Citations de Christopher Priest (207)
Nous savions que sur la planète Terre le temps était mesuré en années et en siècles, et que l'histoire écrite remontait à environ vingt siècles. Injustement peut-être, je m'étais construit l'image d'une planète où je n'aurais guère aimé vivre; elle semblait avoir passé la majeure partie de son existence en querelles, guerres, revendications territoriales et pressions économiques.
J'avais atteint l'âge de mille kilomètres. De l'autre côté de la porte, les membres de la guilde des Topographes du Futur s'assemblaient pour la cérémonie qui ferait de moi un apprenti. Au-delà de l'impatience et de l'appréhension de l'instant, en quelques minutes allait se jouer ma vie.
Quelle importance, de nos jours ou à l'époque, si deux prestidigitateurs ont consacré leur vie à s'entre-tuer ? Le mépris, la haine ou l'envie qui occupaient autrefois ces deux hommes ne concernent en rien leurs lointains descendants, dotés d'une existence et d'occupations personnelles. Sans doute ; le bon sens le veut ainsi, mais les passions du sang échappent à la raison. (p. 181)
Ce n'est pas le secret technique qui rend la magie merveilleuse, mais le talent avec lequel on la pratique. (p. 100)
Il se remit à rire, ses yeux plissés se fermant un instant sous ses sourcils proéminents. Une vague d'égarement, d'embarras, d'incertitude, de peur aussi, m'enveloppa. Les compagnons de Hess guettaient ma réaction.
Rien ne se passa en moi. Je me sentais immunisé à tout, enfin étranger à mes émotions, telle une goule, un vestige de moi-même.
Ils arrivaient à la rame, à la nage, en trébuchant, jure et nuit, semaine après semaine. Pendant deux ans. Le continent, désormais inhabitable, dispersait des réfugiés par le monde entier.
Les Britanniques s’étaient révélés incapables par nature d’une réaction modérée à un événement extrême.
Ces histoires traitaient toutes d’un enchaînement d’événements extérieurs menant à la chute de la civilisation au niveau mondial, mais une catastrophe, quelle qu’elle soit, n’a vraiment d’importance que par son impact sur les personnes concernées.
Si les années 1950 avaient été propices à des livres pareils, le hasard n’y était pour rien : la Grande-Bretagne connaissait un après-guerre difficile, avec son économie sinistrée, ses villes en ruines, ses rationnements en nourriture et en électricité, le tout sur fond de tonnerre – le grondement sonore de l’empire qui s’effondrait. Différents auteurs et critiques ont signalé que [ces] romans avaient été écrits par et pour des gens dont le pays était plus déprimant que jamais, à tous les niveaux.
C'était une nuit de questions irrésolues.
Les attentats de New York et de Washington avaient laissé des cicatrices, non seulement dans le tissu des bâtiments et des cités, mais aussi dans des milliers de vies. Au-delà de cela, les mensonges et omissions de certaines personnes non identifiées avaient laissé, subrepticement, occultement, indécemment, des cicatrices dans la démocratie, dans l’histoire et l’image de l’un des plus grands pays libres du monde, dans toute la société occidentale et dans le monde dans son ensemble.
Réinventer un événement réel dans une version romancée m’avait fait toucher du doigt l’importance de la fiction, de la narration, lorsque la vérité était trop malséante ou trop complexe, ou tout simplement une chose que l’on préférait ne pas révéler. On pouvait toujours raconter une histoire.
Néanmoins, le consensus demeurait autour de l’explication officielle. Ce semblait être trahir les victimes, trahir la nation, que de soulever des interrogations quant à ce que tout le monde pensait avoir vu à la télévision. Il devenait acquis que le doute était du domaine des asociaux, des groupes aux idéaux révolutionnaires, des adeptes des théories complotistes. L’explication officielle était patriotique — c’était une histoire américaine.
Chaque tour de magie comporte trois parties ou actes :
La première s’appelle la promesse : le magicien vous présente quelque chose d’ordinaire, un jeu de carte, un oiseau ou un homme. Il vous le présente, peut-être même vous invite-t-il à l’examiner, afin que vous constatiez qu’il est en effet réel, oui, intact, normal. Mais il est bien entendu loin de l’être.
Le deuxième acte s’appelle le tour : le magicien utilise cette chose ordinaire pour lui faire accomplir quelque chose d’extraordinaire. Alors vous cherchez le secret, mais vous ne le trouvez pas parce que, bien entendu, vous ne regardez pas attentivement, vous n’avez pas vraiment envie de savoir, vous avez envie d’être dupé. Mais vous ne pouvez vous résoudre à applaudir, parce que faire disparaître quelque chose est insuffisant, encore faut-il le faire revenir.
C’est pourquoi pour chaque tour de magie il existe un troisième acte, le plus difficile, celui que l’on nomme le prestige…
La rupture nous avait été imposée, mais n'en restait pas moins naturelle.
- Tu n'as qu'à voler une voiture. Ou tuer quelqu'un. Fais quelque chose, n'importe quoi, mais sors-nous de cette saleté de champ et débrouille-toi pour qu'on se remette à vivre décemment.
Mais ne me parlez pas des rivières! Ça me met dans tous mes états!
- Quel est le problème avec les rivières?
- Je vous ai dit de ne pas m'en parler!
Le but de ma vie était atteint: je n'en avais pas.
La permission que j'attendais depuis le début de l'année m'avait enfin été accordée. Laissant la guerre derrière moi, j'ai gagné un port de la côte sud tempérée. Cinquante jours de congé maladie... La poche de mon pantalon pesait sur ma fesse, gonflée par les gros billets de mes arrérages. ç'aurait dû être une période de convalescence après le long traitement douloureux subi à l'hôpital militaire, mais, malgré les semaines écoulées, je sortais trop tôt, l'esprit toujours affecté par les gaz synesthésiques ennemis. Mes perceptions demeuraient profondément perturbées.