Citations de Claire Ubac (44)
- Elle voulait pas que je vienne au terrain parce qu'elle a peur des voitures, c'est pour ça ! [...]
- Ouais, c'est normal, là-bas en France ils ont des bolides, alors ils rentrent leurs enfants vite fait après l'école, sinon ils finissent tous zigouillés sous les roues !
En fait, il n'est pas loin de lui en vouloir de ses cheveux blond-blanc, de ses yeux bleus et de son accent françaouïa. Si seulement son physique ne se détachait pas des autres mères d'ici. Cela lui éviterait, à lui, d'être humilié au son de l'horrible "Ouled Roumia"...
Farid se tait et Sélim parle, envoûté à son tour par un souvenir :
- Moi, confie-t-il, c'est ma voisine du troisième. La mère Kahina, tu la verras quand tu viendras. Sa djellaba, elle l'a sortie direct de la poubelle et sa tête, on dirait une sorcière. Elle passe son temps dans l'escalier, à marmotter entre ses dents. Il lui en reste six dans la bouche... et encore, sur les six, il y en a au moins quatre noires. Elle était devenue mon cauchemar, je croyais qu'elle jetait des sorts, avec ces mots en kabyle que je ne comprenais pas...
Allongés côte à côte, Farid dans son lit et Sélim sur le matelas disposé par terre, ils examinent ensemble les fameuses questions dont ils sont les seuls au monde à se préoccuper. Parfois, ils s'aventurent sur des terrains brûlants :
- Il paraît que si tu tiens à ta femme, il faut la lécher là où tu sais.
- N'importe quoi !
- Ne ris pas, espèce d'âne. C'est mon cousin qui me l'a dit. Elles en sont folles.
- C'est dégueulasse. Jamais je ne me marierai.
- Moi non plus !
Avant de connaître Saïd, Kamel et Sélim, Farid pensait que la solitude, c'est quand on n'a pas d'amis. Depuis qu'il est assailli par le Bouc, il s'aperçoit qu'il ne savait pas ce qu'est la solitude. La solitude, c'est avoir des amis tout en étant séparé d'eux. Leur parler avec l'impression que ta voix sonne faux ; bouger, jouer, rire tout en ayant l'impression de faire semblant. Te sentir honteux de les trahir parce que tu leur caches une chose importante. La solitude, c'est être malheureux sans être consolé [...]. La solitude, c'est n'avoir que des pensées menaçantes pour te tenir compagnie.
Le cœur se passe de parler, quand ce qu'il sent est impossible à peindre !
Elle lâche la main du berger et enserre son visage dans les siennes pendant qu'il reçoit son premier baiser. Il le lui rend avec fougue, elle n'est pas femme à se laisser distancer, il est lui-même vif et entreprenant, aussi les braises du feu ont le temps de perdre progressivement leur couleur, puis lâche un dernier filet de fumée et s'éteignent tout à fait avant que l'embrassement des amoureux prenne fin.
Elle enveloppe le berger d'un regard qui, s'il était bouche, le dévorerait tout entier sans laisser ni poils ni os.
Elle la met en veilleuse, mais sa pensée continue à phosphorer dans son esprit.
Un doute se lève dans son esprit avec l'insolence du vent qui s'engouffre dans un volet mal fermé.
Sur la princesse Jala, la nuit a déposé la chemise glacée du devoir.
Ma fille, apprenez une règle souvent utilisée pour gouverner une nation : l'hypocrisie.
Or, la réalité est à l'image de ce monde fabuleux où la féminité ordonne et soumet. car ici, la loi est formelle : pas d'homme au gouvernement.
Grâce à leur maîtresse dragonne, les monstrelets deviennent bientôt des bêtes à concours .... de sagesse !
Oskar mettait fin à la conversation avec une icône de doigt levé, l'autre une icône de tête de mort. Qui a dit qu'Internet favorisait les échanges ?
(p. 56)
L'attitude de Nouredine ressemble parfois à celle de ces chevreaux de quelques semaines, mi-curieux,mi-farouches.Ils viennent vers toi qui leur tends la main, puis au dernier moment font plusieurs cabrioles de côté en s'effrayant tout seuls. Deux minutes après, tu tournes le dos et ils sont de nouveau là.
-Par ma verrue caca d’oie, hier, prince, tu t’es moqué de moi. Beau tu étais, corbeau tu deviendras. Pendant deux cent ans, à mon service tu seras, et tu m’enseigneras l’inélégance. Et crois-moi, tu as encore de la chance !
Ils se sont tournés l'un vers l'autre et ça devait être assez comique pour chacun de voir les yeux de hibou de celui d'en face.
Dresse l'oreille de ton papier, écoute l'encre silencieuse, et referme la page par-dessus.
Le corps se traîne en limace, rêvant qu'on le déleste de ses vêtements et de sa chevelure lourde comme un serpent. Des odeurs violentes prennent le nez, parfums d'épices, senteur familière de poulailler, puanteur de fruits surs, d'urine ou de camphre. Les bruits sont vivants aux oreilles. Je commence à repérer la mélodie de la langue vietnamienne.