligés des être bien réels
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L'enfant qu'on a été, et qui n'a laissé, à la surface des jours défunts, pas même une trace, nous nous efforçons de le reconstituer plus tard a partir d'une chair qui n'est plus la sienne, avec des os qui désormais l'encagent
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La généalogie est friande d'analogies et gourmande d'illusions, elle se gave de tout ce qui peut l’étoffer, et les branches, à force de croiser le fleuret avec des branches voisines, se découvrent généreuses de leur sève.
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Pomponette vacille. Autour d’elle, la surplombant, la dominant, les minarets braquent leurs seringues vers le cul des rares nuages, et Mahomet est désormais son chanteur préféré. Elle sent les bulbes dorés se gorger du lait des fidèles et tendre leurs pis vers la nue.
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Je tentai la télépathie, qui ne saurait être une fable puisqu’on en parle régulièrement : “Arrière, support de Satin !” (Je découvris à cette occasion que la télépathie, comme la dactylographie, n’est pas à l’abri des fautes de frappe.) Mais le message porta ses fruits, l’homme tressaillit et recula, ce qui est la dernière chose à faire dans un supermarché, où devrait s’appliquer le Code de la route, et l’imprudent fut presque aussitôt percuté mais comme au ralenti par un caddie sûr de son bon droit et plein à ras bord d’articles indispensables à l’embolie – s’ensuivit un échange d’excuses pharisiennes et de reproches larvés, chacun hésitant entre la posture du cueilleur et celle du chasseur.
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Rien de ce qui touchait à l'ascendance ne me parlait. J'étais sourd aux racines, aveugle aux jeux de lumière dans les hauts feuillages de l'arbre généalogique. Je ne voulais rien savoir de la source, sinon la confirmation que ses eaux étaient de toute éternité frelatées.
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Située en marge de la Casbah, sur une place portant naguère le nom de place d’Estrées, la Maison indigène laisse passer les révolutions, celles des astres comme celles des hommes, peu lui importe, car quels que soient ses maîtres elle rafraîchira leur couche, et s’il faut brûler elle brûlera. Sa façade évoque de très antiques molaires aux racines incurvées – de fins étançons de thuyas -, ornées de modestes caries – d’étroites percées inaccessibles à la curiosité des passants. Tout en haut, là où dore son crâne, s’étend une terrasse d’où l’on peut voir, si l’on tourne le dos à la ville, tout ce qu’une mer peut offrir à ses enfants et à ses démunis. Tissée sur le métier d’un songe néomauresque, enrichie par la chair même des ruines de la basse Casbah, elle offre au seul ciel la vision de sa cour intérieure – wast ed-dar – que protègent d’on ne sait quoi des arcades ogivales disposées en portiques, abouchées à quelques chambres aveugles. Un escalier s’enfuit dans la béance d’un angle, desservant des pièces principales qui doivent leur fraîcheur à la paupière des coupoles ; plus haut, après la dernière marche, paresse un toit où se plaisent à claquer les voiles des draps quand le vent se lève, un étage quasi céleste réservé aux femmes interdites.
On pénètre dans la Maison indigène par un vestibule qui va s’élargissant avec fluidité en une sqiffa avant d’aboutir au bienveillant atrium – là, une fontaine fait ce que font toutes les fontaines : chanter pour apaiser. Non loin, derrière ses murs, là où le monde persiste à s’agiter, des jardins et des boutiques pour touristes laissent monter vers elle parfums et barguignages, tandis que des lauriers roses lancent leurs fragrances autour des membres torves de ses figuiers.
Un gouvernement l’a commandée. Un architecte l’a bâtie. Un président l’a inaugurée. Des hommes de bonne volonté l’ont visitée. Dessinée, photographiée, filmée, reproduite, commentée, décrite, délaissée, restaurée, elle a gardé son visage originel, et si sa persistance dit aujourd’hui autre chose que la célébration d’une présence imposée, elle n’en a pas moins l’âge de mon père et le regard de mon grand-père, puisque le premier est né dans son ombre et que l’autre l’a plantée en plein soleil.
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Ci-gît une maison blanche dont le cœur à ciel ouvert laisse résonner autre chose que des pas. Où personne n’a jamais vécu mais que chacun ou presque peut hanter. En guise de pulsation, quand le soir tombe et avec lui notre soif d’élévations, on y perçoit l’écho des noms dont on l’a affublée, des noms rafistolés au fil des ans par l’Histoire, et qui tous ont échoué à ternir ses aspirations solaires. On l’appela dans un premier temps la Maison indigène, ou Maison mauresque, mais certains préféraient dire : la Maison du Centenaire, ou encore la Villa du Centenaire, puisqu’elle avait été inaugurée à Alger en 1930, à l’occasion du centenaire de la présence française en Algérie. Après l’Indépendance, elle devint, à la suite d’une impressionnante dilatation temporelle, la Maison du Millénaire – la vieille Al-Jazā’ir ayant alors purgé vaillamment ses dix siècles d’existence.
Qu’elle soit centenaire ou millénaire, mauresque ou algérienne, française ou ottomane, je la sais secrète et complexe, tout en bruissements contenus, au sein même de son silence. Comme toutes les maisons, elle a désiré des hommes dans son ventre de pierre, et comme toutes les maisons, elle a pris soin de leur rappeler qu’ils n’étaient que des hôtes éphémères. Des silhouettes s’y découpent, certaines familières, d’autres plus énigmatiques, mais toutes ont à mes yeux l’attrait de fantômes précieux. Je distingue des accents, je reconnais certaines allures. Ce sont mes étrangers premiers, mes proches d’antan. Vers eux, aujourd’hui, je vais. À reculons, en espérant que le mur de cette maison aura la tiédeur d’un torse ami.
