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Critiques de Claire North (517)
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Sweet Harmony

Imaginez un monde dans lequel la nanotechnologie peut nous aider à prévenir un AVC, à détruire le caillot de sang, à sculpter nos fesses, à nous donner un sourire éclatant, à gommer les pertes de mémoire, à augmenter notre plaisir sexuel, à éviter les rhumes…



Bref, imaginez un monde où, à l’aide d’une appli sur votre smartphone, vous pouviez changer votre corps, le sculpter, dire merde aux maladies qui nous affaiblissent. Waw, ça a l’air génial, non ?



Mais comme toute médaille à son revers, les technologies vont dépendre, elles aussi, de l’usage que l’on en fait. Pour soigner, pour aider, c’est une invention intéressante, que l’on a envie d’avoir, mais lorsque l’on voit le côté obscur, comment certains vont utiliser ces nanotechnologies, alors, on a un gros doute…



Cette dystopie est une satire sociale, une critique acide et sans concession des sociétés de consommation, celles qui vous poussent à demander des crédits (à la consommation) qui explosent au fur et à mesure et que l’on n'arrive plus à payer. C’est ce qui vient d’arriver à Harmony, qui s’était sculptée un corps de déesse et qui n’arrive plus à payer.



C’est aussi une critique des réseaux sociaux, des photos que l’on poste sur Insta (ou ailleurs, je ne suis pas moderne), du regard des autres, celui qui peut blesser et de cette société qui veut que l’on soit mince, maigre, musclée, magnifique au réveil, à midi, au soir, après une journée de boulot…



Le regard des autres, le regard de la personne que l’on aime… Ces regards sont importants pour Harmony et comme son mec est à fond sur l’image qu’elle renvoie, qu’il veut se pavaner avec une bombe, il va la pousser à toujours prendre plus de nano dans son corps, afin qu’elle soit parfaite et qu’elle se conforme à ce que lui désire, au rôle qu’il veut lui assigner… Et elle s’endettera toujours plus, croyant lui faire plaisir, croyant se faire plaisir.



Cette novelle de 150 pages est un récit que l’on lit en apnée, tant on a envie de savoir comment Harmony va remonter la pente, si elle arrivera à se désintoxiquer de toutes ces technologies qui, tout comme les médicaments, ont des effets non désirés. Tout comme les médicaments peuvent entraîner des addictions, les nano ne dérogent pas à la règle du revers de la médaille et du danger pour la santé.



Une écriture acerbe, malgré les premières lignes qui commençaient sur un ton un peu léger, amusant, une dystopie qui ne se prive pas de critiquer les sociétés de consommation, une satire qui ne prend pas de gants pour nous démontrer tous les dangers de ce genre de technologies, notamment lorsqu’elles sont utilisées pour sculpter son corps et un drame, lorsqu’il faut payer les factures et que l’argent que l’on gagne n’y suffit plus.



Une dystopie à lire.


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La Maison des jeux, tome 3 : Le Maître

Plateau final.



Aujourd'hui. L'un des plus anciens joueurs de la Haute Loge, Argent, a défié la Maîtresse des Jeux. le Grand Jeu est lancé. le gagnant ne recevra rien de moins que la Maison des Jeux.



Voici advenu le grand final. Nous suivons désormais Argent, apparu dans les deux précédents tomes, qui joue une partie d'échec mondiale contre la Maîtresse des Jeux elle-même. L'enjeu est d'obtenir la Maison des Jeux.



Cette dernière est fermée le temps de connaître le vainqueur. Sur une dizaine d'années les deux adversaires s'attaquent sans répit. Des hommes, des gouvernements, des nations se déchirent et s'effondrent. le monde entier est devenu un terrain de jeu.



Au fur à mesure du récit les objectifs d'Argent se font de plus en plus clairs. de nombreuses révélations nous sont faites. Mais ces dernières ne m'ont pas surprises car j'en avais deviné la plupart.



Je suis plutôt partagée sur les différents changements de narration opérés sur ce tome. J'ai plutôt apprécié le passage à la première personne du singulier car il m'a permis de comprendre et de m'attacher encore plus au personnage d'Argent. Toutefois, si le rythme très soutenu m'avait beaucoup plu au départ, j'ai finis par ressentir une lassitude à n'avoir plus que des énumérations de lieux et de personnages. J'ai vraiment regretté de ne pas avoir plus d'approfondissement. La conclusion à l'inverse m'a énormément plu. J'y ai retrouvé les personnages bien construits de l'autrice.



En conclusion, l'ensemble de cette trilogie est un coup de coeur avec une préférence pour le tome 2. Même si ce troisième tome est moins bon que les autres, j'ai quand même passé un bon moment de lecture. Je quitte avec un immense regret le monde de la Maison des Jeux.
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La Maison des jeux, tome 1 : Le serpent

Venise, 1610. La Renaissance est derrière nous. Cette ville reste cependant un des centres de vie, de culture, de richesse et de pouvoir les plus forts de cette période. Mais tous n’en profitent pas de la même manière. Et surtout pas les femmes, simples marchandises échangées par les pères contre de l’influence, de l’argent. En tout cas, l’amour n’entre aucunement en ligne de compte dans tout cela. Thene a été « vendue » par son père, pas par mépris, mais parce que cela se faisait ainsi. Elle a dû épouser un vieil homme aigri et dépensier, qui la traite mal et, pour ne rien arranger, qui perd sa fortune dans les jeux.



Un jour, Thene se rend dans une maison de jeux un peu particulière. Une maison où, outre les jeux classiques, d’autres parties aux enjeux plus grands semblent se dérouler. Mais il faut être choisi pour entrer dans ce cercle fermé. Et Thene l’est, choisie. À son tour, elle va choisir de participer à ce qui devrait changer son existence. Enfin, une possibilité de reprendre une once de pouvoir, de passer de victime passive de sa vie à actrice aux pouvoirs exceptionnels. Car, vous l’aurez compris, la partie qui lui est proposée se déroule dans la vraie vie avec de vrais gens. Les pions sont des humains. Au participant de savoir employer ses pièces et ses atouts, avec finesse et audace. Mais toutes les cartes sont-elles réparties équitablement ? Et que cherchent les propriétaires mystérieux de cette maison ?



Ces questions, Thene se les posera à un moment de sa partie. Tout comme elle se demandera comment elle en est arrivée là. Comment un être humain, parce qu’il appartient au sexe féminin dans la société italienne de la toute fin de la Renaissance (voire un peu après), se retrouve privé de droits. Obligée d’épouser un homme qu’elle n’aime pas, qui ne lui montre aucune tendresse. Obligée de passer ses journées à attendre, à s’ennuyer, à rien. Obligée de servir de potiche. Obligée de supporter les incartades de son époux. C’est le portrait des femmes de cette époque qui transparaît dans cette novella. Ce n’est pas le centre de l’histoire, loin de là. Claire North ne s’appesantit pas sur cette situation. Elle s’en sert juste comme toile de fond, comme moteur pour son personnage principal. Mais cela crève les yeux. Et je n’ai pu m’empêcher de penser à la très bonne bande dessinée Peau d’homme d’Hubert et Zanzim (2020), qui, elle, met au centre de son histoire la place de la femme et l’injustice flagrante de la condition féminine. Mais ce n’est pas l’intérêt premier du Serpent.



Non, l’intérêt premier du Serpent, c’est son intrigue si bien ficelée et si bien mise en mots. Dès le début, Claire North nous surprend : le narrateur (la narratrice ?) nous prend à partir, nous, lecteurs. Elle utilise les pronoms, rares en littérature, « nous » et « vous ». On ignore qui est le narrateur, la narratrice. On ne sait si c’est un joueur, une joueuse. On devine, on imagine. Je n’insiste pas pour ne pas imposer ma vision. Cela ajoute au sel de cette histoire. Car tout semble jeu, tout semble apparence. Quand on perce un voile, un autre apparaît. Mais l’essentiel est la partie que mène Thene : placer au pouvoir un candidat désigné par la Maison des Jeux. Tous les coups sont permis. Les connaissances des rouages de la cité des doges est vitale. La rouerie est également bienvenue. Suivre les coups distribués et reçus est passionnant. On se prend aussitôt au jeu, cruel et sans pitié, mais ô combien jouissif. Tels des dieux, les participants décident de la vie et de la mort d’habitants, de courtisans, de concurrents. À la différence d’un Sheckley qui, dans Le Temps des retrouvailles, s’en prenait à la société de spectacle prête à jouer avec la vie de ses candidats, Claire North use pleinement de ce pouvoir quasi divin. La ville de Venise est un terrain de jeu et nous en découvrons les coulisses.



