Ce n'est pas la première fois qu'une dictature préfère disparaître en anéantissant tout autour d'elle plutôt que de céder la place.
Un seul vœu suffirait d'ailleurs et engloberait tous les autres :survivre ! Sortir vivant de ce cauchemar...
Et ces sentinelles sur les miradors, avec leurs mitrailleuses lourdes. Comme on sent bien que le cordon est infranchissable, que le mal ne passera pas!

Un silence plana sur la salle. Le Commodore Sigmund Schneider demeura tassé sur sa chaise, comme écrasé par ce qu'il venait d'entendre et de voir, puis se redressa lentement, se leva, et fit face aux deux savants qui se tenaient côte à côte devant lui.
- Vous avez fait un sacré travail, tous les deux, dit-il de sa voix éraillée; mais il me semble que ce n'est qu'un début... et j'espère que, de l'autre côté, ils ne sont pas en train de se livrer aux mêmes recherches... Parce que ce que nous tenons là, messieurs, ce n'est pas loin d'être l'arme absolue!
Une lueur de contrariété passa dans les yeux noirs de Ferguson.
- Je ne suis pas préoccupé de cet aspect des choses, commodore! répondit-il d'un ton sec.
- Et vous avez raison, mon vieux! s'exclama le commodore en lui tendant la main; c'est à vous, les scientifiques, de trouver les choses. Et c'est à nous, les militaires, de les exploiter pour le plus grand bien de notre sécurité et de notre puissance... Au fait, professeur, vous lui avez donné un nom, à votre engin?
Ferguson eut un sourire furtif.
- Bien sûr, dit-il; puisqu'elle répond à toutes les questions qu'on lui pose, nous l'avons baptisée: la Pythie.
- C'est toujours la même chose avec vous autres, militaires ! s'exclama-t-il; dès que la science avance d'un pas, vous êtes là, à tourner autour de nous, en supputant le parti que vous pourriez tirer de nos travaux pour la guerre, en rêvant à l'arme nouvelle qui aurait une chance de sortir de nos microscopes et nos tubes à essai !
- La science n'est au service de personne, sinon de l'humanité tout entière, capitaine ! gronda Ryde ; il faut vraiment des obsédés du conflit armé, comme vous et vos semblables, pour vouloir la nationaliser !
La planète s'est mise à ressembler à un gigantesque hôpital .....
— J'ignore si vous constituez vraiment une majorité, lançait-il, mais, pour ce qui est d'être silencieux, vous l'êtes ! Ne vous étonnez donc pas que personne ne vous entende ! Si vous voulez que cela change, parlez ! Sinon, rentrez chez vous et continuez à la boucler ! Mais ne venez pas vous plaindre ensuite que les choses se fassent sans vous ! Or, je suis stupéfait par le nombre d'hommes et de femmes qui, dans leurs conversations privées, se lamentent devant la situation du monde et la leur en particulier. Ils l'attribuent le plus souvent à une politique qu'ils désapprouvent mais dont ils refusent énergiquement de se mêler. En vous taisant, en laissant à. d'autres le soin de s'occuper de ce qui vous concerne au premier chef, vous n'avez que ce que vous méritez !
Ecoutez-moi bien, colonel. Je possède, dans ma fusée, une bombe atomique de fabrication artisanale dont la puissance est de l'ordre de quatre kilotonnes. Cette bombe est réglée sur un détonateur à retardement qui fonctionnera dans vingt-quatre heures...Rectification : dans vingt-trois heures, cinquante deux minutes. Vous allez immédiatement prévenir Moscou de ma présence et du danger qu'elle représente pour l'existence de votre station. Vous avertirez vos supérieurs que si, dans un délai de vingt-quatre heures moins huit minutes, tous les Juifs soviétiques qui se trouvent actuellement sur le territoire de l'U.R.S.S. et qui désirent le quitter, n'ont pas reçu l'autorisation et les moyens de le faire, vous et votre station, moi et ma fusée, nous sauterons tous ensemble. Est-ce clair, colonel ?
... et vous seriez fort aimable de retirer vos pieds de dessus ma figure. Ce n'est pas qu'elle soit belle mais c'est la seule que je possède...