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Quel bonheur que le mien. J’étais non seulement orphelin mais délivré de l’obligation de pleurer des inconnus. J’étais comme Jésus s’il avait reçu un coup sur la tête et perdu la mémoire et arrêté de faire chier tout le monde avec ses miracles et ses discours et s’était contenté d’aller de ville en ville sur son âne pour visiter les temples et faire ses courses sans déranger personne, je pensais je disais n’importe quoi moi aussi. La Tante avait le regard fixe, l’âme fixe, la perruque fixe, elle était comme Jésus sur son âne s’arrêtant pour brouter du lupin. On baignait dans la connivence.
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La mort , je crois me sidérait déjà, sans doute parce que dans ma mémoire elle était ce lieu fabuleux d'où l'on m'avait extrait.
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Tout ce que nous taisons se change en vibrations, et à la longue ces vibrations ont raison de la structure en apparence mutique au sein de laquelle les choses tues vont et viennent, à notre insu ou non.
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Le temps n'est pas de marbre, s'il affecte un aspect lisse et jaspé, en lui le sable fait son oeuvre.
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Oui, il était trois heures du matin et déjà la Tante aux Emulsions Fantoches orchestrait sans pitié un improbable festin, dévissant dix bocaux d’affilée, ouvre-boîtant d’antiques conserves dont l’anonymat était loin de garantir l’innocuité et dont la date de péremption rappelait les grandes heures de la France sous René Coty, puisant avec une furie faustienne dans l’armoire aux épices où elle avait rangé et hiérarchisé, selon un classement qui aurait filé la tremblante du lama à Linné, tout ce que la planète localement mondialisée croyait judicieux de refiler aux naïfs Troyens et indigènes limitrophes.
Le poivre venait-il d’Agadir ou de Cramchaban ? Le fait est que ses grains auraient pu servir de roulement à billes. Quant aux feuilles de thym dont elle tapissait la moindre terrine, elles n’avaient rien à envier aux fiers pavillons auditifs des pachydermes. La Tante jaugeait de la narine les ingrédients, les sermonnait, puis les vouait aux gémonies de sa cocotte en fonte rouge sang. Ils balbutiaient (émulsion), poissaient (d’une bave qu’il fallait écumer), rendaient âme et suc, qu’importe, le bouillon capitulait déjà, et le pied de porc en gelée écartait de lugubres orteils sous les assauts d’un curry maléfique (rehaussé de genièvre, pitié). L’idée ? L’idée était plurielle. Cosmopolite, cruelle. Transversale. L’idée concoctée par la Tante au Wok Sadique se voulait un hommage aux peuples enivrés d’indépendance mais dotés d’un réchaud de fortune.
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Ce n’était pas une vaste demeure, du moins en ce qui concernait sa surface au sol, à l’exception de la cave qui semblait échapper à toute logique spatiale mais que je me contentais d’imaginer, l’accès m’en étant interdit. Juste une maison de ville, plantée dans une rue étroite légèrement incurvée, garnie d’un trottoir large comme un pied d’enfant, et précédée d’un perron à la pierre vérolée, suffisamment écartée du centre de Bar-sur-Aube pour n’être pas troublée par ses rumeurs, étroite de façade mais dotée de deux étages, une maison qu’enfant j’appelais la « maison debout », sans doute parce qu’elle était, architecturalement, à l’antipode du Dortoir aux Entrailles d’où la Tante m’avait arraché, ou plutôt comme elle le répétait souvent, « aidé à renaître », du moins était-ce sa version de l’histoire, une sorte d’accouchement sans douleur, disait-elle, sans cri, rien de violacé ni de tordu, tu n’as pas senti grand-chose, un soulagement en vérité, tu dormais à moitié, les plis du drap avaient laissé des parenthèses sur tes joues, c’était juste avant le matin, un vrai petit ange – mais comment lui dire que le petit ange ne dormait pas, et sentait jusqu’au poids de l’air, jusqu’à la morsure des chuchotements, en perpétuelle génuflexion jusqu’à l’intérieur de lui-même, priant pour que survienne ce fameux Jugement dernier dont on le menaçait cent fois par jour, un jugement qu’il espérait véritablement dernier, la terre s’ouvrant pour de bon, non comme le sexe d’une parturiente sous la lente et violente poussée ogivale de son enfant, mais comme une trappe cédant sous la masse d’un pendu.
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Les mystères sont des monstres patients. La chambre de la Tante était toujours fermée à double tour. Toujours. Deux fois la clé dans la serrure tournait, d’abord dans le sens des aiguilles d’une montre quand elle sortait de sa chambre, puis, plus tard, dans l’autre sens, le sens contrarié du temps, quand elle s’y enfermait, comme on remonte les heures. Ainsi en allait-il depuis que je vivais avec elle, et il n’aurait su en être autrement, que la Tante sorte ou rentre, peu importaient l’heure ou ses dispositions d’esprit, elle s’enfermait dedans ou s’enfermait dehors, ne laissant personne s’introduire dans sa chambre, et sans doute personne en sortir, c’était sa façon à elle d’incuber, mais quel sens donner à cette étrange incubation, ça, je l’ignorais, tout ce que je savais c’était que sa chambre, à force de réclusion, avait dû devenir littéralement une anti-chambre – un lieu si étanche que le volume d’air qu’il contenait était désormais composé de particules captives, interdites d’échappées belles, condamnées aux mêmes frictions, telles ces idées qui, ayant épuisé en apparence toutes les combinaisons possibles, persistent néanmoins à former de nouvelles chimères.
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