Le Serpent est le premier tome d’une trilogie déjà parue (donc pas de mauvaise surprise, sauf si les ventes de ce premier volume sont mauvaises, ce que je ne souhaite évidemment pas, au contraire). La suite est composée de The Thief qui se déroule en Thaïlande dans les années 30, pour une partie de cache-cache et de The Master qui prend place à notre époque et met en scène une partie d’échecs. Et, comme beaucoup de mes camarades qui ont déjà parlé de cette novella, j’ai hâte de découvrir les autres tomes, tant j’ai apprécié la lecture du Serpent, une belle découverte de ce mois de mars 2022.
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Les quinze premières vies d'Harry August

Harry August présente une particularité, lorsqu'il meurt, il reprend conscience dans son corps de bébé et il revit une nouvelle fois sa vie. Bien sûr il peut en toute liberté décider de ce qu'il en fait et choisir un chemin complètement différent de celui qu'il avait emprunter dans sa précédente vie. Harry August a une seconde particularité, il se rappelle d'absolument tout ce qui s'est passé dans ses vies précédentes, ce qui est un cas rare parmi les gens qui sont comme lui.



Tout son cycle de "réincarnations" va être secoué le jour où une petite fille va venir le voir sur son lit de mort pour lui annoncer "J'ai bien failli vous rater docteur August [...] La fin du monde approche et nous ne pouvons pas l'en empêcher. A vous de jouer!".



Ainsi, au travers du récit de ses différentes vies, de ses diverses rencontres et des choix qu'ils va faire, Harry August nous emporte avec lui pour découvrir l'origine de la fin du monde annoncée.



J'ai beaucoup aimé ce roman qui pour moi s'apparente un peu à de la science-fiction. Il se lit très bien et on est assez facilement emporter pas le récit des différentes vies du personnage. L'organisation du roman n'est pas linéaire, ce qui serait ennuyeux je pense, donc au final le rythme est plutôt soutenu, même si on peut vraiment dire que les choses s'accélèrent sur les 150 dernières pages. Dans le même style, ce roman m'a fait également penser à Replay de Ken Grimwood, que j'avais également beaucoup aimé.



Je ne regrette pas du tout cette lecture, bien au contraire, et je suis vraiment ravie d'avoir pu le découvrir grâce au club Pioche dans ma PAL, sans lequel ce livre aurait pu rester encore un moment dans ma bibliothèque.
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La Maison des jeux, tome 1 : Le serpent

Plateau de jeu.



Venise 1610. Il s'y trouve un mystérieux établissement. On le nomme la Maison des Jeux. Tous les jeux possibles et imaginables s'y trouvent et il est possible de miser absolument tout. Quelques joueurs au don exceptionnel sont invités à faire partie de la Haute Loge.



Immense coup de cœur ! J'ai vu passer de nombreux avis enthousiastes sur Babelio au sujet de cette novella. Je ne peux qu'en rajouter un supplémentaire. Nous suivons Thene, épouse bafouée par son trop vieux mari, dans la Venise du XVIIe siècle.



Thene, fille de marchand, a été mariée de force à un homme bien plus âgé qu'elle pour sa dot. Ce dernier, noble sans terres, se venge de l'affront de ce mariage en prenant grand soin de dilapider la fortune de sa femme dans le jeu. Il emmène de force sa femme à la Maison des Jeux, pour l'humilier encore plus.



Peu à peu, Thene finit par jouer également. Son talent est tel qu'elle est invitée à jouer dans la Haute Loge. Pour y accéder, elle doit jouer au dangereux Jeu des Rois, où les pièces sont humaines et le plateau de jeu est Venise même.



J'ai été totalement happée par cette histoire. L'autrice manie sa plume avec un grand art. Venise est sublimée, on discerne ses mystères, on ressent la vie dans ses artères. Chaque pièce humaine est complexe. Chacune à sa propre histoire, chacune est devenue pièce suite à une cause différente.



Thene est également intéressante. Nous ne la connaissons que partiellement, mais elle est touchante au travers des bribes d'informations qui nous sont données. Elle qui semblait résignée à son sort, devient compétitrice redoutable.



Le narrateur est également intéressant. Il se désigne par "nous", mais ce "nous" reste un mystère. Qui est-il ? Comment a-t-il accès à tous ces lieux et aux pensées de Thene ?



Bref, cette novella m'a permis d'entrer dans un monde tout autre. J'ai hâte de lire la suite.
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La Maison des jeux, tome 1 : Le serpent

Autrice anglaise connue pour Les Quinze premières vies d’Harry August, Claire North propose avec Le Serpent un roman court mettant en scène une héroïne confrontée à des choix cornéliens et à sa soif de vivre, le tout dans l’écrin habituel des récits de la collection Une Heure-Lumière du Bélial’ !



Héroïne cherche raison de vivre

Thene est l’épouse honnie de Jacomo de Orcelo, bourgeois endetté vivant dans la Sérénissime Venise du début du XVIIe siècle. Accompagnant son mari à la Maison des Jeux, elle découvre un monde où les enjeux divergent. Si la Basse Loge a tout d’un casino classique, la Haute sélectionne drastiquement ses joueurs, pour le bon plaisir de la Maîtresse des Jeux. C’est justement son cas et on lui propose de « jouer » au Jeu des Rois : à la manière d’un tarot où les cartes sont des alliés, des pions à utiliser dans la ville, Thene fait face à trois antagonistes qu’elle ne connaît pas, dans une lutte acharnée pour faire triompher son Roi (un aristocrate vénitien) et l’asseoir au poste de Tribun. Plus qu’un divertissement aux considérables enjeux, il s’agit aussi pour Thene de se trouver une raison de vivre plus longtemps, autrement que cette vie de femme bafouée, mais au prix sûrement de pertes qu’elle n’imagine pas encore. Toutefois, au fur et à mesure que le jeu des Rois se déploie, elle comprend que l’égalité de départ n’est que de façade et que bien des dés ont déjà été lancés…



Jeu d’intrigues et de vitesse

Coups bas, corruption et coups de théâtre sont autant d’armes entre les mains de Thene et de ses concurrents pour mettre au pouvoir l’homme qui leur sert d’étendard. Chaque personnage est une pièce de l’intrigue prenant le surnom d’un élément de tarot (la Reine de Coupe, la Tour, le Valet d’Épée, le Fou, le Trois de Deniers, etc.) ; leur histoire, souvent tragique, vient justifier leur embrigadement dans cette aventure macabre (c’est l’occasion à chaque fois d’un portrait brossé en quelques phrases mais redoutablement efficace). Il en est ainsi du simple aspirant pris dans les filets de l’intrigue à cause d’une simple dette, comme du puissant intrigant qui cherche à s’accommoder la Maîtresse des Jeux : Seluda, Belligno, Contarini, Faliere et Tiapolo sont autant d’aristocrates issus de la bourgeoisie marchande vénitienne qui tentent par tous les moyens de s’adjuger le pouvoir sur la Sérénissime. L’autrice en profite pour approfondir notre connaissance des enjeux politiques et économiques de la société vénitienne renaissante : la puissance du commerce vers l’Orient et les Turcs ottomans, les bas coups liés aux vendettas familiales et même quelques stratégies matrimoniales, plaçant ça et là contre leur gré des filles bien nées mais mariées de force. De plus, en toile de fond, on devine que La Maison des Jeux correspond à une institution plurimillénaire qui s’insinue dans les arcanes du pouvoir à son seul profit en usant de tout moyen, même magique. La narration, rythmée et implacable, maintient la tension jusqu’à la fin, dans un format dense et concis parfaitement adapté à cette belle collection Une Heure-Lumière dont l’illustration de couverture d’Aurélien Police sert admirablement le propos et l’envie de lire.



Le Serpent est donc un récit ô combien palpitant, dont deux suites sont en cours de traduction par Michel Pagel (pour automne 2022 et hiver 2023).



