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Citations de Christophe Claro (273)


Les visages sont des volcans, et leur feu souvent dissimulé et à jamais insondé, de leur émanations soufrées, nous ne percevons qu'une vague de chaleur que nous appelons, par commodité, expression.
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C'était peut-être ça que mes parents avaient omis de me transmettre : la connaissance de la mort. N'auraient-ils pas dû, avant de se défiler lâchement, prendre le temps de m'enseigner à aimer les vivants au-delà de leur inéluctable péremption ? Mais comment, s'ils l'avaient voulu, auraient-ils pu le faire ? Qu'est-ce qui clochait chez moi ? Pourquoi n'étais-je pas affligé ? Pourquoi l'affliction refusait-elle de couler dans mes veines ? Étais-je incrédule au point de nier aux morts l'évidence de leur absence définitive ? Comme s'ils s'éloignaient juste, s'écartaient, se retranchaient ? Au point que j'en étais venu à m'égarer dans d'ineptes dédales spirites ? Et si l'au-delà était ici ? Tout près ? Si près qu'à peu de choses près c'est en moi qu'il se cachait ? L'au-delà ? En moi ? Oû ça ? En moi je ne ressentais qu'un grand vide, dû sans doute à la faim, la gueule de bois et l'ennui. Voici les cendres. De votre tante. Balbutia l'employé des pompes funèbres.
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Rien de tel qu’une chimère pour en chasser une autre. Le fait est que nos peurs nous ressemblent : elles aussi refusent de mourir. C’est pourquoi elles s’invitent violemment dans nos rêves sous la pire forme qui soit : une forme presque humaine. Une presque-forme. Certains laissent s’insinuer dans leurs nuits des peurs-fantômes, se plaisent à faire parader des lémures ; d’autres s’accommodent de simples inquiétudes qui hélas se changent vite en nœuds, en pierres pénibles à soulever, et au matin les voilà qui occupent leur café à démêler de fades énigmes, les voilà devenus, entre deux tartines, patients traducteurs d’allégories ineptes.
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Les femmes de ma famille, elles, sont plus résistantes, elles préfèrent trébucher, se fouler, boiter, affaire de discrétion, ça fait moins d’ombre aux hommes encore en vie qui se racontent leurs histoires de dégringolades en dégustant leur godet d’arsenic.
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Le caimantoultan est un drôle d'alligator !
Un jour il raconte qu'il en a assez,
Bien haut, bien fort, comme il le pense,
Et le lendemain - tiens donc ? - il a tout oublié !
Comme s'il avait digère ses pensées !
A ses gros yeux, ça n'a plus d'importance.