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Sweet Harmony

Voici Claire North, 38 ans, nous venant d’Angleterre.

Si ce nom vous semble familier, c’est parce que la Londonienne s’est installée dans les librairies françaises avec des ouvrages tels que Les quinze premières vies d’Harry August chez Bragelonne ou encore la trilogie de La Maison des Jeux chez Le Bélial’.

Pour bien débuter l’année 2024, elle revient une nouvelle fois dans la collection Une Heure-Lumière pour une dystopie médicale à vous glacer le sang en 160 pages à peine. Oubliez vos traits disgracieux ou vos petits problèmes de santé, Claire North a la solution pour vous dans Sweet Harmony. Et on espère que vous avez un bon compte en banque !



Plus belle la vie

Dans le futur imaginé par Claire North, la médecine a fait un bon de géant grâce à une avancée majeure : la nanotechnologie.

Nous suivons Harmony Meads qui découvre un beau matin en se réveillant qu’un bouton particulièrement dégoûtant vient d’éclore sur son visage.

Harmony, aussi étonnée que dégoûtée, contacte immédiatement Fulllife, le fournisseur-gestionnaire des nanotechnologies médicales qui fourmillent dans le corps de tout un chacun. Un dysfonctionnement d’une des nombreuses extensions qu’elle a acheté ?

Une erreur de programmation peut-être ?

Rien de tout ça. Harmony est endettée et elle ne peut plus s’offrir la totalité des services qui, jusque là, lui donnait une peau éclatante.

Alors forcément, quand les nanos s’arrêtent, le naturel revient au galop.

Et le naturel, c’est certainement bon pour ces quelques coincés de naturalistes qui assument de ne pas toucher aux Nanos, mais pas pour Harmony Meads, agente immobilière. Pas après tout ce qu’elle a traversé, pas avec sa mère malade, pas après sa douloureuse séparation avec Jiannis. Mais comment en est-elle arrivée là ? Et jusqu’où Fulllife va-t-il aller pour lui faire payer ses dettes ?

C’est un frisson de terreur qui saisit le lecteur devant l’idée « Black Mirroresque » simple mais brillamment exploitée de Claire North pour sa novella Sweet Harmony.

Une société transfigurée par l’utilisation de nanotechnologies médicales qui permettent des choses incroyables, comme de repérer et de prévenir un AVC ou de faire disparaître en un clin d’œil votre acné. Une révolution en somme qui, comme toutes les révolutions, cache en elle-même les graines de la Terreur la plus totale.



Corps exquis

Car le problème, ce ne sont pas tant les nanotechnologies elles-mêmes mais bien l’utilisation qui en est faites, une utilisation qui déborde largement le cadre médical pour investir le terrain du cosmétique et de la beauté. Avec le monopole de Fulllife, fournisseur de santé, les perspectives capitalistes s’ouvrent en grand et l’on tombe graduellement dans l’horreur.

Ou devrait-on dire le body-horror tant Claire North prend un malin plaisir à imaginer des extensions pour tout et n’importe quoi. Un Sourire Éclatant, des fesses sans cellulite, des muscles sculptés, une contraception permanente, une humeur toujours égale… Tout y est.

Même ce qui ne vous a peut-être jamais traversé l’esprit.

Sweet Harmony imagine ce que l’utilisation d’une technologie à visée médicale peut faire lorsqu’elle est lâchée dans un monde d’argent où l’éthique n’est plus qu’une vue de l’esprit. Le cauchemar réside à la fois dans le nombre hallucinant de modifications corporelles que va subir Harmony mais aussi dans ce qu’il se passe quand ces extensions tombent en rideau.

Plus terrifiant que le retour au naturel, ce sont les dommages punitifs qui s’abattent sur la jeune femme pour la forcer à éponger ses dettes qui saisissent le lecteur à la gorge. Perte de l’odorat, perte de la vision des couleurs, chute de cheveux… tout est bon pour rendre dépendant l’utilisateur.

L’intelligence de Claire North est pourtant d’aller plus loin qu’une critique frontale de la science dénuée de conscience. Elle en profite pour passer notre société du paraître au scalpel, montrant que Fulllife ne fait que profiter du Diktat de la beauté pour s’épanouir.

C’est dans une société où l’aspect physique conditionne votre réussite que la fuite en avant s’opère. Votre apparence devient tout et si vous n’êtes pas à la hauteur, vous ne jouerez jamais dans la cour des grands.



La toxicité de ton regard

Voici Harmony Meads qui vous raconte sa chute à n’en plus finir.

Et celle-ci n’est pas simplement le résultat d’une simple addiction à la modification corporelle, non. Elle est le résultat d’une société où l’image fait tout. Une société où la femme, première victime du paraître, doit être belle, mince, sportive, musclée. Parfaite.

Alors Sweet Harmony montre la brutalité de l’homme face à ces exigences, montre la relation toxique d’Harmony avec Jianny, un pervers narcissique qui veut la contrôler à coup d’extensions et de petits arrangements.

Même si Jianny et ses amis sont eux aussi victimes de la course à la performance, notamment sexuelle, c’est bien Harmony et les femmes qu’elle croise qui croulent sous le poids de normes complètement folles. Claire North réalise le tour de force de montrer que la déviance médicale dérive à la fois d’un monopole capitaliste mais aussi d’une société malade qui broie ceux qui ne sont pas physiquement à la hauteur pour les rejeter, les mettre à l’écart et les broyer, avec le laid, l’improductif, le vieux, le malade, l’handicapé. Sa mère, Karen, en sera un brillant exemple. Elle qui refuse les extensions, elle qui est trop pauvre pour vouloir trop, elle qui finit en situation de handicap parce qu’elle n’a certainement pas payé à temps le soin qu’elle mérite gratuitement.

Sweet Harmony est à la fois un cri d’alarme sociétal mais aussi un rappel que la médecine ne devrait jamais être soumise à des contraintes purement économiques. Mais qui peut arrêter la machine une fois lancée ? Qui peut vraiment y résister quand le monde entier autour de nous s’y abandonne avec joie et cupidité ?



Sweet Harmony frôle dangereusement le chef d’œuvre.

Claire North capte toute l’horreur d’une société où les apparences conditionnent le succès de l’existence, où la dette devient votre compteur de vie, où l’emprise devient totale.

Terrifiant, virtuose, captivant.
Lien : https://justaword.fr/sweet-h..
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La Maison des Jeux, tome 2 : Le voleur

Bangkok, 1938

Abhik Lee, après avoir copieusement enivré Remy Burke, lui propose un défi dont l’enjeu est franchement déraisonnable. Dans sa soûlographie, celui-ci accepte une partie de cache-cache à l’échelle de la Thaïlande toute entière. La main de Remy est clairement moins favorable que celle de son adversaire mais il ne peut pas perdre, le prix à payer est décidément trop élevé.

Et la Maison des Jeux alors ? Elle est bien là, toujours sous la férule de la mystérieuse Maîtresse des jeux, à contrôler que personne ne triche et peut-être davantage même…

Remy va devoir affronter des épreuves sans nom pour ne pas être découvert, ne pas céder aux pressions des atouts d’Abhik nettement puissants que les siens, déployer des trésors d’ingéniosité pour déjouer les plans de son adversaire et se découvrir une ténacité qu’il ne soupçonnait pas. Il bénéficiera aussi de soutiens plutôt inattendus. Or quand on joue dans la Haute Loge tout se paye tôt ou tard.

Positionné à nouveau comme un observateur/voyeur, le lecteur suit le narrateur qui le guide à la suite de cette fuite éperdue et incessante, pressé de découvrir comment Remy, bien attachant, se tirera de ce très mauvais pas tout en posant habilement des jalons pour le tome 3 final.

Du bel ouvrage !
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Les quinze premières vies d'Harry August

La première fois qu’Harry August renaît, son esprit craque. A l’âge de sept ans, il se suicide en se jetant d’une fenêtre de l’asile où ses parents l’ont fait enfermer, incapable de concilier son âme de vieillard et son corps d’enfant trop familier. A sa troisième vie, il tente de comprendre, cherchant dans la religion un éclaircissement à sa curieuse malédiction personnelle – sans succès, bien entendu. A sa quatrième vie, enfin, une amorce d’explication lui est offerte quand il est approché par le cercle Cronus, une curieuse association regroupant des gens de toutes origines sociales et de toutes nationalités. Ces gens-là n’ont qu’une chose en commun : à l’instar d'Harry, ils sont des ouroboriens, des personnes condamnées à revivre éternellement leur vie de leur naissance à leur mort, tout en conservant les souvenirs de toutes leurs existences précédentes.



Les ouroboriens ont toujours été là, dissimulés parmi la foule et dotés d’une bien meilleure connaissance du futur que nous, malheureux linéaires, puisque leur particularité leur permet de communiquer de génération à génération, de jeunes enfants à vieillards agonisants. Or, à l’orée de la sixième vie d'Harry, les messages transmis par les générations futures prennent soudain une coloration inquiétante. La fin du monde arrive. Rien de nouveau à ça, me direz-vous, la fin du monde est toujours en train d’arriver ! Mais le hic, c’est qu’elle arrive de plus en plus en vite, se rapprochant un peu plus à chaque nouvelle boucle temporelle. Les linéaires ne pouvant influencer le cours de l’Histoire, la cause de cette dramatique situation doit obligatoirement venir d’un ouroborien, aussi Harry part-il en chasse, épaulé par les autres membres du cercle Cronus. Pour la première fois de son étrange existence, Harry est rattrapé par le temps : s’il ne se presse pas, dans neuf ou dix vies à peine, le monde ne sera plus que ruines fumantes avant même d’avoir atteint le XXIe siècle…



J’avoue avoir débuté ce livre avec une bonne dose de scepticisme, l’idée de base me faisant beaucoup trop penser à « Replay » de Ken Grimwood qui ne m’avait pas laissée un souvenir impérissable – loin s’en fallait… Heureusement, j’ai le plaisir d’affirmer à présent que je me fourrais le doigt dans l’œil jusqu’au coude ! Certes, les deux romans ont certains points communs, mais le livre de Claire North (de son vrai nom Catherine Webb) s’est révélé rapidement infiniment mieux tourné et subtil que son prédécesseur, beaucoup trop américanisé et bien-pensant à mon goût. L’auteure a l’intelligence d’éviter une narration linéaire et préfère laisser la bride à son narrateur, le laissant zigzaguer sans complexe du présent au passé, alternant tranches de récits, souvenirs et réflexions personnelles. Ce parti-pris peut paraître assez risqué par son côté déstructuré, mais il s’avère finalement très payant et permet à la romancière d’aborder un grand nombre de thématiques et d’idées, toutes plus fascinantes les unes que les autres.



Le style d’écriture est également fort agréable, avec une note omniprésente d’ironie pince-sans-rire, versant parfois dans l’humour noir. On pourrait regretter l’aspect un peu caricatural de la majorité des personnages secondaires – à l’exception du très intéressant Vincent Rankis dont je ne vous parlerai pas pour vous laisser le plaisir douteux de faire sa connaissance – mais cet inconvénient reste secondaire par rapport à l’intelligence et à l’originalité rafraichissante de l’ensemble. Une bonne surprise et une jeune auteure tout à fait prometteuse !

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Les quinze premières vies d'Harry August

Harry August a eu une très longue vie. D’autant plus longue qu’il en est à sa 15ème… De quoi emmagasiner pléthore d’expériences lorsque l’on a la chance (ou la malchance) de revivre sans cesse avec tous ses souvenirs d’avant.



Sur la même idée de base, il existait le chef d’œuvre intemporel (sans mauvais jeu de mot) qu’est Replay de Ken Grimwood, sorti en 1988 en France. Alléché par ce concept tout en étant inquiet de ne tomber que sur une pâle resucée de ce roman version XXI°siècle, j’ai été très vite rassuré.



Dès les premières pages, Claire North (pseudonyme de Catherine Webb) imprime sa patte et nous emporte dans cette aventure d’une vie qui recommence sans cesse, mais qui pourtant jamais ne se répète. Un destin qui se réinvente à chaque « renaissance », tout au long de ce roman dense de près de 500 pages. Dense par l’étendue de la palette d’intrigues, de notions, de thèmes et d’émotions que nous propose l’auteure. Dense par cette vraie histoire qui se déroule à travers Les quinze premières vies d’Harry August.



Car là où un roman comme Replay se focalisait surtout sur les émotions, ce roman s’aventure sur d’autres terres. Il s’avère à la fois rythmé et introspectif, complexe tout en restant véritablement grand public, distrayant mais également exigeant. En résumé, ambitieux et ludique à la fois.



Claire North a très bien pensé son affaire, avec ses implications passées et futures. Son récit est volontairement déstructuré, mais si intelligemment construit que jamais on ne s’y perd. Cela rajoute un piquant supplémentaire à l’histoire, toujours innovante et pleine d’imagination, sans néanmoins jamais partir dans un délire quelconque. Un récit bien documenté (notre héros se coltine tout de même la deuxième guerre mondiale à chacune de ses vies, par exemple), avec des touches dystopiques subtiles et des ramifications temporelles bien réfléchies.



Ce roman c’est un peu comme un arc en ciel, chaque passage propose son lot de surprises à la couleur et à l’intensité différente : action, envolées quasi philosophiques (mais jamais prises de tête), intérêt historique et géopolitique à l’échelle mondiale, passages ludiques…



Ces quinze vies sont un vrai voyage dans le temps, mais aussi dans le monde entier, et proposent une vision bien plus européenne que son illustre prédécesseur cité en début de chronique. Un roman à la croisée des chemins qui ravira les amateurs de SF humaniste tout comme les lecteurs qui sont fascinés par l’imagination que peut déployer un auteur.



Dans le cas présent, c’est, à tous les niveaux, une belle réussite et une magnifique lecture pour les pauvres linéaires (traduire : mortels) que nous sommes.
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Les quinze premières vies d'Harry August

"Les quinze premières vies d'Harry August" nous relate l'histoire d'un homme qui, à chaque mort, renaît et doit revivre la même vie, tout en conservant les souvenirs de son ancienne vie. Tout cela pose évidemment de nombreuses questions : pourquoi ce cycle infernal ? que faire de ces connaissances acquises lors des précédentes vies ? a-t-on le droit, en sachant ce qu'il va advenir, d'influer sur le cours de l'histoire ? y a-t-il d'autres personnes dans la même situation ?



Harry August va donc employer son temps au travers de ses différentes vies à élucider tous ces mystères et comprendre qui il est réellement et quel est son destin...



J'ai trouvé cette histoire surprenante et passionnante. Harry nous raconte ses différentes vies de manière décousue, reliant les éléments selon leurs relations de causes à effets, revenant sur des rencontres particulières, des moments intenses, douloureux, des événements qui ont influé sur les choix qu'il fera dans ses vies à venir. Et la grande question qui nous reste en tête est de savoir à quel point chaque décision de notre vie peut influer sur le futur de toute l'humanité. Bon, je suis quand même consciente qu'à mon niveau, tourner à droite ou à gauche au prochain carrefour ne va pas mettre en danger grand monde, mais quand même, le questionnement est bien là, et c'est ce qui fait tout l'intérêt de cette lecture.



Je qualifierai ce livre de thriller temporel (je ne sais pas si ce terme existe, mais c'est ce qui me vient à l'esprit). Je l'ai trouvé génial, prenant, haletant, surtout la seconde moitié du livre. Si vous voulez une intrigue originale et pleine de suspense, alors n'hésitez pas, "Les quinze premières vies d'Harry August" est un roman qui ne vous laissera certainement pas indifférent !
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La Maison des Jeux, tome 2 : Le voleur

Cache-cache.



Bangkok 1938. Rémy Burke reprend conscience dans une chambre d'hôtel après une nuit trop arrosée. Toutefois le vrai problème est ailleurs. Ivre, il a accepté un défi particulièrement dangereux, une partie de cache-cache avec la Thailande comme terrain de jeux. L’enjeu ? rien de moins que l'intégralité de ses souvenirs.



Et c'est à nouveau un immense coup de cœur ! Exit Venise à la fin de la Renaissance, désormais le terrain de jeu se situe en Thaïlande à la veille de la Seconde Guerre mondiale. J'avais déjà adoré le premier volume et j'ai adoré encore plus ce second opus !