Non mais : tu ne trouves pas ca un peu...agaçant ?
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Sur sa droite, des étagères, chargées de livres souvent inaccessibles en raison de bibelots et de cadres aux titres qui se lisaient de haut en bas, donc tête penchée vers la droite, parce que de conception anglo-saxonne. Il eut l’impression de détenir soudain le secret de ce mouvement de tête qu’avait souvent Lucy, une inclinaison machinale quand elle regardait quelque chose, et qui devait être la signature de son amour des livres. Antoine se demanda si le fait de lire les titres de façon ascensionnelle le rendait incompatible avec le mode imposé à son amie américaine, à moins que cette différence d’approche ne favorisât, bien au contraire, le contact de deux crânes s’intéressant au même rayonnage.
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Six mois vécus à force d’illusions dans un presque monde aux lumières irritables, un monde si savamment, si bêtement, si lâchement effréné que la peau, une fois la rencontre consommée, n’était plus qu’une navrante panoplie d’ecchymoses. Six mois d’escales et d’écroulements, sous les porches, sur des matelas, dans des bars où chaque verre de bourbon cliquetait tel un reliquat de squelette mal fondu. Six mois à explorer les arcanes de la crasse et l’absence de joie, poches trouées, jupe déchirée, cheveux gras, tête lourde, pensées lourdes, cœur lourd, les yeux pareils à deux perles privées de nacre, seule ô si seule.
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Je ne me lasse pas de le voir s'avancer en piteux pantin dans la salle de classe, on dirait l'idiotie conviée par la cruauté, situation qui me parle.
Il avait les cheveux coupés droit sur le front, comme un chantre de village, l'air raisonnable et fort embarrassé. Quoiqu'il ne fût pas large des épaules, son habit-veste de drap vert à boutons noirs devait le gêner aux entournures et laissait voir, par la fente des parements, des poignets rouges habitués à être nus. Ses jambes, en bas bleus, sortaient d'un pantalon jaunâtre très tiré par les bretelles, bretelles que j'ai envie de saisir à deux mains et de secouer, secouer le nouveau et tout ce qu'il a en lui d'avenir, faire trembler sa masse encore sage pour la contraindre à se déployer, et à coups d'ongles et de dents, mais sans griffer ni mordre (le sang ici-là est interdit), réveiller en lui l'imminent médecin de campagne, lui dire, en somme, et oralement, mais sans parler ni crier (la parole ici-là est caduque) : Allons, tu sais bien, charbovari de mes deux, que tu vas l'aimer, aimer Emma, qu'Emma va te tromper, t'en faire baver, te tourmenter, déjà elle allonge le cou comme quelqu'un qui a soif, elle colle ses lèvres sur le crucifix, elle en suce la moelle, ta moelle, ton jus insipide de faux jésus, et tu la vois alors déposer le plus grand baiser d'amour que jamais tu n'oseras graver sur la gueule d'une page. Alors sors de tes gonds, Charles, moi je ne peux pas, sors de ta chair et brise le sage cristal de l'étude, et surtout, surtout, par pitié, bouffe ta casquette. Moi je ne peux pas. Pas encore. (partie 1, chap. 11)
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Des filles se plaisent à l'insulter avec une douceur insupportable, faisant de lui un chiot qu'il refuse de noyer dans leurs draps douteux, mais s'il doit les suivre, il les suit, et sur son épaule elles pleurent bien vite leur enfant retiré et leur dentelle foutue.
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Je viens d'écrire "laisse monter la langue française". Et j'avais en tête l'image du lait qui monte dans la casserole, d'une masse blanche et tranquille qui ne comprend rien à ce qui lui arrive et se voit traverser par des bouillonnements qui l'enflent et la rapprochent d'un bord qu'elle ne doit pas outrepasser.
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La poche, magie noire
La poche, à l’instar de l’arrière-pensée, appartient à la famille des trappes. Souvent percée, ou du moins toujours recelant en elle la possibilité du percement, la folie du trou. La main s’y dissout, les pièces de monnaie y rouillent, la cigarette s’y délite, et même le petit objet sacré, quel qu’il soit, perd de son aura, oui, aucun fétiche, une fois tripoté dans ce bas-fond, ne résiste au climat de perdition qui règne ici-bas. On pourrait y oublier des grappes d’idées sans que ça prête à conséquence. Poche de mort, poche de merde, poche de peu de viande, où l’espace se détend et se contracte à la façon d’un poumon de pendu, alors qu’en faire ? Que lui confier qui n’y pourrisse aussitôt ? Nous avons parfois, dans la poche du cerveau, des miettes de vie sur lesquelles nous aimerions bien pouvoir poser un doigt humide afin de les ramener à la lumière, ce par quoi nous prouvons notre indécrottable naïveté. Tu as des yeux (pour voir et ne pas voir) ? Tu possèdes donc, à leur aplomb, ridées de gris, d’autres sortes de poches, guère différentes de celles qui empèsent ton gilet, où s’incrustent et se minéralisent les reflets de toutes ces choses que tu n’as pas su regarder. Une doublure ? Certes, mais tu comprends assez vite qu’au lieu de limiter la casse cette invention exacerbe les puissances de la disparition. Car, comme toi, la poche peut facilement se retourner.
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J'arme le silence. J'absente. Je rogne le centre. J'omets des plis. J'immisce. Je trop, je pas assez, je gruge et luxe. p.63
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on a quitté les cavernes de l'être pour se recroqueviller
dans le dé à coudre du dire comme c'est facile un swing
puis un autre c'était donc ça s'évader il suffit lâchons les
chiens nos plaies ont soif et la prairie n'est plus qu'un
synonyme la pluie une ponctuation quelle audace on
s'époumone et la suie enrobe tout en son silence
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tu le sais la patience est un toit
aux tuiles vivantes
aux volets de panique
que l'orage invente dès qu'il faut jouir
- debout
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en toi un muet dit non
(et signe : il faut que ça passe)
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::: allégeance ou révolte, quel parti prendre à force de voir mourir l’autre, rongé par les mites d’une maladie plus vicieuse que la jalousie, usé en paillassons de chair par les ans devenus dominos qui dans leur chute entraînent les pauvres numéros que nous sommes et dont l’addition fait pitié,
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::: si les objets sont pareils à des morts, et qu’une fois déposés sur la toile ils deviennent ce qu’on appelle des vanités, se peut-il que sur la page – celle-ci ? – certaines choses finissent par prendre une teinte autre, une teinte en creux mais non moins éloquente, disons en vrac : la figure du père ou l’ombre de la mère, tel souvenir d’enfance tel dépôt de savoir, ce qui fait qu’une maille un jour s’est défaite, disons le vrac et tout ce qui va à l’avenant d’une vie mal vécue, et qui ici, tracé à l’encre noire, serait susceptible de trôner tel un crâne caressé par la lumière d’un Philippe de Champaigne, et aussitôt s’impose à moi une analogie, qu’à raison sans doute j’ai qualifiée plus haut d’inquiétude : un livre en sa somme, la somme qu’un livre assume, n’est-elle qu’un impur ramassis de vanités ?