Le défi semble des plus banals au premier abord. Une simple partie de cache-cache. Là où les choses se corsent, c'est que le terrain de jeux est la Thaïlande toute entière. De plus, Remy Burke est un Anglo-Français d' 1 mètre 80, ce qui est tout a fait inhabituel dans la Thaïlande d'Entre-Deux-Guerres. A cela s'ajoute le fait qu'il n'a aucun contact, à l'inverse de son adversaire qui a de nombreux contacts influents dans le pays. La partie semble donc jouée d'avance. C'est sans compter sur les ressources insoupçonnées de Remy.



Cette novella réussit un véritable exploit. Tout d'abord elle réussit à être encore meilleure que le précédent opus. En outre, l'autrice parvient à la rendre à la fois contemplative et intense. En effet lors de la fuite de Remy, l'autrice s'attarde sur les paysages thaîlandais et sur les rencontres, qu'elles soient bonnes ou mauvaises, de ce dernier. Tout les personnages, qu'ils soient principaux ou secondaires, bénéficient d'une excellente construction. Je pense tout particulièrement à une certaine veuve.



En filigrane différents thèmes sont abordés. Nous retrouvons un questionnement sur la place des femmes, mais aussi une critique claire du colonialisme. De plus, nous comprenons que la Maison des Jeux semble avoir des intérêts divergents des joueurs.



Enfin, le mystérieux narrateur commence à se dévoiler doucement. Il semble avoir également des intérêts propres et prend clairement partie pour Remy.



Bref, cette novella est encore meilleure que la précédente. Je lirai avec plaisir le bouquet final.
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La Maison des jeux, tome 1 : Le serpent

Chez la collection Une Heure Lumière du Bélial, on ne compte plus le nombre de pépites dénichées aussi bien parmi les auteurs français qu’étrangers, du « Ormeshadow » de Priya Sharma à « Vigilance » de Robert Jackson Bennett, sans oublier les deux tomes de « Molly Southbourne » de Tade Thompson ou le « Symposium inc » d’Olivier Caruso (pour ne parler que des plus récents). « Le Serpent » de Claire North se hisse sans mal à la hauteur des œuvres précitées, et inaugure une trilogie passionnante mêlant histoire et fantasy. L’intrigue de ce premier tome se déroule à Venise, en 1610, où l’on fait la connaissance d’une jeune femme, Thene, menant une vie morne suite à un mariage malheureux avec un époux qui la méprise et dilapide son argent dans l’alcool et les jeux. Agacé par l’apparente indifférence de son épouse, et désireux de l’humilier encore davantage en lui faisant assister au gaspillage de sa fortune, le mari l’entraîne régulièrement dans une institution vénitienne fort prisée mais aussi fort mystérieuse, la Maison des Jeux. Divisée en deux espaces, la Basse et la Haute Loge, l’endroit offre la possibilité de tester toute sorte de jeux, des plus anodins aux plus stratégiques, pour des enjeux d’importance là aussi très variable. Incitée à jouer à son tour par un étrange personnage qu’elle affronte nuit après nuit, la jeune femme se découvre très vite un talent pour le jeu, ce qui lui permet d’accéder à la très select Haute Loge, dans laquelle se déroule des parties bien différentes. Pour y être admise à titre définitif, Thene va devoir s’opposer à trois adversaires dans une partie d’échec grandeur nature. En effet, une place d’inquisiteur au Tribunal Suprême vient tout juste de se libérer à Venise, et quatre candidats de force plus ou moins égale briguent le titre. Chaque joueur se voit alors attribuer un prétendant, mais aussi des pièces qui correspondent à de véritables habitants de la ville, tous d’anciens joueurs ayant contractés une dette auprès de la Maison des jeux et que Thene et ses homologues vont pouvoir utiliser à leur guise pour que leur « roi » puisse remporter la partie. Que le meilleur gagne !



L’intrigue tourne essentiellement autour des luttes de pouvoir auxquelles se livrent de puissantes familles, une thématique somme toute assez classique en fantasy mais dont l’intérêt se trouve ici renforcé par l’aspect « jeu d’échec ». La partie à laquelle se livre l’héroïne est captivante, pleine de rebondissements et de coups de théâtre inattendus, et permet au lecteur de profiter d’une splendide visite dans cette Venise du début du XVIIe. Mais davantage que le décor, ce sont les personnages qui suscitent avant tout la curiosité. Spadassin volubile mais implacable, gratte-papier à priori insignifiant mais connaissant tous les potins qui agitent la ville, religieuse au passé trouble ou prostituée de luxe ayant des oreilles partout : les différentes « cartes » mises à disposition de Thene sont toutes intrigantes et participent, à la fois par la diversité de leur profil mais aussi par leur association facilement identifiable avec une figure de jeu traditionnelle, à renforcer l’originalité du récit. L’intérêt que l’on porte à l’histoire va croissant à mesure qu’on réalise qu’une seconde partie est en cours, et que les enjeux de celle-ci vont bien au-delà de la simple obtention d’une place prestigieuse dans une petite ville italienne. Le mystère qui entoure la Maison des Jeux et son étrange propriétaire participent évidemment eux aussi à maintenir le lecteur en haleine, et on devine sans peine qu’il s’agit là du fil rouge qui guidera les trois tomes de la trilogie, la partie d’échec en cours n’étant qu’un coup parmi d’autres dans une autre partie, bien plus vaste et bien plus longue. La plume de l’autrice, elle, est agréable et un peu nerveuse, ce qui permet de souligner encore davantage la tension qui imprègne le récit à partir du moment où Thene entame sa partie. De même, le choix de confier la narration à un personnage inconnu, qui semble observer toute la partie en surplomb, et s’adresse régulièrement à l’héroïne par le biais du « tu », renforce le sentiment d’oppression du lecteur, ainsi que sa conviction de l’existence d’enjeux et de règles pour le moment tenus secret mais d’une importance capitale. Thene est pour sa part une héroïne peu ordinaire, distante et froide et pourtant attachante, le lecteur aspirant plus que tout à la victoire finale de cette jeune femme dont le prétendant figure pourtant parmi les plus mal loti en terme d’influence et d’alliés.



Appliquant de façon tout ce qu’il y a de plus littérale l’expression « échiquier politique », Claire North nous offre ici un premier tome captivant mettant en scène une partie d’échec grandeur nature impliquant des joueurs retors, des rois ambitieux en concurrence pour exercer une charge prestigieuse dans la Venise du XVIIe, et des individus/pièces qui doivent être utilisés à bon escient. Il en résulte une intrigue qu’on suit avec un plaisir immense, plaisir qu’on est ravi de pouvoir bientôt prolonger via les autres volumes de cette trilogie de « La Maison des jeux » qui vient rehausser encore un peu plus la qualité (déjà excellente) de la collection « Une Heure Lumière ».
Lien : https://lebibliocosme.fr/202..
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La Maison des jeux, tome 3 : Le Maître

New York, aujourd’hui

Argent a décidé de défier la Maitresse des Jeux. Après des siècles de préparations, il se sent prêt.

Celui des deux qui l’emportera possédera la Maison des Jeux qui poursuivra ses activités ou sera détruite selon le vœu du vainqueur. Le perdant appartiendra à la Maison.

Quel jeu ont-ils choisi pour s’affronter ?

Le roi des jeux bien sûr : les échecs. Comme il s’agit d’un jeu « grandeur nature, il va leur falloir éliminer toutes les pièces de l’adversaire et capturer le roi (reine).

Ces pièces vont être manipulées, utilisées, sacrifiées, des pions mourront en grand nombre. Argent veut justement mettre fin à la Maison des Jeux pour que celle-ci n’interfère plus dans la vie des Hommes, pour que la pauvre humanité ne soit plus « le jouet » de joueurs de la Haute Loge qui, pour emporter une partie, jettent dans la mêlée des armées, des villes, des idées sans tenir compte du tout des conséquences.



Cela aurait du être l’apothéose de la trilogie dont els deux tomes précédents nous ont amenés doucement, habilement à cet affrontement final.

Et bien, cela ne l’a pas fait. Pas du tout. Quel dommage !

Tout au long des pages (sauf au tout début et à la toute fin) nous suivons Argent dans une succession de fuites et de poursuites, à bord de bateaux, avions, trains, nous découvrons une énumération de déploiement de soldats, policiers, hommes politiques, hommes de médias, institutions tour à tour alliés, ennemis, à travers la planète entière sans qu’il ne s’arrête dans un aucun lieu… Que c’est lassant, inintéressant.

Rien sur la tactique, la stratégie. Si une allusion à un roque.

Seuls sont évoqués les motivations d’Argent qui veut mettre fin aux massacres des jeux organisés par la Maison, mais auquel il participe et même dont il est l’instigateur puisque c’est lui qui a lancé le défi ultime et insensé.



Je suis bien déçue moi qui avais été emballée par les deux premiers volumes dans lesquels Claire North avait su créer une ambiance bien particulière, intrigante, construire des personnages suffisamment attachants par leur motivation pour qu’on lise avidement afin de connaitre l’issue des parties engagées.

Là, rien…

Même la chute ne m’a pas convaincue.

Quel dommage !

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Les quinze premières vies d'Harry August

Le titre est assez original et on sait tout de suite qu'on se trouve dans un roman SF. Je l'avais choisie en livre audio, ça a tendance à allonger mes lectures... mais ça permet aussi de faire autre chose en même temps !

Pourquoi plusieurs vies ? car Harry August est un mnémonique, à chacune de ses morts, il renait à la même époque dans sa famille, sa vie recommence et il se souvient de ses vies vécues. Très curieux comme procédé... Mais ça devient intéressant car pendant sa/ses vie(s), une menace pour le monde apparait. Il va essayer d'empêcher cela. Quinze vies ne sont pas de trop ! Les différentes vies à suivre sont intéressantes mais ça change un peu de l'une à l'autre même si le début de celle-ci est très répétitive... Est-ce l'effet audio, je suis plutôt visuelle, mais j'ai eu du mal à retenir les vies et leurs changements... A tout cas, la lecture est plaisante, je ne m'attendais au ton montrant bien l'humour du lecteur. Cette brève confusion des vies et les répétitions ont un peu gâché mon écoute mais j'ai aimé son originalité et j'ai déjà noté La soudaine apparition de Hope Arden que je pense lire plutôt qu'écouter...
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La Maison des jeux, tome 1 : Le serpent

Venise, XVIIe siècle, un établissement mystérieux la Maison des Jeux réunit tous les joueurs invétérés de la ville. Mais alors que dans la ligue basse on se contente de se ruiner au backgammon ou aux cartes, la ligue haute réunit une autre trempe de joueurs, ceux qui ont auparavant été soigneusement sélectionnés. Car ici le jeu est grandeur nature : on y mise ce qui nous importe le plus, sa jeunesse ou la vie de ses enfants, le plateau de jeu est le pays ou la ville et les cartes ou les pions des êtres vivants comme vous et moi. Thene, jeune femme ambitieuse sélectionnée pour une nouvelle partie se révélera-t-elle une vraie joueuse ?



Entrez vous aussi dans la Maison des jeux, vous ne le regretterez pas... dès les premières pages le ton est donné, un mystérieux narrateur vous fait visiter la ville comme si vous y étiez et vous permet d'accompagner Thene et les autres dans cette partie qui commence. Ce roman qui se situe pourtant très loin de ma zone de confort (sachant que je ne suis branchée ni roman historique, ni science-fiction ni fantastique et donc pas vraiment dans la cible de ce récit) m'a d'abord séduite par son style original et prenant, son accroche à la 2nde personne du singulier invitant le lecteur à faire un bout de chemin avec Thene et son atmosphère mystérieuse dès les premières pages. L'auteure mélange habilement description plutôt réaliste de la Venise de l'époque et petites touches de fantastique ou d'étrangeté de ci de là, offrant ainsi le plaisir de (re)découvrir cette Venise fantasmée à son apogée tout en sortant des sentiers battus.



Malgré cette intrigue surprenante, le récit est fluide et on entre très vite dans le concret avec cette partie qui démarre et que l'on comprend mieux petit à petit. Les personnage / cartes à jouer sont tous hauts en couleurs et offrent l'occasion à l'auteure de mêler récits dans le récit avec de belles descriptions de leurs vies associées à la symbolique des cartes de tarot qu'ils représentent. Bref si vous aimez les jeux, les mystères, la stratégie et si vous vous intéressez à Venise, ce court roman est un vrai plaisir de lecture dont les pages se tournent toutes seules. Et si vous n'avez rien compris à ce qui précède, ne vous inquiétez pas non plus : difficile de critiquer ce récit sans en dire trop mais une fois plongé dedans la mystérieuse 4e de couverture s'éclaire au fil des pages sans jamais perdre le lecteur en route.



Un seul reproche : c'est trop court !!! J'aurais bien continué le voyage avec Thene, ses adversaires et ses cartes mais heureusement comme il s'agit d'une trilogie je n'ai plus qu'à me procure au plus vite la suite pour poursuivre l'aventure. Un roman très original à découvrir, sans compter que l'illustration de couverture est magnifique et l'édition très soignée (je regrette presque de l'avoir emprunté à la médiathèque, j'aurais aimé le garder dans ma bibliothèque).
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La Maison des jeux, tome 1 : Le serpent

Venise, 1610.

Et, déjà, McKinsey aux manettes.

Fallait y penser. Claire North, alias Catherine Webb, l'a fait, et évite toute accusation de complotisme, grâce à l'uchronie. Habile !



Cinq hommes de pouvoirs, tous briguant un siège au Tribunal Suprême, tous rivaux.

Et puis, il y a ce cabinet. On dit bien des choses à son sujet. Une succursale du Diable, murmure-t-on, quand d'aucuns vantent leurs méthodes peu orthodoxes.

Occulte ou pas, l'office s'est imposé dans le paysage politique. Peut-être parce que se priver de ses services quand ses concurrents y ont recours relèverait du suicide.



Ainsi pensent nos candidats, et chacun de faire appel aux « services » d'un conseiller.

Chacun ? Pas tout à fait, puisque l'un des cinq candidats refuse le deal. Un mystère à éclaircir.

Et ces conseillers. Tous émanant d'une même officine. Leurs missions opposées ne représentent-elles pas un conflit d'intérêts ?

Assurément, les pions sur l'échiquier sont nombreux, et ce ne sont pas forcément ceux qu'on pense. Quant aux propres motivations de McKinsey, bien malin celui qui les devinera.





Bon, remplacez McKinsey par une non moins sulfureuse Maison des jeux, l'uchronie par une discrète Fantasy, et on y est !

Une Maison des jeux qui tire elle aussi son pouvoir de l'argent et de l'influence.

Une Maison des jeux tentaculaire et nébuleuse

L'autrice aurait pu jouer la facilité en reproduisant l'opacité qui caractérise le cabinet américain si souvent consulté. Ce n'est pas le cas et, pour notre plus grand plaisir, elle nous emmène dans le cœur de ce lieu mystérieux, dévoilant en partie ses arcanes. Car s'il est une règle dans la Maison des jeux, c'est que les règles doivent être claires, sues et comprises de tous les participants. Qu'elles soient équitables est une autre histoire...





Source de l'intrigue et lieu d'où irradie la Fantasy, la Maison des jeux est aussi le cœur du somptueux univers créé par l'autrice. Mais l'essentiel du roman est bien plus terre à terre et se déroule à l'extérieur de ses murs, dans les ruelles et sur les canots de la ville.



Et c'est là qu'on parle de la forme et du genre :

Nous suivons Thene, jeune femme diligentée par Mc... je veux dire, l'une des « joueuses », missionée pour emmener le candidat Angelo Seluda à la victoire.

Or, dans la forme, tout se passe exactement comme si Thene était une détective privée et Angelo son client. Thene enquête sur son propre client, sur ses concurrents, et finalement sur tous les personnages plus ou moins liés, ce qui inclut les autres « joueurs » de la Maison.

En bon détective, Thene s'appuie sur les témoignages et les services des personnages auxiliaires. La particularité ici est que ces personnages lui sont imposés par les règles du « jeu ». Ils sont d'ailleurs représentés par des cartes de Tarot. Ce sont ses « cartes » à « jouer », ou à « déployer ». La Maison des jeux s'arrange pour obtenir leur coopération.

Si l'on fait abstraction de ce verni en lien avec l'univers, il est frappant à quel point le texte du roman reprend les codes et les composantes du roman d'enquête classique, comme les Sherlock Holmes.