::: de même que le peintre ordonne sur la toile les divers attributs de la vie vaine, de même l’écrivain ne fait-il pas de la page un autel, une branlante prédelle sur laquelle exhiber, maquillées, ses icônes intimes, otages du vide de la page qui tremble et ne tremble pas,

::: aveugle métier que celui d’écrivain, aveugle celui qui de ce métier fait et défait sa vie, amer ce cœur vinaigre qu’il presse éponge, ce cœur de rouille qu’il démonte rouage après rouage, le jour entier décanté en un bloc de nuit qu’il voudrait baroque, carrossé de mille palpitations, aveugle et sourd, imbécile, hanté de tout et de rien, et si ce métier est le mien c’est bien qu’en lui un vide m’attire, et que par sa pratique je cherche à faire rendre gorge à je ne sais quel horrible vacuum encombré de mots, à moins qu’il s’agisse d’éprouver la résistance d’une membrane, de percer cette drôle de peau de pourceau raclé qui enveloppe protège quoi recèle quoi interdit quoi – le secret de soi sûrement pas, la mémoire de ce qui me précède j’en doute – mais quoi alors, quel infâme couac, serait-ce l’énigme de la mort vivante qui scintille dans le travail d’écriture, comme si écrire c’était épouser une spirale descendante où se vrillant soi-même on pourrait s’extraire tout entier de soi-même, afin de laisser s’exprimer, une fois expulsé tout ce qui fait office de soi, l’être-trou, • la tristesse hideuse du vide, / du trou où il n’y a rien, / il ne souffle pas le rien, / il n’y a rien, / c’est autour du trou, / au point où les mots se retirent, / un trou sans mots, / syllabes sans sons • [artaud]

::: écrivant-écrivain au fond du vain cherchant à passer outre, est-ce là une ruse du vain, qui veut croire qu’en deçà il y a quelque chose, autre chose, ni vérité ni mensonge, juste un brin, un grain, une graine, à cultiver envers et contre tout, pour mieux recommencer, ne pas capituler, tant pis si c’est à rebours de soi qu’il faut désormais s’avancer • je me dis que quelqu’un qui n’est plus un vivant et, le temps de quelques lignes, pas un mort, ce doit être ça un écrivain • [fourcade]
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::: comme si nous ne savions pas, ne sentions pas le danger lié à l’oubli de mourir, comme si nous pensions qu’oublier de mourir pouvait nous rendre, quoi ? immortels ? mais qui ose le croire le dire l’écrire, qui est dupe de cette fausse foi • au fond de moi je vous avoue que je suis sûr d’être immortel / vanité essentielle • [pierre jean jouve]
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       Litanies de la mère
  
  
  
  
       8

mère de la chose-je    si d’elle il s’agit
       d’elle parenthèse où mettre
le fruit entraillé
       mère visitée en plein été du vide
semence de reste      appel d’un destin
       roué   d’un festin
         muet
– la mort s’allonge dès qu’on hausse la voix
(…)
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::: le sachant le voulant je reviens aux vanités
et les vanités me reviennent, dans mon corps
elles incubent et de lui se repaissent, comme
un amour ancien qui se croit tout permis, leur
heure n’est jamais la mienne, vanités chéries,
éternelles offenses à l’horloge du monde,
le bruit qu’elles font c’est le silence que
j’entends, et j’ai beau peupler de langage le
langage, rien n’y fait, le carton se détrempe le
papier se fend la peau cède, sous le paragraphe
rêvé et charnu on perçoit comme un très léger
vrombissement, la lugubre aria des vrillettes,
des larves de vrillettes qui forent inexorable-
ment pendant que que la langue lèche la langue,
mettant à nu une absurde cathédrale d’os,
et au centre de cette nef creuse et décharnée
que dire penser écrire ⦁ je ne suis rien / et
le monde m’échappe / je fais un grand tas
de bois de ma vie / et dans les longues nuits
venises / timidement m’en réchauffe / que fait
la flamme / qui s’élance impalpable ? / je ne
suis rien / que cet homme brûlé / voici les
parcours sans fin de la terrible mémoire du
monde / d’où je sors consumé / jamais né
pourtant ! / rien / vraiment / que brasero /
autour duquel / j’organise la danse ⦁ [venaille]
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