Et ce qui frappe encore plus, c'est que l'autrice n'en reprend que la pulpe. Ainsi, le texte est essentiellement une succession d'interaction (des dialogues) entre Thene, ses « cartes » et les autres personnages, où sont échangées les informations clés faisant évoluer l'enquête. Tout le reste est éliminé ou réduit à la portion congrue (description de lieux, déplacements, affects des personnages).

Est-ce que cela marche ? Curieusement, oui. Curieusement, car avec 8 « cartes » à jouer et 4 concurrents, la complexité des intrigues et le nombre de personnages demandent un effort de concentration important, et la densité des informations utiles n'arrange rien. Oui, car l'écriture est précise, le style plaisant, et l'univers captivant.





Le style de narration est très particulier, avec cette voix off qu'on trouve dans certains films. Ici, le procédé est encore plus spécifique, puisque la voix off est intimement liée à une caméra fictive représentant ce qui nous est donné de lire ou de voir. Un procédé qui fonctionne très bien dans le film Dogville. Je ne l'avais encore jamais vu en littérature, et le résultat est pour le moins surprenant. Déstabilisant au départ, je l'ai trouvé parfois agaçant, cela donne l'impression d'un outil magique permettant à l'autrice d'ignorer royalement les contraintes narratives habituelles. Dans les faits, la caméra suit la plupart du temps Thene, mais se permet quelques escapades, et parfois elle s'interdit certaines conversations. Au crédit de l'autrice, son style très libre et inventif, servi par une écriture précise, fait bien passer cette narration off. De plus, celle-ci est peut-être justifiée par l'intrigue elle-même, mais ce n'est qu'une spéculation à ce stade de la trilogie.





L'écriture est travaillée, avec un vocabulaire et langage qui rend très bien le lieur et l'époque :



« Je me suis entretenue avec certaines dames qui ne font guère d'efforts pour déguiser les raisons de leur présence. »





Les petits défauts maintenant :



Peu d'empathie pour les personnages, ce qui est une conséquence du choix de ne présenter presque exclusivement que les faits et le déroulement de l'intrigue. Même Thene, le personnage principal, souffre de ce problème, mais dans son cas, c'est plus lié à sa personnalité, tout en retenue.



Divers aspects peu crédibles ou inexpliqués :

- Le Serpent, c'est qui ???

- On parle à un moment d'un garçon assassiné et néanmoins enterré avec sa bague.

- Page 75, on lit que la Maison n'est là que depuis quelques mois, or deux personnages au moins affirment y avoir joué dans le passé.

- Malgré l'introduction censée expliquer la forte personnalité de Thene, on a du mal a comprendre comment elle se révèle subitement si clairvoyante et si habile à manœuvrer politiquement. Elle semble aussi savoir plus de choses sur la ville et ses habitants qu'une femme de sa condition.

- Basiquement, qu'est-ce qui empêche un personnage mécontent de mettre son poing dans la gueule (au minimum) à la Maîtresse des jeux ?





C'est globalement une très belle découverte pour moi que le premier tome de cette trilogie.

J'imagine que les suivants reprendront exactement la même structure (ce serait logique).



L'idée d'associer intrigues et jeux de pouvoir avec les cartes du jeu de Tarot (et ses personnages) évoque furieusement le grand classique de Roger Zelazny : Le Cycle des Princes d'Ambre.



Quant à l'idée classique d'une entité ou d'une communauté tirant les ficelles de la civilisation à travers l'histoire, Ugo Bellagamba en donne un bel exemple dans « L'origine des victoires ».
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La Maison des Jeux, tome 2 : Le voleur

Qui n’a jamais joué à cache-cache, quand il était gosse ? Souvenez-vous de la satisfaction immense que vous retiriez lorsque vous aviez une cachette tellement géniale que personne n’avait réussi à vous trouver !



Eh bien, dans cette novella, nous allons jouer à cache-cache, mais avec des règles plus poussées que celle de notre enfance.



Plateau de jeu ? Toute la Thaïlande ! L’inconvénient, c'est que Remy Burke, celui qui doit se cacher, est grand et Blanc et que le jeu est déséquilibré, le chercheur ayant bien plus de cartes dans sa main que lui.



Dans cette novella, les cartes sont des personnes que l’on joue et les enjeux ne sont pas que des mises monétaires.



Vous pourriez très bien, en perdant, gagner les hémorroïdes de votre adversaire ou gagner sa compréhension du Japonais médiéval, ou bien perdre 20 ans de votre vie (ou les gagner)… TOUT peut-être mis en jeu.



Cette partie de cache-cache commence comme une bonne chasse à l’Homme (sauf qu’on ne peut le tuer, en principe) : Remy Burke est poursuivi par Abhik Lee, il n’a que peu de cartes en main, il est facilement repérable et il n’a pas la carrure pour ce genre de jeu.



Le narrateur ? On ne sait pas. On dirait des esprits qui se faufilent et voient tout, nous l’expliquant ensuite. C’est un procédé qui fonctionne bien dans cette série de novella.



Le suspense est au rendez-vous et la tension aussi. N’allez pas croire que c’est juste une partie de "je me cache et tu essaies de me trouver", non, non, cela va bien plus loin que cela.



La Maison des Jeux est une institution toute-puissante, elle défait des gouvernements, elle place des hommes au pouvoir, le tout par l’entremise de ses jeux et de ses joueurs.



Il y a des complots dans l’air et depuis le premier tome, on sent qu’il se passe des choses pas nettes dans les coulisses, ce deuxième tome confirmant que ça magouille, sans que l’on sache encore ce que cela va donner, même si, vu l’année (1938), on sent venir l’affaire. Cela risque d’être épique.



"Le Serpent" nous présentait la Maison des Jeux, ses règlements et la partie jouée avait été hautement stratégique. Dans Le Voleur, je pensais que celle-ci le serait moins, mais non, la stratégie est bien présente, elle est magnifique, même et inattendue.



Une fois de plus, j’ai été bluffée par les joueurs et pas l’autrice qui a su mener sa barque pour nous amener là où il fallait, ménageant le suspense, les mystères, les magouilles politiques et me clouant sur place avec le final de cette novella.



Excellent, je n’ai rien d’autre à ajouter.


Lien : https://thecanniballecteur.w..
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La Maison des Jeux, tome 2 : Le voleur

Incroyable mais vrai, Catherine Webb change tout, ou presque !

Je veux dire, certaines trilogies sont par essence itératives : elles reproduisent à chaque épisode le même schéma, ainsi Hunger Games, pour reprendre un exemple bien connu. Or dans le premier volet de La Maison des jeux, l'autrice avait réussi l'exploit de transformer un quasi-ovni littéraire en énorme succès. L'effort fait, il suffisait de dérouler, de réinstancier et réinstancier encore. Ne changeons pas une recette qui fonctionne ! Quel auteur (et quel éditeur) penserait différemment ? Réponse : Catherine Webb ! Plus de travail, plus de risques, et rien que ça, ça dit beaucoup.





Ce deuxième tome voit se dérouler une autre partie, un autre jeu. Cette base-là n'a pas changé, non plus que le fonctionnement de la Maison des jeux, dont on découvre un peu plus les ramifications et les secrets. L'arène change de lieu et d'époque, ce qui était attendu. Ici, on est dans le Siam, juste avant qu'il prenne l'actuel nom de Thaïlande (à la veille de la Seconde Guerre mondiale).



On suit encore un personnage principal, mais ce n'est plus Thene. C'était pourtant possible, étant donné que dans cet univers les joueurs très doués peuvent vivre très longtemps. Il suffisait de s'appuyer sur le capital sympathie dont pouvait bénéficier la jeune femme, et de développer son intrigue. Mais l'autrice ne cherche pas la facilité. Remy Burke, le nouveau personnage, est très différent : expérimenté, plus âgé, et passablement... soûl ! Il ne bénéficie pas non plus d'une longue introduction sur son passé. Ici l'action débute dès la première page. Ce n'est pas déroutant, car après tout, on sait comment cela fonctionne.



Les enjeux ont changé : dans la partie du premier tome, il s'agissait simplement d'accéder à la Haute Loge. Les nouveaux enjeux sont plus intéressants et surtout plus représentatifs des défis auxquels se livrent inlassablement les Joueurs : vol de vie, de talent ou de connaissance. Remy a pour sa part misé l'intégralité de ses souvenirs. Pourquoi avoir pris un tel risque ? Seul le fait qu'il était ivre semble expliquer ce coup de tête, et même si cet enjeu m'a paru un peu bizarre, il est bien expliqué par la suite.



J'en viens aux gros bouleversements.



Ma plus grosse déception est que le jeu des « cartes » au cours de la partie, s'il est toujours de mise, est passé à l'arrière-plan, au sens propre comme au sens figuré.

- Au sens propre, car celui qui en fait usage dans l'essentiel du texte n'est pas Remy mais son adversaire lequel est à l'arrière-plan de la narration.

- Au sens figuré, car cet aspect du jeu est largement atténué.

Dans le premier tome, les cartes étaient décrites en tant que telles, puis chaque usage faisait l'objet d'un chapitre, avec une belle introduction du personnage correspondant (« la pièce ») et une intrigue

spécifique, éventuellement poursuivie dans des chapitres ultérieurs. C'était pour moi l'aspect le plus original, le plus fun et le plus addictif du roman. J'ai donc été déçu mais aussi surpris de voir que l'autrice ne l'avait pas repris. On annonce juste une liste de quelques professions, et il nous revient de reconnaître celles qui seront utilisées par l'adversaire (si on le souhaite).



Deuxième gros changement : la nature du jeu, et du coup le genre du récit.

D'un jeu de pouvoir politique, on passe à un jeu de course-poursuite.

Du roman d'enquête, on passe au roman d'action.

Il y a là de quoi plaire ou décevoir, selon les goûts de chacun. Personnellement, j'ai aimé les deux thématiques, mais je reste impressionné par la prise de risque, sachant que le premier tome avait déjà rencontré son public. Évidemment, l'autrice a très bien pu écrire les trois tomes d'un trait...

Point positif, elle a éliminé toute la complexité peut-être excessive du premier tome : l'action des 4 joueurs déployant simultanément leurs propres « pièces » générait une complexité folle d'intrigues pour un texte si court. Dans ce tome, il n'y a plus que 2 joueurs et il ne s'agit plus de complots mais d'une bête course-poursuite (une partie de cache-cache). De plus, la partie se joue en deux temps, et seul le « chasseur » peut utiliser ses cartes, ce qui réduit encore la complexité. Enfin, l'essentiel du récit se concentre sur la fuite de Remy, ce qui confère au récit simplicité et linéarité, tout en renforçant le suspense et l'immersion.



Côté écriture, le passé remplace le présent. Pourquoi changer ce qui fonctionnait ? Belle prise de risque en tout cas.

Le style est toujours au top, peut-être même encore plus fou-fou et créatif, et avec des pointes d'humour que je n'avais pas remarquées dans le premier tome.





Côté divertissement, le thème de la chasse à l'homme est une valeur sûre. Ce choix est assez étonnant dans le contexte du Jeu, mais ma foi... Quant à la réalisation, rien à redire, on ne lâche pas le bouquin ! Une longue chasse à travers la Thaïlande qui a ravivé les souvenirs que j'avais de ce pays dépaysant. L'autrice semble s'être baladée dans cet exercice tant le choix des péripéties paraît inspiré, voire aléatoire, tout en restant crédible.



Et puis, il y a cette fameuse dissymétrie. Je veux parler de la durée des deux manches, et en conséquence, des pages qui leur sont consacrées.





Ce beau récit m'a aussi fait penser à La Main gauche de la nuit, que j'ai lu il n'y a pas très longtemps. Dans la longue fuite de Rémy, je voyais l'exil d'Estraven. Il y a aussi cette idée très bien rendue dans les deux récits que la confrontation avec une nature rude et inamicale, l'expérience de la solitude prolongée, sont de nature à faire évoluer sa perception des choses.
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Sweet Harmony

Après un premier passage remarqué dans la collection « Une Heure Lumière » du Bélial avec sa trilogie « La Maison des Jeux », Claire North revient en ce début d’année avec une autre novella, « Sweet Harmony ». L’autrice opte cette fois pour la SF et met en scène dans un futur plus ou moins proche une jeune femme d’une vingtaine d’années, Harmony Meads, qui vivait jusque là une vie de privilégiée dans les beaux quartiers de Londres. Certes, elle ne gagne pas une fortune en tant qu’agente immobilière, mais grâce à son fournisseur de santé Fulllife, elle dispose de quantité d’extensions qui, au moyen de nanos, sculptent son corps, le préservent et lui donnent un nombre considérable d’avantages qui lui permettront sans doute, à terme, de monter très haut. Seulement voilà, toutes ces extensions qui musclent, retirent la graisse, donnent un teint frais, des dents parfaites ou encore un maintien superbe, coûtent cher. Trop cher. Lorsque, un matin, la jeune femme se réveille contre toute attente avec un bouton sur le visage, elle apprend que l’entreprise Fullife a décidé d’arrêter la majorité de ses extensions (sauf celles qui préservent sa santé) et ne les réactiveront que lorsqu’elle se sera acquittée de la coquette somme qu’elle leur doit. Très vite, des désagréments totalement oubliés viennent se rappeler à son bon souvenir : cellulites, bourrelets, acné, mal de dos… Évidemment, cela va avoir un impact sur l’image qu’elle a d’elle-même, mais aussi sur sa carrière puisqu’on lui fait vite comprendre que, sans son physique de rêve bâti artificiellement, elle ne convient plus pour exercer dans une prestigieuse agence de la capitale londonienne. Une lente descente aux Enfers commence alors pour Harmony, qui est également rattrapée par tous les crédits à la consommation qu’elle avait contracté afin de se payer ses extensions.



La novella de Claire North est une satire ainsi grinçante de la dictature des apparences et de ce qu’elle peut nous pousser à faire. Tout est faux, chez Harmony, sauf sa détresse qui aura au moins le bienfait de lui faire prendre du recul sur ses choix de vie et sera à l’origine de rares moments de sincérité. Le texte est habilement construit dans le sens où il alterne entre différentes périodes de la vie de la jeune femme que l’on découvre à la fois au moment du « drame » mais aussi avant, l’autrice remontant progressivement le fil de sa vie pour que le lecteur comprenne comment elle en est arrivée là. La perception que l’on a de l’héroïne change alors subrepticement à mesure que l’on découvre les circonstances dans lesquelles elle a souscrit toutes ces extensions, notamment une relation toxique avec un conjoint manipulateur et particulièrement odieux. Ces aller retour dans le temps renforcent le dynamisme du texte qui se lit d’autant plus rapidement que la plume de Claire North se révèle toujours aussi agréable. Harmony n’est pourtant pas une protagoniste très attachante : le désespoir et la colère la rendent agressive, elle est obnubilée par son image et son corps qu’elle souhaite parfait, et surtout elle porte un regard plein de mépris sur celles et ceux qui n’ont pas été capables, selon elle, de « s’augmenter » de façon aussi efficace et judicieuse qu’elle. La Haromny plus jeune, en revanche, suscite plus d’empathie au point que, quand bien même on sait parfaitement quel sera le chemin qu’elle empruntera, on espère malgré tout qu’elle parviendra à se sortir de sa situation en apparence inextricable. L’autrice nous donne finalement assez peu d’aperçus de la société du future dans laquelle évolue Haromny puisqu’elle se consacre exclusivement au parcours de son personnage, mais, celle-ci étant le reflet de son époque, on parvient à se faire d’elle une image assez précise. Avec beaucoup de mordant, Claire North dresse donc en filigrane le portrait d’une société cynique, uniquement focalisée sur l’apparence, où le corps peut être modifié à l’envie et est désormais lui aussi considéré comme un bien de consommation comme un autre.



Avec « Sweet Harmony », Claire North dresse le portrait d’une société futuriste glaçante dans laquelle les humains ont la possibilité de modifier leur corps à l’envie pour se rendre plus jeunes, plus beaux, plus charismatiques. A travers la descente aux Enfers d’une jeune femme engluée dans les crédits à la consommation et forcée de renouer avec son corps naturel, l’autrice nous propose une satire assez caustique de l’un des travers de notre société moderne, le culte de l’apparence.
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